Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.413/2006
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1P.413/2006 /fzc
{T 0/2}

Arrêt du 29 août 2006
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président, Reeb et
Eusebio.
Greffier: M. Jomini.

A. X.________,
recourant, représenté par Me Jean-François Ducrest, avocat,

contre

Y.________,
intimé,
Tribunal de première instance de la République et canton de Genève, 16ème
Chambre, place du Bourg-de-Four 1, case postale 3736, 1211 Genève 3.

procédure civile, récusation d'un expert,

recours de droit public contre la décision de la 16ème Chambre du Tribunal de
première instance de la République et canton de Genève, du 2 juin 2006.

Faits:

A.
Les époux A.X.________ et B.X.________ ont l'un et l'autre requis en mai 2005
des mesures protectrices de l'union conjugale, auprès du Tribunal de première
instance de la République et canton de Genève. Une procédure est pendante
devant la 16ème Chambre de ce Tribunal (cause C/10411/2005), qui a donné le 2
août 2005 aux psychologues Y.________ et Z.________ la mission d'effectuer
une expertise du groupe familial.

Le Dr Y.________ a déposé un rapport d'expertise le 2 février 2006. Le
23 janvier précédent, il avait écrit au Tribunal afin de préciser le montant
probable de ses honoraires. L'avance des frais d'expertise, requise par le
Tribunal, avait été effectuée par A.X.________.

A. X.________ a eu plusieurs entretiens avec le Dr Y.________, la dernière
fois le 25 janvier 2006.

B.
Le Dr Y.________ a envoyé à A.X.________ une note d'honoraires datée du 21
février 2006, d'un montant de 200 fr., pour la séance du 25 janvier 2006.
A.X.________ n'a pas réglé ce montant. Le 4 avril 2006, le Dr Y.________ a
envoyé une lettre de rappel, avec une copie de la note d'honoraires. Le 6 mai
2006, Le Dr Y.________ a écrit à A.X.________ que s'il ne payait pas dans les
dix jours, l'affaire serait transmise à l'office des poursuites; une formule
de réquisition de poursuite était jointe à ce courrier. A.X.________ l'a reçu
le 8 mai 2006.

C.
Le 10 mai 2006, A.X.________ a requis la récusation de l'expert Y.________.
En substance, il a fait valoir que ce dernier était son créancier et qu'en
lui envoyant une sommation, il avait démontré son incapacité absolue
d'intervenir en qualité d'expert neutre et impartial.

La 16ème Chambre a tenu le 16 mai 2006 une audience d'audition de l'expert
Y.________. Le 2 juin 2006, elle a rendu une décision déclarant irrecevable,
subsidiairement infondée, la requête en récusation.

D.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.X.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler la décision prise le 2 juin 2006 par la 16ème
Chambre du Tribunal de première instance, de constater que sa requête de
récusation est fondée, et de renvoyer la cause au Tribunal de première
instance pour nomination d'un nouvel expert. Il se plaint d'une application
arbitraire des règles du droit cantonal sur la récusation des experts et
d'une violation des garanties de procédure des art. 29 Cst., 30 Cst. et 6
CEDH.

Il n'a pas été demandé de réponses au recours. Le Tribunal de première
instance a produit le dossier de cette procédure incidente.

E.
Par une ordonnance du 4 juillet 2006, le Président de la Ire Cour de droit
public a rejeté la requête d'effet suspensif présentée par le recourant.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
En droit cantonal genevois, la récusation des experts est réglée à l'art. 258
de la loi de procédure civile (LPC). Cette disposition prévoit que les causes
de récusation sont les mêmes que pour les juges (al. 1), que la récusation
doit être demandée au plus tard dans les 10 jours à partir de la nomination
ou de la connaissance d'une cause de récusation (al. 2), et que le juge
statue, après avoir entendu les parties et éventuellement l'expert, par une
décision non susceptible de recours (al. 3). La décision attaquée a donc été
prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 OJ). En vertu de l'art.
87 al. 1 OJ, le recours de droit public peut être formé directement contre
une décision préjudicielle ou incidente sur une demande de récusation, prise
séparément.

2.
Le Tribunal de première instance a considéré que la demande de récusation
était tardive, ayant été présentée plus de dix jours après la connaissance de
la cause de récusation (art. 258 al. 2 LPC). Selon la décision attaquée, même
si le recourant invoque comme cause de récusation l'envoi par l'expert, au
début du mois de mai 2006, d'un rappel de facture avec la mention qu'à défaut
de paiement, une poursuite serait intentée contre lui, il se réfère en
réalité au fait que cet expert lui réclame directement la somme de 200 fr., à
titre d'honoraires pour la séance ou l'entretien du 25 janvier 2006. Cet
élément était déjà connu du recourant au début du mois de mars 2006. Pour la
juridiction cantonale, le recourant aurait dû requérir la récusation de
l'expert dans les dix jours dès la réception de la facture du 21 février
2006, voire au plus tard dix jours après avoir reçu la première lettre de
rappel au début du mois d'avril 2006. Aussi la requête, formée deux jours
après la réception, le 8 mai 2006, de la seconde lettre de rappel, a-t-elle
été jugée tardive et partant irrecevable. A titre superfétatoire, le Tribunal
de première instance a encore considéré que cette requête était mal fondée,
aucun motif de récusation prévu par le droit cantonal n'étant réalisé.

Le recourant se plaint, à propos de la motivation principale de la décision
attaquée, d'une application arbitraire de l'art. 258 al. 2 LPC, quant à la
détermination du moment de la connaissance de la cause de récusation. Il fait
valoir qu'avant le 8 mai 2006, il avait pensé que la note d'honoraires de 200
fr. lui avait été envoyée à la suite d'une erreur administrative, car
l'entretien du 25 janvier 2006 était mentionné dans le rapport d'expertise,
pour lequel deux avances de frais lui avaient été réclamées par le Tribunal.

Il n'est toutefois pas insoutenable, et donc pas arbitraire (à propos de la
notion d'arbitraire selon l'art. 9 Cst., cf. ATF 131 I 57 consid. 2 p. 61,
217 consid. 2.1 p. 219 et la jurisprudence citée), de considérer que le
recourant devait déjà déduire de la note d'honoraires et de la première
lettre de rappel, toutes deux signées par l'expert, que ce dernier lui
réclamait effectivement le montant litigieux. Comme le retient la juridiction
cantonale, si le recourant pensait que l'expert avait envoyé ces deux
courriers par erreur, il lui incombait de réagir et de se renseigner, ce
qu'il n'a pas fait. On peut donc, sans arbitraire, en déduire qu'il avait
saisi le sens et la portée de la note d'honoraires, simplement confirmée,
derechef, au début du mois de mai 2006. Le fait que l'envoi d'une réquisition
de poursuite était annoncé dans la seconde lettre de rappel peut être
qualifié, comme dans la décision attaquée, de suite logique des démarches
précédentes et de l'inaction du recourant; en d'autres termes, ce n'est pas
un élément propre à être invoqué, indépendamment, comme une cause de
récusation. Il en résulte que la décision d'irrecevabilité, pour tardiveté,
ne viole pas l'art. 9 Cst.

Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'examiner si la motivation
subsidiaire, sur le fond, est conforme aux garanties du droit constitutionnel
en matière d'indépendance et d'impartialité.

3.
Le recours de droit public, manifestement mal fondé, doit donc être rejeté.
Le recourant, qui succombe, doit supporter les frais de justice (art. 153,
153a et 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit public est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, à
l'expert intimé, au Tribunal de première instance de la République et canton
de Genève ainsi que, pour information, au mandataire de B.X.________, Me
Philippe A. Grumbach, avocat.

Lausanne, le 29 août 2006

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: