Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.62/2006
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1P.62/2006 /col

Arrêt du 15 février 2006
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Juge présidant,
Reeb et Fonjallaz.
Greffier: M. Kurz.

A. ________,
recourant, représenté par Me Laurence Santorelli Bourquin, avocate,

contre

Juge d'instruction de La Chaux-de-Fonds,
passage de la Bonne-Fontaine 36, case postale 4060,
2304 La Chaux-de-Fonds,
Ministère public du canton de Neuchâtel,
rue du Pommier 3, case postale 2672, 2001 Neuchâtel 1,
Chambre d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, rue du
Pommier 1,
case postale 3174, 2001 Neuchâtel 1.

prolongation de la détention préventive,
art. 29 et 31 Cst.,

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre d'accusation du 27
janvier 2006.

Faits:

A.
Dans le cadre d'une instruction pénale dirigée notamment contre A.________
pour recel, vol, actes préparatoires délictueux, brigandage, séquestration,
lésions corporelles, fabrication de fausse monnaie et de faux dans les
titres, le Juge d'instruction de La Chaux-de-Fonds a requis, le 4 janvier
2006, une prolongation de la détention du prévenu jusqu'au 28 février 2006.
Le magistrat estimait que l'instruction pourrait être clôturée dans le délai
requis.

B.
Par arrêt du 27 janvier 2006, la Chambre d'accusation du canton de Neuchâtel
a fait droit à la requête. Les risques de fuite et de récidive étaient
évidents. L'incarcération, qui durait depuis le 18 juin 2003, n'était pas
disproportionnée sur le vu de l'ampleur du dossier, même si, compte tenu de
la possibilité des prévenus de proposer des preuves complémentaires, le
magistrat instructeur se montrait optimiste en déclarant pouvoir clore
l'enquête dans le délai requis.

C.
A.________ forme un recours de droit public contre ce dernier arrêt, dont il
demande l'annulation. Il conteste les risques de fuite et de récidive et
invoque le principe de la proportionnalité en relevant que la récapitulation
des faits le concernant date du 17 octobre 2005 déjà. Incidemment, il se
plaint de n'avoir pas eu connaissance de la demande de prolongation de
détention. Il requiert l'assistance judiciaire.
Le Juge d'instruction a renoncé à répondre. La Chambre d'accusation n'a pas
présenté d'observations, tout en estimant possible que la demande de
prolongation n'ait pas été communiquée à la mandataire du recourant.
Ce dernier a déposé des remarques complémentaires à propos d'une nouvelle
demande de prolongation présentée par le Juge d'instruction.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recours de droit public est formé en temps utile contre un arrêt rendu en
dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 OJ). Le recourant est
personnellement touché par l'arrêt attaqué qui autorise la prolongation de sa
détention préventive (art. 88 OJ).

2.
Le recourant invoque incidemment son droit d'être entendu. Il reproche au
Juge d'instruction et à la Chambre d'accusation de ne pas lui avoir
communiqué la demande de prolongation, alors que celle-ci impartit au
recourant un délai au 10 janvier 2006 pour se déterminer. La Chambre
d'accusation admet pour sa part ne pas avoir communiqué la requête de
prolongation, se contentant d'attendre l'échéance du délai imparti par le
Juge d'instruction avant de constater que le recourant avait renoncé à se
déterminer.

2.1 Le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) comprend notamment le droit
pour le justiciable de s'exprimer avant toute décision prise à son détriment.
Le tribunal appelé, en vertu des art. 5 par. 4 CEDH et 31 al. 4 Cst., à
statuer sur la légalité d'une détention, doit tenir compte de  cette exigence
minimale de procédure et permettre à l'inculpé d'avoir accès au dossier et de
pouvoir efficacement répondre aux arguments présentés à l'appui de la demande
de prolongation (CourEDH, arrêts du 30 mars 1989 en la cause Lamy, série A
vol. 151, n° 29, et du 21 octobre 1986 en la cause Sanchez-Reisse, série A
vol. 107, n° 51; Bauer/Cornuz, Code de procédure pénale neuchâtelois annoté,
Neuchâtel 2003, ch. 14 p. 285 ad art. 120 CPP/NE).

2.2 En l'occurrence, la preuve de la notification au recourant de la demande
de prolongation n'a pas pu être apportée par l'autorité, qui doit en assumer
les conséquences. Pour sa part, le recourant n'avait pas à s'enquérir du
dépôt d'une nouvelle demande de prolongation puisque toutes les requêtes
formées jusque-là par le Juge d'instruction lui avaient été communiquées
d'office. Le fait que la mandataire du recourant ait la plupart du temps
renoncé à présenter des observations ne justifiait pas non plus qu'il soit
statué sans l'entendre préalablement. Force est par conséquent de reconnaître
que le recourant n'a pas eu l'occasion de  s'exprimer avant la prolongation
de sa détention, ce qui viole son droit d'être entendu.

2.3 Lorsque le Tribunal fédéral constate que la procédure ayant abouti au
maintien en détention viole certaines garanties constitutionnelles ou
conventionnelles, il ne s'ensuit pas automatiquement que l'inculpé doive être
remis en liberté (ATF 131 I 436 consid. 1.5 p. 441; 116 Ia 60 consid. 3b p.
64; 115 Ia 293 consid. 5g p. 308; 114 Ia 88 consid. 5d p. 93; arrêt
1P.495/2005 du 14 septembre 2005, publié in SJ 2006 p. 57, concernant la
prolongation tardive du mandat d'arrêt). Sur le vu de la décision attaquée,
les risques de fuite et de récidive paraissent sérieux, sous réserve du
principe de la proportionnalité qu'il appartiendra à la cour cantonale
d'examiner soigneusement, au regard de la durée de la détention et de la
conduite de l'instruction. Pour rétablir une situation conforme au droit,
l'autorité intimée devra statuer à nouveau, à bref délai, sur la demande de
prolongation, après avoir donné au recourant l'occasion de se déterminer. Le
cas échéant, le présent arrêt pourra valoir titre de détention préventive
jusqu'à droit jugé dans ce sens.

3.
Le recours doit ainsi être admis, et l'arrêt attaqué annulé. Conformément à
l'art. 156 al. 2 OJ, le canton de Neuchâtel est dispensé des frais
judiciaires; il versera en revanche au recourant une indemnité de dépens
(art. 159 al. 1 OJ), ce qui rend sans objet la demande d'assistance
judiciaire.

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à
la Chambre d'accusation pour nouvelle décision au sens des considérants. Le
cas échéant, le présent arrêt vaut titre de détention préventive jusqu'à
droit jugé dans ce sens.

2.
Le canton de Neuchâtel versera au recourant une indemnité de dépens de 1000
fr.

3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4.
La demande d'assistance judiciaire est sans objet.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la mandataire du recourant, au
Juge d'instruction de La Chaux-de-Fonds, au Ministère public et à la Chambre
d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.

Lausanne, le 15 février 2006

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le juge présidant:  Le greffier: