Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.37/2006
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{T 0/2}
1P.37/2006 /fzc

Arrêt du 26 juin 2006
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Nay et Fonjallaz.
Greffière: Mme Angéloz.

X. ________,
recourant, représenté par Maîtres Nicolas Jeandin
et Yvan Jeanneret, avocats,

contre

Y.________,
intimée,
agissant par sa curatrice Z.________,
Procureur général du canton de Genève,
case postale 3565, 1211 Genève 3,
Cour de cassation du canton de Genève,
case postale 3108, 1211 Genève 3.

procédure pénale; appréciation des preuves,

recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de cassation du canton de
Genève du 16 décembre 2005.

Faits:

A.
Par arrêt du 1er juillet 2005, la Cour correctionnelle sans jury du canton de
Genève a condamné X.________, pour actes d'ordre sexuel avec des enfants et
infraction à la loi sur le séjour et les étrangers (LSEE), à 8 mois
d'emprisonnement, sous déduction de la détention préventive, et 3 ans
d'expulsion, les deux peines avec sursis pendant 3 ans. Saisie d'un pourvoi
de l'accusé, la Cour de cassation genevoise l'a écarté par arrêt du 16
décembre 2005.

B.
Ce dernier arrêt retient, en substance, ce qui suit.

B.a Le 9 mars 2004, à l'occasion d'activités parascolaires, l'enfant
Y.________, née en 1994, a révélé à des animatrices avoir été caressée sur la
poitrine, les fesses et le sexe par X.________, compagnon de sa tante, au
domicile de cette dernière, lors du week-end précédent des 6 et 7 mars 2004.
Avisée par les animatrices, la mère de l'enfant a déposé plainte pénale le
12 mars 2004. Egalement présents dans l'appartement le week-end en question,
la tante, le père et le grand-père de l'enfant ont dit n'avoir rien remarqué.

B.b Entendue par une inspectrice de la police, en présence d'une psychologue,
l'enfant a confirmé le récit fait à sa mère. L'audition a été filmée et la
déclaration de l'enfant transcrite; ces pièces ont été versées au dossier.

X. ________ a été entendu le 17 mars 2004 par la police et le lendemain par
le juge d'instruction, qui l'a inculpé d'actes d'ordre sexuel avec des
enfants et d'infraction à l'art. 23 LSEE. Il a admis cette seconde
infraction, mais a contesté la première.

Le juge d'instruction a également entendu le père, la tante - compagne de
X.________ - et le grand père paternel de l'enfant, ainsi que les animatrices
des activités parascolaires, l'institutrice et la mère de la fillette.

B.c Le 23 avril 2004, le juge d'instruction a ordonné une expertise de
crédibilité, confiée à la Dresse A.________, sous la supervision du
Pr B.________, lui transmettant l'intégralité des pièces de la procédure et
lui précisant qu'elle en recevrait les compléments au fur et à mesure de son
avancement. L'inculpé et ses avocats n'ont pas formulé de remarques ni de
questions ou réserves. Le rapport d'expertise, signé par la Dresse
A.________, la Dresse C.________, cheffe de clinique, et le Pr B.________, a
été déposé le 16 septembre 2004. L'expert indiquait avoir eu trois entretiens
avec l'enfant, un avec la mère, le père, la tante et l'accusé et deux avec
les psychologues ayant suivi l'enfant de mai 2001 à janvier 2004 suite aux
relations conflictuelles entre ses parents et à ses problèmes scolaires. Elle
précisait avoir en outre visionné la cassette enregistrée par la police,
consulté le dossier médical de l'enfant et pris connaissance des pièces de la
procédure. Elle concluait qu'il n'y avait pas d'élément psychiatrique,
psychologique ou dans l'analyse globale des allégations affaiblissant la
crédibilité de l'enfant.

Entendue le 18 octobre 2004 par le juge d'instruction, l'expert a confirmé
son rapport. En réponse à diverses questions, émanant notamment de l'un des
avocats de X.________, elle a par ailleurs apporté une série de précisions et
explications. En particulier, tout en confirmant que l'enfant avait été
atteinte par la discorde de ses parents, elle a exclu une interférence de ce
conflit dans l'attitude de celle-ci en rapport avec les faits; elle a, de
même, exclu que l'enfant ait pu inventer les faits après avoir été manipulée
par sa mère, pour améliorer sa relation avec elle ou pour tenter de
réconcilier ses parents. Elle a par ailleurs relevé que l'enfant était plutôt
simple et pas excessivement éveillée; elle n'avait pas un raisonnement
sophistiqué ou donnant à penser qu'elle aurait pu inventer les faits; son
discours n'était pas appris; certaines affirmations ("papa m'a dit que ...",
"maman m'a dit de dire que ...") relevaient de la naïveté et attestaient
plutôt de sa crédibilité. Enfin, l'expert a précisé qu'elle n'en était pas à
sa première expertise de crédibilité, celle d'espèce ayant au demeurant été
supervisée par des personnes compétentes.

B.d Le 25 octobre 2004, la défense a sollicité l'audition de l'enfant et de
la thérapeute l'ayant suivie entre 2001 et 2004, la production du dossier
psychiatrique, respectivement médical, et une contre-expertise par un
spécialiste plus expérimenté.

Par décision du 17 novembre 2004, le juge d'instruction a refusé les actes
d'instruction sollicités et transmis le dossier au Parquet. Saisie d'un
recours de la défense, la Chambre d'accusation l'a rejeté dans la mesure où
il était recevable par ordonnance du 27 janvier 2005; elle a, notamment,
considéré que rien ne permettait de douter du bien-fondé de l'expertise,
qu'une contre-expertise ne se justifiait pas et qu'une confrontation avec
l'enfant, déjà entendue par la police et trois fois par l'expert,
contreviendrait aux art. 10 let. b et c LAVI.

B.e A l'audience de la cour correctionnelle, X.________ a demandé l'audition
de l'enfant. Avec l'accord de la défense, la cour a réservé sa décision sur
ce point, afin d'entendre les personnes convoquées. Elle a ainsi entendu la
curatrice de l'enfant, divers témoins et le Pr B.________, la Dresse
A.________ étant en poste à l'étranger. Elle a en outre visionné
l'enregistrement filmé de l'audition de l'enfant par la police. Après une
première délibération, elle a invité vainement la défense à produire la liste
des questions qu'elle souhaitait poser à l'enfant et lui a alors demandé de
dicter ses questions au greffier. Après nouvelle délibération, la cour a
rejeté la requête de confrontation, en motivant sa décision pour chacune des
13 questions formulées. Dans son arrêt, après avoir justifié ce refus, elle a
exposé les motifs de sa conviction quant à la crédibilité de l'enfant, avant
de conclure à la culpabilité du recourant du chef des infractions dont il
avait été inculpé. Quant à la cour de cassation cantonale, elle a jugé le
pourvoi de l'accusé infondé, non sans relever la motivation insuffisante de
certains griefs.

C.
X.________ forme un recours de droit public au Tribunal fédéral, pour
violation de son droit à une confrontation et de son droit d'être entendu,
arbitraire et violation de la présomption d'innocence. Il conclut à
l'annulation de l'arrêt attaqué. Il a demandé l'effet suspensif.

L'intimée, en sollicitant l'assistance judiciaire, et le Procureur général
concluent au rejet du recours. L'autorité cantonale se réfère à son arrêt. Le
recourant a répliqué, maintenant ses conclusions.

Par ordonnance présidentielle du 9 février 2006, la requête d'effet suspensif
a été admise.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral ne peut examiner que
les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans
l'acte de recours (cf. art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 130 I 258 consid. 1.3 p.
261/262; 129 I 113 consid. 2.1 p. 120, 185 consid. 1.6 p. 189). Sous peine
d'irrecevabilité, le recourant doit donc indiquer quels droits
constitutionnels auraient été violés et démontrer, pour chacun d'eux, en quoi
consiste cette violation.

2.
Sur trois points, le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être
entendu, garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., à raison d'un défaut de
motivation.

2.1 Les exigences et la portée de la garantie invoquée ont été rappelées dans
les ATF 130 II 530 consid. 4.3 p. 540 et 129 I 232 consid. 3.2 p. 236/237,
auxquels on peut se référer. En bref, le juge n'est pas tenu d'exposer et de
discuter tous les arguments des parties; il suffit qu'il mentionne au moins
brièvement les motifs qui fondent sa décision, de sorte que l'intéressé
puisse en comprendre la portée et l'attaquer utilement et l'autorité de
recours exercer son contrôle.

2.2 S'agissant du grief de motivation insuffisante par la cour
correctionnelle, l'arrêt attaqué se réfère à l'ATF 129 I 232 cité plus haut,
aussi publié in JT 2005 IV p. 186 ss, en indiquant que l'arrêt de première
instance satisfait aux exigences de cette jurisprudence et en précisant
pourquoi. Le recourant pouvait ainsi comprendre sans difficulté que l'arrêt
attaqué tenait la décision de première instance pour suffisamment motivée et
ce qui avait conduit à l'affirmer. Sous cet angle le grief est donc infondé.

2.3 En ce qui concerne son droit à une confrontation, le recourant cite deux
arguments de son recours cantonal, auxquels l'arrêt attaqué n'aurait pas
répondu. Il ne démontre toutefois pas la pertinence de ces arguments, dont il
n'établit aucunement qu'ils auraient joué un rôle déterminant dans le
raisonnement de la cour correctionnelle. Pour le surplus, il se borne à
affirmer que la cour de cassation cantonale se serait écartée de la
jurisprudence relative au droit à une confrontation et à soutenir, au
demeurant à tort, qu'elle n'aurait pas indiqué en quoi elle s'appliquait en
l'espèce. Sur le point litigieux, le grief est dès lors irrecevable, faute de
motivation suffisante (cf. supra, consid. 1).

2.4 Quant au reproche fait à la cour correctionnelle d'avoir violé la
présomption d'innocence, notamment par une appréciation arbitraire de
l'expertise, la cour de cassation l'a dûment examiné, comme le recourant ne
peut d'ailleurs le nier, et la simple lecture de l'arrêt attaqué permet de
discerner clairement pourquoi elle l'a jugé infondé.

3.
Le recourant invoque une violation de son droit à l'interrogatoire de témoins
à charge, garanti par les art. 6 ch. 1 et ch. 3 let. d CEDH et 14 ch. 3 let.
e du Pacte ONU II, au motif qu'il n'a pu poser ou faire poser des questions à
la victime.

3.1 Le droit à l'interrogatoire de témoins à charge, garanti par les
dispositions invoquées, n'a un caractère absolu, excluant de refuser le
témoignage sur la base d'une appréciation anticipée des preuves, que si ce
témoignage est décisif, c'est-à-dire constitue l'unique ou principal moyen de
preuve (ATF 131 I 476 consid. 2.2 p. 481; 129 I 151 consid. 3.1 p. 153/154 et
4.3 p. 157). Le cas échéant, l'accusé doit avoir eu au moins une fois au
cours de la procédure pénale, dans son ensemble, l'occasion efficace
d'interroger ou faire interroger le témoin (ATF 125 I 127 consid. 6b p.
132/133 et 6b/ee p. 136/137). Les intérêts de la victime, notamment de la
victime mineure et, singulièrement, en matière d'atteintes à l'intégrité
sexuelle, doivent toutefois être pris en considération; ceux-ci peuvent se
heurter au droit de l'accusé de l'interroger ou de la faire interroger; il
convient alors de rechercher, dans chaque cas, une solution permettant de
ménager autant que possible les droits de la défense et les intérêts de la
victime, notamment d'envisager des mesures alternatives à une confrontation
(ATF 129 I 151 consid. 5 p. 159 in fine). Ainsi, suivant les circonstances,
il peut suffire que l'accusé ait eu la possibilité au cours de l'instruction
de faire poser des questions complémentaires à la victime par un policier
spécialement formé (ATF 129 I 151 consid. 4.2 p. 157).

Il appartient à l'accusé, du moins lorsqu'il est assisté d'un avocat, de
demander à pouvoir interroger ou faire interroger le témoin, en étayant sa
requête, c'est-à-dire en démontrant en quoi ce témoignage serait déterminant
(cf. arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme Perna c. Italie du 6
mai 2003, par. 29 et 32). Cela implique qu'il indique sur quels points il
entendrait voir interroger ou contre-interroger le témoin, en précisant
quelles questions il voudrait lui voir poser (cf. arrêt de la Cour européenne
des droits de l'homme Solakov c. ex-République yougoslave de Macédoine du 31
octobre 2001, par. 62). Ces questions doivent par ailleurs être pertinentes,
c'est-à-dire nécessaires à la manifestation de la vérité (cf. arrêt de la
Cour européenne des droits de l'homme Perna c. Italie du 6 mai 2003, par.
29-32; cf. également ATF 129 I 151 consid. 4.2 p. 157).

L'accusé qui, assisté d'un avocat, a eu la possibilité effective d'interroger
ou de faire interroger le témoin au cours de la procédure pénale, mais a
renoncé de son plein gré à en faire usage, ainsi en choisissant librement de
ne pas assister à un second interrogatoire du témoin lors duquel il aurait pu
lui poser ou faire poser des questions complémentaires, ne saurait se
plaindre d'une violation des droits garantis par l'art. 6 ch. 3 let. d CEDH
(cf. arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme S.N. c. Suède du 2
juillet 2002 par. 49 ss).

Dans sa jurisprudence, la Cour européenne des droits de l'homme s'emploie à
rechercher si la procédure, considérée dans son ensemble, y compris la
présentation des moyens de preuve, a revêtu un caractère équitable (cf.
notamment arrêts Perna c. Italie du 6 mai 2003 par. 29, van Mecheln et autres
c. Pays-Bas du 23 avril 1997 par. 50). La question de savoir si le droit
d'interroger ou de faire interroger les témoins à charge garanti par l'art. 6
ch. 3 let. d CEDH a été respecté doit donc être examinée dans chaque cas en
fonction de l'ensemble de la procédure et des circonstances concrètes.

3.2 En l'espèce, dans la mesure où le recourant entendait obtenir une
confrontation directe avec l'enfant, il était justifié de la refuser. La
victime, qui était âgée de moins de 10 ans au moment des faits, est
manifestement une enfant au sens de l'art. 10a LAVI et bénéficie donc de la
protection spéciale résultant, pour les victimes mineures, des art. 10b à 10d
LAVI. Sa confrontation avec le recourant est dès lors soumise aux conditions
de l'art. 10b LAVI. Comme il s'agit en l'espèce d'une infraction contre
l'intégrité sexuelle, une confrontation était exclue (art. 10b al. 1 LAVI),
pour autant que le droit d'être entendu du recourant pouvait être garanti
autrement (art. 10b al. 3 LAVI). Cette protection des intérêts de la victime
est au demeurant conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits
de l'homme (ATF 129 I 151 consid. 3.2 p. 155/156 et la jurisprudence
européenne citée, notamment arrêt S.N. c Suède du 2 juillet 2002 par. 47).
Or, il est manifeste que ce droit pouvait en l'espèce être garanti d'une
autre manière, par exemple en donnant au recourant l'occasion de poser des
questions à la victime par l'intermédiaire d'une personne spécialement formée
ou du juge. Tout en évoquant encore une confrontation, le recourant ne semble
d'ailleurs pas insister pour l'obtenir, se plaignant essentiellement du refus
d'un interrogatoire indirect de la victime.

3.3 Il est constant que la victime n'a en l'espèce jamais fait l'objet d'un
interrogatoire indirect visant à lui soumettre des questions que le recourant
aurait entendu lui poser. On peut toutefois se demander si ce dernier est
fondé à s'en plaindre.

Le recourant, qui a été inculpé le 18 mars 2004, a eu depuis lors accès au
dossier, auquel figuraient notamment la transcription des déclarations faites
par la victime lors de son audition par la police et l'enregistrement filmé
de cette audition. Il avait ainsi connaissance de ces déclarations et du
déroulement de l'audition. Or, bien qu'assisté de deux avocats, ce n'est que
7 mois plus tard, le 25 octobre 2004, qu'il a sollicité une nouvelle audition
de la victime, au demeurant sans fournir la moindre explication quant aux
questions qu'il entendait lui voir poser, ce qu'il n'établit en tout cas pas
avoir fait. Dans son recours contre la décision du juge d'instruction du 17
novembre 2004, il s'est également borné à revendiquer le droit à
l'interrogatoire de l'enfant, sans autre précision; là encore il ne démontre
du moins pas le contraire. Devant la cour correctionnelle, alors qu'il avait
porté la victime sur sa liste de témoins, ce n'est que pressé de le faire
qu'il a finalement indiqué ses questions à la cour pour que celle-ci puisse
les connaître et juger de leur pertinence. Après délibération, la cour a
rejeté sa requête, en motivant sa décision pour chacune des 13 questions
finalement formulées, concluant qu'aucune d'elles n'était de nature à
influencer l'issue de la procédure. Or, à supposer qu'il ait réellement
critiqué cette motivation dans son recours cantonal, le recourant n'établit
pas, conformément aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (cf. supra
consid. 1), que cette critique aurait été méconnue ou écartée en violation de
ses droits de rang constitutionnel.

Dans ces conditions, le recourant apparaît malvenu de se plaindre du refus
d'une nouvelle audition de la victime aux fins de lui faire poser des
questions. Point n'est toutefois besoin d'examiner la question plus avant.

3.4 Contrairement à ce que soutient le recourant, les déclarations de la
victime ne sont pas l'unique moyen de preuve sur lequel repose sa
condamnation, qui se fonde aussi, et même essentiellement, sur l'expertise de
crédibilité et les déclarations faites par l'expert devant le juge
d'instruction et à l'audience. Ces éléments ont manifestement été
déterminants. Il résulte en effet du jugement que ce sont clairement eux qui
ont emporté la conviction des juges cantonaux et les ont conduits à tenir les
faits dénoncés pour établis. Une nouvelle audition de la victime aux fins de
contrôler la véracité de ses dires pouvait donc être refusée par une
appréciation anticipée des preuves, sans violation de la garantie de rang
constitutionnel invoquée. Savoir si cette appréciation, en particulier celle
de l'expertise, a été arbitraire est une question distincte, que le recourant
soulève d'ailleurs dans un grief séparé, qui sera examiné ci-après (cf.
infra, consid. 4).

3.5 On ne discerne donc pas de violation du droit à l'interrogatoire de
témoins à charge.

4.
Se fondant sur les art. 32 al. 1 Cst., 6 ch. 2 CEDH, 14 ch. 2 du Pacte ONU II
et 5 CPP/GE, le recourant allègue, à trois égards, une violation de la maxime
"in dubio pro reo" découlant de la présomption d'innocence, en tant que règle
de l'appréciation des preuves.

4.1 Comme telle, la maxime invoquée signifie que le juge ne peut se déclarer
convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation
objective de l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un doute
sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait (ATF 127 I
38 consid. 2a p. 41). Le Tribunal fédéral ne revoit les constatations de fait
et l'appréciation des preuves que sous l'angle de l'arbitraire (ATF 127 I 38
consid. 2a p. 41). Il examine en revanche librement si, sur la base du
résultat d'une appréciation non arbitraire des preuves, le juge aurait dû
éprouver un doute sérieux et insurmontable quant à la culpabilité de
l'accusé, mais avec une certaine retenue, le juge du fait étant mieux à même
de résoudre la question (cf. arrêt non publié 1P.454/2005 et la jurisprudence
citée).

La notion d'arbitraire a notamment été rappelée dans l'ATF 129 I 8 consid.
2.1 p. 9, auquel on peut se référer. En bref, il ne suffit pas, pour qu'il y
ait arbitraire, que la décision attaquée apparaisse discutable ou même
critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non
seulement dans sa motivation mais dans son résultat.

4.2 Le recourant soutient que, pour établir son rapport, l'expert n'a disposé
que des pièces figurant au dossier au moment où celui-ci lui a été transmis à
cette fin; en particulier, le procès-verbal des auditions du 23 avril 2004 ne
lui aurait été remis que "lors de l'audience précédant les autres audiences
du jour". A l'appui, il se borne toutefois à alléguer que, lors de ces
auditions, ont été entendues la demi-soeur et les enseignantes de la victime
et, pour le surplus, à affirmer, sans aucunement le démontrer, que leurs
déclarations pouvaient influencer considérablement l'expertise. Au demeurant,
le principe de la bonne foi s'oppose à ce qu'une partie qui constate un
prétendu vice de procédure ne le signale pas immédiatement à un moment où il
pourrait être corrigé, mais attende l'issue de la procédure pour l'invoquer
ultérieurement au cas où celle-ci lui serait défavorable (ATF 121 I 30
consid. 5f p. 38; 119 Ia 221 consid. 5a p. 228 ss et les arrêts cités). Or,
rien n'indique, et il ne le démontre en tout cas pas, que le recourant se
soit plaint de l'omission alléguée après le dépôt du rapport d'expertise,
notamment lors de l'audition de l'expert par le juge d'instruction du 18
octobre 2004, ni même dans son recours à la chambre d'accusation ou devant la
cour correctionnelle. Le grief, autant qu'il est recevable, doit dès lors
être écarté.

4.3 Le recourant dénonce une "appréciation arbitraire des
variations/contradictions de déclarations". Alléguant que la victime a fait
des déclarations contradictoires, il reproche à l'autorité cantonale de les
avoir interprétées comme des gages de crédibilité. En cela, il s'en prend
toutefois à l'opinion de l'expert, faisant en définitive grief à l'autorité
cantonale de l'avoir suivie, sans toutefois établir ce qui eût justifié de
s'en écarter et moins encore en quoi il était arbitraire de ne pas le faire.
Pour le surplus, le recourant se plaint vainement d'une "discrimination", au
motif que l'autorité cantonale lui aurait reproché des imprécisions ou
variations tout en voyant un gage de crédibilité dans celles de la victime.
Outre qu'il n'en fait pas la démonstration, il n'est certes pas arbitraire
d'apprécier les imprécisions ou variations d'une enfant autrement que celles
d'un adulte. Comme le précédent, le grief doit être écarté dans la mesure où
il est recevable.

4.4 Le recourant se plaint d'une appréciation arbitraire de l'expertise. Pour
l'essentiel, sa critique est dirigée contre la méthodologie utilisée par
l'expert, qui n'aurait tenu compte que de deux des trois "hypothèses
cliniques" à prendre en considération dans le cadre d'une expertise de
crédibilité d'une victime mineure d'abus sexuels. Un tel grief revient à
contester, non pas l'appréciation de l'expertise par l'autorité cantonale,
mais la valeur scientifique de cette expertise, en vue de faire admettre
qu'il eût fallu s'en écarter. Le recourant n'établit cependant pas,
conformément aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, que les conditions
auxquelles la jurisprudence admet que le juge peut s'écarter d'une expertise
seraient réalisées en l'espèce et que l'autorité cantonale l'aurait méconnu
arbitrairement (cf. arrêt 6P.126/2005 du 22 décembre 2005, consid. 1.2.1 et
1.2.3, destiné à la publication). Au demeurant, les allégations du recourant
quant à de prétendues lacunes de l'expertise, notamment en ce qui concerne le
cadre familial de la victime, une éventuelle influence de son entourage, en
particulier de sa mère, sur celle-ci et le "passé psychiatrique" de l'enfant,
sont dépourvues de fondement; les éléments qu'il évoque ont dûment été pris
en considération par l'expert, que le recourant a d'ailleurs eu tout le
loisir d'interroger à ce sujet, ce qu'il a du reste largement fait. Le grief,
autant que recevable, est donc infondé.

4.5 Ainsi, c'est sans arbitraire, du moins qui soit établi, que l'autorité
cantonale a admis la crédibilité des dires de la victime. Du résultat auquel
elle est ainsi parvenue, elle pouvait au demeurant conclure, sans violer la
présomption d'innocence, qu'il ne subsistait pas de doutes sérieux et
irréductibles quant à la culpabilité du recourant.

5.
Le recours de droit public doit par conséquent être rejeté dans la mesure où
il est recevable. Le recourant, qui succombe, supportera les frais (art. 156
al. 1 OJ) et une indemnité de dépens sera allouée à l'intimée, à la charge du
recourant (art. 159 OJ). La requête d'assistance judiciaire de l'intimée
devient dès lors sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 francs est mis à la charge du recourant.

3.
Une indemnité de dépens de 1'500 francs est allouée à l'intimée, à la charge
du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, au Procureur général du
canton de Genève et à la Cour de cassation du canton de Genève.

Lausanne, le 26 juin 2006

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: