Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2A.421/2006
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2A.421/2006/CFD/elo
{T 0/2}

Arrêt du 13 février 2007
IIe Cour de droit public

MM. les Juges Merkli, Président,
Wurzburger et Berthoud, Juge suppléant.
Greffière: Mme Charif Feller.

X. ________, recourante,
représentée par Me Laurent de Bourgknecht, avocat,

contre

Service de la population et des migrants du canton de Fribourg, Les
Portes-de-Fribourg, route
d'Englisberg 11, 1763 Granges-Paccot,
Tribunal administratif du canton de Fribourg, Ière Cour administrative, route
André-Piller 21, case postale, 1762 Givisiez.

Autorisation de séjour,

recours de droit administratif contre l'arrêt de la Ière Cour administrative
du Tribunal administratif du canton de Fribourg du 7 juin 2006.

Faits:

A.
X. ________, ressortissante syrienne, née en 1977, a épousé en Syrie, le 9
août 2000, un ressortissant irakien titulaire d'une autorisation
d'établissement en Suisse. Le 30 septembre 2000, elle a obtenu une
autorisation de séjour au titre du regroupement familial, pour vivre auprès
de son époux en Suisse. Elle a donné naissance, le 29 mai 2002, à un fils,
Y.________, qui a été mis au bénéfice d'une autorisation d'établissement. Le
7 décembre 2003, l'intéressée a quitté le domicile familial, avec son fils, à
la suite de conflits conjugaux. Par ordonnance de mesures protectrices de
l'union conjugale du 18 août 2005, le Président du Tribunal civil de
l'arrondissement de la Sarine a confié la garde de l'enfant à sa mère.

Le 18 octobre 2005, le Service de la population et des migrants du canton de
Fribourg (ci-après: le Service de la population ) a refusé le renouvellement
de l'autorisation de séjour de X.________ et a révoqué l'autorisation
d'établissement de son fils.

B.
X.________ a recouru contre la décision précitée du Service de la population
auprès du Tribunal administratif du canton de Fribourg. Le 17 janvier 2006,
le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de la Sarine a rendu une
ordonnance d'urgence confiant la garde de l'enfant à son père. Par décision
du 7 février 2006, le Service de la population a annulé la révocation de
l'autorisation d'établissement de l'enfant, le refus de renouveler
l'autorisation de séjour de la mère étant maintenu.

Statuant le 7 juin 2006, le Tribunal administratif a pris acte de la nouvelle
décision du Service de la population du 7 février 2006 et a rejeté le recours
de X.________.

C.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, X.________ demande au
Tribunal fédéral, en substance, d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif
du 7 juin 2006 et de lui octroyer un permis de séjour, sous suite de frais et
dépens. Elle invoque essentiellement la violation de l'art. 8 CEDH. Elle
requiert l'assistance judiciaire complète.

Le Tribunal administratif conclut au rejet du recours. Le Service de la
population renonce à formuler des observations. L'Office fédéral des
migrations propose le rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Selon l'art. 100 al. 1 let. b ch. 3 OJ, le recours de droit administratif
n'est pas recevable en matière de police des étrangers contre l'octroi ou le
refus d'autorisations auxquelles le droit fédéral ne confère pas un droit. Le
recours de droit administratif n'est recevable que si l'étranger peut
invoquer une disposition particulière du droit fédéral ou d'un traité lui
accordant le droit à la délivrance d'une telle autorisation (ATF 131 II 339
consid. 1 p. 342/343).

La recourante ne peut déduire aucun droit à une autorisation de séjour de la
LSEE, en particulier de son art. 17 al. 2, dans la mesure où elle ne fait
plus ménage commun avec son mari et que les relations particulièrement
conflictuelles entre les conjoints permettent d'exclure toute reprise de la
vie commune.

1.2 La recourante se réclame de l'art. 8 CEDH à l'égard de son fils,
titulaire d'une autorisation d'établissement, pour demeurer en Suisse.

Un étranger peut, selon les circonstances, se prévaloir de cette disposition
pour s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille. Encore faut-il, pour
pouvoir l'invoquer, que la relation entre l'étranger et une personne de sa
famille ayant le droit de résider en Suisse (c'est-à-dire au moins un droit
certain à une autorisation: ATF 130 II 281 consid. 3.1 p. 285) soit étroite
et effective (ATF 129 II 193 consid. 5.3.1 p. 211). L'art. 8 CEDH s'applique
notamment lorsqu'un étranger peut faire valoir une relation intacte avec son
enfant bénéficiant du droit de résider en Suisse, même si celui-ci n'est pas
placé sous son autorité parentale ou sous sa garde du point de vue du droit
de la famille; un contact régulier entre le parent et l'enfant, par exemple
par l'exercice du droit de visite, peut cas échéant suffire (ATF 120 Ib 1
consid. 1d p. 3).

1.3 En l'espèce, nonobstant le retrait de son droit de garde, la recourante
exerce sur son fils un droit de visite régulier ainsi que l'autorité
parentale conjointement avec le père de celui-ci. Dans la mesure où l'arrêt
attaqué a des incidences sur les relations personnelles de la mère avec son
fils, elle peut se prévaloir de l'art. 8 CEDH. Le recours est donc recevable
sous cet angle.

2.
2.1 La protection découlant de l'art. 8 CEDH n'est pas absolue. En effet, une
ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale
est possible selon l'art. 8 par. 2 CEDH, "pour autant que cette ingérence est
prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société
démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique,
au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention
des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la
protection des droits et libertés d'autrui". La question de savoir si, dans
un cas d'espèce, les autorités de police des étrangers sont tenues d'accorder
une autorisation de séjour fondée sur l'art. 8 CEDH doit être résolue sur la
base d'une pesée de tous les intérêts privés et publics en présence (ATF 125
II 633 consid. 2e et 3 p. 639 ss et les arrêts cités).

En ce qui concerne l'intérêt privé à l'octroi d'une autorisation de séjour,
il faut constater qu'un droit de visite peut en principe être exercé même si
le parent intéressé vit à l'étranger, au besoin en aménageant les modalités
de ce droit quant à la fréquence et à sa durée. A la différence de ce qui se
passe en cas de vie commune, il n'est ainsi pas indispensable que le parent
au bénéfice d'un droit de visite et l'enfant vivent dans le même pays. Il
faut prendre en considération l'intensité de la relation entre le parent et
l'enfant ainsi que la distance qui séparerait l'étranger de la Suisse au cas
où l'autorisation de séjour lui serait refusée (ATF 120 Ib 22 consid. 4a
p. 25). Il faut qu'il existe des liens vraiment forts dans les domaines
affectif et économique entre le parent au bénéfice du droit de visite et
l'enfant pour que l'intérêt public à une politique restrictive en matière de
séjour des étrangers et d'immigration passe au second plan (ATF 120 Ib 1
consid. 3c p. 5). Il est également essentiel que l'étranger n'ait pas adopté
une attitude répréhensible, notamment en commettant des infractions aux
dispositions pénales ou de police des étrangers (cf. ATF 120 Ib 1 consid. 3
p. 4 ss, 22 consid. 4 p. 24 ss).

2.2 Il sied tout d'abord de relever la particularité du cas présent. En
effet, la recourante a vécu sous le même toit que son fils pendant plus de
trois ans et demi, avant de se voir retirer la garde de son enfant. Sa
relation avec son fils a été perturbée, suite à un conflit conjugal aigu,
ponctué de plaintes pénales réciproques et de scènes de violence, auxquelles
l'enfant a parfois assisté. Toutefois, il découle de trois rapports, établis
les 16 novembre 2005, 11 janvier 2006 et 17 juillet 2006 par le Service de
l'enfance et de la jeunesse du canton de Fribourg, que les relations entre la
mère et l'enfant avaient évolué dans le sens d'une sensible amélioration.
Ainsi, la recourante prenait en charge son fils une fin de semaine sur deux,
du vendredi au lundi, une extension du droit de visite au mercredi après-midi
ayant été envisagée.

Le sort de l'enfant n'est réglé que provisoirement par une ordonnance
d'urgence. La recourante et son mari sont opposés dans une procédure de
divorce à l'issue de laquelle le juge civil statuera sur l'attribution de
l'autorité parentale et du droit de garde ainsi que sur l'exercice du droit
de visite. La situation était donc très incertaine au moment où les autorités
cantonales ont statué sur le renouvellement de l'autorisation de séjour de la
recourante; comme relevé, la situation était évolutive, les relations de
celle-ci et de son enfant semblant s'intensifier. Dans ces conditions, une
séparation de la mère et de l'enfant, qui ont vécu ensemble plus de trois ans
et demi, serait très lourde de conséquences, singulièrement en raison de
l'âge de l'enfant. Par ailleurs, le droit de visite ne pourrait plus être
exercé de manière suivie, compte tenu de la distance séparant la Syrie et la
Suisse. En pareil cas, le refus définitif de renouveler l'autorisation de
séjour en l'absence de plus amples renseignements sur l'état des relations
entre l'enfant et sa mère ainsi que sur la situation financière (dette
d'assistance, emploi) de celle-ci, n'est pas conforme aux exigences de l'art.
8 CEDH.

3.
Il ne peut être fait droit à la conclusion de la recourante tendant à
l'octroi d'un permis de séjour. Le recours doit donc être partiellement
admis, l'arrêt entrepris annulé et la cause renvoyée à l'autorité qui a
statué en première instance cantonale pour nouvelle décision dans le sens des
considérants (art. 114 al. 2 OJ).

Aucun intérêt pécuniaire n'étant en jeu, le canton de Fribourg n'a pas à
supporter les frais judiciaires (art. 156 al. 2 OJ). En revanche, il devra
verser à la recourante, représentée par un mandataire professionnel, une
indemnité à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral
(art. 159 al. 1 OJ). Compte tenu de l'allocation de dépens, la demande
d'assistance judiciaire est sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis et l'arrêt du Tribunal administratif du
canton de Fribourg du 7 juin 2006 est annulé.

2.
La cause est renvoyée au Service de la population et des migrants du canton
de Fribourg pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4.
Le canton de Fribourg versera à la recourante une indemnité de 2'000 fr. à
titre de dépens.

5.
La demande d'assistance judiciaire de la recourante est sans objet.

6.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, au
Service de la population et des migrants et à la Ière Cour administrative du
Tribunal administratif du canton de Fribourg ainsi qu'à l'Office fédéral des
migrations.

Lausanne, le 13 février 2007

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: