Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.82/2006
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1P.82/2006 /col

Arrêt du 14 février 2006
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Juge présidant,
Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Kurz.

A. ________,
recourant, représenté par Me Marino Montini, avocat,

contre

Juge d'instruction de La Chaux-de-Fonds,
passage de la Bonne-Fontaine 36, case postale 4060, 2304 La Chaux-de-Fonds,
Ministère public du canton de Neuchâtel,
rue du Pommier 3, case postale 2672, 2001 Neuchâtel 1,
Chambre d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, rue du
Pommier 1,
case postale 3174, 2001 Neuchâtel 1.

prolongation de la détention préventive,
art. 29 et 31 Cst.,

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre d'accusation du 27
janvier 2006.

Faits:

A.
Dans le cadre d'une instruction pénale dirigée notamment contre A.________
pour brigandage, enlèvement, recel et vol, le Juge d'instruction de La
Chaux-de-Fonds a requis, le 4 janvier 2006, la prolongation de la détention
du prévenu jusqu'au 28 février 2006. Le magistrat s'appuyait notamment sur
l'arrêt rendu par le Tribunal fédéral dans la même affaire (arrêt 1P.788/2005
du 19 décembre 2005), s'agissant du risque de fuite. Il relevait que
l'instruction pourrait être clôturée dans le délai requis.

B.
Par arrêt du 27 janvier 2006, la Chambre d'accusation du canton de Neuchâtel
a fait droit à la requête. L'incarcération, de près de 24 mois, n'était pas
disproportionnée même si, compte tenu de la possibilité des prévenus de
proposer des preuves complémentaires, le magistrat instructeur se montrait
optimiste en déclarant pouvoir clore l'enquête dans le délai requis.

C.
A.________ forme un recours de droit public contre ce dernier arrêt, dont il
demande l'annulation. Il se plaint de n'avoir pas eu connaissance de la
demande de prolongation de détention. Il requiert l'assistance judiciaire. Le
Juge d'instruction a renoncé à répondre. La  Chambre d'accusation déclare
n'avoir pas d'observations à formuler. Le Ministère public conclut à
l'admission du recours, sans remise en liberté, en relevant qu'une nouvelle
procédure de prolongation de détention devrait prochainement être ouverte.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recours de droit public est formé en temps utile contre un arrêt rendu en
dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 OJ). Le recourant est
personnellement touché par l'arrêt attaqué qui autorise la prolongation de sa
détention préventive (art. 88 OJ).

2.
Le recourant invoque son droit d'être entendu. Il reproche au Juge
d'instruction et à la Chambre d'accusation de ne pas lui avoir communiqué la
demande de prolongation. Interpellé sur ce point, le Juge d'instruction
n'avait pu prouver que sa requête - qui impartit au recourant un délai au 10
janvier 2006 pour se déterminer - avait bien été reçue par l'avocat du
recourant; cette requête figurait toutefois au dossier, et le recourant
pouvait s'attendre à une nouvelle demande de prolongation vu l'évolution de
la procédure. La Chambre d'accusation a pour sa part admis ne pas avoir
communiqué la requête de prolongation, se contentant d'attendre l'échéance du
délai imparti par le Juge d'instruction avant de constater que le recourant
avait renoncé à se déterminer.

2.1 Le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) comprend notamment le droit
pour le justiciable de s'exprimer avant toute décision prise à son détriment.
Le tribunal appelé, en vertu des art. 5 par. 4 CEDH et 31 al. 4 Cst., à
statuer sur la légalité d'une détention, doit tenir compte de  cette exigence
minimale de procédure et permettre à l'inculpé d'avoir accès au dossier et de
pouvoir efficacement répondre aux arguments présentés à l'appui de la demande
de prolongation (CourEDH, arrêts du 30 mars 1989 en la cause Lamy, série A
vol. 151, n° 29, et du 21 octobre 1986 en la cause Sanchez-Reisse, série A
vol. 107, n° 51; Bauer/Cornuz, Code de procédure pénale neuchâtelois annoté,
Neuchâtel 2003, ch. 14 p. 285 ad art. 120 CPP/NE).

2.2 En l'occurrence, la preuve de la notification au recourant de la demande
de prolongation n'a pas pu être apportée par l'autorité, qui doit en assumer
les conséquences. Pour sa part, le recourant n'avait pas à s'enquérir du
dépôt d'une nouvelle demande de prolongation puisque toutes les requêtes
formées jusque-là par le Juge d'instruction lui avaient été communiquées
d'office. Force est par conséquent de reconnaître que le recourant n'a pas eu
l'occasion de s'exprimer avant la prolongation de sa détention, ce qui viole
son droit d'être entendu.

2.3 Lorsque le Tribunal fédéral constate que la procédure ayant abouti au
maintien en détention viole certaines garanties constitutionnelles ou
conventionnelles, il ne s'ensuit pas automatiquement que l'inculpé doive être
remis en liberté (ATF 131 I 436 consid. 1.5 p. 441; 116 Ia 60 consid. 3b p.
64; 115 Ia 293 consid. 5g p. 308; 114 Ia 88 consid. 5d p. 93; arrêt
1P.495/2005 du 14 septembre 2005, publié in SJ 2006 p. 57, concernant la
prolongation tardive du mandat d'arrêt). Le recourant ne présente d'ailleurs
aucune conclusion dans ce sens. Le Tribunal fédéral a déjà pu constater, dans
son arrêt du 19 décembre 2005, que les conditions de maintien en détention
étaient réunies, sous réserve du principe de la proportionnalité qu'il
appartiendra à la cour cantonale d'examiner sérieusement, au regard de la
durée de la détention et du déroulement de l'instruction. Pour rétablir une
situation conforme au droit, l'autorité intimée devra statuer à nouveau, à
bref délai, sur la demande de prolongation, après avoir donné au recourant
l'occasion de se déterminer. Le cas échéant, le présent arrêt pourra valoir
titre de détention préventive jusqu'à droit jugé dans ce sens.

3.
Le recours doit ainsi être admis, et l'arrêt attaqué annulé. Conformément à
l'art. 156 al. 2 OJ, le canton de Neuchâtel est dispensé des frais
judiciaires; il versera en revanche au recourant une indemnité de dépens
(art. 159 al. 1 OJ), ce qui rend sans objet la demande d'assistance
judiciaire.

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à
la Chambre d'accusation pour nouvelle décision au sens des considérants. Le
cas échéant, le présent arrêt vaut titre de détention préventive jusqu'à
droit jugé dans ce sens.

2.
Le canton de Neuchâtel versera au recourant une indemnité de dépens de 1000
fr.

3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4.
La demande d'assistance judiciaire est sans objet.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Juge
d'instruction de La Chaux-de-Fonds, au Ministère public  et à la Chambre
d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.

Lausanne, le 14 février 2006

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le juge présidant:  Le greffier: