Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2A.316/2006
Zurück zum Index II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2006
Retour à l'indice II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2006


{T 0/2}
2A.316/2006 /erc

Arrêt du 19 décembre 2006
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Merkli, Président,
Hungerbühler, Wurzburger, Müller et Yersin.
Greffier: M. Addy.

X. ________,
A.________,
B.________,
C.________,
recourants,
tous les quatre représentés par Me Jean-Pierre Moser, avocat,

contre

Service de la population du canton de Vaud,
avenue de Beaulieu 19, 1014 Lausanne,
Tribunal administratif du canton de Vaud,
avenue Eugène-Rambert 15, 1014 Lausanne.

Regroupement familial,

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal administratif du
canton de Vaud du 27 avril 2006.

Faits:

A.
X. ________, ressortissante ghanéenne née en 1970, est arrivée en Suisse le
17 août 1993 pour rejoindre, au titre du regroupement familial, un
ressortissant suisse qu'elle avait épousé en secondes noces dans son pays au
mois de mars précédent. Elle était alors mère de trois enfants de nationalité
ghanéenne, soit A.________ et B.________, deux jumeaux de sexe différent
issus d'une relation hors mariage le 12 septembre 1987, et leur demi-soeur
C.________, née le 15 mars 1990 du premier mariage également célébré au Ghana
et dissous en août 1991. Demeurés au pays après le départ de leur mère pour
la Suisse, les enfants ont été confiés aux soins de leur grand-mère
maternelle. En raison de l'ouverture d'une enquête sur sa situation
patrimoniale, X.________ n'a été mise au bénéfice d'une autorisation de
séjour qu'à partir du 14 avril 1997. Après le décès de son deuxième mari, en
janvier 1998, avec lequel elle n'a pas eu d'enfant, elle est restée en Suisse
et a vécu depuis lors en union libre avec Y.________, un petit-cousin ghanéen
dont elle a eu un enfant, D.________, en octobre 2002.
Le 20 avril 2004, A.________, le jumeau garçon, est entré en Suisse sans visa
ni autorisation pour rejoindre sa mère. Celle-ci a déposé en sa faveur, le 29
septembre 2004, une demande d'autorisation de séjour au titre du regroupement
familial, de même que pour ses deux filles restées au Ghana, pour lesquelles
elle a en outre sollicité, le 25 octobre suivant, une demande d'entrée en
Suisse. Entre-temps, le 12 octobre 2004, X.________ a été mise au bénéfice
d'une autorisation d'établissement. Son concubin et leur enfant commun ont
acquis la nationalité suisse par naturalisation le 2 novembre 2005.
Après avoir procédé à diverses mesures d'instruction et, notamment, enquêté
sur la situation personnelle en Suisse de la requérante et recueilli des
informations concernant ses enfants auprès de l'Ambassade suisse à Accra, le
Service de la population du canton de Vaud (ci-après: le Service cantonal) a,
par décision du 25 mai 2005, refusé de délivrer, respectivement une
autorisation d'entrée et de séjour à ses deux filles restées au Ghana, et une
autorisation de séjour à leur (demi-)frère déjà présent en Suisse; ce dernier
était en outre sommé de quitter à bref délai le territoire vaudois. En bref,
le Service cantonal a estimé que les demandes de regroupement familial
étaient abusives, car il fallait admettre qu'elles n'étaient pas tant
motivées par le désir de réunir la famille sous un même toit que par des
raisons économiques: aussi bien les jumeaux, entrés dans leur dix-huitième
année, que leur soeur, âgée de 15 ans, avaient le centre de leurs intérêts
dans leur pays d'origine, tandis que leur mère n'avait demandé que
tardivement l'autorisation de les faire venir auprès d'elle, soit près de
onze ans après son arrivée en Suisse.

B.
Agissant en son nom propre, au nom de son concubin et au nom de ses trois
premiers enfants de nationalité ghanéenne, X.________ a recouru contre la
décision précitée du Service cantonal. Elle a fait valoir que le retard à
demander le regroupement familial était dû à des difficultés administratives
et financières indépendantes de sa volonté, que ses enfants avaient le centre
de leurs intérêts en Suisse, car leurs pères respectifs ne s'étaient jamais
occupés d'eux, que leur grand-mère n'était plus en mesure de prendre en
charge leur éducation en raison de son état de santé et que, dans l'attente
de pouvoir les faire venir en Suisse, elle les avait placés dès 2000 ou 2001
chez sa petite-cousine Z.________, qui était également la soeur de son
concubin. A titre de mesures provisoires, elle demandait la délivrance d'une
autorisation d'entrée en Suisse pour ses deux filles et concluait, à titre
principal, à l'octroi d'une autorisation de séjour en faveur de ses trois
enfants.
Le 29 juin 2005, le juge instructeur a suspendu la décision attaquée en tant
qu'elle concernait l'enfant déjà en Suisse et a autorisé celui-ci à
poursuivre son séjour jusqu'à droit connu sur le recours; en revanche, il a
refusé d'autoriser, à titre de mesures provisoires, la venue des deux autres
enfants en Suisse.
Par arrêt du 27 avril 2006, le Tribunal administratif du canton de Vaud
(ci-après: le Tribunal administratif) a rejeté le recours et confirmé la
décision attaquée, en reprenant à son compte les motifs du Service cantonal.

C.
X.________ et ses trois enfants interjettent recours de droit administratif
contre l'arrêt précité du Tribunal administratif, dont ils requièrent la
réforme, sous suite de frais et dépens, dans le sens des conclusions prises
en instance cantonale. Pour l'essentiel, ils se plaignent de la violation de
l'art. 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et
des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH; RS 0.101), en se
référant à une récente jurisprudence de la Cour européenne des droits de
l'homme; ils invoquent également une mauvaise application de l'art. 17 al.
2bis de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des
étrangers (LSEE; RS 142.20). A titre de mesures provisoires, ils demandent
que A.________ soit autorisé à rester en Suisse jusqu'à droit connu sur le
recours.
Le Service cantonal et le Tribunal administratif s'en remettent à justice sur
la requête de mesures provisoires et concluent au rejet du recours.

D.
Par ordonnance du 15 juin 2006, le Président de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral a admis la requête de mesures provisoires et autorisé
A.________ à demeurer en Suisse jusqu'à droit connu sur le recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Selon l'art. 100 al. 1 lettre b ch. 3 OJ, le recours de droit
administratif n'est pas recevable en matière de police des étrangers contre
l'octroi ou le refus d'autorisations auxquelles le droit fédéral ne confère
pas un droit. Selon l'art. 4 LSEE, les autorités compétentes statuent
librement, dans le cadre des prescriptions légales et des traités avec
l'étranger, sur l'octroi ou le refus d'autorisations de séjour ou
d'établissement. En principe, l'étranger n'a pas droit à l'autorisation de
séjour. Ainsi, le recours de droit administratif est irrecevable, à moins que
ne puisse être invoquée une disposition particulière du droit fédéral ou d'un
traité accordant le droit à la délivrance d'une telle autorisation (cf. ATF
131 II 339 consid. 1 p. 342; 130 II 388 consid. 1.1 p. 389, 281 consid. 2.1
p. 284; 128 II 145 consid. 1.1.1 p. 148 et les arrêts cités).

1.1.1 Aux termes de l'art. 17 al. 2 3ème phrase LSEE, les enfants
célibataires de moins de dix-huit ans ont le droit d'être inclus dans
l'autorisation d'établissement de leurs parents aussi longtemps qu'ils vivent
auprès d'eux. Selon sa lettre et sa finalité, cette disposition ne s'applique
directement que si le lien conjugal unissant les parents est intact; à
certaines conditions, la jurisprudence admet toutefois également son
application par analogie aux parents séparés, divorcés ou veufs dont l'un
d'eux, établi en Suisse depuis plusieurs années, veut faire venir après coup
auprès de lui ses enfants restés au pays qui ont été entre-temps confiés à
l'autre parent ou à des proches (cf. ATF 129 II 11 consid. 3 p. 14 ss; 125 II
585 consid. 2a p. 586/587; ATF 118 Ib 153 consid. 2b p. 159). En l'espèce, il
est constant que les trois enfants sont célibataires, que leur mère est au
bénéfice d'une autorisation d'établissement et qu'au moment - déterminant
pour examiner la recevabilité du recours sous l'angle de l'art. 17 al. 2 LSEE
(cf. ATF 130 II 137 consid. 2 p. 141; 129 Il 11 consid. 2 p. 13, 249 consid.
1.2. p. 252 et les arrêts cités) - où leur requête a été déposée, ils étaient
mineurs, étant alors âgés respectivement de 17 ans pour les jumeaux et de 14
ans et demi pour la cadette. Le recours de droit administratif est donc
recevable du chef de la disposition du droit fédéral précitée.

1.1.2 L'art. 8 CEDH peut également conférer un droit à une autorisation de
séjour en faveur des enfants mineurs d'étrangers bénéficiant d'un droit de
présence assuré en suisse - comme par exemple un permis d'établissement - si
les liens noués entre les intéressés sont étroits et si le regroupement vise
à assurer une vie familiale commune effective (cf. ATF 129 II 193 consid.
5.3.1 p. 211, 215 consid. 4.1 p. 218; 127 II 60 consid. 1d p. 64 ss). En
l'espèce, l'existence de tels liens peut être admise au vu des circonstances
(cf. infra consid. 6.2 et 6.3). Toutefois, dans la mesure où les jumeaux sont
aujourd'hui - moment déterminant pour se prononcer sur la recevabilité du
recours sous l'angle de l'art. 8 CEDH (cf. ATF 129 II 11 consid. 2 p. 13) -
âgés de plus de dix-huit ans et ne se trouvent pas dans un état de dépendance
particulière par rapport à leur mère, en raison par exemple d'un handicap ou
d'une maladie graves (cf. ATF 120 Ib 257 consid. 1d/e p. 261; 115 Ib 1
consid. 2c p. 5), ils ne peuvent en principe pas invoquer la disposition
conventionnelle en cause; mais peu importe, car leur recours, recevable sous
l'angle de l'art. 17 al. 2 LSEE, implique de toute façon de procéder à une
pesée des intérêts complète. Quant à savoir si leur soeur cadette,
actuellement âgée de 16 ans et demi, peut déduire un droit à une autorisation
de séjour de l'art. 8 CEDH ou si elle doit se laisser opposer les
restrictions prévues par le droit et la pratique internes en matière de
politique d'immigration, c'est là une question de fond qui doit aussi être
résolue sur la base d'une pesée de tous les intérêts publics et privés en
présence (cf. ATF 125 II 633 consid. 2e et 3 p. 639 ss; 122 I 1 consid. 2 et
3 p. 6 ss; voir aussi ATF 120 Ib 1 consid. 3 p. 4 ss).

1.2 Pour le surplus, déposé en temps utile et dans les formes prescrites, le
recours est recevable, sous réserve des conclusions tendant à ce que les deux
enfants restés au Ghana soient autorisés à entrer en Suisse (cf. art. 100 al.
1 lettre b ch. 1 OJ).

2.
Lorsque le recours de droit administratif est dirigé, comme en l'espèce,
contre la décision d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par
les faits constatés dans cette décision, sauf s'ils sont manifestement
inexacts ou incomplets ou s'ils ont été établis au mépris de règles
essentielles de procédure (art. 105 al. 2 OJ). La possibilité de faire valoir
des faits nouveaux ou de nouveaux moyens de preuve est dès lors très
restreinte. Seules sont admissibles les preuves que l'instance inférieure
aurait dû retenir d'office et dont le défaut d'administration constitue une
violation de règles essentielles de procédure. En particulier, les
modifications ultérieures de l'état de fait ne peuvent normalement pas être
prises en considération, car on ne saurait reprocher à une autorité d'avoir
mal constaté les faits, au sens de l'art. 105 al. 2 OJ, lorsque ceux-ci ont
changé après sa décision (cf. ATF 125 II 217 consid. 3a p. 221).
Les recourants allèguent que la mère ne partage aujourd'hui plus sa vie avec
son petit-cousin Y.________, qui n'est du reste plus partie à la procédure,
mais qu'elle vit seule avec leur enfant commun ainsi qu'avec son fils aîné
arrivé en Suisse en avril 2004. La Cour de céans ne peut pas prendre en
considération ce nouvel allégué qui porte au surplus sur un fait postérieur à
l'arrêt attaqué. Au demeurant, la portée juridique de ce fait n'est pas
favorable aux recourants (cf. infra consid. 6.3.1, 2ème paragraphe).

3.
3.1 Selon la jurisprudence (cf. ATF 129 II 11 consid. 3.1.1 p. 14; 126 II 329
consid. 2a p. 330; 125 II 585 consid. 2a p. 586, 633 consid. 3a p. 639 et les
arrêts cités), le but de l'art. 17 al. 2 LSEE est de permettre le maintien ou
la reconstitution d'une communauté familiale complète entre les deux parents
et leurs enfants communs encore mineurs (la famille nucléaire). Dans certains
cas, ce but ne peut être entièrement atteint, notamment lorsque les parents
sont divorcés ou séparés et que l'un d'eux se trouve en Suisse depuis
plusieurs années, et l'autre à l'étranger avec les enfants, ou lorsque l'un
d'eux est décédé. Le regroupement familial ne peut alors être que partiel.
C'est pourquoi, dans cette hypothèse, la jurisprudence soumet ce droit à des
conditions sensiblement plus restrictives que lorsque les parents font ménage
commun: alors que, dans ce dernier cas, la venue des enfants mineurs en
Suisse au titre du regroupement familial est en principe possible en tout
temps sans restriction autre que celle tirée de l'abus de droit (cf. 129 II
11 consid. 3.1.2 p. 14; 126 II 329 consid. 3b p. 332/333), il n'existe, en
revanche, pas un droit inconditionnel de faire venir auprès du parent établi
en Suisse des enfants qui ont grandi à l'étranger dans le giron de leur autre
parent (cf. 129 II 11 consid. 3.1.3 p. 14/15). Il en va de même lorsque, par
exemple en raison du décès de l'autre parent ou pour d'autres motifs,
l'éducation des enfants à l'étranger n'a pas été assurée par un parent au
sens étroit (père ou mère), mais par des personnes de confiance, par exemple
des proches parents (grands-parents, frères et soeurs plus âgés etc.) (cf.
ATF 129 II 11 consid. 3.1.4 p. 15; 125 II 585 consid. 2c p. 588 ss et les
arrêts cités). La reconnaissance d'un droit au regroupement familial suppose
alors que le parent établi en Suisse ait maintenu avec ses enfants une
relation familiale prépondérante en dépit de la séparation et de la distance
(infra consid. 3.1.1) ou qu'un changement important des circonstances,
notamment d'ordre familial, se soit produit, rendant nécessaire la venue des
enfants en Suisse, comme par exemple une modification des possibilités de
leur prise en charge éducative à l'étranger (infra consid. 3.1.2) (cf. ATF
129 II 11 consid. 3.1.3 p. 14/15, 249 consid. 2.1 p. 252; 126 II 329 consid.
3b p. 332; 124 II 361 consid. 3a p. 366 et les arrêts cités).
Ces restrictions sont pareillement valables lorsqu'il s'agit d'examiner sous
l'angle de l'art. 8 CEDH la question du droit au regroupement familial
(partiel) d'enfants de parents séparés ou divorcés. En effet, si cette
disposition conventionnelle peut faire obstacle, dans certaines
circonstances, à une mesure d'éloignement ou d'expulsion qui empêche ou rend
très difficile le maintien de la vie familiale, elle n'octroie en revanche
pas de droit absolu à l'entrée ou au séjour en Suisse de membres de la
famille d'un étranger qui y est établi. En particulier, le parent qui a
librement décidé de venir en Suisse et d'y vivre séparé de sa famille pendant
de nombreuses années ne peut normalement pas se prévaloir d'un tel droit en
faveur de ses enfants restés au pays lorsqu'il entretient avec ceux-ci des
contacts moins étroits que l'autre parent ou que les membres de la famille
qui en prennent soin, et qu'il peut maintenir les relations existantes (ATF
129 II 249 consid. 2.4 p. 256; 126 II 329 consid. 3b p. 332; 125 II 633
consid. 3a p. 639/640; 124 II 361 consid. 3a p. 366 et les arrêts cités).

3.1.1 On peut notamment admettre qu'il y a une relation familiale
prépondérante entre les enfants et le parent vivant en Suisse lorsque
celui-ci a continué d'assumer de manière effective pendant toute la période
de son absence la responsabilité principale de leur éducation, en intervenant
à distance de manière décisive pour régler leur existence sur les questions
essentielles, au point de reléguer le rôle de l'autre parent à
l'arrière-plan. Pour autant, le maintien d'une telle relation ne signifie pas
encore que le parent établi en Suisse puisse faire venir ses enfants à tout
moment et dans n'importe quelles conditions. Il faut, comme dans le cas où
les deux parents vivent en Suisse depuis plusieurs années séparés de leurs
enfants, réserver les situations d'abus de droit, soit notamment celles dans
lesquelles la demande de regroupement vise en priorité une finalité autre que
la réunion de la famille sous le même toit (sur ce point, cf. infra consid.
3.2). Par ailleurs, indépendamment de ces situations d'abus, il convient,
surtout lorsque la demande de regroupement familial intervient après de
nombreuses années de séparation, de procéder à un examen d'ensemble des
circonstances portant en particulier sur la situation personnelle et
familiale de l'enfant et sur ses réelles possibilités et chances de
s'intégrer en Suisse et d'y vivre convenablement. Pour en juger, il y a
notamment lieu de tenir compte de son âge, de son niveau de formation et de
ses connaissances linguistiques. Un soudain déplacement de son centre de vie
peut en effet constituer un véritable déracinement pour lui et s'accompagner
de grandes difficultés d'intégration dans le nouveau cadre de vie; celles-ci
seront d'autant plus probables et potentiellement importantes que son âge
sera avancé (cf. ATF 129 II 11 consid. 3.3.2 p. 16).

3.1.2 Lorsque le regroupement familial en Suisse est demandé en raison de la
survenance d'un changement important des circonstances, par exemple une
nouvelle donne familiale, les adaptations nécessaires devraient en principe,
dans la mesure du possible, être d'abord réglées par les voies du droit
civil. Toutefois, il faut réserver certains cas, notamment ceux où les
nouvelles relations familiales sont clairement redéfinies - par exemple lors
du décès du parent titulaire du droit de garde ou lors d'un changement
marquant des besoins d'entretien - et ceux où l'intensité de la relation est
transférée sur l'autre parent (cf. ATF 129 II 249 consid. 2.1 p. 252/253; 125
II 585 consid. 2a p. 586/587; 124 II 361 consid. 3a p. 366 et les arrêts
cités). Le cas échéant, il y a lieu d'examiner s'il existe dans le pays
d'origine des alternatives, en matière de prise en charge de l'enfant, qui
correspondent mieux à ses besoins spécifiques et à ses possibilités.
L'opportunité d'un tel examen concerne particulièrement les enfants proches
ou entrés dans l'adolescence qui ont toujours vécu dans leur pays d'origine,
et pour lesquels une émigration vers la Suisse pourrait, comme on l'a vu,
être ressentie comme un déracinement difficile à surmonter et devrait donc,
autant que possible, être évitée. Toutefois, la jurisprudence rendue à propos
des art. 17 al. 2 LSEE et 8 CEDH ne doit pas conduire à n'accepter le
regroupement familial que dans les cas où aucune alternative ne s'offre pour
la prise en charge de l'enfant dans son pays d'origine. Simplement, une telle
alternative doit être d'autant plus sérieusement envisagée et soigneusement
examinée que l'âge de l'enfant est avancé, que son intégration s'annonce
difficile au vu de la situation et que la relation nouée jusqu'ici avec le
parent établi en Suisse n'apparaît pas particulièrement étroite (cf. ATF 125
II 633 consid. 3a p. 640 et les arrêts cités).

3.1.3 Dans tous les cas et quel que soit le motif de regroupement familial
invoqué, l'appréciation de la situation doit être globale et ne pas seulement
se faire sur la base des circonstances passées, mais aussi prendre en
considération les changements déjà intervenus, voire ceux à venir si leur
occurrence est suffisamment prévisible; à défaut, c'est-à-dire si l'on se
fondait uniquement sur le fait que l'enfant a vécu jusque-là dans un pays
étranger où il a noué ses attaches principales, le regroupement familial ne
serait pratiquement jamais possible passé un certain temps (cf. ATF 129 II
249 2.1 p. 252; 125 II 585 consid. 2a p. 586/587; 124 II 361 consid. 3a p.
366 et les arrêts cités). Or, même si, d'une manière générale, le
regroupement familial partiel doit être soumis à des conditions plus strictes
lorsqu'il est différé afin de tenir compte de l'enracinement de l'enfant dans
son pays d'origine et de ses probables difficultés d'adaptation à un nouveau
cadre de vie, il doit néanmoins rester en principe possible jusqu'à la
majorité de l'enfant, conformément au texte légal (art. 17 al. 2 LSEE) et à
la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, sous réserve
des restrictions rappelées ci-avant et des situations abusives.

3.2 II y a notamment abus de droit lorsqu'une institution juridique est
utilisée à l'encontre de son but pour réaliser des intérêts qu'elle n'est pas
destinée à protéger (cf. ATF 130 II 113 consid. 4.2 p. 117 et les arrêts
cités). L'existence d'un éventuel abus de droit doit être appréciée dans
chaque cas particulier et avec retenue, seul l'abus manifeste d'un droit
pouvant et devant être sanctionné (cf. ATF 121 II 97 consid. 4a p. 103).
En matière de regroupement familial différé, plus il apparaît que les parents
ont, sans motif valable, attendu longtemps avant de demander l'autorisation
de faire venir leurs enfants en Suisse, et plus le temps séparant ceux-ci de
leur majorité est court, plus l'on doit s'interroger sur les véritables
intentions poursuivies par cette démarche et se demander si l'on ne se trouve
pas dans une situation d'abus de droit. Ce point doit faire l'objet d'un
examen particulier en cas de regroupement familial partiel, car l'expérience
enseigne que le risque d'abus est alors plus élevé que si la demande émane de
parents vivant ensemble (cf. 126 II 329 consid. 3b p. 332/333). Ainsi, le
fait qu'un parent établi en Suisse veuille y faire venir un enfant, peu avant
sa majorité, alors que celui-ci a longtemps vécu séparément chez son autre
parent vivant à l'étranger, constitue généralement un indice d'abus du droit
au regroupement familial. En effet, on peut alors présumer que le but visé
n'est pas prioritairement de permettre et d'assurer la vie familiale commune,
conformément à l'objectif poursuivi par les art. 17 al. 2 LSEE et 8 CEDH,
mais de faciliter l'établissement en Suisse et l'accès au marché du travail.
Il faut néanmoins tenir compte de toutes les circonstances particulières du
cas qui sont de nature à justifier le dépôt tardif d'une demande de
regroupement familial comme, par exemple, une subite et importante
modification de la situation familiale et des besoins de l'enfant, telle
qu'elle peut notamment se produire, ainsi qu'on l'a vu, après le décès du
parent vivant à l'étranger (cf. ATF 126 II 329 consid. 3b p. 333; 125 II 585
consid. 2a p. 587 et les arrêts cités).

3.3 La preuve des motifs visant à justifier le regroupement familial
ultérieur d'enfants de parents séparés ou divorcés, de même que l'importance
de ces motifs, doivent être soumises à des exigences d'autant plus élevées
que l'enfant sera avancé en âge, qu'il aura vécu longtemps séparé de son
parent établi en Suisse et qu'il aura suivi toute sa scolarité dans son pays
d'origine. Ainsi, en cas de demande de regroupement peu avant sa majorité,
une autorisation d'établissement ne pourra exceptionnellement être octroyée
en sa faveur que si les raisons expliquant la durée de la séparation sont
sérieuses et résultent clairement des circonstances de l'espèce (cf. ATF 129
II 11 consid. 3.3.2 p. 16, 249 consid. 2.1 p. 253; 125 II 585 consid. 2a
p. 587; 124 II 361 consid. 4c p. 370/371; 119 Ib 81 consid. 3a p. 88).

4.
Dans le cas particulier, le Tribunal administratif a constaté que la mère,
X.________, avait vécu en Suisse plus de onze ans séparée de ses enfants
avant de déposer pour la première fois, le 29 septembre 2004, une demande de
regroupement familial en leur faveur. Les juges ont, par ailleurs, estimé que
l'intéressée n'avait pas été en mesure de fournir des explications
susceptibles de justifier une telle attente et que rien n'établissait qu'elle
entretenait avec ses enfants un lien plus étroit que les personnes qui
s'étaient occupées d'eux au Ghana, soit leur grand-mère et la soeur de
Y.________. Enfin, ils ont relevé que les enfants ne parlaient "pas un mot de
français" et avaient conservé le centre de leurs intérêts au Ghana, où ils
ont vécu depuis leur naissance et accompli "plus ou moins régulièrement leur
scolarité", et où vivent les personnes qui les ont élevés depuis le départ de
leur mère pour la Suisse en 1993.
Les recourants soutiennent, en renvoyant à une récente jurisprudence de la
Cour européenne des droits de l'homme (arrêt Tuquabo-Tekle et  autres contre
Pays-Bas, no 60665/00, du 1er décembre 2005) et à un commentaire que lui a
consacré Marc Spescha (Familennachzug: Restriktive schweizerische Praxis
verstösst gegen Europäische Menschenrechtskonvention, in: Revue de l'avocat,
2006, p. 144 ss), que "la limite d'âge [des enfants] n'est pas opposable au
regroupement familial à titre de motif décisif, lorsque la vie familiale a
été maintenue dans la mesure compatible avec une séparation." Ils estiment
également que le lien créé entre parents et enfants par la vie familiale
initiale ne peut se briser que dans des circonstances exceptionnelles, mais
non par une simple séparation, fût-elle de plusieurs années, due au départ,
volontaire ou non, de l'un des parents à l'étranger. En outre, ils font
valoir que la pleine protection de l'art. 8 CEDH "est acquise dès qu'il y a
vie familiale", sans distinction selon "qu'il y ait descendance commune ou
non entre deux parents." Enfin, ils invoquent l'art. 17 al. 2bis LSEE qui, à
leur sens, tendrait à faciliter le regroupement familial des enfants
lorsqu'il s'agit d'assurer leur formation.

5.
5.1 L'affaire invoquée par les recourants concerne le cas d'une ressortissante
érythréenne née en 1963, Goi Tuquabo-Tekle, qui avait fui son pays (alors
rattaché à l'Ethiopie) pour la Norvège en 1989, à la suite du décès de son
premier mari survenu durant la guerre civile. Elle avait alors laissé
derrière elle trois enfants, deux garçons et une fille, qu'elle avait confiés
aux soins de leur grand-mère maternelle et d'un oncle. Après l'obtention d'un
permis humanitaire en 1990, elle avait pu, en octobre 1991, faire venir
auprès d'elle en Norvège son fils aîné âgé de treize ans qui vivait alors
depuis quelque temps chez un de ses amis en Ethiopie, à Addis Abeba; en
revanche, elle n'avait pas réussi à obtenir des autorités érythréennes les
papiers nécessaires pour faire venir ses deux autres enfants restés en
Erythrée. En juin 1992, elle s'était remariée avec un compatriote vivant aux
Pays-Bas avec le statut de réfugié, puis elle avait émigré dans ce pays avec
son fils aîné en juillet de l'année suivante pour y rejoindre son mari avec
lequel elle aura deux enfants, nés respectivement en 1994 et 1995. Le 16
septembre 1997, elle et son mari déposèrent une demande de regroupement
familial en faveur de sa fille de quinze ans, Mehret, restée en Erythrée. La
dernière instance judiciaire hollandaise rejeta cette demande, en retenant
notamment que les requérants n'avaient réussi à prouver ni que le mère avait
conservé des liens étroits avec sa fille et avait continué à exercer à
distance son autorité parentale sur elle, ni qu'elle avait vainement tenté de
la faire venir plus tôt aux Pays-Bas; les juges hollandais estimèrent dès
lors que l'intérêt de la société à poursuivre une politique restrictive en
matière d'immigration l'emportait sur l'intérêt des requérants à obtenir
l'autorisation souhaitée, en relevant que l'article 8 CEDH ne créait à cet
égard aucun droit et que, dans les circonstances du cas, aucune raison
sérieuse et objective n'empêchait la famille de se reconstituer en Erythrée.
La Cour européenne des droits de l'homme (ci-après également citée: la Cour)
a admis le recours formé par les requérants contre ce refus.
Dans ses considérants, la Cour a d'abord rappelé les buts et les principes
guidant l'application de l'art. 8 CEDH, à savoir: que cette disposition tend
d'abord à prémunir les individus contre les ingérences de l'Etat,
conformément à son second paragraphe, mais qu'elle peut également impliquer
des obligations positives de la part de l'Etat afin de garantir le "respect"
effectif de la vie familiale prévu à son premier paragraphe; que la frontière
entre les obligations négatives et les obligations positives ne se prête
guère à une définition précise; que, dans les deux cas, les principes
applicables sont néanmoins comparables, en ce sens qu'il faut tenir compte du
juste équilibre à ménager entre les intérêts concurrents des individus et de
la société dans son ensemble et que l'Etat jouit à cet égard d'une certaine
marge d'appréciation (arrêt précité, § 42).
La Cour a ensuite réaffirmé sa jurisprudence constante voulant que, pour
établir les obligations de l'Etat dans un cas particulier, il faut examiner
les faits de la cause à la lumière des principes suivants:
a) l'étendue de l'obligation pour un Etat membre d'admettre sur son
territoire des parents d'immigrés au titre du regroupement familial dépend de
la situation des intéressés et de l'intérêt général;
b) d'après un principe de droit international bien établi, les Etats ont le
droit, sans préjudice des engagements découlant pour eux des traités, de
contrôler l'entrée des non-nationaux sur leur sol;
c) en matière d'immigration, l'art. 8 CEDH ne saurait s'interpréter comme
comportant pour un Etat l'obligation générale de respecter le choix, par des
couples mariés, de leur résidence commune et de permettre le regroupement
familial sur son territoire (arrêt précité, § 43).
Appliquant ces principes au cas d'espèce, la Cour a expressément relevé que,
dans son analyse de la situation, elle devait prendre en considération l'âge
des enfants concernés, leur situation dans leur pays d'origine et leur degré
de dépendance par rapport aux parents (arrêt précité, § 44). Elle a ensuite
établi un parallèle avec une autre affaire hollandaise (arrêt Sen c./
Pays-Bas, no 31465/96, du 21 décembre 2001), où elle avait admis, dans des
circonstances qu'elle a qualifiées de similaires, une demande de regroupement
familial en faveur d'un jeune enfant; comme l'âge des enfants faisant l'objet
de la demande était néanmoins sensiblement différent (neuf ans dans l'affaire
Sen, contre quinze ans dans l'affaire Tuquabo-Tekle), la Cour s'est attachée
à déterminer si cet élément appelait de donner une issue différente au
litige; à cette fin, elle a fait état de précédents où elle avait jugé
conformes à l'art. 8 CEDH des refus de regroupement familial au motif
précisément que les enfants concernés avaient atteint un âge où l'on pouvait
admettre qu'ils n'avaient plus autant besoin des soins et de l'attention de
leurs parents que de jeunes enfants; dans des affaires de ce genre, a-t-elle
poursuivi, il faut examiner dans quelle mesure les enfants ont grandi dans
l'environnement culturel et linguistique de leur pays d'origine et y ont
encore des parents pouvant les prendre en charge et si, cas échéant, on peut
attendre de leurs propres parents qu'ils les y rejoignent pour réunir la
famille (arrêt précité, § 47, 48 et 49 et les affaires qui y sont
mentionnées).
Au final, la Cour a décidé que, nonobstant l'importance des liens
linguistiques et culturels de l'enfant Mehret avec son pays d'origine et bien
qu'il n'eût pas été allégué que sa grand-mère ne pouvait plus prendre soin
d'elle, son âge n'était, compte tenu des circonstances particulières du cas,
pas un élément justifiant d'adopter une autre solution que dans l'affaire Sen
(arrêt Tuquabo-Tekle précité, § 50). Au titre de ces circonstances, la Cour a
constaté que la mère avait toujours eu l'intention de faire venir auprès
d'elle sa fille, qu'elle avait constamment et dès que possible accompli des
efforts et entrepris des démarches en ce sens, qu'elle n'était pas parvenue à
ses fins pour des raisons indépendantes de sa volonté (arrêt précité, §
45/46), qu'elle et son mari avaient légalement résidé pendant de nombreuses
années aux Pays-Bas et avaient obtenu la nationalité de ce pays par
naturalisation, qu'ils y avaient donné naissance à deux enfants, également de
nationalité hollandaise, et que ces enfants n'avaient pratiquement aucun lien
avec le pays d'origine de leurs parents, ayant toujours vécu dans
l'environnement culturel et linguistique des Pays-Bas (arrêt précité, §
47/48); la Cour a également relevé que, même s'ils n'étaient en eux-mêmes pas
décisifs, deux points méritaient néanmoins d'être mentionnés, à savoir, d'une
part, que conformément aux coutumes du pays d'origine, la grand-mère avait
décidé, contre l'avis de la mère, de retirer l'enfant Mehret de l'école, et
s'apprêtait à organiser pour elle un mariage arrangé et, d'autre part, qu'au
moment des premières démarches entreprises en Norvège en 1990 pour faire
venir l'enfant, celle-ci n'était alors âgée que de neuf ans, comme dans
l'affaire Sen (arrêt précité, § 50 et 51).

5.2 Comme on l'a vu (cf. supra consid. 3.1), le Tribunal fédéral opère une
distinction, dans l'examen des cas, entre les demandes de regroupement
familial présentées par les deux parents, en principe possibles à tout moment
jusqu'à la majorité de l'enfant sous réserve des situations d'abus de droit,
et celles présentées par un seul parent, soumises à des conditions plus
restrictives, surtout lorsqu'elles ont été longtemps différées. Dans cette
dernière hypothèse, il s'impose en effet, dans la pesée des intérêts, de
tenir compte du fait qu'une longue durée de séparation entraîne non seulement
une certaine rupture des liens entre le parent établi en Suisse et l'enfant,
mais encore resserre, dans le même temps, les attaches de celui-ci avec son
pays d'origine, en particulier avec son autre parent ou les proches qui y
vivent et ont pris soin de lui, dans une mesure pouvant rendre délicat un
changement de son cadre de vie et de sa prise en charge éducative.
Contrairement à l'avis de Spescha (op. cit., p. 146) relayé par les
recourants, ces considérations restent pertinentes et ne sont pas remises en
cause par l'arrêt Tuquabo-Tekle. Il est vrai que cette affaire avait pour
toile de fond une demande de regroupement familial partiel, émanant de la
mère et du beau-père de l'enfant, alors que le cas Sen, avec lequel la Cour
européenne des droits de l'homme a tiré un parallèle, avait pour enjeu une
demande de regroupement familial émanant des deux parents de l'enfant. Il
apparaît toutefois que les motifs ayant conduit les juges de Strasbourg à
établir un tel parallèle tiennent au fait que, dans les deux cas, il
s'agissait d'affaires hollandaises concernant des couples mariés, établis de
longue date et bien intégrés aux Pays-Bas, qui avaient formé une demande de
regroupement familial en faveur de leur fille (respectivement belle-fille)
laissée au pays aux soins de proches parents; par ailleurs, aussi bien dans
l'affaire Sen que dans l'affaire Tuquabo-Tekle, les requérants avaient acquis
la nationalité de leur pays d'accueil par naturalisation et y avaient donné
naissance à deux enfants, également de nationalité hollandaise, qui ne
présentaient que peu de liens avec le pays d'origine de leurs parents, ayant
toujours vécu dans l'environnement culturel et linguistique des Pays-Bas.
C'est sous l'angle de ces circonstances particulières que les deux cas ont
été rapprochés par la Cour (cf. arrêt précité Tuquabo-Tekle, § 47/48). Que
celle-ci n'ait, dans ce contexte précis, pas fait allusion à certaines
différences ne permet en tout cas pas, comme le soutient Spescha (ibidem),
d'en déduire que de telles différences seraient une fois pour toutes et de
manière générale dénuées de toute pertinence pour apprécier des demandes de
regroupement familial dans d'autres cas. On ne comprendrait du reste pas,
s'il en était ainsi et si la distinction entre regroupement familial partiel
et regroupement familial auprès des deux parents n'avait aucune pertinence,
que la Cour européenne des droits de l'homme continuât à poser comme critères
d'appréciation, outre l'âge des enfants, la situation de ceux-ci dans leur
pays d'origine et leur degré de dépendance par rapport aux parents (arrêt
précité, § 44). Il tombe en effet sous le sens que ces critères se présentent
sous un jour différent selon que les deux parents vivent ensemble ou non,
surtout si l'éducation des enfants a été assurée pendant de nombreuses années
par le parent resté à l'étranger et si l'enfant a noué avec celui-ci des
liens privilégiés.
Par ailleurs, l'affaire Tuquabo-Tekle a ceci encore de particulier qu'elle
concerne un cas singulier de regroupement familial partiel, soit celui d'une
mère qui a émigré de son pays d'origine après le décès de son premier mari
puis s'est remariée et a fondé une nouvelle famille dans le pays d'accueil,
en laissant sa fille derrière elle aux soins de proches. On ne saurait dès
lors déduire du contexte particulier de l'affaire la portée de principe que
veut conférer à celle-ci Spescha sur certains points, en particulier sur le
fait qu'il n'y aurait désormais plus lieu de faire de distinction entre un
regroupement familial seulement partiel et un regroupement familial auprès
des deux parents. En réalité, la Cour européenne des droits de l'homme n'a
pas spécifiquement abordé cette question dans l'arrêt Tuquabo-Tekle. Dans
d'autres affaires, elle a par contre clairement mis l'accent, à l'instar de
la Cour de céans, sur la nécessité de tenir aussi compte, dans la pesée des
intérêts, des liens que l'enfant a pu développer avec ses proches dans son
pays d'origine ainsi qu'avec l'environnement culturel et linguistique de ce
pays (cf. arrêts Ahmut c./Pays-Bas, du 26 novembre 1996, Rec. 1996-VI p.
2017, § 69, et Gül c/ Suisse, du 19 février 1996, Rec. 1996-I p. 159, § 42).
Si, dans le cas Tuquabo-Tekle, ces liens n'ont pas été considérés comme
décisifs, c'est apparemment - et notamment - parce que les juges de
Strasbourg ont malgré tout tenu compte des perspectives relativement sombres
qui attendaient l'enfant Mehret si elle devait rester au pays: sa grand-mère
l'avait en effet retirée de l'école et elle était promise à un mariage forcé.
Les juges ont semble-t-il également voulu prendre en considération le fait
que la mère avait sans succès déjà entrepris des démarches en vue du
regroupement familial lorsque l'enfant n'était âgée que de 9 ans.

5.3 Il apparaît également que rien, dans la motivation de l'arrêt
Tuquabo-Tekle, ne permet de conclure, comme le soutiennent les recourants en
s'appuyant sur Spescha (op. cit., p. 147), que l'âge de l'enfant au moment de
la demande de regroupement familial ne jouerait qu'un rôle secondaire dans la
pesée des intérêts. Au contraire, c'est même le premier critère que la Cour a
expressément mentionné parmi les éléments à prendre en considération à cet
égard au titre de la situation personnelle de l'enfant (§ 44). Par ailleurs,
si la Cour a effectivement établi un parallèle avec l'affaire Sen, elle n'en
a pas moins clairement souligné que celle-ci se démarquait du litige qu'elle
avait à trancher par la différence d'âge des enfants concernés dans les deux
causes (§ 48), confirmant par là l'importance de cet élément dans
l'appréciation à porter sur un cas d'espèce. Certes a-t-elle finalement fait
droit à la demande de regroupement familial, en considérant, au terme de son
examen, que la différence d'âge entre les enfants concernés ne justifiait pas
une autre solution. Elle n'a toutefois nullement fondé cette conclusion,
comme le voudrait Spescha (ibidem), sur l'idée que l'âge ne serait, d'une
manière générale, pas un critère important pour apprécier le bien-fondé d'une
demande de regroupement familial différé. En réalité, c'est malgré l'âge déjà
relativement avancé de l'enfant que la Cour a - exceptionnellement - penché
pour l'admission du recours dans l'affaire Tuquabo-Tekle, afin de tenir
compte des circonstances particulières du cas (cf. Jean-François
Akandji-Kombe, Les obligations positives en vertu de la Convention européenne
des Droits de l'Homme, in: Série «Précis sur les droits de l'homme», no 7,
éd. par le Conseil de l'Europe, Strasbourg 2006, p. 45/46).
Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de changer la pratique en cours en
matière de regroupement familial partiel et différé, en ce sens que, dans la
pesée des intérêts, il faut continuer à tenir compte de l'âge des enfants
concernés et du nombre d'années que ceux-ci ont passés à l'étranger, et
veiller autant que possible à privilégier la venue en Suisse de jeunes
enfants. En effet, ceux-ci ont généralement conservé des liens plus étroits
avec celui de leur parent établi en Suisse que des enfants déjà avancés en
âge ayant vécu de nombreuses années à l'étranger; de plus, de jeunes enfants
sont davantage capables de s'adapter à un nouvel environnement familial,
social et culturel (nouvelle prise en charge éducative et scolaire; nouvelles
habitudes de vie; apprentissage d'une nouvelle langue; éventuelle nécessité
d'un rattrapage scolaire; ...), étant notamment moins en proie que des
adolescents ou des enfants proches de l'adolescence à rencontrer des
problèmes d'intégration liés à un déracinement (cf. supra consid. 3.1.1).
5.4 Ces réflexions ont alimenté la loi fédérale sur les étrangers du 16
décembre 2005 (LEtr; publiée in: FF 2005 6885), approuvée le 24 septembre
dernier en votation populaire (FF 2006 8953), qui entrera en vigueur dans
quelque temps en remplacement de l'actuelle loi fédérale (précitée) sur le
séjour et l'établissement des étrangers (LEtr, Annexe I). Ainsi, la nouvelle
loi fait-elle de l'intégration des étrangers un thème central, en lui
consacrant de nombreuses dispositions (cf. art. 3 al. 1, 4 et 53 ss LEtr). Et
c'est également en partie dans ce souci que, sauf "raisons familiales
majeures" (cf. art. 47 al. 3 LEtr), la nouvelle loi soumettra le droit de
demander le regroupement familial des enfants de plus de 12 ans à un délai
particulier de 12 mois dès l'octroi de l'autorisation de séjour ou
d'établissement ou de l'établissement du lien familial (cf. art. 47 al. 1 et
3 lettre b LEtr). Par ailleurs, contrairement à l'art. 17 al. 2 LSEE, la
nouvelle loi ne permettra plus d'inclure les enfants de plus de 12 ans dans
l'autorisation d'établissement de leurs parents, mais leur donnera simplement
droit à une autorisation de séjour (cf. art. 43 al. 1 et al. 3 LEtr a
contrario; sur la nouvelle loi, cf. Minh Son Nguyen, Le regroupement familial
dans la loi sur les étrangers et dans la loi sur l'asile révisée, in:
Annuaire du droit de la migration, 2005/2006, Berne 2006, p. 31 ss; du même
auteur, La LEtr soumise au referendum, op. cit., p. 213 ss).
A noter que la mise en place de limites d'âge en vue de garantir une bonne
intégration des enfants étrangers n'est pas une politique propre à la Suisse,
le Conseil de l'Union européenne ayant adopté le 22 septembre 2003 une
directive 2003/86/CE relative au droit au regroupement familial (JO L 251, p.
12), qui donne notamment compétence à un Etat membre d'examiner si un enfant
de plus de 12 ans arrivé indépendamment du reste de sa famille satisfait à un
critère d'intégration prévu par sa législation; cette possibilité vise à
tenir compte de la faculté d'intégration des enfants dès le plus jeune âge et
garantit qu'ils acquièrent l'éducation et les connaissances linguistiques
nécessaires à l'école (art. 4 § 1 in fine de la directive explicité à la
lumière de son 12ème considérant). La directive prévoit également que les
Etats membres peuvent exiger que les demandes de regroupement familial
d'enfants mineurs soient introduites avant que ceux-ci n'aient atteint l'âge
de 15 ans, les demandes introduites ultérieurement ne pouvant faire l'objet
d'une dérogation que "pour d'autres motifs que le regroupement familial"
(art. 4 § 6; sur cette directive, cf. Astrid Epiney/Andrea Faeh, Zum
Aufenthaltsrecht von Familienangehörigen im europäischen Gemeinschaftsrecht,
in: Annuaire du droit de la migration, 2005/2006, Berne 2006, p. 49 ss, p. 74
ss).
Saisi par le Parlement européen d'un recours tendant à l'annulation des
dispositions précitées de la directive, la Cour de justice des communautés
européennes (ci-après citée: la Cour de justice ou CJCE) l'a récemment rejeté
dans un arrêt du 27 juin 2006 (cause C-540/03). Après avoir rappelé en détail
la pratique de la Cour européenne des droits de l'homme en matière de
regroupement familial des enfants et, notamment, les principes développés
dans les arrêts précités Sen, Ahmut et Gül, la Cour de justice a considéré
que la limite d'âge de 12 ans et le critère d'intégration prévus à l'art. 4 §
1 de la directive étaient compatibles avec la marge d'appréciation laissée
aux Etats par l'art. 8 CEDH et avec les objectifs poursuivis par cette
disposition; à cet égard, elle a notamment souligné que "la nécessité de
l'intégration peut relever de plusieurs des buts légitimes visés à l'article
8, paragraphe 2, de la CEDH" (arrêt CJCE précité, § 62 ss). Par ailleurs, la
Cour de justice a jugé que la limite d'âge prévue à l'art. 4 § 6 de la
directive pouvait et devait être interprétée dans un sens conforme au droit
fondamental au respect de la vie familiale, en ce sens notamment qu'elle
n'interdisait pas aux Etats membres de prendre en compte des demandes
relatives à des enfants de plus de 15 ans, l'obligation de n'autoriser
l'entrée et le séjour de ceux-ci que pour "d'autres motifs que le
regroupement familial" ne faisant référence qu'aux hypothèses de regroupement
familial imposées par la directive; cette précision laisse la porte ouverte à
des demandes de regroupement familial fondées directement sur l'art. 8 CEDH
(arrêt précité, § 84 ss). En rendant son verdict, la Cour de justice n'a pas
ignoré l'arrêt Tuquabo-Tekle qui lui est antérieur de plusieurs mois,
d'autant que son attention avait été expressément attirée sur cette affaire
par les conclusions de l'avocat général du 8 septembre 2005 (ad § 68 de ces
conclusions et le renvoi à la note 53).
La situation envisagée à la lumière de la nouvelle loi sur les étrangers
ainsi qu'au regard de la pratique en cours dans les pays voisins n'incite
donc nullement à infléchir la jurisprudence actuelle dans le sens désiré par
les recourants.

5.5 En résumé, on peut tout au plus déduire de l'arrêt Tuquabo-Tekle qu'un
droit au regroupement familial partiel ne doit, selon les circonstances, pas
être d'emblée exclu, même s'il est exercé plusieurs années après la
séparation de l'enfant et son parent établi en Suisse et si l'enfant est
alors déjà relativement avancé en âge. Le Tribunal fédéral ne l'ignore pas;
du reste, il a déjà admis des demandes de regroupement familial (différé) en
faveur d'adolescents ou d'enfants proches de la majorité lorsque des motifs
importants imposaient une modification de leur prise en charge éducative (cf.
arrêts 2A.123/1999, du 26 juillet 1999 et 2A.340/2000, du 27 octobre 2000).
De fait, la jurisprudence ne pose aucune règle rigide en la matière, mais
invite au contraire, dans la ligne de la pratique de la Cour européenne des
droits de l'homme, à procéder à un examen individuel dans chaque cas
d'espèce, loin de tout schématisme préétabli. L'appréciation doit se faire
sur la base de l'ensemble des circonstances et tenir particulièrement compte
de la situation personnelle de l'enfant (liens familiaux et sociaux et
possibilité de prise en charge éducative dans son pays, ...), de ses chances
d'intégration en Suisse (compte tenu notamment de son âge, de son niveau
scolaire et de ses connaissances linguistiques), du temps qui s'est écoulé
depuis la séparation d'avec son parent établi en Suisse, de la situation
personnelle de celui-ci (notamment aux plans familial et professionnel) et
des liens qui les unissent l'un à l'autre. Pour juger de l'intensité de ces
liens, il faut notamment prendre en considération le nombre d'années que le
parent établi en Suisse a vécues avec son enfant à l'étranger avant
d'émigrer, et examiner dans quelle mesure il a depuis lors maintenu
concrètement avec lui des relations malgré la distance, en particulier s'il a
eu des contacts réguliers avec lui (au moyen de visites, d'appels
téléphoniques, de lettres, ...), s'il a gardé la haute main sur son éducation
et s'il a subvenu à son entretien.

6.
6.1 Le Tribunal administratif a constaté que la mère n'avait déposé les
demandes de regroupement familial litigieuses qu'en septembre 2004. Il a
estimé que cette démarche aurait pu être entreprise plus tôt et qu'il était
en tout cas "difficilement compréhensible" qu'après avoir obtenu une
autorisation de séjour en avril 1997, qui avait par la suite été
régulièrement renouvelée, l'intéressée eût encore attendu plus de 7 ans pour
agir. On ne peut que partager la perplexité des premiers juges quant aux
raisons invoquées par les recourants pour justifier une telle attente, à
savoir que la mère n'avait obtenu une autorisation d'établissement que le 29
septembre 2004 (recte: le 12 octobre 2004) et que sa situation financière ne
lui permettait de toute façon pas d'agir auparavant.
Contrairement à ce que laissent entendre les recourants, même si elle ne
bénéficiait pas encore d'une autorisation d'établissement lui conférant le
droit de demander la réunion de ses enfants en Suisse (cf. art. 17 al. 2 LSEE
a contrario), la mère avait néanmoins la possibilité, comme l'ont constaté
les premiers juges, de déposer une telle demande depuis qu'une autorisation
de séjour lui avait été octroyée, soit depuis le 14 avril 1997 (cf. art. 38
al. 2 de l'ordonnance du 6 octobre 1986 limitant le nombre des étrangers a
contrario; OLE - RS 823.21). Certes, sa situation financière était à l'époque
difficile. Elle a du reste émargé à plusieurs reprises à l'aide sociale,
notamment à partir du mois d'avril 1998, où elle a touché pendant certaines
périodes le revenu minimum de réinsertion (RMR), la dernière fois, selon les
pièces au dossier, d'octobre 2003 à juin 2004. Les recourants n'ont cependant
apporté aucun élément permettant de penser que les choses se seraient
soudainement améliorées à l'automne 2004 lors du dépôt de la demande
litigieuse. Dans ses déclarations (cf. courrier de son conseil du 16 mars
2005 au Service de la population), puis dans son recours au Tribunal
administratif, la mère n'a d'ailleurs pas indiqué de changement déterminant
dans sa situation financière à cette époque, mais a surtout insisté sur
l'aide que pouvait lui apporter son compagnon Y.________, avec lequel elle
partageait alors un appartement depuis 2002 en compagnie de leur enfant
commun né cette même année. Or, si le fait nouveau décisif tenait vraiment
dans sa nouvelle vie avec le prénommé, on peut s'étonner que la mère ait
encore attendu deux années supplémentaires avant de demander la réunion de
ses enfants en Suisse. De plus, au regard des revenus de son compagnon, il
n'apparaît pas que l'aide de celui-ci pût être importante, surtout si l'on
considère que l'intéressé avait lui-même formé, selon les indications de
l'Ambassade de Suisse à Accra (cf. lettre du 8 décembre 2004), une demande de
regroupement familial en faveur de deux enfants vivant au Ghana dont il était
le père. Dans ces conditions, on peut sérieusement se demander si les motifs
économiques invoqués, certes réels mais en réalité présents et constants
depuis l'arrivée de la mère en Suisse, y compris au moment de la demande de
regroupement familial, expliquent à eux seuls le retard pris pour former
cette demande ou si, en fin de compte, celle-ci ne vise pas prioritairement
un autre but que la réunion de la famille sous le même toit, comme l'ont
sous-entendu les premiers juges en relevant que la demande n'avait été
déposée que peu de temps avant la majorité des deux jumeaux, soit à un âge où
ceux-ci peuvent entrer dans la vie active ou du moins entreprendre une
formation (sur ce point, cf. aussi infra consid. 6.2.2).
Quoi qu'il en soit, la question d'un éventuel abus de droit peut rester
indécise, car le recours est de toute façon mal fondé pour un autre motif.

6.2 Les recourants ont motivé pour l'essentiel leur demande par le fait,
d'une part, que la mère aurait conservé une relation prépondérante avec ses
enfants (cf. infra consid. 6.2.1) et, d'autre part, que la prise en charge
éducative de ceux-ci au Ghana ne pouvait plus être assurée de manière
satisfaisante (cf. infra consid. 6.2.2).
6.2.1 Selon les constatations du Tribunal administratif, la mère a
régulièrement versé des contributions financières en faveur de ses enfants et
elle leur a rendu visite une fois par année au pays. Les recourants ont
également allégué qu'ils avaient de fréquents contacts téléphoniques. Au vu
du temps qui s'est écoulé depuis la séparation, soit onze années au moment du
dépôt de la demande litigieuse, on ne saurait toutefois admettre que de tels
rapports sont en eux-même suffisants pour maintenir une relation
prépondérante entre les intéressés au sens de la jurisprudence. Seule une
implication particulièrement importante et décisive de la mère pour régler la
vie de ses enfants permettrait éventuellement d'admettre le contraire. Or,
les recourants n'ont pas démontré sur quels points précis ou de quelle
manière l'intéressée aurait concrètement gardé la haute main sur l'éducation
de ses enfants, ni même, du reste, n'ont formulé d'allégués allant dans ce
sens. Il faut dès lors constater que les relations qui les unissent ne sont
pas prépondérantes au point de justifier à elles seules un regroupement
familial aussi différé (sur ce point, cf. aussi infra consid. 6.3).
C'est en vain que les recourants soutiennent, en se référant à l'arrêt
précité Sen (ad § 28), que "le lien créé entre parents et enfant par la vie
familiale initiale (...) crée un lien que des événements ultérieurs ne
peuvent briser que dans des circonstances exceptionnelles." En effet, le
passage de l'arrêt Sen auquel il est fait allusion détermine à quelles
conditions l'existence d'une vie familiale au sens de l'art. 8 CEDH doit être
admise. Or, en l'espèce, ce point - de recevabilité du grief - n'est pas
contesté (cf. supra consid. 1.1.2). Seule est litigieuse la question - de
fond - de savoir si les refus d'autorisations d'entrée et/ou de séjour
opposés aux enfants constituent des violations du droit au respect de la vie
familiale garanti par la disposition conventionnelle précitée ou constituent
des ingérences dans l'exercice de ce droit.
Au demeurant, à supposer même que les liens entre la mère et ses enfants
puissent être qualifiés de prépondérants, un examen de l'ensemble des
circonstances s'imposerait de toute façon au regard de la durée de séparation
entre les intéressés et de l'âge déjà relativement avancé des enfants au
moment de la demande (cf. supra consid. 3.1.1 et 5.5). Il sera procédé plus
loin à cet examen d'ensemble (cf. infra consid. 6.3).
6.2.2 Dans leurs différentes écritures, les recourants n'ont eu de cesse de
faire valoir que la prise en charge éducative des enfants ne pouvait pas - ou
plus - être convenablement assurée au Ghana. Ils n'ont toutefois fourni aucun
élément tangible à l'appui de cette assertion ni même développé de claires
explications permettant de l'accréditer. De leur propre aveu, les enfants
sont pris en charge depuis quelques années par Z.________. En procédure
fédérale, ils ne démontrent ni même n'allèguent expressément que celle-ci ne
pourrait plus assurer cette mission. La seule allusion à cette circonstance
tient dans une déclaration écrite du 9 juillet 2004 de la prénommée que les
recourants retranscrivent dans la partie faits de leur mémoire (après
traduction de l'anglais) de la manière suivante: "(...) Que la garde de
l'enfant [il n'est ici fait référence qu'à la cadette, mais il est constant
que les deux aînés ont également été pris en charge par la prénommée] m'a été
confiée quand la mère X.________ a quitté le territoire. Que depuis lors j'ai
été le gardien, le parent nourricier et le responsable ici au Ghana de
C.________. Que présentement j'ai à faire face à des difficultés économiques
qui sont un obstacle insurmontable à l'entretien et l'éducation de l'enfant.
Qu'il est de l'intérêt supérieur de l'enfant de pouvoir se réunir à sa mère
de manière que celle-ci soit en mesure de lui assurer des soins normaux, une
vie décente et une bonne éducation (...)". Du moment qu'il est admis que la
mère envoie régulièrement de l'argent au Ghana, pays où il est notoire que le
coût de la vie est sans commune mesure moins cher qu'en Suisse, l'argument
financier n'apparaît pas de nature à établir, en l'absence d'éléments plus
précis, que Z.________ ne peut subitement plus assumer la prise en charge des
enfants. En réalité, le regroupement familial vise avant tout à donner à
ceux-ci l'opportunité de bénéficier de meilleures perspectives d'avenir en
matière de formation et d'accès au marché du travail, comme en conviennent du
reste sans détour les recourants en procédure fédérale, en relevant que
"c'est d'ailleurs le souci d'une éducation normale et suffisante qui est le
motif principal de la réunion familiale" (recours, p. 5). Cet objectif
transparaît tout aussi nettement dans une déclaration que le père des jumeaux
a signée le même jour que Z.________. Or, pour honorable qu'il soit, un tel
objectif n'est pas susceptible de justifier une demande de regroupement
familial (cf. ATF 129 II 249 consid. 2.2 p. 253/254). A cet égard, les
recourants font fausse route lorsqu'ils invoquent l'art. 17 al. 2bis LSEE:
outre que cette disposition n'est pas d'application directe, qu'elle n'a, à
ce jour, pas été précisée par voie d'ordonnance, et qu'elle ne vise que les
enfants dont les parents sont titulaires d'une autorisation de séjour, son
but n'est pas à proprement parler de faciliter le regroupement familial des
enfants visés en vue de leur garantir une formation, mais d'introduire des
critères d'admission, comme l'âge, en vue de s'assurer que ces enfants
puissent, le moment venu, entreprendre avec succès une telle formation (cf.,
à ce sujet, les déclarations du rapporteur de la commission du Conseil des
Etats, Peter Bieri, in: BO CE I 2002, p. 528).

6.3 Il reste à examiner si, au terme d'un examen de l'ensemble des
circonstances, il doit néanmoins être fait droit aux demandes des recourants.

6.3.1 Lorsque sa mère est arrivée en Suisse en août 1993, la cadette des
enfants, C.________, était alors âgée d'un peu plus de trois ans. Elle avait
14 ans ? au moment du dépôt de la demande de regroupement familial, en
septembre 2004. A ce moment-là, elle avait donc vécu pendant plus de onze
années séparée de sa mère. Cette durée est importante et de nature à
affaiblir les liens entre une mère et sa fille, en particulier si on met
cette durée en parallèle avec la période de temps relativement courte (trois
ans) que les intéressées ont pu passer ensemble avant leur séparation. Cette
dernière n'a, en outre, été entrecoupée qu'à une dizaine d'occasions, soit
lors des visites annuelles de la mère. Au vu de ces éléments, il faut
admettre que les liens entre les intéressées, pour réels qu'ils soient, ne
peuvent que difficilement être aussi privilégiés que ne le prétendent les
recourants. Par comparaison, dans la cause Tuquabo-Tekle, l'enfant Mehret
avait vécu 8 ans avec sa mère avant d'être séparée d'elle, et la séparation
avait duré environ 7 ans au moment du dépôt de la demande de regroupement
familial; en outre, la mère avait déjà déposé sans succès une telle demande
plusieurs années auparavant.
Par ailleurs, la mère de C.________ ne jouit pas en Suisse d'une situation
personnelle et familiale aussi stable et favorable au développement et à
l'intégration de l'enfant que dans l'affaire précitée. Certes y a-t-elle
donné naissance en 2002 à un nouvel enfant, D.________; elle n'est toutefois
pas mariée et semble dans une situation financière plutôt précaire; dans son
recours, elle allègue même ne plus partager sa vie avec le père de son enfant
D.________, mais vivre seule avec ce dernier et, depuis, avril 2004, son
premier fils entré sans visa et sans autorisation en Suisse; sa situation ne
lui permet donc que difficilement d'accueillir de nouveaux enfants dans son
foyer et laisse même redouter qu'elle doive alors recourir à l'assistance
publique.
En outre, selon les informations de l'Ambassade de suisse à Accra, C.________
ne parlerait pas anglais, mais seulement la langue locale, et serait
illettrée. Les recourants ont véhément contesté l'exactitude de ces
informations, mais sur le mode de l'affirmation et sans apporter le moindre
élément permettant de se convaincre du contraire (par exemple des documents
scolaires). Ils ont même expressément admis que l'intéressée avait refusé de
fréquenter l'école, en relevant que sa venue en Suisse serait pour elle
l'opportunité de compléter ses lacunes et d'acquérir une formation, dans
l'idée d'exercer plus tard une activité lucrative. Mais, comme on l'a vu
(supra 6.2.2 in fine), de tels buts sont étrangers à l'institution du
regroupement familial. D'ailleurs, l'âge déjà relativement avancé de l'enfant
en cause et ses importantes carences linguistiques et scolaires laissent
redouter qu'elle éprouverait les plus grandes difficultés d'intégration en
cas de déplacement de son centre de vie en Suisse et, en particulier, qu'elle
ne pourrait que difficilement débuter une formation ou une activité adaptées
à ses facultés. A l'inverse, au vu du nombre d'années passées au Ghana, il
faut admettre que l'enfant y a forcément d'importantes attaches familiales,
sociales et culturelles. Certes n'entretient-elle aucune relation avec son
père et les recourants sont-ils restés laconiques et flous sur ses réelles
conditions de vie, en particulier sur son cercle de relations familiales et
sociales. Il apparaît toutefois qu'elle peut en tout cas compter sur sa
petite cousine qui prend soin de son éducation grâce à l'argent que lui
envoie sa mère ainsi que sur l'aide de sa soeur aînée. Sur un plan
professionnel, il semble qu'elle ait entrepris une formation dans le domaine
de la coiffure. Pour difficile qu'elle puisse être, surtout sous l'angle
économique, sa situation personnelle au Ghana ne se confond donc nullement
avec le cas de l'enfant Mehret en Erythrée dans l'affaire Tuquabo-Tekle.
Dans ces conditions, l'intérêt privé des recourants à ce que C.________
puisse rejoindre sa mère en Suisse au titre du regroupement familial ne
l'emporte pas sur l'intérêt public du pays de poursuivre une politique
restrictive en matière d'immigration. En particulier, les recourants n'ont
pas établi que la mère entretiendrait avec sa fille des relations
prépondérantes ou qu'un changement important des circonstances se serait
produit rendant nécessaire une modification de la prise en charge éducative
de l'enfant. Le cas n'est en outre pas comparable à l'affaire Tuquabo-Tekle
pour les nombreuses raisons rappelées ci-avant.

6.3.2 Quant aux deux jumeaux, aujourd'hui majeurs, leur regroupement familial
n'a été demandé qu'une année et demie avant leur majorité. C'est donc
seulement si les recourants avaient établi l'existence de motifs
particulièrement importants à l'appui d'une telle demande qu'on pourrait y
faire droit. Tel n'est cependant pas le cas. En outre, sous réserve que les
intéressés ont, pendant leur prime enfance, partagé plus de temps que leur
soeur cadette avec leur mère et ont donc vraisemblablement tissé un lien plus
fort avec celle-ci que leur soeur, leur situation personnelle ne diffère pas
fondamentalement de cette dernière. Cette réserve mise à part, les éléments
pris en compte dans la pesée des intérêts effectuée au considérant précédent
valent donc mutatis mutandis à leur égard, si ce n'est que leurs chances de
s'intégrer en Suisse apparaissent plus compromises encore au vu de leur âge.
Les deux années et demie que le jumeau garçon a passées en Suisse au bénéfice
d'une simple tolérance, après y être venu sans visa ni autorisation, ne sont
pas déterminantes dans la pesée des intérêts (cf. ATF 130 II 39 consid. 4 p.
43; 129 II 249 consid. 2.3 p. 255).

6.4 En conséquence, les demandes de regroupement familial formées en faveur
de A.________, B.________ et C.________ sont mal fondées.

7.
Il suit de ce qui précède que, dans la mesure où il est recevable, le recours
est mal fondé.
Succombant, les recourants doivent supporter un émolument judiciaire
solidairement entre eux (art.156 al. 1 et 7 OJ) et n'ont pas droit à des
dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 1'200 fr. est mis à la charge des recourants
solidairement entre eux.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourants, au
Service de la population et au Tribunal administratif du canton de Vaud,
ainsi qu'à l'Office fédéral des migrations.

Lausanne, le 19 décembre 2006

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: