Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.815/2006
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{T 0/2}
1P.815/2006 /col

Arrêt du 13 mars 2007
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Fonjallaz et Eusebio.
Greffier: M. Parmelin.

E. ________,
recourant, représenté par Me Stéphane Riand, avocat,

contre

Joseph Pitteloud, Juge d'instruction cantonal,
Palais de Justice, 1950 Sion 2,
intimé,
Président du Tribunal cantonal du canton du Valais, Palais de Justice, 1950
Sion 2.

procédure pénale; récusation,

recours de droit public contre la décision du Président du Tribunal cantonal
du canton du Valais du 10 novembre 2006.

Faits:

A.
Le 22 juillet 2003, le Juge d'instruction des affaires économiques du canton
du Valais, Nicolas Dubuis, a ouvert une instruction pénale d'office contre
E.________ pour abus de confiance, voire pour gestion déloyale et blanchiment
d'argent. Celui-ci était soupçonné d'avoir utilisé à son profit des biens,
sommes d'argent et autres valeurs patrimoniales au détriment de la Caisse de
retraite et de prévoyance O.________, dont il était le président.
Durant les vacances du magistrat en charge du dossier, le Juge d'instruction
cantonal Joseph Pitteloud a procédé à l'audition du prévenu les 30 et 31
juillet 2003. Le 2 septembre 2003, E.________ a sollicité la récusation des
juges d'instruction Nicolas Dubuis et Joseph Pitteloud; il voyait un indice
de prévention à son égard dans l'attitude inadmissible manifestée par ce
dernier magistrat lors des séances d'audition précitées. Par décision du 17
septembre 2003, le Président du Tribunal cantonal du canton du Valais a
déclaré la requête irrecevable pour cause de tardiveté en tant qu'elle
concernait le Juge d'instruction cantonal. Le Tribunal fédéral a rejeté, dans
la mesure où il était recevable, le recours de droit public formé par
E.________ contre cette décision au terme d'un arrêt rendu le 26 novembre
2003 (cause 1P.620/2003).

B.
Le 9 octobre 2006, E.________ a adressé aux médias un communiqué de presse
dans lequel il indiquait avoir porté plainte pour déni de justice contre le
Juge d'instruction Nicolas Dubuis. Dans l'article de presse consacré à ce
sujet dans le journal "Le Nouvelliste" du 10 octobre 2006, le Juge
d'instruction cantonal a réfuté les critiques de E.________ quant à la
lenteur de la procédure, en se référant à l'ampleur du dossier ainsi qu'aux
demandes de récusation et autres recours dont le prévenu s'était fait
l'auteur. Il précisait encore que "la décision du juge devrait tomber dans
les semaines à venir avec une plus que probable inculpation". E.________ a
adressé le lendemain au Juge d'instruction cantonal une série de questions en
relation avec cet article de presse, auxquelles ce magistrat n'a pas répondu.
Le 20 octobre 2006, E.________ a sollicité la récusation des juges
d'instruction Nicolas Dubuis et Joseph Pitteloud. Le Président du Tribunal
cantonal a rejeté la requête dans la mesure où elle était recevable en tant
qu'elle concernait le Juge d'instruction Nicolas Dubuis au terme d'une
décision prise le 10 novembre 2006. Il l'a déclarée irrecevable en tant
qu'elle concernait le Juge d'instruction cantonal Joseph Pitteloud par
décision séparée du même jour.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public, E.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler ces décisions et de renvoyer le dossier au
Président du Tribunal cantonal pour nouvelle décision dans le sens des
considérants. Invoquant les art. 9, 29, 30 al. 1 et 32 al. 1 Cst., il se
plaint d'arbitraire, de déni de justice ainsi que de la violation de son
droit d'être entendu, de son droit à un juge impartial et indépendant et de
la présomption d'innocence. Il requiert l'assistance judiciaire.
Le Président du Tribunal cantonal se réfère aux considérants de sa décision.
Le Juge d'instruction cantonal n'a pas déposé d'observations.

E. ________ a déposé spontanément plusieurs écritures.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Les décisions attaquées ayant été rendues avant le 1er janvier 2007, la loi
fédérale d'organisation judiciaire du 26 décembre 1943 (OJ) demeure
applicable à la présente procédure conformément à l'art. 132 al. 1 de la loi
sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005.

2.
Le recourant se plaint du fait que le Président du Tribunal cantonal a statué
sur sa requête de récusation des juges d'instruction Nicolas Dubuis et Joseph
Pitteloud par deux décisions distinctes et demande que son recours soit
traité dans un seul et même arrêt.
Le fait que le recourant ait déposé une demande de récusation commune
n'impliquait pas nécessairement qu'elle soit traitée par une seule et même
décision. Bien qu'elle s'inscrive dans la même procédure, la requête concerne
deux magistrats distincts qui sont intervenus à des titres différents, de
sorte que le Président du Tribunal cantonal pouvait sans arbitraire
l'instruire et la juger séparément. Pour les mêmes raisons, il n'y a pas lieu
de procéder différemment s'agissant du recours de droit public. Le recourant
ne s'est d'ailleurs pas opposé à ce mode de faire lors de ses précédentes
demandes de récusation des mêmes magistrats. Le fait que ces derniers font
partie du même office n'y change rien; on ne saurait en effet pour autant en
déduire que les actes ou les omissions de l'un devraient pouvoir être imputés
à l'autre.

3.
Seule la voie du recours de droit public pour violation des droits
constitutionnels des citoyens au sens de l'art. 84 al. 1 let. a OJ est
ouverte pour contester une décision sur récusation prise en dernière instance
cantonale (ATF 129 III 88 consid. 2.2 p. 89/90). Le recours est recevable,
indépendamment de l'existence d'un préjudice irréparable (art. 87 al. 1 OJ;
ATF 126 I 203). Vu la nature cassatoire du recours de droit public, les
conclusions qui vont au-delà de l'annulation de la décision attaquée sont
irrecevables (ATF 131 I 166 consid. 1.3 p. 169; 129 I 173 consid. 1.5 p.
176); il en va de même des écritures et des pièces produites après l'échéance
du délai de recours (cf. ATF 125 I 71 consid. 1d/aa p. 77). Aux termes de
l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit contenir un exposé des
droits constitutionnels ou des principes juridiques violés, précisant en quoi
consiste la violation. Le Tribunal fédéral examine uniquement les griefs
soulevés devant lui de manière claire et détaillée (ATF 130 I 26 consid. 2.1
p. 31; 129 I 113 consid. 2.1 p. 120; 128 II 50 consid. 1c p. 53/54 et les
arrêts cités).

4.
Le Président du Tribunal cantonal a déclaré la requête de récusation
irrecevable en tant qu'elle concernait le Juge d'instruction cantonal Joseph
Pitteloud parce qu'elle était dirigée contre un magistrat qui n'était pas en
charge de l'affaire. Par surabondance, il l'a rejetée au fond comme infondée.
Le recourant ne conteste pas, ou du moins pas dans les formes requises par
l'art. 90 al. 1 let. b OJ, que le magistrat dont la récusation est demandée
doive être en charge du dossier ou qu'il participe à la procédure à un titre
ou à un autre pour que l'autorité entre en matière sur une telle requête. Il
ne prétend pas davantage que le Juge d'instruction cantonal Joseph Pitteloud
s'occuperait de l'instruction du dossier ou qu'il participerait à un autre
titre à la procédure pénale dirigée contre lui. Le fait que ce magistrat
puisse être appelé à assumer une éventuelle vacance du juge d'instruction en
charge du dossier ne suffit pas pour que l'autorité se saisisse de la
requête. En pareil cas, E.________ serait en droit de solliciter la
récusation de Joseph Pitteloud pour les motifs invoqués sans que l'on puisse
lui reprocher la tardiveté de sa démarche. En revanche, il n'est pas autorisé
à exiger le déport de ce magistrat à titre préventif. Le Juge d'instruction
cantonal a répondu au journaliste du "Nouvelliste" en sa qualité
d'interlocuteur usuel des médias au sens de l'art. 26 al. 1 du règlement
d'organisation des tribunaux valaisans. Son intervention dans la procédure
dirigée contre le recourant n'est pas comparable à celle des experts appelés
à donner leur avis sur une question de fait ou de droit soulevée par la
procédure et la comparaison faite à cet égard est dénuée de pertinence.
Enfin, la voie de la récusation ne saurait être utilisée pour faire constater
une éventuelle violation de la présomption d'innocence d'un magistrat qui est
intervenu dans une procédure pénale en qualité d'interlocuteur privilégié des
médias ou en tant qu'autorité de surveillance des juges d'instruction. Le
Président du Tribunal cantonal n'a donc pas fait preuve d'arbitraire en
déclarant irrecevable la requête de récusation de E.________ en tant qu'elle
visait le Juge d'instruction cantonal Joseph Pitteloud. Il n'est dès lors pas
nécessaire d'examiner les griefs formulés à l'encontre de la motivation
subsidiaire retenue dans la décision attaquée pour écarter au fond la demande
de récusation de ce magistrat.

5.
Le recours doit par conséquent être rejeté dans la mesure où il est
recevable. Celui-ci étant d'emblée voué à l'échec, la demande d'assistance
judiciaire doit être rejetée (art. 152 al. 1 OJ). Les frais du présent arrêt
seront pris en charge par le recourant qui succombe (art. 153, 153a et 156
al. 1 OJ).

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au
magistrat intimé et au Président du Tribunal cantonal du canton du Valais.

Lausanne, le 13 mars 2007

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: