Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.595/2006
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{T 0/2}
1P.595/2006 /col

Arrêt du 7 novembre 2006
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Aeschlimann et Reeb.
Greffier: M. Parmelin.

A. ________,
recourante, représentée par Me Eric Stauffacher,
avocat,

contre

Municipalité de La Tour-de-Peilz, Maison de commune, Grand-Rue 46, case
postale 144, 1814 La Tour-de-Peilz,
Tribunal administratif du canton de Vaud,
avenue Eugène-Rambert 15, 1014 Lausanne.

police des constructions, ordre de démolition,

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de
Vaud du 26 juillet 2006.

Faits:

A.
A. ________ est propriétaire de la parcelle n° 1'964 du cadastre de la
commune de La Tour-de-Peilz. Ce bien-fonds de 1'020 mètres carrés, bâti d'une
villa, est sis dans la zone de l'ordre non contigu de faible densité et de
bâtiments bas pour environ deux-tiers de sa surface et en zone de verdure
pour le solde. Aux termes de l'art. 46 du règlement communal sur le plan
d'extension et la police des constructions du 5 juillet 1972 (RPE), cette
dernière zone est destinée à la sauvegarde des sites et à la création d'îlots
de verdure. Elle est caractérisée par l'interdiction de bâtir; toutefois la
Municipalité peut y autoriser des bâtiments de minime importance et
l'agrandissement de bâtiments existants à condition que ces constructions ne
portent pas préjudice au site. Dans ce cas, elle prend l'avis de la
Commission d'urbanisme.
Du 16 juin au 6 juillet 1998, A.________ a soumis à l'enquête publique un
projet de construction d'un garage enterré en limite sud-ouest de sa
parcelle, qui empiétait sur la zone de verdure. Lors d'une visite des lieux,
la commission de salubrité a notamment constaté que A.________ avait édifié
une dépendance bétonnée de 10 mètres carrés entre sa villa et le garage alors
que le potentiel constructible de la parcelle était épuisé par les
constructions existantes. Par décision du 2 novembre 1999, la Municipalité de
La Tour-de-Peilz a requis la démolition de cet ouvrage érigé sans
autorisation. Elle a accepté de surseoir à l'exécution de sa décision pour
autant que la constructrice trouve une solution visant à rendre à la
construction "une certaine légalité", en lui donnant un aspect de
construction souterraine. La dépendance a finalement été régularisée, une
fois la dalle du toit recouverte de gazon. A.________ a néanmoins été
dénoncée pénalement à raison de ces faits et condamnée le 20 juillet 2001 à
une amende préfectorale de 12'150 fr.
Lors d'un contrôle de routine, le Service communal de l'urbanisme et des
travaux publics a constaté qu'un mur de soutènement érigé sur la parcelle n°
1'964 avait été rehaussé de 60 centimètres, puis prolongé d'environ 1,80
mètre, et qu'une dépendance non autorisée, utilisée comme cabane à outils,
avait été réalisée en zone de verdure. Par décision du 27 mars 2001, la
Municipalité de La Tour-de-Peilz a imparti à A.________ un délai au 30 avril
2001 pour démolir ces constructions.
Au terme d'un arrêt rendu le 26 juillet 2006 sur recours de A.________, le
Tribunal administratif du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal administratif
ou la cour cantonale) a confirmé cette décision, un nouveau délai d'exécution
étant fixé au 31 décembre 2006.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt. Elle tient l'ordre de démolition pour
disproportionné et contraire à son droit de propriété, et se plaint d'un déni
de justice.
Le Tribunal administratif s'en remet à justice. La Municipalité de La
Tour-de-Peilz conclut au rejet du recours.

C.
Par ordonnance du 10 octobre 2006, le Président de la Ire Cour de droit
public a admis la demande d'effet suspensif présentée par la recourante.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Nul ne conteste que la zone de verdure dans laquelle prendrait place la
construction litigieuse appartient à la zone à bâtir, de sorte que l'art. 24
de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT; RS 700) n'entre pas
en considération (ATF 116 Ib 377 consid. 2a p. 378). En vertu de l'art. 34
al. 1 et 3 LAT, seule la voie du recours de droit public est ouverte contre
l'arrêt attaqué qui confirme l'ordre de démolition d'un ouvrage construit
sans autorisation dans cette zone dès lors que la recourante fait
essentiellement valoir des griefs tirés du droit de l'aménagement du
territoire et de la police des constructions et un déni de justice prohibé
par l'art. 29 al. 1 Cst. Formé en temps utile contre une décision finale
rendue en dernière instance cantonale et qui touche la recourante dans ses
intérêts juridiquement protégés, le recours répond aux exigences des art. 86
al. 1, 88 et 89 al. 1 OJ.

2.
A.________ voit dans le retard pris par le Tribunal administratif pour
statuer sur son recours une violation du principe de la célérité ancré à
l'art. 29 al. 1 Cst. La cour cantonale ayant définitivement statué sur le
recours dont elle était saisie, le grief n'a plus d'objet (cf. ATF 104 Ib 307
consid. 2c p. 314). La recourante ne peut se prévaloir d'aucun intérêt actuel
et pratique à faire constater un éventuel retard à statuer (ATF 123 II 285
consid. 4a p. 287). Au demeurant, elle n'est pas intervenue après l'échéance
du délai d'une année imparti au Tribunal administratif pour trancher son
recours, selon l'art. 57 al. 1 de la loi vaudoise sur la juridiction et la
procédure administratives; elle n'a pas non plus réagi lorsqu'elle a constaté
que l'arrêt n'avait pas été rendu dans les mois suivant l'audience de
jugement du 28 novembre 2002 malgré les assurances en ce sens du président.
Dans ces conditions, elle ne saurait de bonne foi se plaindre d'un déni de
justice (ATF 125 V 373 consid. 2b/aa p. 375; 107 Ib 155 consid. 2b et 2c
p. 158). On ne voit d'ailleurs pas quel préjudice elle aurait subi de la
violation alléguée du principe de la célérité. Pour le surplus, la question
de savoir si et dans quelle mesure il y a lieu de tenir compte du temps pris
par la cour cantonale pour statuer dans l'application du principe de la
proportionnalité sera examinée plus loin. Le recours est donc mal fondé, dans
la mesure où il n'est pas sans objet, en tant qu'il porte sur une violation
du principe de la célérité.

3.
A.________ ne conteste pas la non-conformité du cabanon de jardin à la
destination de la zone de verdure où il s'implante. Elle ne critique pas
davantage l'arrêt attaqué en tant qu'il refuse d'assimiler cet ouvrage à une
construction souterraine autorisée dans toutes les zones, sans égard à son
importance. Il n'appartient pas au Tribunal fédéral, saisi d'un recours de
droit public, d'examiner d'office ces questions (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF
129 I 113 consid. 2.1 p. 120). La recourante tient en revanche l'ordre de
démolition qui lui a été signifié pour disproportionné au regard de
l'atteinte portée à la réglementation et du temps écoulé entre le dépôt du
recours et la notification de l'arrêt attaqué.

3.1 A teneur de l'art. 105 al. 1 de la loi cantonale du 4 décembre 1985 sur
l'aménagement du territoire et les constructions, la Municipalité est en
droit de faire suspendre et, le cas échéant, supprimer ou modifier, aux frais
du propriétaire, tous travaux qui ne sont pas conformes aux prescriptions
légales et réglementaires. Selon la jurisprudence, l'ordre de démolir une
construction ou un ouvrage édifié sans permis et pour lequel une autorisation
ne pouvait être accordée n'est en principe pas contraire au principe de la
proportionnalité. Celui qui place l'autorité devant un fait accompli doit
s'attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation
conforme au droit que des inconvénients qui en découlent pour le constructeur
(ATF 108 Ia 216 consid. 4b p. 218). L'autorité doit renoncer à une telle
mesure si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé
n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au
maître de l'ouvrage, si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à
construire ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la
construction comme conforme au droit qui aurait changé dans l'intervalle (ATF
123 II 248 consid. 4a p. 255).

3.2 La recourante ne saurait se prévaloir de sa bonne foi. Elle avait en
effet déjà érigé sans autorisation sur sa parcelle une dépendance de 10
mètres carrés. Elle a été dénoncée pénalement à raison de ces faits et
condamnée à une amende. Il importe peu que la Municipalité de La
Tour-de-Peilz ait finalement renoncé à ordonner la démolition de cet ouvrage
parce que celui-ci pouvait être assimilé à une construction souterraine une
fois recouvert de terre végétale. La situation n'est en effet pas comparable.
La dépendance litigieuse à l'époque se trouvait en zone constructible, ce qui
n'est pas le cas du cabanon de jardin sis en zone de verdure, en principe
inconstructible. Celui-ci est en outre dégagé sur deux de ses côtés et
modifie sensiblement le terrain naturel, de sorte qu'il ne peut être assimilé
à une construction souterraine. Cela étant, la recourante ne pouvait de bonne
foi se croire autorisée à réaliser une telle construction si elle la
recouvrait de terre végétale; à tout le moins, devait-elle s'en assurer
auprès de la Municipalité avant d'entreprendre les travaux. Il n'en va pas
autrement en ce qui concerne le mur de soutènement également implanté en zone
de verdure.
L'autorité peut renoncer à ordonner la remise en état des lieux lorsque la
dérogation à la règle est mineure ou insignifiante. La dépendance litigieuse
ne peut pas être assimilée à une construction souterraine. Elle modifie en
outre sensiblement le profil du terrain contrairement au but visé par la zone
de verdure, qui tend à préserver le caractère spécifique du relief et du
paysage de la région. Elle consacre enfin une violation des prescriptions
communales sur l'indice d'occupation du sol. Il existe ainsi un intérêt
public important à la démolition de cet ouvrage. On ne voit pas en quoi le
fait que la recourante l'utilise quotidiennement depuis plus de cinq ans pour
ranger son matériel de jardinage ferait obstacle à sa démolition. Elle ne
saurait déduire aucun droit en sa faveur d'une violation éventuelle du
principe de la célérité, dans la mesure où le droit d'ordonner la démolition
se périme en principe après trente ans (ATF 107 Ia 121). L'écoulement du
temps pourrait tout au plus jouer un rôle si les circonstances de fait ou de
droit s'étaient modifiées dans l'intervalle de manière à permettre une
régularisation de la construction litigieuse. Or, rien de tel n'est allégué
en l'espèce. Le fait que les voisins aient donné leur accord à la réalisation
des travaux entrepris n'est pas plus pertinent. Il appartient en effet à la
Municipalité de faire en sorte que les dispositions légales et réglementaires
soient observées. Enfin, aucun élément au dossier ne permet de retenir que le
montant des travaux de remise en état des lieux, estimé à 10'000 fr., serait
financièrement insupportable. L'ordre de démolition est donc bien fondé en
tant qu'il porte sur le cabanon à outils érigé sans droit sur la parcelle n°
1'964. Il en va de même de la prolongation du mur de soutènement que rien ne
justifie.
Au surplus, la Municipalité de La Tour-de-Peilz a évoqué à l'audience de
jugement que le rehaussement du mur serait susceptible de régularisation, vu
qu'il permettait si ce n'est de résoudre, du moins d'atténuer les problèmes
de ravinement dus à la pente du terrain. La cour cantonale a relevé que
A.________ pourrait, dans le délai qui lui a été imparti pour remettre les
lieux dans leur état antérieur, requérir l'accord de la Municipalité sur ce
point. Elle précisait cependant que la possibilité offerte à la recourante de
solliciter cette autorisation municipale ne la dispensait pas pour autant, en
l'état actuel des choses, de supprimer son local et la prolongation du mur
dans le délai fixé et de rendre au terrain son aspect antérieur. Elle a
confirmé la décision attaquée dans cette mesure, en impartissant à A.________
un nouveau délai d'exécution au 31 décembre 2006 pour procéder à la
démolition du local et à la remise en état antérieur des lieux. La recourante
ne conteste pas l'arrêt attaqué sur ce point; elle ne prétend pas davantage
qu'un délai de cinq mois pour entreprendre les démarches propres à
régulariser la situation serait trop court. Il lui appartient ainsi d'agir en
ce sens ou, à défaut, de remettre en état les lieux. Cette solution est
conforme au principe de la proportionnalité et ménage le droit d'être
entendus des voisins qui n'étaient pas partie à la procédure.

4.
Le recours doit par conséquent être rejeté dans la mesure où il est
recevable. Le délai d'exécution au 31 décembre 2006 imparti à A.________
n'est pas échu; toutefois, pour tenir compte de la durée de la procédure de
recours devant le Tribunal fédéral, il convient de le reporter au 30 mars
2007.
Vu l'issue du recours, la recourante prendra en charge l'émolument judiciaire
(art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a en revanche pas lieu d'allouer des dépens à la
Commune de La Tour-de-Peilz qui a procédé seule et s'est bornée à se référer
à l'arrêt attaqué.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Le délai d'exécution au 31 décembre 2006 imparti à la recourante selon le
chiffre II du dispositif de l'arrêt attaqué est reporté au 30 mars 2007.

3.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, à la
Municipalité de La Tour-de-Peilz et au Tribunal administratif du canton de
Vaud.

Lausanne, le 7 novembre 2006

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: