Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2A.425/2006
Zurück zum Index II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2006
Retour à l'indice II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2006


2A.425/2006 /svc

Arrêt du 30 avril 2007
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Merkli, Président,
Hungerbühler, Wurzburger, Yersin et Berthoud,
Juge suppléant.
Greffière: Mme Rochat.

A. ________ SA,
recourante, représentée par Me Christian Luscher, avocat,

contre

Office cantonal de l'emploi, rue des Glacis-de-Rive 4-6, case postale 3938,
1211 Genève 3,
Tribunal administratif du canton de Genève,
rue du Mont-Blanc 18, case postale 1956,
1211 Genève 1.

Autorisation de pratiquer la location de services,

recours de droit administratif contre l'arrêt du
Tribunal administratif du canton de Genève
du 30 mai 2006.

Faits :

A.
A. ________ SA (ci-après: A.________ ou la Société), sise dans le canton de
Genève, a pour but d'apporter à des entreprises commerciales une plus-value à
travers des conseils et des formations. Elle est principalement active dans
l'installation, la maintenance, le support et la formation d'un progiciel
appelé "SAP"qui offre une gamme complète de solutions répondant aux besoins
opérationnels de la gestion d'une entreprise, en particulier en matière de
comptabilité, de logistique et de ressources humaines.

Le 26 juillet 2004, un ancien employé de la Société, intéressé à se libérer
d'une clause de prohibition de concurrence, a dénoncé A.________ à l'Office
cantonal de l'emploi du canton de Genève (ci-après: l'Office cantonal) au
motif qu'elle pratiquait, pour une part de ses activités, la location de
services sans être au bénéfice d'une autorisation au sens de la loi fédérale
sur le service de l'emploi et la location de services du 6 octobre 1989 (LSE;
RS 823.11).

Sur la base de l'instruction à laquelle il a procédé, l'Office cantonal, par
décision du 1er mars 2005, a sommé A.________ de déposer une demande
d'autorisation de pratiquer la location de services jusqu'au 30 avril 2005 et
lui a formellement interdit d'offrir des services relevant de cette activité
tant qu'elle ne serait pas en possession des autorisations nécessaires, sous
la menace des sanctions prévues par les art. 292 CP et 39 al. 1 lettre a LSE.

B.
Saisi d'un recours contre la décision précitée, le Tribunal administratif du
canton de Genève l'a rejeté, par arrêt du 30 mai 2006 et a imparti à
A.________ un délai de soixante jours pour déposer auprès de l'Office
cantonal une demande de pratiquer la location de services. Se fondant sur les
déclarations recueillies auprès d'employés, d'anciens employés et de
représentants de certains clients de la Société, il a retenu que celle-ci
avait pratiqué la location de services en tous cas avec deux de ses clients,
les sociétés Skyguide SA et Philip Morris Europe SA/Philip Morris Products SA
(ci-après: Philip Morris SA). Au surplus, la décision attaquée respectait les
principes constitutionnels de l'égalité de traitement et de la liberté
économique.

C.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, A.________ demande au
Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt du
Tribunal administratif du 30 mai 2006 et de constater que ses activités ne
constituent pas de la location de services au sens de la LSE. Elle invoque
plusieurs violations de l'art. 12 al. 1 LSE en relation avec les art. 26 et
29 de l'ordonnance sur le service de l'emploi et la location de services du
16 janvier 1991 (OSE; RS 823.111).

Le Tribunal administratif persiste dans les considérants et le dispositif de
son arrêt. L'Office cantonal et le Département fédéral de l'économie
concluent au rejet du recours.

Les parties ont maintenu leurs conclusions au terme du second échange
d'écritures ordonné en application de l'art. 110 al. 4 OJ.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 132 I 140 consid. 1.1 p. 142).

1.1 L'arrêt attaqué a été rendu avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier
2007, de la nouvelle loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS
173.110). Le présent recours doit dès lors être examiné au regard des
dispositions de la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943
(OJ; art. 132 al. 1 LTF).

1.2 Déposé en temps utile et dans les formes prescrites par la loi, contre un
arrêt rendu en dernière instance cantonale et fondé sur le droit public
fédéral, le présent recours, qui ne tombe pas sous le coup d'une des
exceptions prévues aux art. 99 à 102 OJ, est en principe recevable en vertu
des art. 97 ss OJ, ainsi que de la règle particulière de l'art. 38 al. 1
lettre c LSE dans sa version en vigueur avant le 1er janvier 2007.

1.3 Au surplus, la recourante est atteinte par la décision attaquée et a un
intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée au sens de
l'art. 103 lettre a OJ, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le
recours.

2.
Selon l'art. 104 lettre a OJ, le recours de droit administratif peut être
formé pour violation du droit fédéral, y compris l'excès et l'abus du pouvoir
d'appréciation. Le Tribunal fédéral revoit d'office l'application du droit
fédéral, qui englobe notamment les droits constitutionnels du citoyen (ATF
130 I 312 consid. 1.2 p. 318; 130 III 707 consid. 3.1 p. 709), sans être lié
par les motifs invoqués par les parties (art. 114 al. 1 in fine OJ; cf. ATF
132 II 47 consid. 1.3 p. 50). En revanche, lorsque le recours est dirigé,
comme en l'occurrence, contre la décision d'une autorité judiciaire, le
Tribunal fédéral est lié par les faits constatés dans cette décision, sauf
s'ils sont manifestement inexacts ou incomplet ou s'ils ont été établis au
mépris de règles essentielles de procédure (art. 104 lettre b et 105 al. 2
OJ; ATF 132 II 21 consid. 2 p. 24). En outre, le Tribunal fédéral ne peut pas
revoir l'opportunité de la décision entreprise, le droit fédéral ne prévoyant
pas un tel examen en la matière (art. 104 lettre c ch. 3 OJ).

3.
3.1 A la suite de la dénonciation dont il a été saisi, l'Office cantonal a
procédé à différentes mesures d'instruction pour déterminer si la recourante
se livrait à des activités de location de services. Ces mesures l'ont amené à
examiner les relations contractuelles nouées par la recourante avec
différentes institutions ou sociétés, soit les Universités de Genève et
Lausanne, l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, Unicible, Philip Morris
SA, Richemont International SA, Skyguide SA et Edipresse Publications SA. Au
terme de son enquête, il est parvenu à la conclusion que la recourante
exerçait certaines activités ne relevant pas de la location de services, mais
qu'elle pratiquait également la location de services assujettie à
autorisation, sans préciser quels étaient les clients qu'il considérait comme
des locataires de services.

Pour sa part, le Tribunal administratif, après avoir entendu une employée,
deux anciens employés et quatre représentants de clients de la recourante,
soit de l'Université de Lausanne, de l'Université de Genève et des sociétés
Richemont International SA et Skyguide SA, a retenu qu'il n'était pas
possible de déterminer, à la seule lecture des contrats produits, si la
recourante pratiquait la location de services mais qu'il ressortait des
dépositions des témoins entendus et des déclarations écrites de B.________,
de Philip Morris SA, que la recourante avait exercé une activité de location
de services en tous cas avec Skyguide SA et Philip Morris SA. En dépit de la
formulation quelque peu sibylline utilisée par le Tribunal administratif -
qui pourrait laisser croire que la recourante a loué les services de ses
employés à d'autres sociétés ou institutions - il faut admettre que la
qualification des prestations offertes à ces sociétés ou institutions exclut
l'hypothèse d'une location de services et que seule demeure litigieuse celle
des services fournis à Skyguide SA et Philip Morris SA.

3.2 L'art. 12 al. 1 LSE dispose que les employeurs (bailleurs de services)
qui font commerce de céder à des tiers (entreprises locataires de services)
les services de travailleurs doivent avoir obtenu une autorisation de
l'Office cantonal du travail. L'art. 26 OSE précise qu'est réputé bailleur de
services celui qui loue les services d'un travailleur à une entreprise
locataire en abandonnant à celle-ci l'essentiel de ses pouvoirs de direction
à l'égard du travailleur. Selon l'art. 27 al. 1 OSE, la location de services
comprend le travail temporaire, la mise à disposition de travailleurs à titre
principal (travail en régie) et la mise à disposition occasionnelle de
travailleurs. A teneur de l'art. 29 OSE, fait commerce de location de
services celui qui loue les services de travailleurs à des entreprises
locataires de manière régulière et dans l'intention de réaliser un profit ou
qui réalise par son activité de location de services un chiffre d'affaires
annuel de 100'000 fr. au moins (al. 1). Exerce régulièrement une telle
activité celui qui conclut avec les entreprises locataires, en l'espace de
douze mois, plus de dix contrats de location de services portant sur
l'engagement ininterrompu d'un travailleur individuel ou d'un groupe de
travailleurs (al. 2).

Dans son Message du 27 novembre 1985 concernant la révision de la LSE (FF 185
III p. 581 ss), le Conseil fédéral apportait les précisions suivantes au
sujet de la notion de location de services:
"La caractéristique principale de cette dernière est la cession à des fins
lucratives, c'est-à-dire régulière et contre rémunération, de travailleurs à
d'autres employeurs. [...] Il faut cependant distinguer le contrat de
location de services du contrat d'entreprise ou de montage. La cession à
l'entreprise locataire de services du droit de donner des instructions aux
travailleurs engagés est une caractéristique de la location de services. Au
contraire, l'entreprise de louage d'ouvrage ou l'entreprise de montage
s'engage auprès du donneur d'ouvrage à produire quelque chose. Elle équipe
les travailleurs et garde le droit de donner des instructions; le donneur
d'ouvrage reste passif. Etant donné qu'il faut s'attendre à des tentatives de
détourner la loi par le biais de "pseudo contrats de louage" et de "contrats
de montage", la définition du 1er alinéa est intentionnellement large; elle
implique que la loi est également applicable aux entreprises dont les
travailleurs, sur la base de contrats d'entreprise ou de montage ou d'autres
formes analogues, exécutent des travaux pour des tiers qui s'en chargent
habituellement eux-mêmes, c'est-à-dire qui sont spécifiques à la branche (p.
ex. travaux de construction dans le cas d'une entreprise de construction)".
Dans ses directives et commentaires relatifs à la LSE et à l'OSE, publiés en
2003, le Secrétariat d'Etat à l'économie relève que la distinction entre les
contrats de mise à disposition de travailleurs et ceux qui visent l'offre
d'une prestation de nature différente à effectuer auprès d'un tiers n'est pas
aisée et qu'à cet égard, le nom que les parties donnent au contrat n'est pas
déterminant; la distinction doit se faire dans chaque cas d'espèce, en
s'appuyant sur le contenu du contrat, la description du poste et la situation
du travail concrète dans l'entreprise locataire. Dans ce sens, il n'y a pas
de contrat de location de services lorsque:

a) l'entreprise de mission n'a pas le pouvoir de direction;
b) le travailleur ne se sert pas des outils, du matériel et des
  instruments de l'entreprise de mission;
c) le travailleur ne travaille pas exclusivement au siège selon les
  horaires de travail de l'entreprise de mission;
d) le contrat conclu entre l'entrepreneur et l'entreprise de mission
 n'a pas pour objet primordial la facturation d'heures de travail,
  mais la réalisation d'un objectif clairement défini contre
une   certaine rémunération;
e) en cas de non réalisation de cet objectif, l'entrepreneur garantit
 à l'entreprise de mission des prestations réparatoires gratuites
 ou des réductions des honoraires.

4.
Dans un premier grief de violation de l'art. 12 al. 1 LSE, en relation avec
l'art. 26 OSE, la recourante reproche au Tribunal administratif d'avoir
renoncé à examiner les contrats conclus avec Skyguide SA et Philip Morris SA
pour fonder son jugement sur la seule base des témoignages recueillis. S'il
avait analysé la nature des obligations assumées par les parties à teneur de
ces contrats, il serait parvenu à la conclusion que la recourante s'engageait
à réaliser un ouvrage (contrat d'entreprise) ou à fournir un service défini
(contrat de mandat) et que ses prestations, relevant du domaine de
l'informatique, n'étaient pas spécifiques à la branche d'activité de ses
clients, comme c'est le cas en matière de location de services.

L'arrêt entrepris retient qu'il n'est pas nécessaire ni utile d'examiner le
contenu des contrats conclus par la recourante dès lors que l'Office cantonal
avait admis qu'ils prévoyaient que la recourante veillait à la qualité des
prestations de ses employés, qu'elle était pénalisée en cas de dépassement de
délai et qu'à la lecture de ces documents, il n'était pas possible de
conclure qu'elle pratiquait la location de services. Le Tribunal
administratif a donc implicitement admis que, d'une manière générale, les
prestations offertes contractuellement par la recourante ne relevaient pas de
la location de services mais a néanmoins considéré, sur la foi des
témoignages recueillis, que la recourante avait pratiqué, dans les faits, la
location de services au profit de deux clients, les sociétés Skyguide SA et
Philip Morris SA.

Le grief de la recourante n'est pas dénué de fondement dans la mesure où le
Tribunal administratif, qui n'a évoqué ni la simulation, ni la fraude à la
loi de la part des parties signataires des deux contrats litigieux, n'a guère
développé les motifs pour lesquels ces contrats, qualifiés initialement de
mandats ou de contrats d'entreprise, devaient, en fin de compte, être
considérés comme des contrats de location de services. Le Tribunal
administratif s'est au demeurant contenté de la production du projet de
contrat proposé par la recourante à Skyguide SA et des contrats en anglais
passés avec Philip Morris SA. Il convient donc d'analyser les relations
juridiques nouées par la recourante avec ces deux sociétés, tant au regard du
contenu des contrats signés que des modalités d'exécution de ceux-ci, telles
qu'elles peuvent ressortir des déclarations et témoignages produits.

5.
Dans un second grief de violation de l'art. 12 al. 1 LSE, toujours en
relation avec l'art. 26 OSE, la recourante fait valoir que la nature des
contrats conclus avec Skyguide SA et Philip Morris SA, ainsi que l'étendue de
la responsabilité engagée, permettent d'exclure la simple location de
services.

5.1 Dans l'offre qu'elle a présentée à Skyguide SA le 24 septembre 2003, la
recourante proposait de mettre à la disposition de celle-ci sa connaissance
et ses compétences pour mener à bien la mission de mise en oeuvre de la
gestion de la formation sous SAP. Cette mission se composait d'un volume
d'environ 15 jours, délivré selon le mode de régie, à la demande de Skyguide
SA. Elle nécessitait un consultant fonctionnel, au prix journalier de 1'900
fr. et un consultant technique, au prix journalier de 1'450 fr., avec leur
remplaçant respectif.

Plus concrètement, C.________, responsable de SAP au sein de Skyguide SA, a
exposé lors de sa déposition auprès du Tribunal administratif que la société
avait eu besoin d'une réalisation particulière dans le cadre d'un projet en
ressources humaines et qu'elle ne disposait pas des compétences internes pour
procéder aux adaptations nécessaires. D'une manière générale, Skyguide SA
confiait des mandats à des entreprises externes en cas de besoin d'une
adaptation ou d'un paramétrage particulier dans son logiciel, en particulier
lorsqu'il s'agissait d'intervenir sur une partie du module qu'elle ne
maîtrisait pas suffisamment. Dans les missions de courte durée, elle
attendait de l'intervenant qu'il résolve le problème qu'elle avait elle-même
ciblé; elle surveillait son activité et pouvait lui donner des instructions.

Pour sa part, D.________, employée de la recourante, au bénéfice d'une
formation en ressources humaines, a expliqué lors de son audition par le juge
délégué du Tribunal administratif qu'elle était intervenue auprès de Skyguide
SA pour aider à installer un module précis de progiciel du client. Son
intervention se limitait à des conseils et de la supervision, par
demi-journée; elle vérifiait que la démarche, placée sous la responsabilité
d'un chef de projet interne, soit cohérente et que le système soit
fonctionnel. Elle a précisé que, pour toutes ses interventions, la recourante
s'assurait que le client disposait des compétences d'utilisation du logiciel
avant la fin de la mission et qu'elle préparait toujours une documentation
détaillée.

Il découle donc de ces éléments que la recourante ne s'est pas limitée à
offrir à Skyguide SA une simple location de services. Elle a au contraire mis
à la disposition de sa cliente des compétences particulières dont Skyguide SA
ne disposait pas à l'interne. Elle n'a pas seulement fourni des forces de
travail dont sa cliente serait momentanément privée mais a apporté une
plus-value dans un but bien défini; dans ce sens, elle a assumé une
obligation de résultat et pas seulement de moyens. Le fait que le chef de
projet était un employé de Skyguide SA, qui a pu être amené à donner des
instructions et à exercer une certaine surveillance, n'est pas de nature à
conférer aux prestations offertes par la recourante les caractéristiques
d'une location de services. En outre, les conditions générales attachées aux
commandes de Skyguide SA prévoient que la recourante fournit une garantie de
ses prestations, en sa qualité de spécialiste. C.________ a d'ailleurs relevé
que Skyguide SA exigeait une telle garantie de la part des intervenants
extérieurs. Enfin, l'affirmation de ce témoin selon laquelle Skyguide SA
n'engageait jamais du personnel temporaire, ainsi que la prise en charge par
la recourante des heures de travail nécessaires au remplaçant de l'un de ses
collaborateurs pour se familiariser avec le programme SAP de la cliente
constituent des indices qui renforcent la thèse de la recourante.
Les prestations offertes par la recourante à Skyguide SA ne relèvent donc pas
de la location de services.

5.2 Bien qu'il ait admis que la recourante fournissait à ses clients de
l'expertise, de la formation et du transfert de compétences - et non pas
uniquement de la simple main-d'oeuvre - le Tribunal administratif a toutefois
considéré que la recourante avait également pratiqué la location de services
dans ses relations contractuelles avec Philip Morris SA. Il s'est
essentiellement fondé sur la déposition de deux témoins, E.________ et
F.________, anciens employés de la recourante, ainsi que sur la réponse
écrite donnée le 31 août 2004 aux questions de l'Office cantonal par
B.________, IS Manager Swiss SAP Systems auprès de Philip Morris SA. Il
importe donc de déterminer si les explications recueillies suffisent, au
regard des relations contractuelles liant les parties, des obligations à
assumer et des prestations offertes par la recourante, pour affirmer que
celle-ci n'est intervenue auprès de Philip Morris SA qu'en qualité de simple
bailleur de services.

5.2.1 Dans un premier contrat conclu en 2001, la recourante s'est engagée à
fournir des prestations de soutien et de conseil en relation avec
l'adaptation du module de gestion SAP R/3 pour les systèmes existants au
quartier général de Philip Morris SA. En sa qualité de consultant
indépendant, la recourante assumait seule la responsabilité de son personnel
et devait remédier au plus vite à tout problème qui pourrait survenir en
relation avec le travail de ce dernier; elle s'engageait ainsi à fournir deux
employés compétents pour les services requis par Philip Morris SA, l'un du
1er octobre au 18 décembre 2001, au tarif de 1'500 fr. la journée, l'autre du
20 août au 31 décembre 2001, au tarif quotidien de 2'000 fr. Le contrat signé
en 2002 prévoyait la collaboration de la recourante aux activités SAP
ressources humaines relatives aux projets SHARP suisse. Elle mettait à
disposition de la Compagnie deux personnes particulièrement compétentes pour
les tâches requises, l'une pour une période de quarante jours maximum à
raison de 1'700 fr. par jour et l'autre pendant 30 jours maximum à raison de
2'200 fr. par jour. La mission de ces deux personnes a été prolongée pour la
période du 1er mars au 31 décembre 2003, au tarif journalier de 1'600 fr. et
2'000 fr., respectivement, dans deux contrats, datés des 27 juillet et 6 août
2003. Ces contrats obligeaient la recourante à fournir, selon les
spécifications fournies par Philip Morris SA, des services en matière de
développement et/ou entretien des systèmes en ressources humaines SAP, de
conseil et d'assistance, de développement des fonctions, de coordination et
de formation. Ils contenaient une clause selon laquelle la recourante
s'engageait à remettre périodiquement à Philip Morris SA des rapports sur
l'état d'avancement de ses travaux dans une forme agréée par celle-ci. Les
quatre contrats conclus avec Philip Morris SA prévoyaient également
l'obligation pour la recourante d'indemniser sa cliente des dommages que ses
employés pourraient occasionner dans l'exercice de leur activité
professionnelle, notamment en cas de perte de données.

L'examen des contrats en cause laisse donc apparaître que la recourante a
offert des prestations de pointe en matière informatique, incluant non
seulement du conseil et de l'assistance, mais également des activités de
développement, de coordination et de formation. L'étendue et la spécificité
de ces activités justifient probablement le tarif élevé qui a été convenu.
Les prestations de la recourante étaient par ailleurs fournies dans un but
bien défini, arrêté d'entente avec Philip Morris SA, et selon un programme
préétabli dont la recourante devait rendre compte. Il ressort également des
documents en question que Philip Morris SA s'est réservé la faculté de donner
des instructions quant au déroulement des opérations et de garder la maîtrise
du projet. En matière de responsabilité, la recourante a pris des engagement
d'indemnisation en cas de dommages causés par ses collaborateurs. Philip
Morris SA gardait ainsi la haute main sur l'opérateur et sur son système SAP,
tout en considérant A.________ comme le prestataire de services dont  elle
est seule responsable.

5.2.2 E.________ a expliqué qu'elle était intervenue dans le cadre de
l'installation du progiciel SAP de Philip Morris SA en deux temps. Dans un
premier temps, elle s'est occupée de la mise en place de la sécurité sur le
système global, en rédigeant un projet qui structurait les autorisations
d'accès. Elle a ensuite testé la programmation effectuée par Philip Morris SA
à New York et a transmis les modifications à faire. Pendant cette phase, elle
se référait régulièrement à son supérieur auprès de la recourante. Dans un
deuxième temps, l'intéressée a participé à l'intervention sur le système
suisse de Philip Morris SA, qui mobilisait une quinzaine de personnes, soit
deux à quatre employés de la recourante, les autres étant des collaborateurs
de Philip Morris SA. Elle rencontrait régulièrement ses collègues de travail,
à raison d'une fois par mois. En tant que consultante, E.________ proposait
des solutions et Philip Morris SA opérait les choix stratégiques qu'elle-même
mettait en oeuvre par la suite. Pendant toute la durée de sa mission, elle a
reçu des instructions générales du chef de projet de Philip Morris SA, à qui
elle s'adressait en cas de besoin. Ses supérieurs hiérarchiques au sein de la
recourante connaissaient sa mission au début, moins par la suite. Pendant sa
maladie, son salaire avait été payé intégralement par A.________ qui l'avait
remplacée auprès de Philip Morris SA.

F. ________, dont le Tribunal administratif a considéré que ses déclarations
devaient être examinées avec prudence dans la mesure où il travaillait dans
une société concurrente avec laquelle la recourante était en procès, a exposé
que son rôle auprès de Philip Morris SA avait essentiellement consisté en des
activités de support, avec des demandes occasionnelles d'améliorations de
données existantes et de formation à l'usage de collaborateurs de Philip
Morris SA. S'il avait des contacts tous les deux mois avec l'ensemble de
l'équipe de la recourante, ainsi qu'avec son responsable au sein de celle-ci,
il travaillait sous la responsabilité du client. Philip Morris SA conservait
la maîtrise de son progiciel et disposait des compétences à l'interne, mais
n'avait pas le personnel suffisant pour assurer la maintenance de façon
indépendante.

Dans sa réponse du 31 août 2004, B.________, en sa qualité de responsable de
la mise en place du progiciel SAP chez Philip Morris SA, a relevé que la
recourante n'avait pas eu la maîtrise générale des moyens techniques et de la
planification des activités liées à la mise en place des fonctionnalités du
progiciel SAP, que Philip Morris SA avait pour habitude de conserver en
interne la gestion et la responsabilité des activités informatiques, qu'il
lui semblait ainsi difficile pour A.________ de pouvoir garantir un résultat
et que le rôle de la recourante s'était limité à fournir du personnel tenu
d'utiliser les environnements informatiques, les outils et les méthodes de
travail de Philip Morris SA.

Les témoignages recueillis confirment que Philip Morris SA avait conservé à
l'interne la maîtrise et la planification du projet auquel la recourante a
participé. Si E.________ a développé une activité créative, en proposant des
solutions devant faciliter les choix stratégiques de Philip Morris SA,
F.________ a décrit une activité principale plus restreinte, qu'il a
assimilée à la mise à disposition de ressources plutôt que de compétences.
Même si la recourante organisait régulièrement des rencontres des différents
intervenants auprès de Philip Morris SA, elle s'était progressivement
détachée du contrôle de la mission confiée à ses employés. Cette circonstance
a amené B.________ à considérer que le rôle de la recourante s'était limité à
fournir du personnel et à douter que la recourante ait été tenue par une
obligation de résultat.

5.2.3 Les déclarations de B.________ et, dans une moindre mesure, de
F.________, prises isolément, sont de nature à établir l'existence de
relations juridiques relevant ou s'approchant de la location de services. En
effet, la mise à disposition de personnel placé sous la seule responsabilité
du locataire de services, en dehors de tout contrôle d'un bailleur tenu à une
simple obligation de moyens, sont caractéristiques de ce type de prestations.
Les propos de B.________ doivent cependant être appréciés au regard de
l'ensemble des relations contractuelles établies. La perception que les
clients de la recourante peuvent avoir de la nature des prestations offertes
et de leur qualification juridique peut en effet se révéler quelque peu
réductrice. C'est ainsi que G.________, d'Edipresse Publications SA, a tenu
des propos analogues à ceux de B.________ sans que le Tribunal administratif
qualifie pour autant les services fournis par la recourante à cette cliente
de location de services. Les explications de B.________ présentent en outre
certaines contradictions avec la définition des tâches confiées à teneur des
contrats conclus, à l'élaboration desquels il a participé et qu'il a lui-même
ratifiés après examen des services juridiques de Philip Morris SA. Cela peut
notamment s'expliquer par le fait qu'il entendait valoriser son propre rôle
de responsable du projet SAP.  Quoi qu'il en soit, il est établi que la
recourante a été associée dès le départ à un projet pour lequel elle devait
fournir des prestations prédéfinies. Il était notamment prévu que la
recourante rende régulièrement compte de l'état d'avancement de sa mission.
Elle a d'ailleurs organisé, à intervalles réguliers, des rencontres
réunissant ses intervenants dans le projet de Philip Morris SA, dans le souci
de s'assurer de la bonne exécution des services promis. Les obligations
assumées par la recourante dépassaient donc celles qu'instaure une simple
location de services. Dans ces conditions, on ne saurait admettre que la
recourante n'était tenue à aucune obligation de résultat et qu'elle avait
abandonné le contrôle de ses collaborateurs.

Les affirmations de F.________, selon lesquelles la recourante fournissait
essentiellement des forces de travail en support et Philip Morris SA
disposait à l'interne des compétences pour assumer les tâches dévolues aux
employés de la recourante, ne sont guère convaincantes. L'intéressé a
d'ailleurs admis qu'il avait été occasionnellement chargé de travaux
d'améliorations de données existantes et de formation à l'usage des
collaborateurs de Philip Morris SA. En outre, le besoin de cette société de
s'adjoindre certaines compétences dont elle était dépourvue ressort
clairement des contrats qu'elle a passés.
Il n'est pas contesté que les employés de la recourante travaillaient sous la
direction d'un chef de projet interne, qui leur donnait les instructions
générales nécessaires à l'exécution de leur mission. Cette circonstance,
caractéristique du souci de Philip Morris SA de conserver la maîtrise du
projet initié, ne suffit cependant pas à qualifier les prestations de la
recourante de location de services. Pas plus que l'obligation faite aux
employés de la recourante de respecter les méthodes de travail et les
procédures de l'entreprise. De telles modalités d'exécution ne sont pas
propres à la location de services, mais se retrouvent aussi dans les contrats
d'entreprise ou de mandat.

Il faut voir également dans la responsabilité encourue par la recourante un
indice excluant la simple location de services. La responsabilité du bailleur
de services est en effet limitée au choix diligent du personnel délégué; en
s'engageant contractuellement à réparer tout dommage causé par ses employés,
notamment en cas de perte de données, la recourante a assumé une
responsabilité plus étendue. De la même manière, les dispositions prises par
la recourante pour remédier à ses frais aux conséquences de l'incapacité de
travail dont E.________ a été victime pendant sa mission ne peut s'expliquer
que par le souci de la recourante de répondre à une obligation de résultat,
préoccupation généralement étrangère à la simple mise à disposition de forces
de travail.

En dépit des dépositions et déclarations recueillies qui pourraient, à
première vue, permettre de qualifier les prestations de la recourante de
location de services, il faut admettre qu'au vu de l'ensemble des
circonstances, ces prestations ont dépassé celles offertes par un bailleur de
services et que les relations contractuelles établies avec Philip Morris SA
ne justifient pas l'assujettissement de la recourante à la LSE.

5.3 L'arrêt entrepris doit en conséquence être réformé dans ce sens. Il est
dès lors superflu d'examiner le grief de violation de l'art. 12 al. 1 LSE en
relation avec l'art. 29 OSE (critère quantitatif de l'activité déterminant
l'assujettissement à la LSE).

6.
Vu ce qui précède, le recours doit être admis et l'arrêt attaqué réformé en
ce sens que la recourante n'est pas assujettie à la LSE du fait des relations
juridiques nouées avec Skyguide SA et Philip Morris SA.
Le présent arrêt est rendu sans frais (art. 156 al. 1 et 2 OJ).

Succombant, le canton de Genève devra verser à la recourante une indemnité à
titre de dépens (art. 159 al. 1 OJ).

En ce qui concerne la procédure cantonale, il appartiendra au Tribunal
administratif de statuer à nouveau sur les frais et de fixer les dépens dus à
la recourante (art. 157 et 159 al. 6 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis.

2.
L'arrêt du Tribunal administratif du canton de Genève du 30 mai 2006 est
réformé en ce sens que la recourante A.________ SA n'est pas assujettie à la
loi fédérale sur le service de l'emploi et la location de services du fait
des relations juridiques nouées avec Skyguide SA et Philip Morris SA.

3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4.
Le canton de Genève versera à la recourante une indemnité de 6'000 fr. à
titre de dépens.

5.
Il appartiendra au Tribunal administratif de statuer à nouveau sur les frais
et dépens de la procédure cantonale.

6.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, à
l'Office cantonal de l'emploi et au Tribunal administratif du canton de
Genève, ainsi qu'au Département fédéral de l'économie.

Lausanne, le 30 avril 2007

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: