Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.72/2006
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{T 0/2}
1P.72/2006/svc

Arrêt du 14 juillet 2006
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger et Reeb.
Greffier: M. Parmelin.

A. ________,
B.K.________ et C.K.________,
Consorts D.________,
E.Y.________ et F.Y.________,
G.Z.________ et H.Z.________,
L.W.________ et M.W.________,
O.R.________ et P.R.________,
recourants,
tous représentés par Me Patrick Malek-Asghar, avocat,

contre

S.________,
intimé, représenté par Me Nicolas Peyrot, avocat,
Département des constructions et des technologies de l'information de la
République et canton de Genève, rue David-Dufour 5, case postale 22,
1211 Genève 8,
Tribunal administratif de la République et canton de Genève, rue du
Mont-Blanc 18, case postale 1956,
1211 Genève 1.

autorisation de construire en zone à bâtir,

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif de la
République et canton de Genève du
13 décembre 2005.

Faits:

A.
S. ________ est propriétaire des parcelles nos 184 et 185 de la commune de
Chêne-Bougeries. Ces parcelles contiguës sont classées en 5e zone de
construction, zone résidentielle destinée aux villas. La parcelle n° 184,
d'une surface de 1'781 mètres carrés, est vierge de toute construction. Elle
fait l'objet d'une servitude de restriction au droit de bâtir inscrite au
registre foncier le 13 mai 1911, qui impose la création de villas à
l'exclusion de toute autre destination. De cette parcelle dépend la
copropriété pour 1/18ème de la parcelle n° 175, qui correspond au chemin des
Voirons, la copropriété pour 1/5ème de la parcelle n° 181, qui reprend
l'assiette du chemin du Jura, et la copropriété pour 1/18ème de la parcelle
n° 197, qui coïncide avec le chemin du Mont-Blanc. D'une surface de 1'931
mètres carrés, la parcelle n° 185 est bâtie d'une villa de 107 mètres carrés,
sise au n° 20 du chemin du Mont-Blanc. De cette parcelle dépend la
copropriété pour 1/18ème de la parcelle n° 197.
Le 9 mars 2004, S.________ a sollicité l'autorisation définitive de
construire trois villas jumelées avec garages sur les parcelles nos 184 et
185. Il a requis l'autorisation d'abattre plusieurs arbres, dont un cèdre,
sur la parcelle n° 184. La Commune de Chêne-Bougeries et la Commission
cantonale d'architecture ont préavisé favorablement à l'octroi d'une
dérogation au rapport des surfaces fixé à l'art. 59 de la loi cantonale sur
les constructions et les installations diverses (LCI). Le 30 juin 2004,
S.________ s'est engagé à accepter l'inscription au registre foncier d'une
mention suivant laquelle les surfaces des parcelles nos 175, 181 et 197 sont
respectivement réduites de 87,94 mètres carrés, 89,20 mètres carrés et 147,88
mètres carrés au profit des parcelles nos 184 et 185 pour le calcul du
rapport des surfaces.
Par décision du 28 juillet 2004, le Département de l'aménagement, de
l'équipement et du logement de la République et canton de Genève, devenu par
la suite le Département des constructions et des technologies de
l'information (ci-après: le Département), a accordé l'autorisation de
construire requise. Par décision du même jour, le Département cantonal de
l'intérieur, de l'agriculture et de l'environnement a délivré l'autorisation
d'abattage requise moyennant l'obligation de replanter des arbres pour une
valeur d'au moins 20'000 fr.
Contre ces décisions, A.________, C.K.________ et B.K.________, les consorts
D.________, F.Y.________ et E.Y.________, H.Z.________ et G.Z.________,
M.W.________ et L.W.________i ainsi que P.R.________ et O.R.________
(ci-après: A.________ et consorts) ont saisi la Commission cantonale de
recours en matière de constructions d'un recours que cette autorité a rejeté
par décision du 14 février 2005.
Le Tribunal administratif de la République et canton de Genève (ci-après: le
Tribunal administratif ou la cour cantonale) a rejeté le recours formé contre
cette décision par arrêt du 13 décembre 2005. Il a estimé en substance que
les questions liées à la servitude de restriction au droit de bâtir
relevaient des juridictions civiles, que le calcul du rapport des surfaces
n'était pas critiquable, que les chemins privés pouvaient être pris en
considération dans le calcul du coefficient d'occupation du sol, que le
Département n'avait pas abusé de son pouvoir d'appréciation en octroyant la
dérogation prévue à l'art. 59 al. 4 let. a LCI et que l'application de l'art.
89 LCI n'entrait pas en considération.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ et consorts
demandent au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt. Ils font valoir une
violation de leur droit d'être entendus garanti à l'art. 29 al. 2 Cst. et se
plaignent d'arbitraire dans la constatation des faits et dans l'application
du droit cantonal.
Le Tribunal administratif se réfère à son arrêt. S.________ conclut au rejet
du recours pour autant qu'il soit recevable. Le Département propose également
de le rejeter.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 131 I 153 consid. 1 p. 156 et les arrêts cités).

1.1 En vertu des art. 34 al. 1 et 3 de la loi fédérale sur l'aménagement du
territoire (LAT; RS 700) et 84 al. 1 let. a OJ, seul le recours de droit
public est ouvert contre un arrêt confirmant en dernière instance cantonale
l'octroi d'une autorisation de construire en zone à bâtir dans la mesure où
les recourants se plaignent exclusivement d'une application arbitraire de
prescriptions cantonales de police des constructions et d'une violation de
leur droit d'être entendus garanti à l'art. 29 al. 2 Cst. (cf. ATF 129 I 337
consid. 1.1 p. 339).

1.2 La vocation pour agir par la voie du recours de droit public est définie
à l'art. 88 OJ. Ce recours est ouvert uniquement à celui qui est atteint par
l'acte attaqué dans ses intérêts personnels et juridiquement protégés. Le
recours formé pour sauvegarder l'intérêt général ou ne visant qu'à préserver
des intérêts de fait est en revanche irrecevable (ATF 129 I 113 consid. 1.2
p. 117; 129 II 297 consid. 2.1 p. 300; 126 I 43 consid. 1a p. 44 et les
arrêts cités). En matière d'autorisation de construire, le Tribunal fédéral
reconnaît la qualité pour recourir aux voisins s'ils invoquent la violation
de dispositions du droit des constructions qui sont destinées à les protéger
ou qui ont été édictées à la fois dans l'intérêt public et dans celui des
voisins (ATF 127 I 44 consid. 2c p. 46). Ils doivent en outre se trouver dans
le champ de protection des dispositions dont ils allèguent la violation et
être touchés par les effets prétendument illicites de la construction ou de
l'installation litigieuse (ATF 121 I 267 consid. 2 p. 268 et les arrêts
cités). Les pures clauses d'esthétique sont des règles qui visent à protéger
exclusivement l'intérêt public et non pas accessoirement l'intérêt des
voisins (ATF 118 Ia 232 consid. 1b p. 235 et les arrêts cités). Il en va de
même des prescriptions sur la protection des monuments, de la nature et du
paysage (ATF 116 Ia 433 consid. 2a p. 437). Les dispositions relatives aux
dimensions et à la densité d'utilisation des constructions sont en revanche
des règles mixtes destinées à protéger aussi bien l'intérêt public que celui
des voisins (ATF 127 I 44 consid. 2d p. 47; 118 Ia 232 consid. 1b p. 235; 117
Ia 18 consid. 3b p. 20; 115 Ib 456 consid. 1e p. 462 et les arrêts cités).

1.3 En l'espèce, les recourants dénoncent une application arbitraire de
l'art. 59 al. 4 let. a LCI, qui permet au Département d'autoriser une
augmentation de 20 à 25% du rapport des surfaces déterminant les possibilités
d'utilisation du sol dans la 5e zone. Il s'agit d'une règle mixte qui n'a pas
seulement pour but de sauvegarder l'intérêt public, mais qui tend également à
protéger l'intérêt des voisins, comme l'a reconnu le Tribunal fédéral (ATF
113 Ia 468 consid. 1b p. 470; arrêt 1A.105/2005 du 29 novembre 2005 consid.
4.1). A.________ et B.K.________, en leur qualité de propriétaires
d'immeubles directement voisins des parcelles nos 184 et 185, sont
personnellement touchés par les effets de la violation alléguée de l'art. 59
LCI et remplissent les conditions de l'art. 88 OJ. Il n'y a pas lieu
d'examiner ce qu'il en est des autres recourants, qui ne sont pas directement
voisins du projet.

1.4 Les recourants prétendent également que les trois villas contiguës
porteraient atteinte à la nature et à l'harmonie du quartier de villas du
chemin du Mont-Blanc réalisé par l'architecte et entrepreneur Louis Puthon au
tournant du XIXe siècle; ils dénoncent à ce propos une application arbitraire
de l'art. 89 al. 1 LCI, qui ordonne la préservation de l'unité architecturale
et urbanistique des ensembles du XIXe siècle et du début du XXe siècle situés
en dehors des périmètres de protection de la Vieille-Ville et du secteur sud
des anciennes fortifications ainsi que du vieux Carouge. Ils se plaignent en
particulier du fait que la Commission des monuments, de la nature et des
sites n'a pas été consultée, contrairement à ce qu'exige l'art. 93 LCI, et de
la motivation insuffisante de l'arrêt attaqué sur ce point, qui ne
permettrait pas de le critiquer utilement.
Ce faisant, les recourants invoquent la violation de normes relatives à la
protection des monuments et des sites, qui visent à protéger l'intérêt public
exclusivement et non pas principalement ni accessoirement l'intérêt des
voisins (cf. arrêt 1P.319/1997 du 19 juin 1997 consid. 1c). Quant au moyen
tiré de la violation du droit d'être entendu, liée à l'absence du préavis
obligatoire de la Commission des monuments, de la nature et des sites,
respectivement à l'insuffisance de la motivation retenue dans l'arrêt attaqué
pour écarter le grief, il est indissociable de l'application de l'art. 89
LCI, que les recourants ne sont pas habilités à remettre en cause, de sorte
que le recours est irrecevable sur ce point (arrêt 1P.46/2005 du 21 mars 2005
consid. 1.2 publié in SJ 2005 I 491/492). Au demeurant, ceux-ci ne démontrent
pas ou du moins pas conformément aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ
(cf. ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495 et les arrêts cités) en quoi le Tribunal
administratif aurait versé dans l'arbitraire en considérant que les trois
villas jumelées projetées n'entraient pas dans le champ d'application de
l'art. 89 LCI au motif qu'elles ne sauraient être qualifiées d'ensemble du
XIXe siècle ou du début du XXe siècle.

2.
Les recourants reprochent au Tribunal administratif d'avoir violé leur droit
d'être entendus garanti à l'art. 29 al. 2 Cst. en refusant de verser à la
procédure l'expertise privée relative au calcul du rapport des surfaces de
plancher qu'ils avaient produite en date du 29 septembre 2005.
La cour cantonale leur a retourné cette pièce, avec la lettre qui
l'accompagnait, parce qu'il s'agissait d'écritures spontanées, non admises.
Les recourants ne démontrent pas que le droit d'être entendu garanti à l'art.
29 al. 2 Cst. obligerait l'autorité cantonale de recours à verser au dossier
les pièces déposées spontanément par les parties, après l'échéance du délai
de recours. Certes, ils se sont prévalus de l'art. 68 de la loi sur la
procédure administrative genevoise (LPA), qui autorise le recourant à
invoquer des motifs, des faits et des moyens de preuves nouveaux qui ne l'ont
pas été dans les précédentes procédures, pour justifier la recevabilité de
ces écritures. Ils ne se plaignent cependant pas d'une application arbitraire
de cette disposition. Ils ne prétendent pas davantage qu'une telle obligation
s'imposerait en vertu de l'art. 29 al. 2 Cst. Enfin, à réception des
documents en retour, ils n'ont entrepris aucune démarche auprès de la cour
cantonale visant à ce que celle-ci reconsidère sa décision, en expliquant en
quoi les éléments contenus dans l'expertise étaient nouveaux et pertinents au
regard de l'art. 68 LPA. Il est douteux que le recours soit recevable au
regard des exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ et de la bonne foi.
Peu importe en définitive. Le calcul opéré par l'expert concernant les
surfaces de la villa existante et des villas projetées repose sur les cotes
des plans visés par le Département; il ne se fonde donc pas sur des faits
nouveaux qui auraient justifié le dépôt de nouvelles pièces après l'échéance
du délai de recours, en application de l'art. 68 LPA. Aussi, à supposer qu'il
s'agisse d'une modification des circonstances dont il faille tenir compte au
regard de cette disposition, la différence de contenance des parcelles
relevée à la suite de l'établissement du registre foncier fédéral pour
l'ensemble du territoire de la commune de Chêne-Bougeries en juin 2005
conduirait à un très léger dépassement de l'indice de 25% qui ne porterait
aucune atteinte tangible à la situation des recourants et que ceux-ci n'ont
dès lors pas qualité pour contester (cf. arrêt 1P.552/1992 du 10 février
1993, consid. 1b/bb, qui dénie la qualité pour recourir au voisin direct qui
se plaignait d'un dépassement de la hauteur autorisée de huit centimètres à
défaut de répercussions sensibles sur la vue ou sur l'ensoleillement dont il
bénéficierait si la construction respectait la hauteur légale).
Le grief tiré d'une violation de l'art. 29 al. 2 Cst. doit par conséquent
être rejeté, dans la mesure où il est recevable.

3.
Les recourants dénoncent à divers titres une application arbitraire de l'art.
59 LCI, qui fixe le rapport des surfaces maximum admissible dans la 5e zone
de construction.

3.1 Selon la jurisprudence relative à l'art. 9 Cst., l'arbitraire ne résulte
pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou
même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral n'annulera la décision
attaquée que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu'elle se
trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu'elle viole
gravement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou encore lorsqu'elle
heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Pour
qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la
motivation formulée soit insoutenable; il faut encore que la décision
apparaisse arbitraire dans son résultat, ce qu'il appartient aux recourants
d'établir (ATF 131 I 217 consid. 2.1 p. 219; 129 I 8 consid. 2.1 p. 9 et les
arrêts cités).

3.2 L'art. 59 al. 1 LCI prévoit que la surface de la construction, exprimée
en m² de plancher (soit la surface brute de plancher de la totalité de la
construction hors sol - cf. art. 59 al. 2 LCI), ne doit pas excéder 20% de la
surface de la parcelle. L'art. 59 al. 4 LCI permet cependant au Département
d'autoriser, après consultation de la commune et de la commission
d'architecture, un projet de construction en ordre contigu dont la surface de
plancher habitable n'excède pas 25% de la surface du terrain, lorsque les
circonstances le justifient et que cette mesure est compatible avec le
caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier (let. a).

3.3 Les recourants contestent la possibilité de prendre en compte dans le
calcul de l'indice d'utilisation des parcelles nos 184 et 185 la surface des
chemins privés sur lesquels l'intimé détiendrait des parts de copropriété.
Les conditions posées à un tel report des droits à bâtir feraient défaut.
Le Tribunal fédéral s'est déjà prononcé sur cette question dans un arrêt
rendu le 29 novembre 2005 (arrêt 1A.105/2005 consid. 5.3); il a alors admis
que la surface d'un terrain dont le constructeur est copropriétaire et qui
sert principalement de voie d'accès privée à ses propres biens-fonds puisse
être prise en compte dans le calcul de l'indice d'utilisation d'un projet
érigé sur une autre parcelle, nonobstant l'opposition éventuelle d'un
copropriétaire. Il n'y a aucune raison de revenir sur cette jurisprudence.
Les voies d'accès privées non couvertes font en effet partie des surfaces à
bâtir et peuvent de ce fait être prises en compte dans le calcul de la
surface constructible de la parcelle. Il est sans pertinence que les chemins
des Voirons, du Jura et du Mont-Blanc forment trois parcelles distinctes,
seul étant décisif au regard de la jurisprudence précitée le fait non
contesté qu'ils sont également situés en 5e zone de construction et qu'ils
servent effectivement d'accès aux parcelles litigieuses.
Cela étant, l'arrêt attaqué n'est pas insoutenable et échappe au grief
d'arbitraire.

3.4 Les recourants prétendent que le rapport de surfaces de 25% serait
dépassé compte tenu de la contenance réelle des parcelles à la suite de
l'introduction du registre foncier fédéral et de la surface de plancher
habitable de la villa existante, qui aurait été sous-évaluée d'une dizaine de
mètres carrés; ils se réfèrent à ce propos au calcul effectué par l'expert
qu'ils ont mandaté à titre privé, dont le rapport aurait été indûment écarté
par le Tribunal administratif.
Pour les raisons évoquées au considérant 2, la cour cantonale était en droit
de ne pas prendre en considération l'expertise privée que les recourants ont
déposée spontanément, après l'échéance du délai de recours, sans que les
conditions posées par le droit cantonal de procédure et, plus
particulièrement, par l'art. 68 LPA ne soient réunies, s'agissant à tout le
moins du calcul des surfaces de la villa existante. On constatera au surplus
que le calcul de l'expert n'est nullement détaillé, de sorte qu'il n'est pas
possible de vérifier sur quels éléments précis du projet se fonde la
différence relevée de dix mètres carrés par rapport au calcul du
constructeur. Il appartient non pas au Tribunal fédéral d'examiner lui-même
si le calcul opéré par le constructeur et validé par le Service cantonal de
l'inspection des constructions est ou non conforme aux plans d'enquête, mais
aux recourants d'expliquer en quoi il serait erroné. On cherche en vain une
argumentation en ce sens dans le recours. Le grief tiré d'une constatation
arbitraire des faits n'est donc pas motivé sur ce point d'une manière
conforme aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ et est irrecevable.
Pour les raisons également évoquées au considérant 2, les recourants ne sont
pas habilités à remettre en cause le projet sous prétexte qu'il excéderait
très légèrement l'indice de 25%, à la suite de l'introduction du registre
foncier fédéral sur le territoire communal, à défaut d'un intérêt pratique à
faire valoir ce grief.

3.5 Les recourants estiment que la dérogation à l'art. 59 al. 1 LCI a été
accordée d'une manière incompatible avec le caractère, l'harmonie et
l'aménagement du quartier, lequel se compose exclusivement de villas
individuelles. Ils dénoncent à ce propos une application arbitraire de l'art.
59 al. 4 let. a LCI.
Le Tribunal administratif a précisé qu'il devait s'imposer une certaine
retenue dans l'examen des conditions énoncées par l'art. 59 al. 4 let. a LCI
lorsque, comme en l'espèce, la commune, la commission d'architecture et la
commission de recours sont unanimes à admettre l'application, par le
Département, d'un coefficient d'utilisation du sol de 25%. Les recourants
n'indiquent pas quelle règle du droit de procédure empêcherait la cour
cantonale de faire preuve d'une certaine retenue sur ces questions
d'appréciation; du reste, ils ne se plaignent pas - à tout le moins pas de
manière suffisamment précise au regard des exigences de motivation l'art. 90
al. 1 let. b OJ - d'un déni de justice formel. Le Tribunal fédéral fait
d'ailleurs preuve d'une réserve analogue dans les mêmes circonstances (cf.
arrêt P.808/1987 du 3 novembre 1987 consid. 3b non publié aux ATF 113 Ia 468
mais reproduit à la SJ 1988 p. 359).
L'art. 59 al. 4 LCI n'énonce pas de conditions matérielles strictes pour
l'application du coefficient d'utilisation du sol de 25%. Le Tribunal fédéral
a relevé à ce propos que la densification des zones de villas, par la
réalisation de constructions en ordre contigu et l'augmentation de la surface
de plancher, était conforme aux objectifs cantonaux d'aménagement du
territoire et aux buts et principes de la loi fédérale sur l'aménagement du
territoire (arrêt 1P.8/1996 du 15 mars 1996 consid. 4b); dans ce même arrêt,
il a vu un élément d'appréciation, dont il pouvait sans arbitraire aussi être
tenu compte dans l'application de l'art. 59 al. 4 LCI, dans la présence
d'autres villas jumelles ou contiguës dans le même quartier.
En l'occurrence, tant la Commune de Chêne-Bougeries que la Commission
cantonale d'architecture ont émis un préavis favorable au projet. On ne
saurait déduire de l'absence d'une motivation topique sur l'intégration des
villas jumelées dans l'environnement bâti que leur examen se serait borné à
une appréciation du projet par rapport aux parcelles sur lesquelles il
prendrait place, comme le prétendent les recourants, et qu'il n'aurait pas
également porté sur la compatibilité des nouvelles constructions projetées
avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier dans lequel elles
s'implanteraient. La Commission cantonale de recours en matière de
constructions a pour sa part expressément examiné le projet sous cet angle en
relevant à cet égard que les trois villas contiguës projetées marqueraient
une transition entre les immeubles locatifs du complexe de la Gradelle,
implantés au nord des parcelles litigieuses, et le quartier de villas
individuelles du chemin du Mont-Blanc, situé au sud de celles-ci. Le fait que
ce quartier soit constitué majoritairement de villas individuelles ne
s'oppose pas à l'octroi d'une dérogation permettant de réaliser trois villas
jumelées. Comme le relèvent les recourants, deux villas jumelles ont été
autorisées dans le quartier; cet élément permet aussi de justifier en
l'espèce l'application de la règle de l'art. 59 al. 4 let. a LCI, plutôt que
celle, plus restrictive, de l'art. 59 al. 1 LCI. En considérant que le
Département était fondé à appliquer le coefficient d'utilisation plus élevé
de 25%, le Tribunal administratif n'a pas interprété de manière insoutenable
l'art. 59 LCI. Le grief d'arbitraire est donc mal fondé.

4.
Le recours doit par conséquent être rejeté, dans la mesure où il est
recevable, aux frais des recourants qui succombent (art. 156 al. 1 OJ). Ces
derniers verseront une indemnité de dépens à l'intimé, qui obtient gain de
cause avec l'assistance d'un avocat (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge des recourants.

3.
Une indemnité de 2'000 fr. est allouée à l'intimé à titre de dépens, à la
charge des recourants, solidairement entre eux.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties ainsi
qu'au Département des constructions et des technologies de l'information et
au Tribunal administratif de la République et canton de Genève.

Lausanne, le 14 juillet 2006

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: