Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.539/2006
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{T 0/2}
1P.539/2006 /col

Arrêt du 20 septembre 2006
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Fonjallaz et Eusebio.
Greffier: M. Rittener.

A. ________,
recourante, représentée par Me Olivier Derivaz, avocat,

contre

Office du Juge d'instruction du Bas-Valais,
bâtiment Lavigerie, place Sainte-Marie 6,
1890 Saint-Maurice,
Ministère public du Bas-Valais,
Hôtel-de-Ville, case postale 144, 1890 St-Maurice,
Tribunal cantonal du canton du Valais,
Chambre pénale, Palais de Justice, 1950 Sion 2.

maintien en détention préventive,

recours de droit public contre la décision de la
Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton
du Valais, du 23 juin 2006.

Faits:

A.
A. ________, a été arrêtée le 17 février 2005 à son domicile de Monthey, à la
demande du Juge d'instruction du Bas-Valais (ci-après: le Juge
d'instruction). Le lendemain, une instruction a été ouverte à son encontre
pour l'assassinat de son époux, B.________, décédé le 10 août 2004 des suites
d'une intoxication à la chloralose (raticide). Considérant que de sérieuses
présomptions de culpabilité pesaient sur la prévenue et qu'il convenait
d'éviter tout risque de collusion et de concertation avec des tiers, le Juge
d'instruction a décidé, le 21 février 2005, de maintenir A.________ en
détention préventive. Niant toute implication dans la mort de son mari,
A.________ a déposé des requêtes de mise en liberté, que le Juge
d'instruction a rejetées par décisions des 28 février et 20 mai 2005,
considérant notamment qu'il convenait de maintenir l'intéressée en détention
pour les besoins de l'enquête, ainsi que pour éviter tout risque de collusion
et de fuite. Le 30 août 2005, la Cour de céans a rejeté un recours de droit
public formé par A.________ contre l'arrêt cantonal confirmant la seconde
décision (arrêt 1P.465/2005).

B.
Le 15 mai 2006, A.________ a déposé une nouvelle demande de libération
provisoire. Le Juge d'instruction a rejeté cette requête par décision du 29
mai 2006, considérant en substance qu'il existait de sérieuses présomptions
de culpabilité et que le risque de fuite était toujours réel. A.________ a
déposé une plainte contre cette décision auprès de la Chambre pénale du
Tribunal cantonal du canton du Valais (ci-après: le Tribunal cantonal), qui
l'a rejetée par décision du 23 juin 2006. Les juges cantonaux ont confirmé
l'existence d'une présomption suffisante de culpabilité, relevant que
l'instruction n'avait pas mis à jour de nouveaux éléments déterminants depuis
ses précédentes décisions des 24 mars et 14 juin 2005. S'agissant du risque
de fuite, ils ont considéré que la condamnation de A.________ était
suffisamment vraisemblable et que les seize mois de détention préventive déjà
subis n'atténuaient pas ce risque, dès lors que la prévenue était passible de
la réclusion à vie. Enfin, sa situation personnelle n'avait pas évolué de
manière significative depuis le rejet de sa dernière demande de mise en
liberté.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cette décision et de mettre fin à sa détention
préventive. Elle invoque une violation de son droit à la liberté personnelle
(art. 10 al. 2 Cst. et 5 § 1 let. c CEDH). Elle demande en outre l'assistance
judiciaire. Le Tribunal cantonal et le Juge d'instruction n'ont pas présenté
d'observations. Le Ministère public s'est déterminé; il conclut au rejet du
recours. Interpellée, la recourante a formulé des observations
complémentaires.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Formé en temps utile contre une décision finale prise en dernière instance
cantonale et qui touche la recourante dans ses intérêts juridiquement
protégés, le recours est recevable au regard des art. 84 ss OJ. Par exception
à la nature cassatoire du recours de droit public, la conclusion de la
recourante tendant à ce que le Tribunal fédéral mette fin à sa détention
préventive est recevable (ATF 124 I 327 consid. 4b/aa p. 333).

2.
Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté
personnelle, garantie par les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH, que si elle
repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce
l'art. 72 du Code de procédure pénale valaisan du 22 février 1962 (CPP/VS; RS
312.0). Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le
principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; ATF 123 I 268
consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit
être justifiée par les besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un
danger de collusion ou de réitération (cf. art. 72 ch. 1 let. a à c CPP/VS).
La gravité de l'infraction - et l'importance de la peine encourue - n'est, à
elle seule, pas suffisante (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62; 117 Ia 70 consid.
4a). Préalablement à ces conditions, il doit exister à l'égard de l'intéressé
des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité (art. 5 par.
1 let. c CEDH; ATF 116 Ia 144 consid. 3; art. 72 ch. 1 in initio CPP/VS).
S'agissant d'une restriction grave à la liberté personnelle, le Tribunal
fédéral examine librement ces questions, sous réserve toutefois de
l'appréciation des preuves, revue sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF
123 I 268 consid. 2d p. 271; pour la définition de l'arbitraire, cf. art. 9
Cst. et ATF 131 I 217 consid. 2.1 p. 219; 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 128 I 273
consid. 2.1 p. 275). L'autorité cantonale dispose ainsi d'une grande liberté
dans l'appréciation des faits (ATF 114 Ia 283 consid. 3; 112 Ia 162 consid.
3b).

3.
En l'espèce, la recourante ne remet pas en cause la base légale sur laquelle
repose la détention préventive et elle renonce expressément à soumettre au
Tribunal fédéral la question des soupçons de culpabilité. Elle nie cependant
l'existence d'un risque de fuite.

3.1 Le risque de fuite doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères
tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens
avec l'Etat qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font
apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable
(ATF 117 Ia 69 consid. 4a p. 70 et la jurisprudence citée). La gravité de
l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier la prolongation de la
détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en
raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé (ATF 125 I 60
consid. 3a p. 62; 117 Ia 69 consid. 4a p. 70; 108 Ia 64 consid. 3 p. 67). Le
fait que l'extradition du prévenu puisse être obtenue n'est pas déterminant
(ATF 123 I 31 consid. 3d p. 36 s.).
3.2 La recourante estime que son intérêt à prendre la fuite est notablement
amoindri par le fait qu'elle pourrait raisonnablement "tabler sur un
acquittement". A cet égard, elle précise que la fuite équivaudrait pour elle
à renoncer aux prétentions qu'elle pourrait faire valoir contre l'Etat pour
sa détention injustifiée. De plus, la durée importante de la détention
préventive qu'elle a déjà subie diminuerait son intérêt à se soustraire à
l'exécution d'une éventuelle peine. Enfin, le fait que ses enfants sont
désormais placés chez sa soeur dans le canton de Fribourg réduirait le risque
de voir la recourante prendre la fuite ou disparaître dans la clandestinité.

3.3 Dans la mesure où la recourante a expressément renoncé à soulever la
question des soupçons de culpabilité, il n'y a pas lieu de se livrer à un
pronostic sur le verdict qui sera prononcé. Au demeurant, les espoirs de la
recourante quant à un éventuel acquittement ne changent rien à l'importance
de la peine qui l'attend si elle est reconnue coupable de l'assassinat de son
époux. Elle est toujours menacée d'une peine de réclusion à vie ou de
réclusion pour dix ans au moins (art. 112 CP); c'est donc à juste titre que
l'autorité attaquée a pris en compte cet élément dans l'appréciation du
danger de fuite. Les quelque dix-neuf mois de détention préventive déjà subis
par la recourante ne sont pas décisifs, vu la peine qu'elle encourt. Quant au
placement de ses enfants auprès de sa soeur en Suisse, il n'a pas d'incidence
significative sur le risque de fuite, étant rappelé que la recourante avait
déjà laissé ses deux enfants cadets au Brésil pour venir s'installer dans
notre pays à la fin des années 1990. Pour le surplus, la recourante peut être
renvoyée à l'arrêt rendu dans la même affaire le 30 août 2005 par la Cour de
céans (arrêt 1P.465/2005), les circonstances fondant l'existence d'un danger
de fuite n'ayant pas changé depuis.

4.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. Dès lors que les conclusions de
la recourante paraissaient d'emblée vouées à l'échec, l'assistance judiciaire
ne lui est pas accordée (art. 152 al. 1 OJ). La recourante, qui succombe,
doit supporter un émolument judiciaire (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge de la recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, à
l'Office du Juge d'instruction et au Ministère public du Bas-Valais ainsi
qu'à la Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais.

Lausanne, le 20 septembre 2006

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: