Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.744/2006
Zurück zum Index I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2006
Retour à l'indice I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2006


{T 0/2}
1P.744/2006 /col

Arrêt du 10 mai 2007
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Reeb et Fonjallaz.
Greffière: Mme Truttmann.

A. ________,
recourant,

contre

B.________,
C.________,
D.________,
E.________,
intimés,
Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg,
case postale 56, 1702 Fribourg.

récusation,

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal cantonal de l'Etat de
Fribourg, Tribunal de cinq membres, du
19 septembre 2006.

Faits:

A.
Le 17 mai 2005, A.________ a demandé à la Direction de la Sécurité et de la
Justice du canton de Fribourg, le paiement de deux indemnités pour des
défenses d'office qu'il avait assumées, l'une de 28'833 fr. 35 et l'autre de
1'436 fr. 80.
Le 12 juillet 2005, après avoir tenté de compenser les impôts arriérés avec
ces indemnités à concurrence de 27'700 fr., l'Administration cantonale des
finances a requis l'Office des poursuites de la Sarine (ci-après: l'Office
des poursuites) de procéder à une saisie complémentaire du compte postal de
A.________.
Par arrêt du 23 août 2005, la Chambre des poursuites et des faillites du
Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg (ci-après: la Chambre LP) a rejeté la
plainte de A.________ en tant qu'elle concernait le complément de saisie.
Par arrêt du 20 décembre 2005, le Tribunal fédéral a admis le recours de
A.________. Il a jugé que le simple fait qu'un revenu brut était payé
tardivement n'autorisait pas à le considérer comme un revenu net. On ne
saurait au demeurant reprocher à l'avocat de ne pas avoir obtenu d'avances de
son client, sa rémunération ne pouvant être exigée que de l'Etat. Le Tribunal
fédéral a donc annulé l'arrêt entrepris et enjoint à l'Office des poursuites
de procéder au complément de saisie dans le sens des considérants.

B.
Le 1er juin 2006, A.________ a déposé plainte contre l'Office des poursuites
pour déni de justice et retard injustifié. Il a, à cette occasion, demandé
qu'on lui communique la composition de la Chambre LP appelée à statuer, ce
qui fut fait par courrier du 12 juin 2006.
Le 14 juin 2006, A.________ a formé une requête de récusation. Les juges
cantonaux B.________, C.________ et D.________ ainsi que le greffier
E.________ composaient la Chambre LP qui avait rendu l'arrêt du 23 août 2005,
mis à néant par le Tribunal fédéral le 20 décembre 2005. Au surplus,
B.________ et E.________ faisaient partie de la Cour d'appel pénal ayant
statué sur son indemnité de défenseur d'office. Tous devaient donc être
récusés.
Par arrêt du 19 septembre 2006, un Tribunal de cinq membres, constitué
conformément à l'art. 57 al. 1 let. g de la loi d'organisation judiciaire
fribourgeoise (LOJ/FR), a rejeté la demande de récusation formulée par
A.________, non seulement parce qu'elle était mal fondée, mais également
parce qu'elle était intervenue tardivement.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt rendu le 19 septembre 2006 par le Tribunal
de cinq membres.

E. ________ et D.________ renoncent à répondre au recours. C.________ et
B.________ concluent à son rejet dans la mesure de sa recevabilité. Le
Tribunal de cinq membres n'a pas formulé d'observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La décision attaquée ayant été rendue avant le 1er janvier 2007, la loi
fédérale d'organisation judiciaire (OJ) demeure applicable à la présente
procédure de recours (art. 132 al. 1 LTF).

2.
Le recours de droit public est formé en temps utile contre une décision
rendue en dernière instance cantonale et relative à une demande de récusation
au sens de l'art. 87 al. 1 OJ. Il est recevable (cf. arrêt 1P.391/2001 du 21
décembre 2001).

3.
La garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée à l'art. 30 al.
1 Cst. permet d'exiger la récusation d'un juge dont la situation ou le
comportement est de nature à faire naître un doute sur son impartialité (ATF
126 I 68 consid. 3a p. 73). Elle tend notamment à éviter que des
circonstances extérieures à la cause ne puissent influencer le jugement en
faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation
seulement lorsqu'une prévention effective du juge est établie, car une
disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée; il suffit que les
circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une
activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées
objectivement doivent être prises en considération; les impressions purement
individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 127 I
196 consid. 2b p. 198). En principe, même si elles sont établies, des erreurs
de procédure ou d'appréciation commises par un juge ne suffisent pas à fonder
objectivement un soupçon de prévention. Seules des erreurs particulièrement
lourdes ou répétées, constituant des violations graves de ses devoirs,
peuvent justifier le soupçon de parti pris (ATF 125 I 119 consid. 3e p. 124;
116 Ia 135 consid. 3a p. 138).

4.
En l'espèce, le Tribunal de cinq membres a valablement considéré, au vu de la
jurisprudence qui vient d'être rappelée, que la simple participation des
juges à une procédure antérieure qui a fait l'objet d'un recours n'est pas à
elle seule déterminante pour mettre en doute leur impartialité.
Dans le cas particulier, il a jugé qu'il ne ressortait pas de l'arrêt du
Tribunal fédéral du 20 décembre 2005 que l'autorité aurait appliqué le droit
d'une manière à ce point fautive qu'elle eût pu susciter dans l'esprit du
justiciable moyen un doute sur l'impartialité des juges et du greffier.
S'agissant plus particulièrement de B.________ et de E.________, le Tribunal
de cinq membres a rejeté l'argument du recourant selon lequel ces derniers
auraient voulu le priver de son indemnité pour défense d'office en
temporisant à l'excès le principe même de l'indemnité. Le Tribunal de cinq
membres a considéré qu'il s'agissait d'une simple appréciation personnelle du
recourant et qu'au demeurant, quand bien même il y aurait eu un retard
injustifié, le recourant n'alléguait nullement avoir déposé plainte sur ce
point.

5.
Le recourant conteste cette appréciation. Il explique que les magistrats
concernés ont participé à deux procédures antérieures qui ont eu pour effet
de générer un retard de plusieurs années. Or ces magistrats, se rendant
eux-mêmes justice, seraient maintenant amenés à trancher la question du déni
de justice et retard injustifié soulevée dans la plainte du 1er juin 2006.
Le recourant perd de vue que la plainte qu'il a déposée le 1er juin 2006 vise
uniquement la prétendue inactivité de l'Office des poursuites suite au
prononcé de l'arrêt du Tribunal fédéral du 20 décembre 2005. La plainte ne
concerne donc pas l'éventuel retard qu'aurait connu la procédure
précédemment. Au reste, le Tribunal de cinq membres ne saurait être contredit
lorsqu'il considère qu'il eût appartenu au recourant de déposer plainte en
temps utile s'il voulait se prévaloir de ce grief.
Il résulte de ce qui précède que le Tribunal de cinq membres pouvait retenir
que la demande de récusation n'était pas fondée. Cela rend superflu l'examen
de l'argument tiré de la tardiveté de la requête, retenu par le Tribunal de
cinq membres.

6.
Il s'ensuit que le recours de droit public doit être rejeté. Le recourant,
qui succombe, doit supporter l'émolument judiciaire (art. 153, 153a et 156
OJ). Il n'est pas alloué de dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit public est rejeté.

2.
Un émolument de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et au Tribunal cantonal
de l'Etat de Fribourg.

Lausanne, le 10 mai 2007

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: