Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2A.16/2006
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{T 0/2}
2A.16/2006 /svc

Arrêt du 23 juin 2006
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Merkli, Président,
Wurzburger et Yersin.
Greffière: Mme Kurtoglu-Jolidon.

X. ________ SA,
recourante, représentée par Y.________ SA,

contre

Administration fiscale cantonale du canton
de Genève, case postale 3937, 1211 Genève 3,
Tribunal administratif du canton de Genève,
case postale 1956, 1211 Genève 1.

Impôts cantonaux et communaux 2002 (intérêts sur le capital propre
dissimulé),

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal administratif du
canton de Genève du 29 novembre 2005.

Faits:

A.
X. ________ SA, sise dans le canton de Genève, a pour but l'exploitation
d'une école d'enseignement supérieur de management pour la formation de
directeurs et de cadres d'entreprises, ainsi que l'organisation de cours et
de séminaires de formation et de perfectionnement. La société n'a "pas de but
lucratif, elle est au service de l'enseignement et de la culture". Son
capital-actions se monte à 100'000 fr.
La déclaration d'impôt 2002 de X.________ SA montrait un bénéfice net de
12'370 fr. Compte tenu des pertes reportées, le bénéfice imposable était nul
et le capital imposable s'élevait à 100'000 fr. Les comptes au 30 juin 2002
annexés à la déclaration faisaient état d'intérêts passifs d'un montant de
77'000 fr., équivalant à un taux d'intérêt de 9,4%, sur un prêt de 819'252
fr. Le créancier était A.________ SA qui fait partie du "groupe A.________"
avec X.________ SA. Dans un questionnaire intitulé "Renseignements
complémentaires relatifs aux comptes 2002" envoyé par l'Administration
fiscale cantonale du canton de Genève (ci-après: l'Administration fiscale
cantonale), X.________ SA a indiqué ce prêt et les intérêts y relatifs sous
la rubrique "prêt des actionnaires ou proches (personnes physiques ou
morales) à la société".
Par décision de taxation du 21 juillet 2003 pour les impôts cantonaux et
communaux de la période fiscale 2002, l'Administration fiscale cantonale a
fixé le bénéfice et le capital imposables respectivement à 70'971 fr.
(bénéfice déclaré de 12'370 fr. + reprise sur intérêts de 59'001 fr. ./.
perte reportée de 400 fr.) et à 100'000 fr. L'impôt total dû se montait à
17'336 fr. selon un bordereau de la même date. D'après  cette Administration,
les fonds étrangers admis se montaient à 276'914 fr. - soit la moyenne entre
l'endettement admissible en début d'exercice, 263'606 fr. et en fin
d'exercice, 290'221 fr. -. Les intérêts sur 276'914 fr. au taux accepté par
l'autorité de taxation, soit 6,5%, s'élevaient à 17'999 fr. Ainsi, les
intérêts non admis intégrés au bénéfice imposable s'élevaient à 59'001 fr.
(77'000 fr. d'intérêts comptabilisés ./. 17'999 fr. d'intérêts admis).

B.
L'Administration fiscale cantonale a partiellement admis la réclamation de
X.________ SA par décision du 26 septembre 2003. Elle a fixé l'endettement
admis à 395'947 fr. et a ramené la reprise sur les intérêts à 51'263 fr.
(77'000 fr. ./. [395'947 fr. x 6,5%]) Le bénéfice imposable était ainsi de
63'233 fr.
Statuant le 23 mai 2005, la Commission cantonale de recours en matière
d'impôts du canton de Genève a rejeté le recours de X.________ SA.
Par arrêt du 29 novembre 2005, le Tribunal administratif du canton de Genève
(ci-après: le Tribunal administratif) a fait de même. Il a estimé que le taux
d'intérêt de 9,4% sur le prêt consenti à X.________ SA par A.________ SA
était trop élevé et que cette société n'avait pas réussi à prouver qu'il
correspondait au taux du marché. Le Tribunal administratif a jugé que ce taux
devait être fixé à 6,5% et que, dès lors, la reprise de 51'263 fr. dans le
bénéfice imposable était justifiée.

C.
X.________ SA a attaqué cet arrêt devant le Tribunal fédéral. N'indiquant pas
quelle voie de recours est utilisée, elle lui demande de dire que le taux
d'intérêt de 9,4% est admis intégralement et que les intérêts ne font l'objet
d'aucune reprise.
Le Tribunal administratif a renoncé à déposer des observations et persiste
dans les considérants et le dispositif de son arrêt. L'Administration fiscale
cantonale conclut au rejet du recours. L'Administration fédérale des
contributions s'en remet à l'appréciation du Tribunal de céans.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 131 I 57 consid. 1 p. 59, 145 consid. 2 p. 147 et
les arrêts cités).

1.1 La recourante ne précise pas par quelle voie de droit elle attaque
l'arrêt du Tribunal administratif. Celui-ci, fondé sur le droit cantonal et
rendu en dernière instance cantonale (art. 54 al. 3 de la loi genevoise du 4
octobre 2001 de procédure fiscale, en vigueur depuis le 1er janvier 2002),
porte sur la taxation relative aux impôts cantonaux et communaux de la
période fiscale 2002.

1.2 La voie du recours de droit administratif au Tribunal fédéral prévue par
l'art. 73 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des
impôts directs des cantons et des communes (LHID ou la loi sur
l'harmonisation; RS 642.14), entrée en vigueur le 1er janvier 1993, est
ouverte contre des décisions fiscales cantonales de dernière instance
lorsqu'elles portent sur une matière réglée dans les titres 2 à 5 et 6,
chapitre 1er de cette loi, depuis la période fiscale 2001 (ATF 123 II 588
consid. 2 p. 591).
Tel est le cas de l'arrêt entrepris, puisque la définition du bénéfice net,
qui comprend les intérêts sur le capital propre dissimulé (art. 24 al. 1
lettre c LHID), fait partie des matières harmonisées figurant aux titres 2 à
5 et 6, chapitre 1er LHID. Toutefois, en tant que la recourante demande que
le taux d'intérêt appliqué soit admis et que les intérêts passifs ne fassent
l'objet d'aucune reprise, son recours est irrecevable puisque le Tribunal
fédéral ne peut qu'annuler l'arrêt attaqué (art. 73 al. 3 LHID). Pour le
surplus, le mémoire, qui remplit les conditions des art. 103 ss OJ, est
recevable au titre de recours de droit administratif.

2.
2.1 L'art. 24 al. 1 lettre c LHID dispose que l'impôt sur le bénéfice a pour
objet l'ensemble du bénéfice net, y compris les intérêts sur le capital
propre dissimulé (cf. art. 29 al. 3 LHID).
Conformément à cette disposition, l'art. 12 lettre f de la loi genevoise du
23 septembre 1994 sur l'imposition des personnes morales (LIPM), entrée en
vigueur le 1er janvier 1995, prévoit que les intérêts passifs dus sur la part
de capital étranger qui doit être ajoutée au capital propre défini selon
l'art. 30 LIPM, sont considérés comme bénéfice imposable.

2.2 L'Administration fédérale des contributions a publié la circulaire n° 6
du 6 juin 1997 relative au capital propre dissimulé de sociétés de capitaux
et de sociétés coopératives (art. 65 et 75 LIFD) (Archives 66 296; ci-après:
la circulaire n° 6) qui définit à quelles conditions et à partir de quel
montant les fonds étrangers d'une société doivent être assimilés à du capital
propre et qui détermine le redressement des intérêts sur ce capital propre
pour l'impôt sur le bénéfice. L'Information n° 6/97 du 9 octobre 1997 de
l'Administration fiscale cantonale sur le capital propre dissimulé de
sociétés de capitaux et de sociétés coopératives (art. 12 lit f et 30 LIPM,
respectivement art. 65 et 75 LIFD) déclare que les principes énoncés dans la
circulaire n° 6 susmentionnée sont également applicables au calcul de l'impôt
cantonal et communal.

2.3 En ce qui concerne les prêts accordés par des détenteurs de droits de
participations ou leurs proches, la circulaire n° 6 (cf. point 3.1) prévoit
qu'est accepté, en déduction du bénéfice imposable de la société bénéficiaire
du prêt, le montant d'intérêts passifs calculé sur le capital étranger
admissible au taux maximum publié dans la circulaire de l'Administration
fédérale des contributions concernant les taux d'intérêt déterminants pour le
calcul des prestations appréciables en argent. Le surplus des intérêts
passifs comptabilisés est ajouté au bénéfice de la société. Selon la
circulaire n° 10 de l'Administration fédérale des contributions du 31 janvier
2002 (ci-après: la circulaire n° 10; Archives 70 688), applicable à partir du
1er janvier 2002, le taux maximum en cas de prêts des actionnaires ou
personnes proches pour des crédits d'exploitation dans le commerce et
l'industrie est de 6,5%.
Le Tribunal fédéral n'est pas lié par ces circulaires (ATF 121 II 473 consid.
2b p. 478)  mais, dans la mesure où elles visent à assurer une pratique
uniforme (cf. art. 102 al. 2 LIFD; Michael Beusch in: Martin Zweifel/Peter
Atnanas, Kommentar zum schweizerischen Steuerrecht, Bundesgesetz über die
direkte Bundessteuer (DBG), I/2b, n° 24-25 ad art. 102 p. 92), il ne s'en
écarte pas sans motif.

3.
La recourante ne conteste pas la détermination des fonds étrangers
admissibles. Le seul point litigieux est de savoir si le taux de 9,4% sur le
montant de 395'947 fr. admis comme endettement est conforme aux  taux du
marché en vigueur en 2002 comme le prétend la recourante.

3.1 Selon un principe généralement admis en matière fiscale, il incombe à
celui qui fait valoir l'existence d'un fait de nature à éteindre ou à
diminuer sa dette fiscale d'en apporter la preuve et de supporter les
conséquences de l'échec de cette preuve (ATF 121 II 257 consid. 4c/aa p. 266
et les arrêts cités; Revue fiscale 57 p. 816 consid. 2, 2A.461/2001; Revue
fiscale 54 p. 118 consid. 9a p. 126).

3.2 La recourante estime que le Tribunal administratif n'a pas apprécié
correctement les preuves apportées relativement aux taux d'intérêt du marché
en 2002. Elle a fourni à ce Tribunal un relevé de compte de D.________ SA
établi par la Banque E.________ au 30 juin 2002 qui mentionne un taux
d'intérêt débiteur de 9,5% et une commission sur crédit de 1%, soit un total
de 10,5%, ainsi qu'un avis d'échéance de la même banque adressé à A.________
SA, daté du 31 décembre 2004, qui fait état d'un prêt garanti par une
hypothèque à un taux de 7,05% pour la période du 1er octobre au 31 décembre
2004. La recourante estime que pour un prêt sans garantie, tel que le sien,
il faut ajouter un supplément d'intérêt de l'ordre de 3% à ce taux, soit un
taux total de 10,05%. L'intéressée invoque encore les taux des prêts
"Credipresto" de la Banque F.________, valables dès le 1er avril 2003, qui
vont de 8,8% à 9,9%.
Le Tribunal administratif a estimé qu'il n'était pas prouvé que le taux de
9,4% correspondait bien aux taux du marché de l'année concernée et que rien
n'indiquait que le taux appliqué au prêt de la banque susmentionnée à
D.________ SA n'était pas extraordinaire. Il a donc pris en compte le taux
maximum de la circulaire n° 10 pour les crédits d'exploitation (commerce et
industrie) octroyés par des actionnaires ou associés, soit 6,5%.
En matière d'intérêts, il n'y a pas un taux du marché mais plusieurs pour une
année donnée. Les taux d'intérêt varient en fonction de différents critères,
tels que le type de prêt (prêt hypothécaire en 1er rang, en 2e rang; crédit
d'exploitation; etc.), sa durée, le degré de solvabilité du débiteur. Les
taux fixés par l'Administration fédérale des contributions le sont
forfaitairement, sur la base d'un examen général du marché et en tenant
compte de l'ensemble des circonstances qui peuvent influencer la
détermination du taux. Pour un crédit d'exploitation octroyé par un
actionnaire ou un proche, ladite Administration prend, en outre, en
considération précisément le fait que le prêt est octroyé par un actionnaire
et non par un tiers. Ce sont des taux qui seraient octroyés à des sociétés
dans une situation saine, c'est-à-dire sans endettement. Il s'agit ainsi de
taux moyens. Il est donc possible que, dans certains cas, les taux du marché
en 2002 aient été un peu plus élevés que le taux moyen de 6,5% retenu par la
circulaire n° 10. Toutefois, en l'espèce, la différence entre le taux
utilisé, soit 9,4%, et le taux de la circulaire, soit 6,5%, est importante
puisqu'elle se monte à 2,9%. Dès lors, les deux pièces produites par la
recourante ne suffisent pas à démontrer que le taux de 9,4% correspondait à
ceux du marché de l'époque, ce d'autant plus qu'un des deux relevés porte sur
l'année 2004 et non 2002 et qu'il ne s'agit pas du même type de prêt. Le seul
fait que la recourante connaisse quelques cas où le taux appliqué est plus
élevé que celui de la circulaire n° 10 ne suffit pas lui à enlever sa valeur.
Il n'y a donc pas lieu, en l'espèce, de s'en écarter.

3.3 La recourante prétend que le montant d'impôt payé par le groupe
A.________, dont font partie X.________ SA et A.________ SA, est le même quel
que soit le taux d'intérêt sur le prêt, puisque le montant d'intérêts déduit
du bénéfice imposable de X.________ SA se retrouve dans celui de A.________
SA. Cet argument n'est pas exact. Si effectivement A.________ SA voit son
bénéfice imposable augmenté du montant non admis des intérêts payés par la
recourante, le bénéfice imposable de X.________ SA n'est pas diminué pour
autant: la différence entre le montant d'intérêts payés au taux de 9,4% et
celui payé au taux de 6,5% représente la rémunération excédentaire, soit une
prestation appréciable en argent, imposable auprès de A.________ SA qui est
une personne proche de l'actionnaire, le cas échéant auprès de ce dernier, en
raison de la double imposition économique des bénéfices.
Finalement, l'explication de la recourante selon laquelle les actionnaires
n'avaient pas les moyens de souscrire une augmentation de capital n'est pas
convaincante: un prêt par l'intermédiaire d'un proche représente une mise de
fonds analogue et supporte les mêmes risques. En outre, si le capital avait
été augmenté en lieu et place de l'apport de fonds étrangers, l'actionnaire
n'aurait pas nécessairement été rémunéré, voire ne l'aurait été que par des
dividendes modestes.

4.
Vu ce qui précède, mal fondé, le recours doit être rejeté dans la mesure où
il est recevable. Succombant, la recourante doit supporter les frais
judiciaires (art. 156 al. 1 OJ). Elle n'a pas droit à des dépens (art. 159
al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la mandataire de la recourante, à
l'Administration fiscale cantonale et au Tribunal administratif du canton de
Genève ainsi qu'à l'Administration fédérale des contributions, Division
principale de l'impôt fédéral direct.

Lausanne, le 23 juin 2006

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: