Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.806/2006
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{T 0/2}
1P.806/2006 /ajp

Arrêt du 10 mai 2007
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président, Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

A. et B. X.________,
recourants, représentés par Me Jean-Jacques Martin, avocat,

contre

C. et D. Y.________,
intimés, représentés par Me Jean-Pierre Carera, avocat,

Département des constructions et des technologies de l'information de la
République et canton de Genève, rue David-Dufour 5, case postale 22,
1211 Genève 8,
Tribunal administratif de la République et canton de Genève, rue du
Mont-Blanc 18, case postale 1956,
1211 Genève 1.

Autorisation de construire; indice d'utilisation,

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif de la
République et canton de Genève du 31 octobre 2006.

Faits :

A.
En date du 25 août 1971, le Département des travaux publics de la République
et canton de Genève a autorisé la construction de trois villas jumelées sur
la parcelle n° 1034 de la Commune de G.________. La surface habitable a été
calculée sur la base d'un taux d'utilisation du sol de 0,2 applicable en zone
villas en vertu des dispositions de la loi cantonale sur les constructions et
les installations diverses (LCI) alors en vigueur. La parcelle a été morcelée
en février 1973 en quatre lots, soit la parcelle n° 1284, d'une surface de
599 mètres carrés, propriété des époux C. et D. Y.________, la parcelle
n° 1169, d'une surface de 537 mètres carrés, propriété des époux E. et F.
Z.________, la parcelle n° 1034, d'une surface de 1'195 mètres carrés, que A.
et B. X.________ ont acquise le 27 juin 1997, et la parcelle n° 1170, d'une
surface de 150 mètres carrés, qui est une dépendance des parcelles nos 1034
et 1284. A cette occasion, deux servitudes ont été constituées et inscrites
au registre foncier en faveur de l'Etat de Genève: la première grève les
parcelles nos 1034, 1169 et 1284 et consiste dans une restriction du droit de
bâtir aux termes de laquelle "il ne pourra être construit qu'un logement par
parcelle; en outre, les villas seront jumelées"; la seconde est une servitude
de destination de chemin dont l'assiette correspond à la parcelle n° 1170.

B.
Le 31 mars 2004, A. et B. X.________ ont déposé une demande d'autorisation de
construire portant sur la transformation et l'agrandissement de la maison
d'habitation et du garage édifiés sur la parcelle n° 1034 et sur
l'aménagement d'une piscine. Il s'agissait de créer une chambre à l'étage par
la surélévation de la cuisine existante, de réaliser une pièce habitable
supplémentaire au rez-de-chaussée sur la terrasse existante et d'aménager un
atelier, un bureau, une cave et des sanitaires au sous-sol.
Les époux Y.________ se sont opposés au projet au motif qu'il emportait une
violation des normes légales concernant le rapport de surfaces. En date du
1er novembre 2004, le Département de l'aménagement, de l'équipement et du
logement de la République et canton de Genève, devenu par la suite le
Département des constructions et des technologies de l'information (ci-après:
le Département), a informé les requérants que l'autorisation définitive de
construire ne pourrait leur être délivrée que lorsque les propriétaires
voisins auraient signé une déclaration par laquelle ils acceptaient
l'inscription au registre foncier d'une mention concernant le calcul des
rapports de surface après la réalisation du projet. Les propriétaires de la
parcelle n° 1169 ont donné leur accord. Les époux Y.________ ont en revanche
refusé de signer cet engagement.
Par décision du 31 mai 2005, le Département a écarté la demande
d'autorisation de construire sollicitée au motif que les droits à bâtir de la
parcelle n° 1034 avaient été épuisés par l'autorisation de construire
délivrée le 25 août 1971 et que les circonstances du cas d'espèce ne
justifiaient pas un dépassement du taux d'utilisation. La Commission
cantonale de recours en matière de constructions a rejeté le recours formé
contre cette décision par les époux X.________ au terme d'une décision prise
le 8 novembre 2005 que ces derniers ont vainement contestée auprès du
Tribunal administratif de la République et canton de Genève (ci-après: le
Tribunal administratif ou la cour cantonale).

C.
Agissant par la voie du recours de droit public, A. et B. X.________
demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt rendu par la cour cantonale
le 31 octobre 2006. Ils invoquent une violation de la garantie de la
propriété, de l'interdiction de l'arbitraire et de la protection de la bonne
foi.
Le Tribunal administratif se réfère à son arrêt. Le Département ainsi que les
époux Y.________ concluent au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
L'arrêt attaqué ayant été rendu avant le 1er janvier 2007, la loi fédérale
d'organisation judiciaire du 26 décembre 1943 (OJ) demeure applicable à la
présente procédure conformément à l'art. 132 al. 1 de la loi sur le Tribunal
fédéral, du 17 juin 2005.

2.
Seul le recours de droit public est ouvert en l'espèce, dans la mesure où les
époux X.________ ne font pas valoir une violation de normes du droit public
fédéral directement applicables (cf. ATF 129 I 337 consid. 1.1 in fine p.
339). Formé au surplus en temps utile contre une décision finale prise en
dernière instance cantonale et qui touche les recourants dans leurs intérêts
juridiquement protégés, le recours répond aux exigences des art. 86 al. 1, 88
et 89 al. 1 OJ.

3.
Les recourants soutiennent que l'arrêt attaqué violerait la garantie de la
propriété ancrée à l'art. 26 al. 1 Cst.

3.1 Pour être compatibles avec cette disposition, les restrictions de droit
public à la propriété doivent reposer sur une base légale, être justifiées
par un intérêt public et respecter les principes de la proportionnalité et de
l'égalité devant la loi (art. 36 al. 1 à 3 Cst.; cf. ATF 129 I 337 consid.
4.1 p. 344 et les arrêts cités). Les décisions qui refusent, comme en
l'espèce, une autorisation de construire au motif que l'indice d'utilisation
du sol serait dépassé ne constitue pas une restriction grave à la propriété
(ATF 104 Ia 328 consid. 4 p. 331; arrêt 1P.785/2005 du 11 avril 2006 consid.
2.2; arrêt 1P.459/2004 du 9 février 2005 consid. 2; arrêt 1P.462/1997 du 25
novembre 1997 consid. 4 publié in RDAT 1998 I n° 39 p. 149), de sorte que le
Tribunal fédéral n'examine que sous l'angle de l'arbitraire la question de la
base légale ainsi que l'interprétation et l'application faites du droit
cantonal (ATF 130 I 360 consid. 14.2 p. 362; 124 II 538 consid. 2a p. 540;
sur la notion d'arbitraire, voir ATF 132 I 13 consid. 5.1 p. 17).

3.2 L'art. 59 LCI, relatif au rapport des surfaces, dispose que la surface de
la construction, exprimée en m2 de plancher, ne doit pas excéder 20% de la
surface de la parcelle. Cette surface peut être portée à 22% lorsque la
construction est de haut standard énergétique, reconnue comme telle par le
service compétent (al. 1). Lorsque les circonstances le justifient et que
cette mesure est compatible avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du
quartier, le département peut autoriser, après consultation de la commune et
de la commission d'architecture, un projet de construction en ordre contigu
dont la surface de plancher habitable n'excède pas 25% de la surface du
terrain, 27,5% lorsque la construction est de haut standard énergétique,
reconnue comme telle par le service compétent (al. 4 let. a). Il peut
autoriser exceptionnellement, avec l'accord de la commune, exprimé sous la
forme d'une délibération municipale, et après consultation de la commission
d'architecture, un projet de construction en ordre contigu ou sous forme
d'habitat groupé dont la surface de plancher habitable n'excède pas 40% de la
surface du terrain, 44% lorsque la construction est de haut standard
énergétique, reconnue comme telle par le service compétent (al. 4 let. b).

3.3 En l'occurrence, il n'est pas contesté que le rapport des surfaces fixé à
l'art. 59 al. 1 LCI serait respecté par le projet de construction mis en
relation avec la parcelle n° 1034 dans sa contenance actuelle, mais qu'il
serait en revanche dépassé s'il y avait lieu de prendre en considération la
surface de l'ensemble des biens-fonds qui formaient à l'origine cette
parcelle avant le morcellement intervenu en février 1973, comme l'a retenu le
Tribunal administratif.

3.4 Les coefficients et les indices d'occupation et d'utilisation du sol
doivent garantir des dégagements suffisants par rapport à l'importance de la
construction et de son emprise au sol (Jean-Luc Marti, Distances coefficients
et volumétrie des constructions en droit vaudois, thèse Lausanne 1988, p.
151). Cet objectif serait compromis si une surface ayant déjà été mise à
contribution pour calculer la densité d'une construction par rapport à une
surface donnée puisse à nouveau être prise en considération pour ce faire à
la suite d'un morcellement. Aussi, lorsqu'un bien-fonds a été construit de
manière à épuiser les droits à bâtir, une division ultérieure de ce fonds ne
saurait avoir pour conséquence de redonner de nouvelles possibilités de
construire. L'interdiction qui en résulte d'utiliser, pour le calcul de la
surface constructible, tout ou partie de la surface ayant déjà servi à un tel
calcul ne constitue pas une restriction inadmissible à la propriété, comme
l'a d'ailleurs jugé à maintes reprises le Tribunal fédéral (ATF 108 Ib 116
consid. 2c p. 120/121; arrêt 1P.577/2000 du 1er décembre 2000 consid. 2c, qui
concernait la commune de H.________; voir aussi, Felix Huber, Die
Ausnützungsziffer, thèse Zurich 1986, p. 259; Urs Eymann, in:
Münch/Karlen/Geiser, Beraten und Prozessieren in Bausachen, Bâle 1998, n.
6.34, p. 209).
Cette interdiction existe, à l'instar des autres restrictions de droit public
à la propriété, indépendamment de son inscription au registre foncier en
vertu de l'art. 680 al. 1 CC (arrêt 1P.143/1996 du 5 août 1996 consid. 3b/aa
reproduit in JAB 1997 p. 220; arrêt 1P.423/1992 du 12 janvier 1993 consid.
3a; cf. ATF 111 Ia 182 consid. 4 p. 183; arrêt 1P.586/2004 du 28 juin 2005
consid. 4.6 publié in ZBl 107/2006 p. 369; arrêt 1P.762/1993 du 25 mai 1994
consid. 3cb; arrêt 2A.116/1994 du 21 décembre 1994 consid. 3c reproduit in
RDAT 1995 II n° 57 p. 151). Les cantons peuvent certes prévoir que de telles
restrictions fassent l'objet d'une mention au registre foncier, conformément
à l'art. 962 al. 1 CC, pour leur assurer une certaine publicité, mais une
telle mention n'est pas exigée et n'a qu'une portée déclaratoire (Denis
Piotet, Le transfert du coefficient d'utilisation ou d'occupation du sol et
le droit privé fédéral, DC 2000 p. 41). Les recourants ne démontrent pas
qu'une telle obligation résultait du droit cantonal applicable lors du
morcellement intervenu en février 1973.
Cela étant, ils se plaignent à tort d'une violation de la garantie de la
propriété.

3.5 L'argument tiré de la violation des règles de la bonne foi n'est pas
mieux fondé. Une restriction de droit public à la propriété est en effet
également opposable à l'acquéreur de bonne foi, même sans inscription au
registre foncier (ATF 111 Ia 182 consid. 4 p. 183; Jörg Schmid/Bettina
Hürlimann-Kaup, Sachenrecht, 2è éd., Zurich 2003, n. 928, p. 190; Max
Baumann, Zürcher Kommentar, Zurich 1998, n. 32 ad art. 3 CC, p. 737).
L'interdiction d'utiliser, pour le calcul de la surface constructible, tout
ou partie de la surface qui a déjà servi à un tel calcul s'impose donc aux
recourants, sans égard à leur éventuelle bonne foi, de sorte qu'il n'est pas
nécessaire d'examiner s'ils avaient ou non connaissance du fait que leurs
droits à bâtir étaient épuisés lorsqu'ils ont acquis la parcelle n° 1034,
comme le prétendent les intimés. Les époux X.________ ne peuvent rien déduire
en leur faveur du fait que l'Etat de Genève a constitué à son profit, lors du
morcellement intervenu en février 1973, une servitude de restriction du droit
de bâtir limitant les possibilités de construire sur les parcelles en cause à
une construction en ordre contigu d'un seul logement et une servitude de
destination de chemin, mais qu'il n'a en revanche pas jugé utile de faire
inscrire au registre foncier en sa faveur une servitude de non-bâtir pour
garantir que la surface de la parcelle n° 1034 prise en compte pour
déterminer la surface des villas jumelées ne pourrait plus l'être à l'avenir
pour un autre projet de construction. Cette interdiction résulte en effet de
la loi, ce qui n'est pas le cas des autres servitudes (cf. Jörg
Schmid/Bettina Hürlimann-Kaup, op. cit., p. 190/191). Pour le surplus, les
recourants ne soutiennent pas avoir reçu des assurances de la part du
Département que leurs droits à bâtir seraient calculés en fonction de la
surface actuelle de leur parcelle. De telles assurances ne pourraient
d'ailleurs pas être opposées aux intimés, dont la bonne foi ne saurait être
mise en cause (cf. arrêt 1A.225/2005 du 17 octobre 2006 consid. 5.6).
3.6 En définitive, le projet des recourants ne pouvait être autorisé que
moyennant le consentement des propriétaires voisins à ce que la surface déjà
utilisée pour le calcul des droits à bâtir afférents aux villas jumelées
réalisées en exécution du permis de construire délivré le 25 août 1971 puisse
une nouvelle fois être prise en compte. Dans la mesure où les époux
Y.________ s'y sont opposés, cette possibilité n'entre pas en ligne de
compte.

4.
Les recourants estiment enfin que les conditions posées à l'art. 59 al. 4 LCI
pour que leur projet de construction puisse être autorisé seraient réunies.
Ils ne démontrent toutefois pas dans les formes requises par l'art. 90 al. 1
let. b OJ en quoi il serait arbitraire de leur refuser l'octroi d'une
dérogation et de faire prévaloir une application stricte des règles relatives
au rapport des surfaces dans les cas où les droits à bâtir ont été épuisés
par les constructions déjà érigées et où les voisins s'opposent à une
extension de ces droits.

5.
Le recours doit par conséquent être rejeté, dans la mesure où il est
recevable, aux frais des recourants qui succombent (art. 156 al. 1 OJ). Ces
derniers verseront une indemnité de dépens aux intimés qui obtiennent gain de
cause avec l'assistance d'un avocat (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge des recourants.

3.
Une indemnité de 2'000 fr. est allouée à titre de dépens aux intimés,
créanciers solidaires, à la charge des recourants, solidairement entre eux.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, ainsi
qu'au Département des constructions et des technologies de l'information et
au Tribunal administratif de la République et canton de Genève.

Lausanne, le 10 mai 2007

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: