Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.731/2006
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{T 0/2}
1P.731/2006 /col

Arrêt du 11 janvier 2007
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Aemisegger et Reeb.
Greffière: Mme Truttmann.

A. ________,
recourant, représenté par Me Michel Bergmann, avocat,

contre

Département des constructions et des technologies de l'information de la
République et canton de Genève, case postale 22, 1211 Genève 8,
Tribunal administratif de la République et canton de Genève, case postale
1956, 1211 Genève 1.

autorisation de construire, contrôle des loyers,

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif de la
République et canton de Genève
du 19 septembre 2006.

Faits:

A.
A. ________ est propriétaire d'un immeuble à Bernex.
Lors d'une visite le 8 janvier 2003, un inspecteur du département des
constructions et des technologies de l'information de la République et canton
de Genève (ci-après: le département) a constaté que A.________ avait
entrepris des travaux de transformation sans autorisation. Il se trouvait
désormais, aux 1er et 2ème étages, deux appartements de cinq pièces au lieu
des quatorze chambres, deux WC, deux douches et du réfectoire figurant sur
les plans antérieurs.
Le 14 mars 2003, A.________ a déposé une demande d'autorisation de construire
portant sur les travaux effectués. Au printemps 2003, il a loué les quatre
appartements en cause, pour un loyer de 2'300 fr. plus 200 fr. de charges,
sans attendre l'autorisation du département.
Le 10 décembre 2003, le département a délivré l'autorisation de construire
pour les travaux effectués aux 1er et 2ème étages, fixé les loyers
applicables et infligé une amende de 5'000 fr. à A.________ pour avoir violé
la loi genevoise sur les constructions et installations diverses du 14 avril
1988 (LCI) et la loi genevoise sur les démolitions, transformations et
rénovations de maisons d'habitation du 25 janvier 1996 (LDTR).
L'autorisation de construire prévoyait sous condition n° 5 que le loyer
annuel par pièce était fixé pour une période de cinq ans à 4'383 fr. (soit un
loyer annuel de 21'915 fr. par appartement) à dater de la prise de location.
Un délai de trente jours était imparti à A.________ pour opérer les
modifications nécessaires et restituer le trop-perçu aux locataires.

B.
Par décision du 28 janvier 2005, la commission cantonale de recours en
matière de constructions de la République et canton de Genève (ci-après: la
commission) a écarté le recours interjeté par A.________ contre la décision
du 10 décembre 2003 du département.
Par arrêt du 16 août 2005, le Tribunal administratif de la République et
canton de Genève (ci-après: le Tribunal administratif) a également rejeté le
recours de A.________ contre la décision de la commission.

C.
Par courrier du 11 octobre 2005, le département a informé A.________ que
l'arrêt du Tribunal administratif du 16 août 2005 était définitif. Il lui a
imparti un délai de trente jours pour établir de nouveaux baux et pour
restituer les sommes perçues en trop aux locataires. A.________ était
également invité à bien vouloir informer le département des démarches
entreprises, justificatifs à l'appui.
Par courrier du 23 novembre 2005, A.________ a précisé que le décompte pour
les frais accessoires n'avait pas encore été établi mais qu'il était évident
que l'acompte de 200 fr. ne couvrait de loin pas les prix effectifs. Il
expliquait également que pour les nouveaux baux à signer, il envisageait un
loyer annuel de 21'915 fr. et des frais accessoires annuels de 6'000 francs.

D.
Par décision du 10 janvier 2006, le département a constaté que A.________
persistait à ne pas vouloir respecter la décision en force du 10 décembre
2003. Il a précisé que les motifs invoqués pour ne pas s'exécuter relevaient
strictement du droit privé, de sorte qu'ils ne sauraient intéresser le
département. Il a également relevé qu'il ne lui incombait au surplus pas de
vérifier si les montants éventuellement réclamés sur le plan du droit privé
étaient fondés et exigibles. En conséquence, il a, en application de l'art.
137 LCI, infligé une amende administrative de 5'000 fr. à A.________ pour ne
pas avoir respecté un ordre en force du département. Le montant de l'amende
tenait compte de la gravité tant objective que subjective du comportement
tenu, ainsi que de la récidive. Un délai de trente jours était imparti à
A.________ pour procéder au paiement de l'amende. Il lui était également
ordonné, en application des art. 129 ss LCI, de se conformer à la décision du
département du 10 décembre 2003, sous la menace de l'art. 292 CP.
Par courrier du 13 janvier 2006, A.________ a demandé au département de lui
préciser si le montant du loyer maximal incluait les charges, cas échéant, si
le département entendait fixer une limite à ces dernières.
Par courrier du 17 janvier 2006, le département a répondu que les loyers
fixés dans le cadre de l'application de la LDTR ne comprenaient pas les
charges correspondant aux frais accessoires tels que définis par l'art. 257b
CO.

A. ________ a recouru contre la décision du 10 janvier 2006. Il soutenait que
le département était en possession de tous les justificatifs et explications
relatifs aux charges et devait donc se rendre compte qu'il ne devait rien
rembourser aux locataires. Subsidiairement, il faisait valoir que la décision
devait être annulée car elle souffrait d'un défaut de motivation, le montant
précis à rembourser n'étant pas spécifié. Par décision du 10 mai 2006, la
commission a déclaré son recours irrecevable. Elle a en effet estimé que la
lettre du 10 janvier 2006, en tant qu'elle ordonnait l'exécution d'une
décision en force, n'était pas sujette à recours en vertu de l'art. 59 let. b
PA. Elle a au surplus déclaré le recours non fondé en tant qu'il concernait
l'amende administrative de 5'000 francs. Selon elle, les faits de la cause
établissaient sans aucun doute l'intention de A.________ de ne pas se
soumettre à la décision en force. A.________ apparaissait comme un
récidiviste sur lequel les décisions antérieures n'avaient produit aucun
effet.
Par arrêt du 19 septembre 2006, le Tribunal administratif a rejeté le recours
de A.________ contre la décision de la commission du 10 mai 2006. Il a
confirmé le prononcé d'irrecevabilité de cette dernière. Le Tribunal
administratif est cependant entré en matière sur le grief touchant au montant
des loyers à restituer et l'a rejeté. S'agissant du moyen tiré de la
compensation, le Tribunal administratif a estimé que A.________ ne pouvait à
la fois contester l'exigibilité de sa dette en qualifiant l'obligation qui
lui était impartie de peu précise, voire d'indéterminable, et exciper de
compensation.

E.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt rendu par le Tribunal administratif le 19
septembre 2006 et de renvoyer la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle
décision dans le sens des considérants. Il reproche au Tribunal administratif
d'avoir violé le principe de la bonne foi et d'être tombé dans l'arbitraire
en confirmant l'amende administrative de 5'000 francs. Il lui fait également
grief d'être tombé dans l'arbitraire en violant le principe de la
compensation.
Le Tribunal administratif n'a formulé aucune observation. Il s'en est
rapporté à justice quant à la recevabilité du recours et a persisté dans les
considérants et le dispositif de son arrêt. Le département a répondu au
recours. Il s'en est rapporté à justice quant à la recevabilité du recours et
a conclu à son rejet au fond.
Par ordonnance du 20 novembre 2006, le Président de la Ire Cour de droit
public a admis la demande d'effet suspensif formulée par A.________.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La décision attaquée ayant été rendue avant le 1er janvier 2007, la loi
fédérale d'organisation judiciaire (OJ) demeure applicable à la présente
procédure de recours (art. 132 al. 1 LTF).

2.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 132 III 291 consid. 1 p. 292; 131 II 571 consid. 1
p. 573; 130 I 312 consid. 1 p. 317 et les arrêts cités).
Les moyens soulevés par le recourant ont trait exclusivement à la violation
de droits constitutionnels, si bien qu'ils ne peuvent être présentés que dans
un recours de droit public (art. 84 al. 2 Cst.). Formé en temps utile contre
une décision finale rendue en dernière instance cantonale, le recours de
droit public est recevable (art. 86 ss OJ). Personnellement touché par
l'arrêt attaqué, le recourant a un intérêt personnel, actuel et juridiquement
protégé à ce que cet arrêt soit annulé, et a, partant, qualité pour recourir
selon l'art. 88 OJ.

3.
3.1 Le recourant conteste l'amende qui lui a été infligée en invoquant la
protection de la bonne foi et l'interdiction de l'arbitraire.
Le département aurait d'une part affirmé que le recourant pouvait facturer
les charges en plus des loyers, laissant ainsi entendre que ces charges
pouvaient être compensées.
D'autre part, les autorités cantonales auraient fait preuve d'arbitraire en
considérant que la compensation ne serait plus possible en raison de l'entrée
en force de l'arrêt du 16 août 2005, le Tribunal administratif "ayant jugé de
manière définitive que le trop-perçu des loyers devait être restitué aux
locataires".

3.2 Le recourant ne conteste pas qu'il doit rembourser le trop-perçu aux
locataires. Comme l'a relevé le Tribunal administratif dans l'arrêt querellé,
le recourant ne fait valoir que des griefs à l'encontre de l'exécution de la
décision qui ordonne le remboursement. Le litige ne concerne donc en réalité
que la perception de l'amende, qui suppose la non-exécution de la décision de
remboursement. A cet égard, il sera précisé que le recourant ne se plaint
plus de ce que la décision n'aurait pas été suffisamment précise pour pouvoir
être exécutée.

4.
4.1 Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., ne
résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en
considération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral ne
s'écarte de la solution retenue en dernière instance cantonale que si elle
est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe
juridique clair et indiscuté ou si elle heurte de manière choquante le
sentiment de la justice ou de l'équité. Il ne suffit pas que la motivation de
la décision soit insoutenable; encore faut-il qu'elle soit arbitraire dans
son résultat (ATF 131 I 217 consid. 2.1. p. 219, 57 consid. 2 p. 61; 129 I
173 consid. 3.1 p. 178; 128 I 273 consid. 2.1. p. 275).

4.2 Le principe de la bonne foi, posé par l'art. 5 al. 3 Cst., vaut pour
l'ensemble de l'activité étatique; il donne au citoyen le droit d'exiger que
l'autorité se conforme aux promesses ou assurances qu'elle lui a faites et ne
trompe pas la confiance qu'à juste titre il a placée dans ces promesses et
assurances (ATF 131 II 627 consid. 6.1 p. 636 s. et les références citées).
Les conditions d'exercice de ce droit sont les suivantes: a) que l'autorité
soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes
déterminées; b) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de
sa compétence; c) que l'administré ait eu de sérieuses raisons de croire à la
validité de l'acte selon lequel il a réglé sa conduite; d) qu'il se soit
fondé sur l'acte en question pour prendre des dispositions qui ne peuvent
être modifiées sans préjudice; e) que la loi n'ait pas changé depuis le
moment où l'assurance a été donnée (ATF 131 II 627 consid. 6.1 p. 637 et les
références citées).
En l'espèce, le recourant ne prétend pas que les conditions susmentionnées
seraient remplies. Le principe de la protection de la bonne foi proprement
dite n'entre donc pas en considération.

4.3 Le principe de la confiance découlant de celui de la bonne foi, commande
également à l'administration d'adopter un comportement cohérent et dépourvu
de contradiction. La jurisprudence y a recours parfois pour corriger les
conséquences préjudiciables aux intérêts des administrés d'un comportement
contradictoire ou incohérent de l'administration (ATF 111 V 81 consid. 6 p.
87; 108 V 84 consid. 3a p. 88).
Comme l'a relevé le Tribunal administratif, la décision du département était
claire, à savoir qu'il était ordonné au recourant de rembourser la
différence, soit 5'685 fr. (27'000 fr. - 21'915 fr.) par an et par
appartement, au prorata du temps écoulé. La somme précitée s'entendait
nonobstant les charges, ainsi que cela découle de la jurisprudence du
Tribunal administratif. C'est du reste bien dans ce sens que le recourant
avait compris la décision, puisque la lettre qu'il a adressée au département
le 23 novembre 2005 précisait qu'il prévoyait un loyer annuel de 21'915 fr.
pour les nouveaux baux, sans les charges.
D'ailleurs, le recourant n'a demandé au département si le loyer maximum fixé
comprenait les charges ou non que le 13 janvier 2006, soit seulement après le
prononcé de la seconde amende.
Cela étant, devant le Tribunal fédéral, le recourant ne fait plus valoir que
la décision n'était pas suffisamment précise pour pouvoir être exécutée. Il
soutient uniquement que le département l'aurait laissé croire qu'il était en
droit de procéder à une compensation avec le montant des frais accessoires.

4.4 Il ne ressort nullement du dossier que le département a laissé entendre
qu'il devait contrôler le montant des charges. Au contraire, il a toujours
clairement spécifié que la question des charges relevait du droit privé et
qu'elle ne le regardait donc pas. Contrairement à ce que le recourant affirme
dans son recours, le département ne lui a en particulier jamais demandé de
fournir des pièces justificatives quant au calcul des charges. Les documents
que le département réclamait devaient au contraire attester que le recourant
avait procédé au remboursement et qu'il avait établi de nouveaux baux en
conformité avec la décision du 10 décembre 2003. On ne saurait, dans ces
circonstances, reprocher un comportement contradictoire au département.

4.5 La question de la compensation n'a pas été examinée par le Tribunal
administratif. Contrairement à ce qu'expose le recourant, la Cour cantonale
n'a pas estimé que la compensation n'était pas permise en raison de l'entrée
en force de l'arrêt du 16 août 2005. Elle a uniquement relevé l'argumentation
contradictoire du recourant qui prétendait exciper de la compensation tout en
soutenant que la décision n'était pas suffisamment précise, donc que sa dette
n'était pas exigible.
Les griefs du recourant sur ce point sont par conséquent irrecevables. Au
demeurant, le problème de la compensation relève des rapports de droit privé
entre propriétaire et locataires.
Dans ces conditions, le département pouvait valablement considérer que le
recourant cherchait à gagner du temps pour ne pas procéder au remboursement
des loyers perçus en trop et lui infliger une amende. En effet, que le
principe de la compensation soit admis ou contesté, il ressort du dossier que
le recourant n'a entrepris aucune démarche dans le sens d'une exécution de la
décision du département. Au demeurant, le recourant ne formule aucune
critique quant au montant de l'amende.

5.
Il s'ensuit que le recours de droit public doit être rejeté. Le recourant,
qui succombe, doit supporter l'émolument judiciaire (art. 153, 153a et 156
OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit public est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de A.________.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au
Département des constructions et des technologies de l'information et au
Tribunal administratif de la République et canton de Genève.

Lausanne, le 11 janvier 2007

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: