Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.835/2006
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{T 0/2}
1P.835/2006 /col

Arrêt du 8 février 2007
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Aemisegger et Reeb.
Greffier: M. Parmelin.

A. ________,
recourant, représenté par Me Raphaël Tatti, avocat,

contre

Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route du Signal
8, 1014 Lausanne.

refus de désigner un défenseur d'office,

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du Tribunal
cantonal du canton de Vaud
du 24 novembre 2006.

Faits:

A.
A. ________, requérant d'asile débouté, a été placé le 9 juin 2006 en
détention en vue de son refoulement dans les locaux de la maison d'arrêt de
Frambois, à Vernier.
Lors du nettoyage de la chambre qu'il occupait au Centre de la Fondation
vaudoise pour l'accueil des requérants d'asile de Bex, le 18 juillet 2006,
une importante quantité de marchandises neuves d'origine suspecte (des paires
de souliers de différentes pointures, une valise à roulettes, un sac à dos,
un training, des CD, un lecteur DVD et des hauts-parleurs, des tondeuses à
cheveux avec accessoires, des peignes et des paires de ciseaux) a été trouvée
dans ses affaires. Interrogé, A.________ a nié avoir dérobé les objets en
question, expliquant les avoir achetés sans toutefois être en mesure de
fournir de quittances d'achat. Il a été inculpé de recel à l'issue de son
audition le 30 août 2006.
Le 3 octobre 2006, le Juge d'instruction de l'arrondissement de l'Est vaudois
a informé A.________ qu'il entendait rendre une ordonnance de condamnation à
son encontre et lui a imparti un délai au 18 octobre 2006 pour consulter le
dossier à son office, pour formuler toutes réquisitions ou produire toutes
pièces utiles et pour déposer un bref mémoire exposant ses moyens.
Le 18 octobre 2006, Me Raphaël Tatti, avocat à Lausanne, a avisé le juge
instructeur qu'il avait été consulté par A.________ et sollicité une
prolongation de délai d'un mois. Le 20 octobre 2006, il a requis sa
désignation en qualité de défenseur d'office pour les besoins de la procédure
pénale instruite contre son client du chef de recel.
Le Président du Tribunal d'arrondissement de l'Est vaudois a écarté la
requête le 30 octobre 2006 au motif qu'il s'agissait d'une cause simple et
que le prévenu était en mesure de se défendre efficacement seul. Le Tribunal
d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal
d'accusation) a confirmé ce prononcé au terme d'un arrêt rendu le 24 novembre
2006 sur recours du prévenu.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et de renvoyer le dossier de la cause au
Tribunal d'accusation pour nouvelle instruction dans le sens des
considérants. Il conclut subsidiairement à sa réforme en ce sens qu'un avocat
d'office lui est désigné en la personne de Me Raphaël Tatti, avocat à
Lausanne. Il requiert l'assistance judiciaire.
Le Tribunal d'accusation se réfère aux considérants de son arrêt.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
L'arrêt attaqué ayant été rendu avant le 1er janvier 2007, la loi fédérale
d'organisation judiciaire du 26 décembre 1943 (OJ) demeure applicable à la
présente procédure, conformément à l'art. 132 al. 1 de la loi sur le Tribunal
fédéral du 17 juin 2005.

2.
Au vu des arguments invoqués, seul le recours de droit public pour violation
des droits constitutionnels des citoyens au sens de l'art. 84 al. 1 let. a OJ
entre en considération. Formé en temps utile contre une décision incidente
prise en dernière instance cantonale, qui est de nature à causer un préjudice
irréparable (ATF 129 I 281 consid. 1.1 p. 283) et qui touche le recourant
dans ses intérêts juridiquement protégés, le recours répond aux exigences des
art. 86 al. 1, 87 al. 2, 88 et 89 al. 1 OJ. Le recours de droit public ne
peut tendre qu'à l'annulation de l'arrêt attaqué (ATF 131 I 166 consid. 1.3
p. 169); ce principe s'applique également aux recours mettant en cause le
refus de désigner un avocat d'office (ATF 129 I 129 consid. 1.2.4 p. 133). La
conclusion en réforme de l'arrêt attaqué et celle tendant au renvoi du
dossier au Tribunal d'accusation pour nouvelle instruction dans le sens des
considérants sont dès lors irrecevables.

3.
Le recourant reproche au Tribunal d'accusation d'avoir refusé de lui désigner
un avocat d'office au terme d'une appréciation arbitraire des critères posés
aux art. 29 al. 3 Cst. et 104 du Code de procédure pénale vaudois (CPP
vaud.).
3.1 Le principe, l'étendue et les limites du droit à l'assistance judiciaire
gratuite sont déterminés en premier lieu par les prescriptions du droit
cantonal de procédure, dont le Tribunal fédéral ne revoit l'application et
l'interprétation que sous l'angle de l'arbitraire. Dans tous les cas
cependant, l'autorité cantonale doit respecter les garanties minimales
déduites de l'art. 29 al. 3 Cst. et le Tribunal fédéral vérifie librement que
cela soit bien le cas (ATF 126 I 165 consid. 3; 124 I 1 consid. 2 p. 2, 304
consid. 2c p. 306).
Dans son mémoire, le recourant soutenait que le régime de la détention
administrative auquel il était soumis depuis le 9 juin 2006 se rapprocherait
de la détention préventive pénale, laquelle entraîne la désignation
automatique d'un conseil d'office après l'écoulement d'un délai de trente
jours conformément à l'art. 104 al. 1 CPP vaud. Il ressort toutefois d'une
lettre adressée le 25 janvier 2007 au greffe du Tribunal fédéral que la
détention administrative a pris fin en date du 22 janvier 2007, de sorte que
ce grief est sans objet. Le recourant ne peut se prévaloir d'aucun intérêt
actuel et pratique à faire trancher dans le présent arrêt la question de
savoir si la désignation d'un avocat d'office s'imposait du seul fait qu'il
se trouvait en détention en vue de son refoulement (ATF 131 I 153 consid. 1.2
p. 157). Les conditions particulières de l'art. 104 al. 1 CPP vaud.
(détention préventive de plus de trente jours et intervention du Ministère
public) ne sont donc pas réalisées en l'espèce, de sorte que c'est à la
lumière de l'art. 29 al. 3 Cst. qu'il y a lieu d'examiner le présent recours.

3.2 A teneur de cette disposition, toute personne qui ne dispose pas des
ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire gratuite, à moins
que sa cause ne paraisse dépourvue de toute chance de succès; elle a en outre
le droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la
sauvegarde de ses droits le requiert (ATF 129 I 129 consid. 2.1 p. 133; 128 I
225 consid. 2.3 p. 227; 127 I 202 consid. 3b p. 205). Selon cette
jurisprudence, il se justifie en principe de désigner un avocat d'office à
l'indigent lorsque la situation juridique de celui-ci est susceptible d'être
affectée de manière particulièrement grave. Lorsque, sans être d'une portée
aussi capitale, la procédure en question met sérieusement en cause les
intérêts de l'indigent, il faut en sus que l'affaire présente des difficultés
en fait et en droit que le requérant ou son représentant légal ne peuvent
surmonter seuls (ATF 128 I 225 consid. 2.5.2 p. 232 et les arrêts cités). En
général, on ne tranchera par l'affirmative que si les problèmes posés ne sont
pas faciles à résoudre et si le requérant ou son représentant ne bénéficient
pas eux-mêmes d'une formation juridique (ATF 119 Ia 264 consid. 3b p. 266).
Le point décisif est toujours de savoir si la désignation d'un avocat
d'office est objectivement nécessaire dans le cas d'espèce. A cet égard, il
faut tenir compte des circonstances concrètes de l'affaire, de la complexité
des questions de fait et de droit, des particularités que présentent les
règles de procédure applicables, des connaissances juridiques du requérant ou
de son représentant, du fait que la partie adverse est assistée d'un avocat,
et de la portée qu'a pour le requérant la décision à prendre, avec une
certaine réserve lorsque sont en cause principalement ses intérêts financiers
(ATF 123 I 145 consid. 2b/cc p. 147; 122 I 49 consid. 2c/bb p. 51/52, 275
consid. 3a p. 276; 119 Ia 264 consid. 3b p. 265/266; 117 Ia 277 consid. 5b/bb
p. 281). La nature de la procédure, qu'elle soit ordinaire ou sommaire,
unilatérale ou contradictoire, régie par la maxime d'office ou la maxime des
débats, et la phase de la procédure dans laquelle intervient la requête, ne
sont pas à elles seules décisives (ATF 125 V 32 consid. 4b p. 36 et les
arrêts cités).
La désignation d'un défenseur d'office dans la procédure pénale est en tout
cas nécessaire lorsque le prévenu est exposé à une longue peine privative de
liberté ou qu'il est menacé d'une peine qui ne peut être assortie du sursis.
Elle peut aussi l'être, selon les circonstances, même lorsque le prévenu
n'encourt une peine privative de liberté que de quelques semaines à quelques
mois si, à la gravité relative du cas, s'ajoutent des difficultés
particulières du point de vue de l'établissement des faits ou des questions
juridiques soulevées qu'il ne serait pas en mesure de résoudre seul. En
revanche, l'assistance d'un défenseur peut être refusée pour les cas de peu
d'importance, passibles d'une amende ou d'une légère peine de prison (ATF 120
Ia 43 consid. 2a p. 44 et les références citées).

3.3 Le recourant prétend que la désignation d'un défenseur d'office se
justifierait par la gravité de la sanction à laquelle il s'expose.
Pour décider s'il s'agit d'un cas grave au sens de la jurisprudence précitée,
le juge ne doit pas se référer à la peine théorique maximale applicable aux
infractions reprochées au prévenu, mais à celle à laquelle celui-ci pourrait
raisonnablement être condamné suivant les circonstances concrètes du cas (ATF
120 Ia 43 consid 2b p. 46; arrêt 1P.627/2002 du 4 mars 2003 consid. 3.1
reproduit in Pra 2004 n° 1 p. 4). Le fait que le recel soit passible d'une
peine maximale de trois ans de réclusion ne suffit donc pas en soi pour
justifier la nomination d'un défenseur d'office comme paraît le croire le
recourant. En l'espèce, le Juge d'instruction envisage de clore la procédure
par une ordonnance de condamnation; selon l'art. 5 al. 1 CPP vaud., il est
compétent pour prononcer une peine n'excédant pas six mois d'emprisonnement.
La durée de la peine encourue concrètement par le recourant à ce stade de la
procédure n'exclut donc pas d'emblée l'octroi du sursis en vertu de l'art. 42
al. 1 CP; il n'en va pas autrement si le recourant devait s'opposer à une
ordonnance de condamnation, le juge d'instruction suggérant dans ce cas un
renvoi devant le Tribunal de police, dont la compétence est également limitée
à six mois d'emprisonnement (cf. art. 8 al. 3 CPP vaud.). Le fait qu'il
s'expose à une révocation d'un précédent sursis assorti à une peine de dix
jours d'emprisonnement ne conduit pas à une autre appréciation. Il ne s'agit
donc pas d'un cas de défense nécessaire, mais d'un cas de gravité relative
qui, pour justifier la désignation d'un avocat d'office, implique la présence
de difficultés particulières s'agissant de l'établissement des faits ou des
questions juridiques soulevées (cf. ATF 128 I 225 consid. 2.5.2 précité).
Cette condition ne saurait être tenue pour établie du seul fait que le
recourant conteste l'origine délictueuse des marchandises retrouvées dans la
chambre qu'il occupait au centre de requérants d'asile de Bex. Les questions
de fait et de droit liées au recel ne posent en principe pas de problèmes
particuliers qu'une personne adulte ne bénéficiant d'aucune formation
juridique ne serait pas en mesure d'appréhender. La nécessité d'une
assistance d'office doit s'analyser au regard de la procédure pour laquelle
elle est requise. Le recourant a fait l'objet d'un avis de prochaine
condamnation. Il dispose d'un délai de trente jours pour formuler ses
réquisitions, pour produire toutes pièces utiles et, le cas échéant, pour
s'opposer à une ordonnance de condamnation. Dans ce dernier cas, le juge
d'instruction rendra une ordonnance de renvoi devant le Tribunal de police.
Si le recourant devait alors juger nécessaire l'assistance d'un avocat
d'office, il pourra renouveler sa requête devant cette autorité (art. 107 al.
1 et 2 CPP vaud.). En l'état, on ne saurait dire que le procès soulève des
questions de fait ou de droit dont l'énonciation ou l'appréciation dépasse
les capacités du recourant. Pour le surplus, celui-ci ne conteste pas parler
le français, comme le retient l'arrêt attaqué, même s'il ne s'agit pas de sa
langue maternelle. Il n'a jamais fait état de problèmes de compréhension dus
à la langue lors de ses auditions devant la police, puis devant le juge
d'instruction. Les réponses aux questions posées montrent qu'il a compris ce
qui lui était reproché et ce qui lui était demandé. Au demeurant, supposé
établi, le fait que le recourant ne maîtrise pas parfaitement la langue
française ne justifierait pas encore en soi la désignation d'un avocat
d'office, mais il commanderait tout au plus l'assistance d'un traducteur
(arrêt 1P.726/2001 du 16 janvier 2002 consid. 4.2). Les conséquences
négatives du point de vue de la police des étrangers d'une éventuelle
condamnation pénale ne rendent pas davantage nécessaire l'octroi d'un avocat
d'office; cette question doit en effet être examinée d'après les difficultés
de la procédure pour laquelle la défense d'office est requise et non pour une
procédure subséquente (arrêt 1P.726/2001 du 16 janvier 2002 consid. 4.3).
Enfin, aucun élément au dossier ne permet de retenir que le recourant
disposerait d'une capacité de discernement limitée ou qu'il souffrirait d'un
trouble de la personnalité qui imposerait l'assistance d'un avocat d'office.
La désignation d'un avocat d'office ne se justifiait dès lors pas selon les
principes déduits de l'art. 29 al. 3 Cst.

4.
Le recours doit par conséquent être rejeté dans la mesure où il est
recevable. Les conditions d'octroi de l'assistance judiciaire dans la
présente procédure étant réunies, il y a lieu de statuer sans frais (art. 152
al. 1 OJ); Me Raphaël Tatti est désigné comme défenseur d'office du recourant
et une indemnité lui sera versée à titre d'honoraires par la caisse du
Tribunal fédéral (art. 152 al. 2 OJ).

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Le recourant est mis au bénéfice de l'assistance judiciaire. Me Raphaël Tatti
est désigné comme défenseur d'office et une indemnité de 1'500 fr. lui est
allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral.

3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant et au
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 8 février 2007

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: