Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2A.349/2006
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2A.349/2006/ROC/elo
{T 0/2}

Arrêt du 31 août 2006
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Merkli, Président,
Wurzburger et Yersin.
Greffière: Mme Rochat.

D. ________, recourante,
représentée par Me Pascal Pétroz, avocat,

contre

Office cantonal de la population du canton de Genève, boulevard Saint-Georges
16-18, case
postale 51, 1211 Genève 8,
Commission cantonale de recours de police des étrangers du canton de Genève,
rue Ami-Lullin 4,
case postale 3888, 1211 Genève 3.

art. 8 CEDH et 13 lettre f OLE: refus de délivrer une autorisation de séjour

recours de droit administratif contre la décision de la Commission cantonale
de recours de police des étrangers du canton de Genève du 11 avril 2006.

Faits:

A.
D. ________, ressortissante colombienne, née en 1972, est vraisemblablement
arrivée en Suisse en janvier 1996 et a vécu chez un compatriote, Y.________,
né le 18 mai 1967.

Le 10 juillet 1996, D.________ a fait l'objet d'une décision d'interdiction
d'entrée en Suisse valable jusqu'au 9 juillet 1998.

Le 22 octobre 1996, elle a donné naissance, en Colombie, à une fille,
J.________, qui a été reconnue pas son père Y.________. Elle semble toutefois
être revenue à Genève, le 23 avril 1999, où elle a été découverte avec sa
fille par la gendarmerie, le 27 novembre 1999. Elle a alors quitté la Suisse
avec sa fille.

A la suite de son interpellation au mois de juillet 2000, D.________ a admis
être revenue en Suisse avec sa fille en février 2000; partant, elle a fait
l'objet d'une nouvelle décision d'interdiction d'entrée en Suisse valable
jusqu'au 7 février 2002.

B.
Le 4 février 2002, suite à son mariage avec une ressortissante vénézuélienne
titulaire d'un permis d'établissement, Y.________ a obtenu une autorisation
annuelle de séjour.

Le 10 mai 2004, D.________ a déposé, pour elle et sa fille J.________, une
demande d'autorisation de séjour au titre de regroupement familial.

Examinant la requête sous l'angle de l'art. 13 lettre f de l'ordonnance du
Conseil fédéral limitant le nombre des étrangers (OLE; RS 823.21), l'Office
cantonal de la population l'a rejetée, par décision du 15 avril 2005.

C.
D.________ a recouru contre cette décision auprès de la Commission cantonale
de recours de police des étrangers (en abrégé: la Commission cantonale), en
faisant valoir que sa fille J.________ entretenait avec son père des
relations affectives très étroites, de sorte qu'il se justifiait de lui
délivrer une autorisation de séjour sur la base de l'art. 8

CEDH. A titre subsidiaire, elle a requis un permis humanitaire découlant de
l'art. 13 lettre f OLE.

Par décision du 11 avril 2006, la Commission cantonale a rejeté le recours.
Constatant tout d'abord que l'enfant J.________, qui vivait avec sa mère, ne
pouvait bénéficier du regroupement familial sur la base de l'art. 17 al. 2
3ème phrase de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers
(LSEE; RS 142.20), elle a relevé que l'intéressée ne pouvait pas non plus se
prévaloir d'une relation étroite avec son père en vertu de l'art. 8 CEDH, dès
lors que ce dernier ne faisait plus ménage commun avec son épouse
vénézuélienne et ne bénéficiait donc plus d'un droit de présence en Suisse
(art. 17 al. 2 LSEE). La juridiction cantonale a ensuite retenu que les
conditions pour délivrer à la recourante et à sa fille une autorisation de
séjour fondée sur l'art. 13 lettre f OLE n'étaient pas réunies.

D.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, D.________ conclut,
sous suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision de la Commission
cantonale du 11 avril 2006. Elle demande également au Tribunal fédéral,
principalement, d'ordonner à l'Office de la population de préaviser
favorablement à l'octroi d'une exception aux mesures de limitation, soit à
l'octroi d'une autorisation de séjour pour elle et sa fille J.________ fondée
sur l'art. 13 lettre f OLE et, subsidiairement, d'ordonner à l'autorité
cantonale de lui délivrer une autorisation de séjour, pour elle et sa fille.
La recourante présente aussi une requête de mesures provisionnelles tendant à
ce qu'elle puisse résider et travailler à Genève jusqu'à droit connu sur son
recours.

La Commission cantonale de recours et l'Office cantonal de la population ont
renoncé à se déterminer sur le recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des
recours qui lui sont soumis (ATF 132 III 291 consid. 1 p. 292; 131 II 352
consid. 1 p. 353, 361 consid. 1 p. 364, 571 consid. 1 p. 573).

1.2 De nationalité colombienne, la recourante n'a aucun droit à une
autorisation de séjour en vertu d'une disposition particulière du droit
fédéral ou d'un traité international accordant un droit à l'octroi d'une
autorisation de séjour, de sorte que son recours est en principe irrecevable
sous l'angle de l'art. 100 al. 1 lettre b ch. 3 OJ (ATF 131 II 339 consid. 1
p. 342; 130 II 388 consid. 1.1 p. 389, 281, consid. 2.1 p. 284). Par
ailleurs, le présent recours n'est pas non plus recevable en tant qu'il porte
sur l'exemption de la recourante et de sa fille aux mesures de limitation. Il
appartient en effet à l'autorité cantonale, en vertu du libre pouvoir
d'appréciation que lui confère l'art. 4 LSEE, de soumettre ou non à
l'approbation de l'autorité fédérale compétente les demandes d'autorisation
de séjour fondées sur l'art. 13 lettre f OLE dont elle est saisie (ATF 122 II
186 consid. 1b p. 189).

1.3 Il reste cependant à examiner si la recourante - qui ne peut pas
elle-même invoquer la garantie de la vie familiale découlant des art. 8 CEDH
et 13 al. 1 Cst. (ATF 126 II 377 consid. 7 p. 394) - pourrait bénéficier de
cette garantie par l'intermédiaire de sa fille J.________ en raison des
relations que celle-ci entretient avec son père.

2.
2.1 L'art. 8 CEDH, comme l'art. 13 al. 1 Cst., garantissent à toute personne
le droit au respect de sa vie privée et familiale. Un étranger peut se
prévaloir de ces dispositions pour s'opposer à l'éventuelle séparation avec
un membre de sa famille ayant un droit de présence assuré en Suisse (ATF 130
II 281 consid. 3.1; 126 II 335 consid. 2a; 125 II 633 consid. 2e p. 639). Ce
droit est reconnu aux ressortissants suisses et aux étrangers disposant d'une
autorisation d'établissement ou ayant un droit à une autorisation de séjour.

En l'espèce, le père de la fille de la recourante a en principe droit à une
autorisation annuelle de séjour depuis son mariage, le 4 février 2002, avec
une ressortissante vénézuélienne au bénéfice d'une autorisation
d'établissement (art. 17 al. 2 LSEE). La question de savoir si cette
autorisation sera maintenue et s'il aura droit à une autorisation
d'établissement après le délai de cinq ans, dès lors qu'il a déclaré à
l'audience de la Commission cantonale de recours qu'il était séparé de son
épouse depuis le mois de novembre 2005, peut rester ouverte. Il n'est pas non
plus certain que la relation qu'il entretient avec sa fille J.________ puisse
être considérée comme étroite et effective, au sens de la jurisprudence (ATF
129 II 193 consid. 5.3.1 p. 211, 215 consid. 4.1), pour que le droit au
respect de la vie privée et familiale puisse être invoqué. Quoi qu'il en
soit, au vu de la pesée des intérêts à laquelle il y a lieu de procéder dans
un tel cas, cette relation ne suffit manifestement pas pour délivrer une
autorisation de séjour sur la base de l'art. 8 CEDH.

2.2 Il ressort en effet du dossier que Y.________ ne vit pas avec sa fille
J.________ et ne s'occupe d'elle que de manière très limitée. Sur ce point,
seule une déclaration du 2 mars 2004, selon laquelle il voit régulièrement sa
fille J.________ tous les 15 jours et pendant les vacances scolaires, a été
produite. En outre, il ne verse qu'occasionnellement une contribution
financière à sa mère. Il a également deux autres filles: Z.________, née de
son mariage avec son épouse vénézuélienne, et C.________, née en 1992, d'une
précédente union avec une autre compatriote. Il n'existe donc pas de liens
familiaux vraiment forts dans les domaines affectif et économique entre
Y.________ et sa fille J.________ pour que l'intérêt privé à l'octroi d'une
autorisation de séjour à cette dernière l'emporte sur l'intérêt public à une
politique restrictive en matière de séjour des étrangers et d'immigration
(ATF 120 Ib 1 consid. 3c p. 5, 22 consid. 4a p. 25). Au regard du droit de
visite limité du père et du faible soutien financier de ce dernier, les
garanties découlant de l'art. 8 CEDH sont suffisamment sauvegardées si
J.________ rencontre son père pendant de courts séjours en Suisse ou que
celui-ci la retrouve occasionnellement dans son pays d'origine.

2.3 Il s'ensuit que le recours doit être rejeté en tant qu'il porte sur
l'octroi d'une autorisation de séjour sur la base de l'art. 8 CEDH.

3.
Au vu de l'issue du recours, la demande de mesures provisionnelles devient
sans objet.

Le recours devant être rejeté dans la mesure où il est recevable, il
appartiendra à la recourante de supporter les frais judiciaires, en tenant
compte de sa situation financière (art. 153a al. 1 et 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, à
l'Office cantonal de la population et à la Commission cantonale de recours de
police des étrangers du canton de Genève, ainsi qu'à l'Office fédéral des
migrations.

Lausanne, le 31 août 2006

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: