Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.779/2006
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{T 0/2}
1P.779/2006
1P.795/2006 / col

Arrêt du 6 février 2007
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Aemisegger et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.

1P.779/2006
A.________,
recourant, représenté par Me Stéphane Riand, avocat,

1P.795/2006
B.________,
recourant, représenté par Me Bernard Delaloye, avocat,

contre

Office central du Ministère public du canton du Valais, route de Gravelone 1,
case postale 2282,
1950 Sion 2,
Tribunal cantonal du canton du Valais, IIe Cour pénale, Palais de Justice,
1950 Sion 2.

sort des frais et dépens à la suite d'un arrêt de non-lieu,

recours de droit public contre le jugement de la IIe Cour pénale du Tribunal
cantonal du canton du Valais du
6 novembre 2006.

Faits:

A.
A la suite d'une dénonciation pénale du 29 mars 1994 concernant des faits
constatés dans le cadre de la faillite de la société C.________, le Juge
d'instruction pénale du Bas-Valais a ordonné le 14 avril 1994 une enquête
préliminaire qu'il a confiée à la section financière de la police cantonale
valaisanne. Celle-ci a établi un premier rapport le 19 juillet 1994 dans
lequel elle dénonçait les administrateurs de la société C.________,
B.________, A.________ et D.________, pour banqueroute frauduleuse, gestion
déloyale, obtention frauduleuse d'une constatation fausse et inobservation
des prescriptions légales sur la comptabilité. Une expertise financière a été
mise en oeuvre le 8 septembre 1994, dont les conclusions ont été versées au
dossier le 11 janvier 1996. Une instruction pénale a été ouverte le 1er mars
1996 contre B.________ et le 6 mars 1996 contre D.________ et A.________. Le
10 novembre 1999, tous trois ont été inculpés de nombreuses infractions
contre le patrimoine.
Par arrêt du 6 juin 2005, le Juge d'instruction pénale a suspendu par un
non-lieu la procédure ouverte contre B.________, A.________ et D.________. Il
a mis les frais d'expert à la charge du fisc et le solde des frais de justice
à la charge des inculpés, à raison de 1'614.25 fr., chaque partie assumant
ses frais d'intervention.

A. ________ et B.________ ont formé, en date des 15 juin et 5 juillet 2005,
un appel contre cet arrêt auprès de la IIe Cour pénale du Tribunal cantonal
du canton du Valais (ci-après: la Cour pénale). Ils concluaient à ce que la
procédure soit non pas suspendue, mais close par un non-lieu et que les frais
de la procédure et du jugement en appel soient mis intégralement à la charge
de l'Etat du Valais. Ils sollicitaient en outre une indemnité de 70'000 fr.,
respectivement de 23'000 fr. à titre de dépens.
Au terme d'un jugement rendu le 6 novembre 2006, la Cour pénale a
partiellement admis les appels, après les avoir joints. Elle a clos la
procédure ouverte contre les appelants par un non-lieu et confirmé l'arrêt
attaqué en ce qui concerne la répartition des frais et dépens d'instruction
et de première instance.

B.
Agissant le 28 novembre 2006 par la voie du recours de droit public,
A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler ce jugement et de renvoyer
le dossier à la Cour pénale pour nouveau jugement dans le sens des
considérants (1P.779/2006). B.________ en a fait de même par acte du 5
décembre 2006 (1P.795/2006). Ils se plaignent tous deux d'une application
arbitraire de l'art. 207 ch. 2 du Code de procédure pénale valaisan (CPP
val.) ainsi que d'une violation des art. 6 CEDH et 29 al. 1 Cst.
La Cour pénale se réfère aux considérants de son jugement. Le Ministère
public du canton du Valais n'a pas déposé d'observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le jugement attaqué ayant été rendu avant le 1er janvier 2007, la loi
fédérale d'organisation judiciaire du 26 décembre 1943 (OJ) demeure
applicable à la présente procédure, conformément à l'art. 132 al. 1 de la loi
sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005.

2.
Les recours sont dirigés contre la même décision et concernent le même
complexe de faits. Les recourants n'ont par ailleurs pas d'intérêts
contradictoires commandant un prononcé séparé. Il se justifie par conséquent
de joindre les causes et de statuer par un seul arrêt (cf. art. 40 OJ et 24
PCF; ATF 127 V 29 consid. 1 p. 33).

3.
Formé en temps utile contre une décision finale prise en dernière instance
cantonale et qui ne peut faire l'objet que d'un recours de droit public pour
violation des droits constitutionnels, le recours répond aux exigences des
art. 84 al. 2, 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ. Les recourants ont qualité, au sens
de l'art. 88 OJ, pour contester le jugement attaqué, en tant qu'il met à leur
charge une partie des frais de la procédure pénale ouverte à leur encontre et
qu'il les contraint à supporter leurs frais d'intervention. Sous réserve
d'exceptions non réalisées en l'espèce, le recours de droit public ne peut
tendre qu'à l'annulation de l'arrêt attaqué (ATF 131 I 166 consid. 1.3 p.
169). La conclusion visant au renvoi du dossier pour nouveau jugement dans le
sens des considérants est dès lors irrecevable. A.________ n'a pas donné
suite à l'invitation qui lui avait été faite de déposer la procuration dans
le délai imparti pour verser l'avance de frais. Dans son mémoire de recours,
son mandataire justifiait de ses pouvoirs de représentation par une
procuration déposée auprès du Tribunal cantonal et l'avance de frais a été
payée. Dans ces conditions, il serait formaliste à l'excès de déclarer le
recours irrecevable pour ce motif (cf. ATF 117 Ia 440 consid. 1 p. 443; arrêt
2A.35/1995 du 9 septembre 1995 consid. 1a).

4.
Les recourants sont d'avis que leur condamnation à prendre en charge une
partie des frais d'instruction et de première instance et l'intégralité de
leurs frais d'intervention reposerait sur une application arbitraire du droit
cantonal, ne tiendrait pas compte de la longueur de la procédure imputable
aux autorités et violerait l'égalité de traitement.

4.1 L'art. 207 ch. 2 CPP val., qui aurait été prétendument appliqué de
manière arbitraire, prévoit qu'en cas de non-lieu, d'acquittement ou de
renonciation à la poursuite pénale, le prévenu ne supporte les frais que si,
par un comportement contraire à l'ordre juridique, il a donné lieu à la
procédure ou en a rendu plus difficile le déroulement. Cette disposition
reprend les principes dégagés par la jurisprudence du Tribunal fédéral en ce
domaine (cf. arrêt 1P.519/2000 du 10 novembre 2000 consid. 3a paru à la RVJ
2001 p. 310).
La condamnation aux frais d'un prévenu acquitté ou mis au bénéfice d'un
non-lieu et le refus de lui allouer une indemnité à titre de dépens ne sont
admissibles que si l'intéressé a provoqué l'ouverture de la procédure pénale
dirigée contre lui, ou s'il en a entravé le cours; à cet égard, seul un
comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en relation
de causalité avec les frais imputés, peut être déterminant (ATF 120 Ia 147
consid. 3b p. 155; 119 Ia 332 consid. 1b p. 334). D'une façon générale, le
juge peut prendre en considération toute règle juridique, appartenant au
droit fédéral ou cantonal, public, privé ou pénal, écrit ou non écrit, pour
déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation
des frais ou le refus d'une indemnité. La relation de causalité est réalisée
lorsque selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le
comportement de la personne concernée était de nature à provoquer l'ouverture
du procès pénal et le dommage ou les frais que celui-ci a lui-même entraînés.
Le juge doit se référer aux principes généraux de la responsabilité
délictuelle (ATF 116 Ia 162 consid. 2c p. 169) et fonder son prononcé sur des
faits incontestés ou déjà clairement établis (ATF 112 Ia 371 consid. 2a in
fine p. 374). Une condamnation aux frais ne peut se justifier que si, en
raison du comportement illicite du prévenu, l'autorité était légitimement en
droit d'ouvrir une enquête; elle est en tout cas exclue lorsque l'autorité
est intervenue par excès de zèle, mauvaise analyse de la situation ou
précipitation (ATF 116 Ia 162 consid. 2c p. 171).
Le Tribunal fédéral examine sous l'angle de l'arbitraire l'appréciation de
l'autorité cantonale selon laquelle le comportement du prévenu libéré des
fins de la poursuite pénale serait répréhensible du point de vue civil ou que
ce comportement aurait provoqué la procédure pénale ou en aurait entravé le
cours (ATF 116 Ia 162 consid. 2f p. 175). Il ne s'écarte ainsi de la solution
retenue que si elle est insoutenable tant dans sa motivation que dans son
résultat, si elle est en contradiction évidente avec la situation de fait, ou
si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d'un droit certain
(ATF 132 I 13 consid. 5.1 p. 17), ce qu'il appartient aux recourants de
démontrer (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 131 I 217 consid. 2.1 p. 219).

4.2 La Cour pénale a retenu que A.________ et B.________ avaient adopté des
comportements illicites au regard du droit civil, objectivement propres à
faire naître de sérieux soupçons quant à la commission d'infractions et qui
se trouvaient en relation de causalité directe avec l'ouverture de
l'instruction et son extension, de sorte que c'était de manière fondée que le
juge d'instruction avait estimé qu'ils devaient supporter leurs frais
d'intervention ainsi qu'une petite part des frais judiciaires. Les recourants
estiment pour leur part que l'ouverture de l'instruction reposerait sur une
mauvaise analyse de la situation qui exclurait leur condamnation aux frais de
procédure, dans la mesure où elle se fonde sur les conclusions d'une
expertise lacunaire, erronée et inutilisable en raison du manque de
neutralité reconnu de leurs auteurs.
La Cour pénale a pris soin d'énumérer de manière détaillée dans le jugement
attaqué les fautes civiles qu'elle reprochait aux recourants d'avoir commis
(violation des devoirs de diligence et de fidélité dévolus aux membres du
conseil d'administration selon l'art. 717 al. 1 CO, violation des principes à
observer dans la tenue du bilan selon l'art. 960 al. 2 CO et en cas de fusion
de sociétés, violation des devoirs précontractuels et des règles de la bonne
foi en affaires) en indiquant les éléments de preuve sur lesquels elle se
fondait pour les retenir. Les recourants ne contestent pas ces fautes ni la
force probatoire des pièces et autres témoignages auxquels se réfère la Cour
pénale pour les étayer; en l'absence de tout grief à ce propos, il
n'appartient pas au Tribunal fédéral d'examiner d'office ce qu'il en est (cf.
ATF 131 I 217 consid. 2.1 précité). Les recourants se bornent à prétendre,
sans chercher à le démontrer, que les juges d'appel se seraient fondés sur
une expertise judiciaire partiale, erronée et lacunaire pour ouvrir
l'instruction, alors qu'il est manifeste que ceux-ci ne se sont pas ou, du
moins, pas essentiellement fondés sur ce document, mais sur d'autres éléments
de preuve, tels que les dénonciations pénales, le rapport des curateurs de la
société C.________ ou encore les pièces et déclarations recueillies au cours
de l'enquête préliminaire de police. Leurs arguments ne sont pas de nature à
établir que l'instruction aurait été ouverte à la légère ou sur la base d'une
mauvaise analyse de la situation qui exclurait qu'ils prennent en charge une
partie des frais d'instruction et qu'ils supportent leurs frais
d'intervention. Sur ce point, le recours est infondé dans la mesure où il est
suffisamment motivé.

4.3 Les recourants se plaignent également d'une inégalité de traitement par
rapport à l'affaire dite "BCV-Dorsaz", où les frais de justice ont été mis
dans leur intégralité à la charge du fisc alors même que des comportements
illicites sur les plans administratif et civil ont été retenus à l'encontre
des principaux inculpés. Ils ne se sont pas prévalus de ce moyen devant la
cour cantonale, de sorte que le grief est irrecevable au regard de la règle
de l'épuisement des instances posée à l'art. 86 al. 1 OJ (ATF 129 I 74
consid. 4.6 p. 80; 123 I 87 consid. 2b p. 89). Au demeurant, ils ne
fournissent aucun élément de fait à l'appui de leur argumentation, qui
permettrait de retenir l'existence d'une inégalité de traitement en leur
défaveur.

4.4 Les recourants prétendent par ailleurs que la longueur de la procédure
pénale a engendré des frais d'intervention supplémentaires qui n'ont pas à
être assumés par une partie au bénéfice d'un non-lieu et dénoncent à ce
propos une violation des art. 6 CEDH et 29 al. 1 Cst. Ils ne détaillent
cependant nullement les frais supplémentaires inutiles qu'ils auraient
engagés en relation avec l'inaction des autorités ou la durée de la
procédure, comme il leur appartenait de faire. Il n'incombe pas au Tribunal
fédéral, saisi d'un recours de droit public, d'examiner d'office cette
question en se plongeant dans le dossier cantonal, à la manière d'une
autorité d'appel. Au demeurant, la Cour pénale a écarté cet argument par une
motivation détaillée dont les recourants ne cherchent pas à contester la
pertinence conformément aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ.

4.5 Les recourants voient enfin une violation de leur droit d'être entendus
dans le fait que l'autorité a renoncé à ordonner une nouvelle expertise qui
aurait permis d'établir que la première expertise était partiale et
mensongère et que, partant, la procédure pénale aurait été engagée indûment à
leur encontre. La Cour pénale a considéré ce grief comme infondé car ce sont
eux qui ont demandé à ce qu'il soit renoncé à mettre en oeuvre une nouvelle
expertise judiciaire au profit d'un non-lieu, en raison notamment de son coût
prévisionnel élevé. Elle relevait en outre qu'aucun des appelants n'avait
sollicité de nouvelles mesures d'instruction dans le délai imparti pour faire
valoir d'éventuelles objections et requérir un complément d'instruction. Les
recourants ne s'en prennent aucunement à cette motivation et n'expliquent en
particulier pas en quoi elle serait impropre à écarter leur grief, de sorte
que le recours est irrecevable sur ce point au regard de l'art. 90 al. 1 let.
b OJ. Au demeurant, s'ils estimaient qu'une contre-expertise était nécessaire
pour démontrer que les comportements illicites retenus à leur charge par le
Juge d'instruction pénale étaient inexacts et, partant, que les frais
auraient indûment été mis à leur charge, ils auraient dû requérir une telle
mesure d'instruction devant la Cour pénale. Ils n'ont formulé aucune demande
en ce sens dans leur déclaration d'appel, A.________ se bornant à solliciter
son audition comme moyen de preuve.

5.
Les recours doivent par conséquent être rejetés, dans la mesure où ils sont
recevables, aux frais des recourants qui succombent (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Les causes 1P.779/2006 et 1P.795/2006 sont jointes.

2.
Les recours sont rejetés, dans la mesure où ils sont recevables.

3.
Un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge de A.________.

4.
Un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge de B.________.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des recourants,
ainsi qu'à l'Office central du Ministère public et au Tribunal cantonal du
canton du Valais.

Lausanne, le 6 février 2007

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: