Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2A.418/2006
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{T 0/2}
2A.418/2006/svc

Arrêt du 21 novembre 2006
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Merkli, Président,
Wurzburger et Yersin.
Greffière: Mme Mabillard.

A. X.________ et B.X.________, recourants,
représentés par Me Antoine Berthoud, avocat,

contre

Administration fiscale cantonale genevoise,
rue du Stand 26, case postale 3937, 1211 Genève 3,
Tribunal administratif du canton de Genève, rue du Mont-Blanc 18, case
postale 1956, 1211 Genève 1.

Impôt fédéral direct 2000,

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal administratif du
canton de Genève du 23 mai 2006.

Faits:

A.
Le 5 décembre 2003, l'Administration fiscale cantonale genevoise (ci-après:
l'Administration fiscale cantonale) a notifié aux époux A.X.________ et
B.X.________ une décision de taxation concernant l'impôt fédéral direct pour
les revenus extraordinaires réalisés pendant la période de taxation 2000. Le
montant de l'impôt, calculé sur la base d'un revenu imposable de
2'000'000 fr., a été fixé à 255'494.85 fr. (230'000 fr. d'impôt pour une
année + 25'494.85 fr. d'intérêts de retard).
Le même jour, l'Administration fiscale cantonale a infligé aux contribuables
une amende de 76'666 fr. s'agissant de l'impôt fédéral direct précité,
considérant qu'ils avaient, par négligence, omis de mentionner au fisc qu'ils
avaient bénéficié d'un abandon de créance au cours de l'année civile 2000.
Afin de tenir compte de leur situation financière et de l'importance du
montant qui leur était réclamé, l'amende était réduite à son minimum légal,
soit un tiers du montant de l'impôt soustrait.
Par décision sur réclamation du 12 février 2004, l'Administration fiscale
cantonale a confirmé la taxation et l'amende du 5 décembre 2003.

B.
Le 8 mars 2004, B.X.________ a déposé auprès de l'Administration fiscale
cantonale une demande de remise de l'impôt, notamment pour l'impôt fédéral
direct 2000 de 255'494.85 fr. et pour l'amende y relative de 76'666 fr. Il
indiquait qu'il avait effectivement conclu une convention d'assainissement
avec la Banque Y.________ les 13 et 16 décembre 1999, mais que la remise de
dette ne lui avait procuré aucun revenu. Son imposition était ainsi contraire
à la réalité économique et il se trouvait dans l'impossibilité de régler le
montant imposé.
Le même jour, il a adressé à la Commission cantonale de recours en matière
d'impôts du canton de Genève (ci-après: la Commission cantonale) une copie de
sa demande de remise de l'impôt précitée, en se "réservant le droit de
recourir" auprès de ladite Commission contre la décision sur réclamation du
12 février 2004 en cas de réponse négative du fisc.
Par décision du 14 décembre 2005, la Commission cantonale a déclaré
irrecevable le recours du 8 mars 2004, estimant que l'acte de recours ne
répondait pas aux exigences formelles de l'art. 140 de la loi fédérale du 14
décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (ci-après: LIFD ou la loi sur
l'impôt fédéral direct; RS 642.11).

C.
Le 23 mai 2006, le Tribunal administratif du canton de Genève (ci-après: le
Tribunal administratif) a rejeté le recours de A.X.________ et B.X.________
contre la décision de la Commission cantonale du 14 décembre 2005. Il a
retenu en substance que le courrier du 8 mars 2004 adressé à la Commission
cantonale ne constituait pas un acte de recours contre la décision sur
réclamation du 12 février 2004, les intéressés se contentant de "se réserver
leur droit de recourir" au cas où la réponse du fisc ne leur conviendrait
pas. En outre, il n'incombait pas à la Commission cantonale de leur accorder
un délai supplémentaire pour compléter une demande juridique inexistante.

D.
A.X.________ et B.X.________ ont interjeté un recours de droit administratif
au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 23 mai 2006 du Tribunal administratif.
Ils demandent au Tribunal fédéral, sous suite de dépens, d'annuler l'arrêt
attaqué et de déclarer recevable leur recours du 8 mars 2004 contre la
décision sur réclamation du 12 février 2004 ainsi que de renvoyer le dossier
à la Commission cantonale pour l'examen au fond dudit recours. Ils se
plaignent d'une mauvaise constatation des faits et application du droit, de
formalisme excessif ainsi que d'une violation du principe de la bonne foi.
Le Tribunal administratif n'a pas formulé d'observations sur le recours.
L'Administration fiscale cantonale a conclu au rejet du recours, sous suite
de frais.
L'Administration fédérale des contributions propose le rejet du recours, sous
suite de frais.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Déposé en temps utile et dans les formes prescrites par la loi contre une
décision rendue par une autorité judiciaire statuant en dernière instance
cantonale et fondée sur le droit public fédéral, le présent recours est
recevable en vertu des art. 97 ss OJ, ainsi que de la règle particulière de
l'art. 146 LIFD.

2.
Le recours de droit administratif peut être formé pour violation du droit
fédéral, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 104
lettre a OJ). Le Tribunal fédéral revoit d'office l'application du droit
fédéral sans être lié par les motifs invoqués par les parties (art. 114 al. 1
in fine OJ). Lorsque le recours est dirigé contre la décision d'une autorité
judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par les faits constatés dans la
décision, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets ou s'ils ont
été établis au mépris de règles essentielles de procédure (art. 104 lettre b
et 105 al. 2 OJ). En outre, le Tribunal fédéral ne peut pas revoir
l'opportunité de l'arrêt entrepris, le droit fédéral ne prévoyant pas un tel
examen dans ce domaine (art. 104 lettre c ch. 3 OJ).

3.
Les recourants reprochent au Tribunal administratif d'avoir statué sur un
état de fait incomplet. Ils soutiennent que l'un des employés de la
fiduciaire qui les représentait avait eu un entretien avec un collaborateur
de l'Administration fiscale cantonale peu après la notification de la
décision sur réclamation du 12 février 2004. Cet entretien, mentionné dans
leur courrier du 8 mars 2004 à l'Administration fiscale cantonale, ne ressort
d'aucun autre élément du dossier. Il n'a par ailleurs pas été retenu par la
Commission cantonale dans sa décision du 14 décembre 2005; si les recourants
estimaient que cet élément était essentiel et devait faire l'objet d'un acte
d'instruction, ils devaient déjà réagir devant l'autorité intimée, laquelle
pouvait revoir les faits d'office (cf. art. 61 al. 1 lettre b de la loi du
12 septembre 1985 sur la procédure administrative du canton de Genève). Il en
résulte que l'état de fait critiqué n'est pas manifestement incomplet et que
le grief est infondé.

4.
4.1 La procédure de recours en matière d'impôt fédéral direct est régie par le
droit fédéral (cf. titre 5 de la loi sur l'impôt fédéral direct, intitulé
"procédure de recours").
Le contribuable peut s'opposer à la décision sur réclamation de l'autorité de
taxation en s'adressant, dans les trente jours à compter de la notification
de la décision attaquée, à une commission de recours indépendante des
autorités fiscales (art. 140 al. 1 LIFD). Selon l'art. 140 al. 2 LIFD, le
contribuable doit indiquer, dans son acte de recours, ses conclusions et les
faits sur lesquels elles sont fondées, ainsi que les moyens de preuve; les
documents servant de preuve doivent être joints à l'acte ou décrits avec
précision. Lorsque le recours est incomplet, un délai équitable est imparti
au contribuable pour y remédier, sous peine d'irrecevabilité.

4.2 Selon la jurisprudence rendue sous l'empire de l'arrêté du Conseil
fédéral du 9 décembre 1940 concernant la perception d'un impôt fédéral direct
(AIFD; RO 56 2021), en vigueur jusqu'au 31 décembre 1994, le Tribunal fédéral
a déduit de l'art. 101 AIFD (remplacé par l'art. 140 LIFD) que les recours
dans lesquels il n'est pas dit en quoi la décision attaquée doit être
modifiée et ceux dont la motivation fait défaut ou paraît d'emblée
insuffisante peuvent être déclarés irrecevables sans plus ample examen. Dans
les autres cas, l'autorité cantonale est tenue d'entrer en matière et,
lorsque les motifs du recours existent mais manquent de clarté, d'accorder au
contribuable un délai supplémentaire pour compléter son mémoire. D'une
manière générale, il y a donc lieu de distinguer entre les recours qui ne
peuvent plus être améliorés, parce qu'ils ne contiennent aucune motivation,
et les recours dont les défauts sont susceptibles d'être corrigés (arrêt
2A.146/1995 du 17 juin 1996 consid. 2a; arrêt 2A.83/1992 du 26 juillet 1993,
Revue Fiscale 49/1994 p. 141, consid. 2a et les références).
Dans ce contexte, le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de préciser (arrêt
A.333/1983 du 22 mars 1985, Archives 55 p. 391, consid. 2c) que les règles
valables en matière de recours selon l'art. 106 AIFD (cf. art. 140 ss LIFD)
ne sont pas différentes de celles qui régissent le recours de droit
administratif au Tribunal fédéral (cf. jurisprudence relative à l'art. 108
al. 3 OJ: notamment ATF 131 II 449 consid. 1.3 p. 452; 130 I 312 consid.
1.3.1 p. 320; 123 II 359 consid. 6b/bb p. 369 et les références). Il en
résulte qu'il ne faut pas poser des exigences trop strictes quant à la
formulation des conclusions et des motifs. Il suffit que l'on puisse déduire
de l'acte de recours les points sur lesquels la décision attaquée est
critiquée, ce que le recourant demande et sur quels faits il entend se
fonder. Une motivation même brève est suffisante. Il n'est par ailleurs pas
nécessaire que les conclusions soient formulées explicitement pour qu'elles
soient recevables; il suffit qu'elles ressortent clairement des motifs
allégués.

5.
Les recourants reprochent au Tribunal administratif d'avoir violé l'art. 140
LIFD et le principe de l'interdiction du formalisme excessif en déclarant le
recours du 8 mars 2004 irrecevable; l'autorité intimée aurait retenu de
manière littérale que les recourants ne souhaitaient que "réserver leurs
droits" alors qu'il était évident que ceux-ci exprimaient une volonté de
recourir.

5.1 L'autorité intimée ne peut pas être suivie lorsqu'elle retient que le
courrier du 8 mars 2004 avait pour seul objectif de transmettre pour
"information" à la Commission de recours une copie de la demande en remise de
l'impôt faite par les contribuables à l'administration. Il ressort en effet
sans équivoque du courrier précité et de ses annexes que les recourants
contestaient les impôts et l'amende en faisant valoir que la remise de dette
ne constituait pas un revenu imposable et que l'imposition était contraire à
la réalité économique. Cette motivation des plus succinctes était
compréhensible et s'expliquait par la demande en remise de l'impôt pendante
qui, si elle était acceptée, rendait le recours sans objet. On ne peut pas
déduire de la formulation maladroite des recourants, lesquels "se réservaient
le droit de recourir", qu'ils s'abstenaient d'attaquer la décision sur
réclamation du 12 février 2004 à ce moment-là, comme le soutient le Tribunal
administratif. La volonté de recourir était au contraire manifestement
déclarée et la motivation suffisante dans un premier temps, même si les
termes utilisés n'étaient pas précis au point de vue procédural.
Si la Commission cantonale estimait que l'acte de recours était incomplet, à
défaut de conclusions explicites et de clarté dans l'exposé des faits ou des
motifs, elle devait accorder aux intéressés un délai équitable pour compléter
leur mémoire, en vertu de l'art. 140 al. 2 LIFD. Au demeurant, les exigences
de cette disposition vont au-delà de celles déduites de l'art. 29 al. 1 Cst.,
d'après lesquelles l'autorité n'a l'obligation de rendre le recourant
attentif au vice de procédure que lorsqu'il peut être réparé "en temps
utile", c'est-à-dire avant l'expiration du délai de recours (cf. ATF 125 I
166 consid. 3a p. 170; 124 II 265 consid. 4a p. 269/270; arrêt 1P.141/2004 du
10 mai 2004, RDAF 2005 I 58, consid. 2). La Commission cantonale a ainsi agi
de façon contraire à l'art. 140 al. 2 LIFD et fait preuve de formalisme
excessif en ne donnant pas aux recourants la possibilité de corriger les
imprécisions de leur recours, puis en les sanctionnant par une décision
d'irrecevabilité.

5.2 Partant, le Tribunal administratif a violé le droit fédéral en confirmant
la décision d'irrecevabilité de la Commission cantonale du 14 décembre 2005.
Vu l'issue de litige, il est superflu d'examiner les autres griefs soulevés
par les recourants, notamment celui relatif à la violation du principe de la
bonne foi.

6.
II résulte de ce qui précède que le recours doit être admis et l'arrêt du
Tribunal administratif du 23 mai 2006 annulé. La cause est renvoyée à
l'autorité intimée pour qu'elle statue à nouveau sur les frais et dépens de
la procédure devant elle et à la Commission cantonale pour qu'elle entre en
matière sur le recours du 8 mars 2004, au cas où une remise d'impôt n'a pas
été accordée aux recourants.
Succombant, l'Administration fiscale cantonale, dont l'intérêt pécuniaire est
en cause, doit supporter les frais judiciaires (art. 156 al. 1 et 156 al. 2 a
contrario en relation avec les art. 153 et 153a OJ). Cette dernière versera
en outre une indemnité de dépens aux recourants qui obtiennent gain de cause
avec l'assistance d'un avocat (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et l'arrêt du Tribunal administratif du 23 mai 2006 est
annulé.

2.
La cause est renvoyée au Tribunal administratif pour qu'il statue à nouveau
sur les frais et dépens de la procédure devant lui et à la Commission
cantonale de recours en matière d'impôts pour nouvelle décision dans le sens
des considérants.

3.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge de l'Administration
fiscale cantonale du canton de Genève.

4.
L'Administration fiscale cantonale du canton de Genève versera une indemnité
de 2'000 fr. aux recourants à titre de dépens pour la procédure fédérale.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourants, à
l'Administration fiscale cantonale et au Tribunal administratif du canton de
Genève ainsi qu'à l'Administration fédérale des contributions, Division
principale de l'impôt fédéral direct, de l'impôt anticipé et des droits de
timbre.

Lausanne, le 21  novembre 2006

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: