Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.321/2006
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1P.321/2006 /fzc
{T 0/2}

Arrêt du 25 septembre 2006
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Aeschlimann et Fonjallaz.
Greffière: Mme Angéloz.

X. ________,
recourant, représenté par Me Aba Neeman, avocat,

contre

Office du Juge d'instruction cantonal,
Palais de Justice, 1950 Sion 2,
Tribunal cantonal du canton du Valais,
Chambre pénale, Palais de Justice, 1950 Sion 2.

condition et exécution d'un séquestre,

recours de droit public contre la décision du Tribunal cantonal du canton du
Valais du 25 avril 2006.

Faits:

A.
Dans le cadre d'une instruction pénale ouverte par l'Office du juge
d'instruction du canton du Valais contre X.________ pour infraction à la loi
fédérale sur les stupéfiants (LStup), une perquisition a été effectuée le 16
mars 2006 au domicile de Y.________, à A.________. Celle-ci a permis la
découverte de 12 caisses en plastique, de 700 litres, remplies de feuilles
séchées de chanvre, fournies par X.________ en vue d'en extraire de la résine
de chanvre, substance consommable sous forme de plaques de haschisch.

Le 17 mars 2006, l'Office du juge d'instruction a ordonné le séquestre et la
destruction immédiate des feuilles de chanvre, sous réserve d'approbation du
Ministère public, qui a donné son accord le 20 mars 2006. Cette décision a
été communiquée le 22 mars 2006 au mandataire de X.________, qui l'a reçue le
23 mars 2006. Le lendemain 24 mars 2006, la police cantonale a procédé à la
destruction des feuilles de chanvre.

B.
Le 3 avril 2006, X.________ a déposé auprès de la Chambre pénale du Tribunal
cantonal valaisan une plainte contre la décision du 17 mars 2006, assortie
d'une requête tendant à ce qu'il soit sursis à la destruction des feuilles de
chanvre.

Par décision du 25 avril 2006, la Chambre pénale du Tribunal cantonal
valaisan a écarté la plainte comme devenue sans objet dans la mesure où elle
n'était pas irrecevable. En bref, elle a considéré que, le chanvre litigieux
ayant été détruit, le plaignant n'avait plus d'intérêt actuel à l'examen de
sa plainte; plus précisément, la plainte était irrecevable, dès lors qu'au
moment de son dépôt, le 3 avril 2006, elle était déjà dépourvue d'objet,
puisque le chanvre avait été détruit le 24 mars 2006; elle était en tout cas
devenue sans objet, l'intérêt à la faire trancher ayant disparu en cours
d'instance, et devait dès lors être rayée du rôle, frais à la charge du
plaignant, au vu de l'issue probable des moyens soulevés.

C.
X.________ forme un recours de droit public au Tribunal fédéral. Se plaignant
d'une application arbitraire de l'art. 99 ch. 5 du code de procédure pénale
valaisan (CPP/VS), d'arbitraire, d'une violation de son droit d'être entendu
et d'une violation de la garantie de la propriété, il conclut à l'annulation
de la décision attaquée.

L'Office du juge d'instruction cantonal n'a pas formulé d'observations.
L'autorité cantonale a émis une remarque quant à la destination du chanvre
litigieux.

Le recourant a renoncé à répliquer.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
La décision attaquée écarte, en dernière instance cantonale, une plainte
contre le séquestre et la destruction de feuilles de chanvre et se prononce
ainsi définitivement sur le sort de celles-ci. Elle apparaît donc comme une
décision finale. Au demeurant, même considérée comme une décision incidente,
elle serait attaquable par un recours de droit public dès lors qu'elle
entraîne un dommage irréparable au sens de l'art. 87 al. 2 OJ (ATF 128 I 129
consid. 1 p. 130/131; arrêts 1P.439/2004 consid. 1.3 et 1P.775/2000 consid.
1b). Le recours est donc recevable à son encontre.

2.
En tant que propriétaire du chanvre litigieux, le recourant est
personnellement touché par la décision attaquée et a un intérêt juridiquement
protégé à ce qu'elle n'ait pas été rendue en violation de ses droits
constitutionnels.

Le recourant n'a en revanche plus d'intérêt actuel et pratique à l'examen de
ses griefs, puisque le chanvre a été détruit; même en cas d'admission du
recours, celui-ci ne pourrait lui être restitué (cf. arrêt 1P.439/2004,
consid. 1.2). Le Tribunal fédéral renonce toutefois à l'exigence d'un tel
intérêt lorsqu'elle fait obstacle au contrôle de la constitutionnalité d'un
acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances
semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans
le temps, échapperait ainsi toujours à sa censure, et lorsqu'il existe un
intérêt public important à résoudre la question de principe soulevée (ATF 127
I 164 consid. 1a p. 166 et les arrêts cités). Or, ces conditions sont en
l'occurrence réalisées; en particulier, savoir si le chanvre litigieux
pouvait être détruit est une question de principe, qu'un intérêt public
commande de trancher, sans quoi le Tribunal fédéral ne pourrait pratiquement
jamais se prononcer sur celle-ci (cf. arrêt 1P.439/2004 consid. 1.2 et les
arrêts cités).
Le recours est ainsi recevable sous l'angle de l'art. 88 OJ.

3.
La décision attaquée déclare la plainte du recourant sans objet dans la
mesure où elle n'est pas irrecevable. Elle n'entre donc pas en matière sur
les griefs soulevés dans la plainte; ceux-ci n'ont fait l'objet que d'un
examen sommaire, en vue d'évaluer leur issue probable, aux fins de se
prononcer sur le sort des frais dans l'hypothèse où la plainte ne serait
devenue sans objet qu'en cours d'instance. Seuls peuvent donc être examinés
ici les griefs du recourant dirigés contre le refus d'entrer en matière sur
sa plainte.

4.
Le recourant se plaint d'abord d'arbitraire; se référant à la jurisprudence
du Tribunal fédéral, selon laquelle il est renoncé, à certaines conditions, à
l'exigence d'un intérêt actuel à l'examen du recours de droit public, il
reproche à l'autorité cantonale de n'en avoir arbitrairement pas tenu compte.
Il invoque en outre un déni de justice, au motif que la décision attaquée
revient à l'empêcher de faire contrôler la décision du juge d'instruction.

4.1 La qualité pour agir sur le plan cantonal est régie par le droit cantonal
de procédure, même si ce dernier la définit en se référant au droit fédéral
(cf. ATF 113 Ia 17 consid. 3 p. 19). Savoir si elle a été déniée à tort
relève donc de l'interprétation ou de l'application du droit cantonal, que le
Tribunal fédéral ne revoit que sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF
128 II 311 consid. 2.1 p. 315; sur la notion d'arbitraire, cf. ATF 129 I 8
consid. 2.1 p. 9).

4.2 La décision attaquée relève que la qualité pour porter plainte contre les
décisions et mesures du juge d'instruction (art. 166 ss CPP/VS), suppose,
comme tout recours, un intérêt actuel à l'annulation de la décision attaquée.
A l'appui, elle se réfère à la jurisprudence relative à l'art. 88 OJ ainsi
qu'à une jurisprudence cantonale, publiée in RVJ 1981 p. 262 consid. II.2.
Elle n'examine cependant pas la question d'une éventuelle renonciation à un
intérêt actuel. Or, rien ne permet de penser que, sur ce point, la pratique
cantonale s'écarterait de la jurisprudence du Tribunal fédéral, c'est-à-dire
qu'elle ne reprendrait pas cette jurisprudence en tant qu'elle renonce, à
certaines conditions, à l'exigence d'un intérêt actuel.
En effet, la décision attaquée ne fait aucune réserve quant à cette
jurisprudence. Alors que les deux arrêts auxquels elle renvoie, après avoir
rappelé l'exigence d'un intérêt actuel, précisent qu'il est renoncé à cette
exigence à certaines conditions, en indiquant lesquelles (cf. ATF 125 I 394
consid. 4 p. 396 ss; 120 Ia 165 consid. 1 p. 166/167), elle ne dit pas que la
pratique cantonale s'en distancerait sur ce point. Le contraire ne ressort au
demeurant pas de la seule jurisprudence cantonale citée dans la décision
attaquée, soit celle publiée in RVJ 1981 p. 262 consid. II.2.

Il faut en déduire que la qualité pour porter plainte au sens des art. 166 ss
CPP/VS exige en principe un intérêt actuel, mais que la pratique cantonale y
renonce aux mêmes conditions que la jurisprudence du Tribunal fédéral
relative à l'art. 88 OJ. Dès lors, c'est arbitrairement que la décision
attaquée refuse d'entrer en matière sur la plainte du recourant, faute
d'intérêt actuel de ce dernier à l'examen de celle-ci, sans rechercher s'il
n'y a pas lieu de renoncer à un tel intérêt dans le cas concret, alors que,
si elle l'avait fait, elle aurait été amenée à l'admettre (cf. supra, consid.
2). Par là même, elle consacre en outre un déni de justice, en tant qu'elle a
pour effet de priver indûment le recourant d'un prononcé sur ses griefs à
l'encontre des mesures contestées et, par voie de conséquence, de l'empêcher
de faire contrôler la constitutionnalité de celles-ci par le Tribunal
fédéral.

5.
Le recours de droit public doit ainsi être admis dans la mesure où il est
recevable et la décision attaquée annulée, la cause étant renvoyée à
l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau dans le sens des
considérants du présent arrêt.

Conformément à l'art. 156 al. 2 OJ, il ne sera pas perçu de frais. L'Etat du
Valais versera en revanche une indemnité de dépens au recourant pour la
procédure devant le Tribunal fédéral (art. 159 al. 1 et 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable et la décision
attaquée est annulée.

2.
Il est statué sans frais.

3.
Une indemnité de dépens de 2000 francs est allouée au recourant, à la charge
de l'Etat du Valais.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, à
l'Office du Juge d'instruction cantonal et au Tribunal cantonal du canton du
Valais, Chambre pénale.

Lausanne, le 25 septembre 2006

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: