Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.648/2006
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{T 0/2}
1P.648/2006 /col

Arrêt du 16 octobre 2006
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Aeschlimann et Fonjallaz.
Greffière: Mme Truttmann.

A. ________,
recourant, représenté par Me Jean Lob, avocat,

contre

Procureur général du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne,
Tribunal cantonal du canton de Vaud,
Cour de cassation pénale, route du Signal 8,
1014 Lausanne.

détention préventive,

recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de cassation pénale du
Tribunal cantonal du canton de Vaud du 27 septembre 2006.

Faits:

A.
Un mandat d'arrêt a été décerné par le Président du Tribunal d'arrondissement
de La Côte du canton de Vaud (ci-après: le Président du Tribunal
d'arrondissement) le 18 juillet 2006 à l'encontre de A.________, né le 10
octobre 1986, accusé d'actes d'ordre sexuel avec des enfants commis sur ses
demi-soeurs. Selon un prononcé rendu le 25 juillet 2006, le Président du
Tribunal d'arrondissement a ordonné la mise en détention préventive de
A.________ jusqu'à l'audience de jugement. La décision de mise en détention
préventive a été confirmée par le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal
du canton de Vaud le 8 août 2006.

B.
Par jugement du 22 août 2006, le Tribunal correctionnel du Tribunal
d'arrondissement a condamné A.________ pour actes d'ordre sexuel avec des
enfants et actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de
discernement ou de résistance, à la peine de deux ans d'emprisonnement, sous
déduction de trente-quatre jours de détention préventive, et a dit que cette
peine était suspendue au profit d'un internement au sens de l'art. 43 ch. 1
al. 2 CP.

A. ________ a recouru contre ce jugement auprès de la Cour de cassation
pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: la Cour de
cassation).

C.
Le 8 septembre 2006, A.________ a formé une requête de mise en liberté
provisoire auprès du Service pénitentiaire. Faisant suite à un fax de
l'Office d'exécution des peines, A.________ s'est adressé le 11 septembre
2006 au Président du Tribunal correctionnel. Le jour même, le Président du
Tribunal d'arrondissement a rejeté, dans la mesure utile, la requête de mise
en liberté, et transmis son prononcé au Président de la Cour de cassation.
Le 12 septembre, A.________ a requis du Président de la Cour de cassation de
lui donner acte de ce qu'il était détenu de manière illégale depuis le 22
août 2006 et d'ordonner sa mise en liberté provisoire immédiate.
Par arrêt du 13 septembre 2006, le Président de la Cour de cassation a
ordonné le maintien en détention préventive de A.________ et a rejeté sa
requête de mise en liberté provisoire.
Par arrêt du 27 septembre 2006, la Cour de cassation a rejeté le recours
interjeté par A.________ et a confirmé la décision attaquée.

D.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt rendu le 27 septembre 2006 par la Cour de
cassation et d'ordonner sa libération provisoire. Il se plaint d'une
violation des art. 29, 30 et 31 Cst. ainsi que des art. 5 et 6 CEDH. Il
explique que le Président de la Cour de cassation aurait dû lui donner acte
de ce qu'il a été détenu illégalement du 22 août au 13 septembre 2006. Il
conteste par ailleurs l'existence d'un risque de récidive. Il requiert enfin
l'assistance judiciaire.
La Cour de cassation n'a pas présenté d'observations et s'est référée aux
considérants de son arrêt. Le Ministère public conclut au rejet du recours en
se référant aux considérants de l'arrêt attaqué.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Formé en temps utile contre une décision finale prise en dernière instance
cantonale et qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquement
protégés, le recours est recevable au regard des art. 84 ss OJ. Par exception
à la nature cassatoire du recours de droit public, la conclusion du recourant
tendant à ce que le Tribunal fédéral mette fin à sa détention préventive est
recevable (ATF 124 I 327 consid. 4b/aa p. 333).

2.
Le recourant conteste la présence d'un risque de récidive propre à justifier
son maintien en détention préventive. Il se plaint d'une violation des art.
29, 30 et 31 Cst., ainsi que des art. 5 et 6 CEDH.

2.1 Les art. 31 al. 1 Cst. et 5 ch. 1 CEDH prévoient que nul ne peut être
privé de sa liberté si ce n'est dans les cas et selon les formes prévus par
la loi. Il s'agit d'un corollaire de la garantie de la liberté personnelle,
consacrée par les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH, qui ont la même portée. Une
limitation de cette garantie n'est admissible que si elle repose sur une base
légale claire, est ordonnée dans l'intérêt public et respecte le principe de
la proportionnalité (art. 36 al. 1-3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270).
Pour répondre à un intérêt public, une privation de liberté doit être
justifiée par les besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger
de collusion ou de réitération (ATF 124 I 336 consid. 4c p. 340).
Préalablement à ces conditions, il doit exister à l'encontre de l'intéressé
des charges suffisantes (ATF 116 Ia 143 consid. 3 p. 144). Le Tribunal
fédéral examine librement si ces conditions sont réalisées, sous réserve des
constations de fait et de l'appréciation des preuves, qu'il ne revoit que
sous l'ange de l'arbitraire (ATF 123 I 31 consid. 3a p. 35, 268 consid. 2d p.
271).
Selon l'art. 59 du code de procédure pénale vaudois (CPP/VD), le prévenu à
l'égard duquel il existe des présomptions suffisantes de culpabilité peut
être mis en détention préventive s'il présente un danger pour la sécurité ou
l'ordre publics (ch.1), si sa fuite est à craindre (ch. 2) ou si sa liberté
offre des inconvénients sérieux pour l'instruction (ch.3). Dès que les motifs
justifiant la détention préventive n'existent plus, le juge ordonne la mise
en liberté (art. 59 al. 2 CPP/VD).

2.2 Avec raison, le recourant ne conteste pas l'existence de charges
suffisantes à son encontre. Il dénonce uniquement l'inexistence d'un risque
de récidive.
L'autorité appelée à statuer sur la mise en liberté provisoire d'un détenu
peut, en principe, maintenir celui-ci en détention s'il y a lieu de présumer,
avec une certaine vraisemblance, qu'il existe un danger de récidive. Elle
doit cependant faire preuve de retenue dans l'appréciation d'un tel risque
(ATF 105 Ia 26 consid. 3c p. 31). Selon la jurisprudence, le maintien en
détention ne peut se justifier pour ce motif que si le pronostic est très
défavorable et que les délits dont l'autorité redoute la réitération sont
graves (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62; 361 consid. 5 p. 367; 124 I 208
consid. 5 p. 213; 123 I 268 consid. 2c p. 270 et les arrêts cités). La
jurisprudence se montre toutefois moins stricte dans l'exigence de la
vraisemblance lorsqu'il s'agit de délits de violence graves ou de délits
sexuels, car le risque à faire courir aux victimes potentielles est alors
considéré comme trop important (ATF 123 I 268 consid. 2e p. 271).

2.3 En l'espèce, pour admettre l'existence d'un risque de récidive,
l'autorité cantonale a fait siennes les considérations de l'arrêt du
13 septembre 2006 du Président de la Cour de cassation. Elle a précisé
qu'elle se ralliait à l'expertise psychiatrique qui pose le diagnostic de
"pédophilie - trouble de la personnalité de structure psychotique" et qui
conclut à une responsabilité pénale entière ainsi qu'à un risque de récidive
hautement probable.
Les experts ont en effet retenu que le risque de récidive était hautement
probable, citant quatre motifs pour lesquels ils estimaient que la situation
présentait une haute dangerosité. Ils ont souligné que le recourant, à 19 ans
déjà, avait eu un comportement de pédophile et qu'il avait choisi avec une
précaution consciente et calculée le cadre dans lequel il pouvait opérer sans
être surpris. Ils ont également mis en évidence la très faible réaction
extérieure, en particulier de ses parents; l'existence d'un contact proche
avec de jeunes enfants (le recourant est entraîneur dans un club
d'athlétisme), dès lors qu'il est connu que les pédophiles recherchent la
proximité des enfants afin d'installer un cadre propice à des abus sexuels;
et enfin, sa très faible perception des limites et de la valeur des
interdits, révélée lors des tests psychologiques.
A cela s'ajoute le fait que, ainsi que cela a été relevé par le Président de
la Cour de cassation, les actes reprochés au recourant sont d'une
incontestable gravité et que le bien juridiquement protégé est très
important. Qui plus est, il ressort effectivement du dossier que le recourant
banalise ses actes et reporte la responsabilité sur ses victimes.
Le recourant soutient au contraire, de la même manière que devant les
instances précédentes, qu'il a eu un comportement irréprochable depuis la
commission des faits. Il explique également qu'à l'époque de son arrestation,
il suivait un traitement auprès du Dr B.________, psychiatre, lequel a
déclaré que le risque de récidive n'était pas important. Il se prévaut
également de son intégration sociale, à savoir de sa place d'apprentissage et
de sa liaison amoureuse avec une jeune fille de son âge.
Or, ainsi que cela ressort du dossier et du jugement du Tribunal
correctionnel, le recourant ne saurait prétendre avoir sérieusement entrepris
un traitement. Quant à ses attaches professionnelles, elles sont minces, et
les liens avec son amie ne peuvent pas être retenus comme assurément et
longuement stables. Dans ces conditions, on ne peut pas reprocher à
l'autorité cantonale d'avoir privilégié les conclusions de l'expertise,
contre laquelle le recourant ne dirige au demeurant aucune critique. Le
risque de récidive pouvait dès lors être admis sans arbitraire.

3.
Le recourant reproche également aux autorités cantonales d'avoir refusé
d'entrer en matière sur la question de la légalité de sa détention entre le
jugement du 22 août 2006 et l'arrêt du 13 septembre 2006.

3.1 L'autorité cantonale a relevé que l'art. 434 al. 1 CPP/VD donne la
compétence au Président de la Cour de cassation de prendre toute décision
urgente. Elle a toutefois estimé que la constatation de l'éventuelle
illégalité de la détention pendant une période antérieure ne saurait être
considérée comme urgente.

3.2 Le recourant se contente de soutenir à nouveau que la constatation de
l'illégalité de sa détention pour la période précitée revêt un caractère
d'extrême urgence. Sur ce point, son acte de recours ne satisfait
manifestement pas aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ. En effet, le
recourant se contente de substituer sa propre appréciation à celle de la Cour
de cassation sans indiquer en quoi l'interprétation faite par cette dernière
de l'art. 434 al. 1 CPP/VD serait arbitraire. Il ne prétend au demeurant pas
que le constat de l'illégalité d'une période de détention préventive serait
de la compétence du Président de la Cour de cassation en vertu d'une autre
disposition du droit cantonal. Pour le surplus, le recourant ne peut tirer
aucun argument du fait que le Président de la Cour de cassation a "maintenu"
sa détention plutôt que ne l'a prononcée. Il ne soutient en effet d'une part
pas que le Président de la Cour de cassation n'était pas compétent pour se
prononcer sur le sort de sa détention préventive, et, d'autre part, il était
effectivement en détention lors du prononcé de l'arrêt. Quoi qu'il en soit,
l'objet du litige devant le Tribunal de céans ne s'étend pas au constat d'une
éventuelle constatation de l'illégalité de la détention du recourant entre le
22 août et le 11 septembre 2006, respectivement le 13 septembre 2006. Le
grief doit dès lors être déclaré irrecevable.

4.
Le recours doit par conséquent être rejeté dans la mesure où il est
recevable. Les conditions de l'art. 152 al. 1 OJ étant réunies, il convient
de faire droit à la demande d'assistance judiciaire et de statuer sans frais.
Me Jean Lob est désigné comme avocat d'office du recourant pour la présente
procédure et une indemnité lui sera versée à titre d'honoraires par la Caisse
du Tribunal fédéral (art. 152 al. 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit public est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
La demande d'assistance judiciaire est admise. Me Jean Lob est désigné comme
avocat d'office du recourant et une indemnité de 1'500 fr. lui est versée à
titre d'honoraires, à payer par la Caisse du Tribunal fédéral.

3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au
Procureur général et à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du
canton de Vaud.

Lausanne, le 16 octobre 2006

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: