Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.561/2006
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{T 0/2}
1P.561/2006 /col

Arrêt du 6 décembre 2006
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Nay et Reeb.
Greffier: M. Parmelin.

A. ________,
recourant, représenté par Me Hubert Theurillat, avocat,

contre

Procureur général de la République et canton du Jura, Le Château, case
postale 196, 2900 Porrentruy 2,
Cour pénale du Tribunal cantonal de la République
et canton du Jura, Palais de Justice, Le Château,
case postale 24, 2900 Porrentruy 2.

procédure pénale; appréciation des preuves,

recours de droit public contre l'arrêt de la Cour pénale du Tribunal cantonal
de la République et canton du Jura du 7 juillet 2006.

Faits:

A.
Par jugement du 19 avril 2006, le juge pénal du Tribunal de première instance
de la République et canton du Jura a reconnu A.________ coupable d'induire la
justice en erreur, d'escroquerie et d'infraction à la loi sur la circulation
routière pour avoir conduit un véhicule automobile le 25 mars 2005, à
Delémont, en présentant un taux d'alcoolémie qualifié de 2,08 g ?. Il l'a
condamné à une peine de 2 mois d'emprisonnement, aux frais judiciaires, fixés
à 1'846.80 fr., et au versement à l'Etat d'une créance compensatrice de 4'800
fr.

A. ________ et le Procureur général de la République et canton du Jura ont
déposé un appel contre ce jugement. Le premier contestait avoir conduit en
état d'ébriété et devoir payer à l'Etat une créance compensatoire, alors que
le second s'en prenait à la quotité de la peine jugée trop clémente. Par
arrêt du 7 juillet 2006, la Cour pénale du Tribunal cantonal de la République
et canton du Jura (ci-après: la Cour pénale) a constaté que le jugement de
première instance était entré en force de chose jugée dans la mesure où il
reconnaît A.________ coupable d'induire la justice en erreur et
d'escroquerie. En réformation partielle de ce jugement, elle l'a déclaré
coupable d'infraction à la loi sur la circulation routière et l'a condamné à
une peine de 3 mois d'emprisonnement. Elle a en revanche renoncé au prononcé
d'une créance compensatrice.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt qu'il tient pour arbitraire et contraire
à la présomption d'innocence. Il requiert l'assistance judiciaire.
La Cour pénale et le Procureur général concluent au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recourant se plaint d'arbitraire dans la constatation des faits et
l'appréciation des preuves (ATF 124 IV 81 consid. 2a p. 83 et les arrêts
cités) et du non-respect de la présomption d'innocence garantie à l'art. 32
al. 1 Cst. (ATF 127 IV 215 consid. 2d p. 218; 120 Ia 31 consid. 2b p. 35/36).
Au vu des arguments soulevés, seul le recours de droit public pour violation
de droits constitutionnels des citoyens est ouvert. Les conditions de
recevabilité des art. 84 ss OJ sont réunies, de sorte qu'il convient d'entrer
en matière sur le fond.

2.
Le recourant conteste toute infraction à la loi sur la circulation routière.
Il reproche à la Cour pénale d'avoir omis de prendre en considération un
certain nombre d'éléments évoqués en procédure, qui seraient de nature à
contredire et à remettre en question l'état de fait retenu dans l'arrêt
attaqué. Il se plaint à ce propos d'arbitraire dans l'établissement des faits
et d'une violation de la présomption d'innocence.

2.1 Saisi d'un recours de droit public dirigé contre une condamnation pénale,
le Tribunal fédéral ne revoit la constatation des faits et l'appréciation des
preuves qu'avec un pouvoir d'examen limité à l'arbitraire, car il ne lui
appartient pas de substituer sa propre appréciation à celle du juge de la
cause. Il n'invalide la solution retenue que si elle apparaît insoutenable,
si elle est en contradiction manifeste avec la situation effective ou si elle
a été adoptée sans motifs objectifs. Enfin, il ne suffit pas que les motifs
du verdict soient insoutenables; il faut en outre que l'appréciation soit
arbitraire dans son résultat, ce qu'il appartient au recourant d'établir (ATF
131 I 217 consid. 2.1 p. 219 et les arrêts cités). Par ailleurs, la
présomption d'innocence garantie à l'art. 32 al. 1 Cst. n'est invoquée avec
succès que si le recourant démontre, par une argumentation conforme aux
exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, qu'à l'issue d'une appréciation
exempte d'arbitraire de l'ensemble des preuves, le juge aurait dû éprouver
des doutes sérieux et irréductibles sur la culpabilité du prévenu (ATF 127 I
38 consid. 2 p. 40; 125 I 492 consid. 1b p. 495; 124 IV 86 consid. 2a p.
87/88; 120 Ia 31 consid. 2e p. 38, consid. 4b p. 40). Le Tribunal fédéral
examine en principe librement cette question; il s'impose toutefois une
certaine retenue, car le juge du fait est mieux à même de la résoudre en
vertu du principe de l'immédiateté (cf. arrêt 1P.477/2006 du 14 septembre
2006 consid. 2.2 et la jurisprudence citée).

2.2 Le recourant conteste avoir conduit en état d'ébriété dans la soirée du
25 mars 2005. Il affirme avoir stationné son véhicule vers 20h00 devant le
restaurant du Lion d'Or, à Delémont, dans l'une des cases prévues à cet
effet, perpendiculairement à la route, avant de se rendre en ville pour
consommer de la bière et du vin blanc avec des amis. Après un dernier verre
pris dans cet établissement, il a constaté que le pneu avant droit de sa
voiture était crevé. Les agents de police l'ont interpellé vers 23h30, alors
qu'il téléphonait à une connaissance pour venir le chercher.
Les juges d'appel n'ont pas donné foi à cette version des faits; ils ont
retenu que le recourant avait circulé au volant de son véhicule en étant pris
de boisson peu avant son interpellation, qu'il avait heurté un trottoir à la
sortie du rond-point situé au bas du Cras du Moulin, causant la crevaison de
son pneu avant droit, et qu'il s'était ensuite arrêté devant le restaurant du
Lion d'Or, parallèlement à la chaussée, afin de changer la roue endommagée,
son véhicule empiétant sur le trottoir et la chaussée.
Il est constant qu'au moment de l'intervention des agents, A.________ tentait
de changer la roue avant droite de son véhicule, dont le pneu était crevé, et
qu'il présentait des signes d'ébriété, la prise de sang effectuée à 00h40
ayant révélé un taux d'alcoolémie de 2,08 g ? au moment des faits. Le
véhicule se trouvait alors devant le restaurant du Lion d'Or, parallèlement à
la route, l'avant en direction du haut du Cras du Moulin, les roues gauches
empiétant sur la chaussée. Ce fait résulte des déclarations concordantes des
agents dénonciateurs, que la Cour pénale n'avait aucun motif de mettre en
doute. Cela étant, il n'était nullement arbitraire d'en déduire que le
véhicule ne pouvait se trouver à cet emplacement depuis plus de trois heures,
comme le soutenait le recourant, mais qu'il devait obligatoirement avoir été
déplacé peu avant l'intervention de la police.
Les juges d'appel ont par ailleurs admis que seul le recourant pouvait
l'avoir fait, tenant au surplus pour établi que le pneu avant droit de son
véhicule avait crevé après avoir heurté un trottoir; ils se sont fondés à cet
égard sur les déclarations faites par A.________ aux agents immédiatement sur
les lieux, sur son attitude ambiguë lors de l'intervention de la police, sur
le témoignage de B.________, qui a alerté la Centrale d'engagement de la
police, et sur le fait que l'accusé avait signé le formulaire de confirmation
du mandat de prélèvement et d'analyses, lequel indiquait expressément qu'il
avait embouti un trottoir et qu'il tentait de changer un pneu crevé lors de
son interpellation.
Le recourant estime qu'il n'était pas possible de se fonder sur le témoignage
du dénonciateur pour admettre qu'il avait heurté le trottoir, compte tenu du
fait que l'intéressé avait tenu à garder l'anonymat et qu'il lui était
impossible de voir le véhicule de l'endroit où il a déclaré dans un premier
temps s'être garé pour appeler la police, avant de modifier et de compléter
sa version des faits sur ce point. B.________ a donné des explications sur
les raisons de ce revirement, dont il appartiendra au juge saisi de la
plainte pénale pour faux témoignage d'apprécier la valeur. Il ne saurait être
question, comme le voudrait le recourant, d'exclure d'emblée pour ce motif
toute possibilité de tenir compte des déclarations de ce témoin. Il
appartient au contraire au juge d'apprécier la valeur probante des
témoignages compte tenu des éventuelles divergences ou contradictions qui les
émaillent. Or, on ne voit pas en quoi il était arbitraire d'admettre en
l'occurrence que B.________ était crédible lorsqu'il déclare avoir vu le
véhicule du recourant heurter le trottoir à la sortie du rond-point en bas du
Cras du Moulin et le conducteur s'arrêter quelques dizaines de mètres plus
loin pour changer de roue, dans la mesure où les agents ont effectivement
interpellé le recourant à l'endroit indiqué alors qu'il tentait de changer le
pneu avant droit.
De même, il était parfaitement soutenable de retenir que les versions
divergentes du sergent de la gendarmerie cantonale C.________ sur le point de
savoir si le recourant avait ou non textuellement admis avoir conduit son
véhicule lors de son interpellation n'invalidaient pas ses déclarations sur
les points relevés dans le rapport de dénonciation qu'il avait intégralement
confirmés par la suite. Or, l'agent C.________ a toujours affirmé qu'à la
question de savoir ce qui s'était passé, le recourant a répondu qu'il "avait
crevé" et qu'il changeait son pneu. A.________ reproche aux juges d'appel
d'avoir arbitrairement déduit de ces propos qu'il avait conduit le véhicule;
ils signifiaient à tout le moins clairement que la crevaison n'était pas due
à l'intervention d'un tiers, comme il a tenté de le faire croire durant la
procédure. Pour le surplus, l'agent C.________ a confirmé que l'accusé avait
vainement tenté de les influencer pour qu'ils renoncent à établir un constat
d'infraction. Ajouté au témoignage de B.________, les juges d'appel pouvaient
sans arbitraire déduire de l'ensemble de ces circonstances que c'était bien
le recourant qui conduisait le véhicule et qui avait heurté un trottoir,
causant la crevaison de son pneu avant droit.
Il importe peu que les agents ne se soient pas assurés que le moteur du
véhicule était chaud ou qu'ils n'aient pas vu personnellement le recourant
conduire le véhicule ou en sortir. La Cour pénale pouvait en effet tenir ce
point pour établi sur la base des autres éléments à charge précités. Enfin,
le fait que le recourant ait signé le formulaire de confirmation du mandat de
prélèvement et d'analyses n'est qu'un élément parmi d'autres dans
l'appréciation des preuves à laquelle se sont livrés les juges d'appel; si ce
document devait ne pas avoir la portée que lui prête la Cour pénale pour les
raisons évoquées par le recourant, cela ne suffirait pas à tenir pour
arbitraire dans son résultat le verdict de culpabilité auquel est parvenu
cette autorité, compte tenu des autres moyens de preuves à disposition.

2.3 En définitive, le recourant ne parvient pas à démontrer que l'arrêt
attaqué reposerait sur une appréciation arbitraire des preuves, ni qu'un
examen objectif de l'ensemble des éléments de la cause aurait dû inciter la
Cour pénale à concevoir des doutes sur sa culpabilité, au point que sa
condamnation pour infraction à la loi sur la circulation routière serait
contraire à la présomption d'innocence.

3.
Manifestement mal fondé, le recours doit par conséquent être rejeté. Celui-ci
étant d'emblée dépourvu de chances de succès, il n'y a pas lieu d'accorder
l'assistance judiciaire (art. 152 al. 1 OJ). Le recourant, qui succombe, doit
supporter un émolument judiciaire tenant compte de sa situation financière
précaire (art. 153, 153a et 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 1'500 fr. est mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, ainsi
qu'au Procureur général et à la Cour pénale du Tribunal cantonal de la
République et canton du Jura.

Lausanne, le 6 décembre 2006

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: