Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.290/2006
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{T 0/2}
1P.290/2006 /col

Arrêt du 3 juillet 2006
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Nay et Reeb.
Greffière: Mme Gerber.

A. ________,
recourant,

contre

Procureur général du canton de Genève,
case postale 3565, 1211 Genève 3,
Tribunal de police du canton de Genève, Chambre 3, case postale 3715, 1211
Genève 3.

procédure pénale,

recours de droit public contre le jugement du Tribunal de police du canton de
Genève, Chambre 3, du 26 avril 2006.

Faits:

A.
Le 17 mai 2005, le Docteur B.________ et la Doctoresse C.________ ont déposé
plaintes pénales pour diffamation contre A.________. Celui-ci les aurait,
dans un tract daté du 6 mai 2005, accusés d'avoir failli aux devoirs et
règles de leur profession et d'avoir commis un acte pénalement répréhensible
en internant, contre son gré, un homme en parfaite santé physique et
psychique.

A. ________ a reconnu être l'auteur du tract. Il a indiqué avoir agi dans
l'intérêt public et a conclu à pouvoir apporter la preuve de la vérité ou de
la bonne foi au sens de l'art. 173 al. 2 CP.

B.
Par jugement du 26 avril 2006, le Tribunal de police du canton de Genève a
refusé à A.________ le droit de faire la preuve de la vérité ou de sa bonne
foi, en précisant que la cause serait remise à plaider sur la peine
(uniquement) à une date ultérieure. Dans ses considérants, le Tribunal de
police a considéré que A.________ s'était rendu coupable de diffamation au
sens de l'art. 173 al. 1 CP.

C.
Agissant en personne, A.________ saisit le Tribunal fédéral d'un recours de
droit public. Il fait valoir une violation de l'art. 6 par. 3 let. d CEDH et
conclut à l'annulation du jugement du 26 avril 2006. Il demande de pouvoir
apporter la preuve de la vérité en citant et interrogeant des témoins à
charge et à décharge. Subsidiairement, il demande que son recours soit
acheminé d'office à l'instance de recours compétente, si celui-ci n'était pas
adressé à la bonne instance. Il demande également qu'une enquête soit ouverte
d'office au sujet de l'erreur médicale fatale du 8 octobre 2001 commise aux
dépens de Gertrud Doebeli. En outre, il requiert l'assistance judiciaire
gratuite.

D.
Le Procureur général conclut au rejet du recours. Le Tribunal de police
indique, dans sa prise de position, qu'il n'existe pas de voie de recours
cantonale contre sa décision sur l'admissibilité des preuves libératoires, et
que seul le jugement de fond est susceptible de recours selon les voies
ordinaires, à savoir la voie de l'appel (art. 239 et ss du Code de procédure
pénale genevois du 29 septembre 1977; CPP) ou, en cas de défaut du prévenu,
celle de l'opposition (art. 235 CPP).

E.
Le recourant a répliqué le 29 juin 2006.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recourant a demandé que les noms des juges fédéraux qui traiteront son
recours lui soient communiqués avant que le Tribunal fédéral ne rende son
arrêt. Toutefois, les noms des juges siégeant dans les deux cours qui
connaissent des recours de droit public dans le domaine du droit pénal (soit
la Ire Cour de droit public et la Cour de cassation pénale; cf. art. 2 al. 1
ch. 3 et art. 7 al. 2 du Règlement du Tribunal fédéral du 14 décembre 1978
[RS 173.111.1]), sont accessibles au moyen de l'Annuaire fédéral ou du site
internet des autorités fédérales suisses (www.admin.ch.); en outre, ils sont
connus du recourant. Celui-ci avait donc la possibilité de demander la
récusation des juges qu'il croyait prévenus à son égard.
Le recourant, d'ailleurs, a demandé la récusation du Président de la Cour de
cassation pénale, le juge fédéral Schneider. Puisque celui-ci ne participe
pas à la présente cause, cette demande est sans objet.

2.
Le recours de droit public n'est recevable que si la prétendue violation ne
peut pas être soumise par une action ou par un autre moyen de droit
quelconque au Tribunal fédéral ou à une autre autorité fédérale (art. 84 al.
2 OJ).
En l'occurrence, le recourant se plaint d'une violation de l'art. 6 par. 3
CEDH et donc d'un droit constitutionnel. Cependant, selon la jurisprudence du
Tribunal fédéral, le grief d'une interprétation non conforme à la
Constitution ou à la CEDH d'une disposition du droit fédéral, soit l'art. 173
CP, ressortit en principe du pourvoi en nullité (ATF 119 IV 107 consid. 1a p.
109; pour l'art. 173 CP, cf. arrêt non publié 6S.212/2004 du 6 juillet 2004
consid. 2.3).
Toutefois, le pourvoi en nullité est exclu contre les jugements d'un tribunal
inférieur statuant en instance cantonale unique (art. 268 ch. 1 2ème phrase).
Une décision du Tribunal de police ne peut donc, en principe, pas faire
l'objet d'un pourvoi en nullité (cf. Bernard Corboz, La diffamation, SJ
113/1992 p. 656).
En outre, le pourvoi en nullité contre une décision préjudicielle ou
incidente n'est recevable que si la décision attaquée tranche définitivement,
sur le plan cantonal, un point de droit fédéral (ATF 128 IV 34 consid. 1a p.
36; 119 IV 168 consid. 2a p. 170; pour l'admission de la preuve libératoire
au sens de l'art. 173 CP, cf. l'arrêt non publié Str.659/1986 du 2 février
1987 consid. 1). Tel n'est pas le cas ici, puisque, sur appel contre le
jugement final du Tribunal de police, la Chambre pénale de la Cour de justice
pourrait encore admettre la preuve libératoire de l'accusé.
En conclusion, la voie du pourvoi en nullité n'est pas ouverte contre la
décision incidente du Tribunal de police sur l'admissibilité de la preuve
libératoire.

3.
Par conséquent, il y a lieu d'examiner la recevabilité du recours de droit
public.
Le jugement du Tribunal de police se borne à refuser la preuve libératoire;
la peine sera fixée dans un jugement final ultérieur. Il s'agit donc d'une
décision incidente qui, selon l'art. 87 al. 2 OJ, ne peut être attaquée par
la voie du recours de droit public que s'il en résulte un dommage
irréparable.
Pour qu'un préjudice puisse être qualifié d'irréparable, il faut qu'il cause
un inconvénient de nature juridique. Tel est le cas lorsqu'une décision
finale même favorable au recourant ne le ferait pas disparaître entièrement,
en particulier lorsque la décision incidente contestée ne peut plus être
attaquée avec la décision finale, rendant ainsi impossible le contrôle
constitutionnel par le Tribunal fédéral (ATF 127 I 92 consid. 1c p. 94 s.
avec références). En revanche, un dommage de pur fait, tel que la
prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n'est
pas considéré comme irréparable.
Dans le cas d'espèce, le recourant pourrait, le cas échéant, attaquer le
jugement final du Tribunal de police le condamnant à une peine pour
diffamation par la voie de l'appel devant la Cour de justice du canton de
Genève (cf. art. 239 al. 1 let. a CPP). Celle-ci pourrait revoir non
seulement la fixation de la peine, mais également l'admissibilité de la
preuve libératoire. L'arrêt de la Cour de justice pourrait à son tour faire
l'objet soit d'un pourvoi en nullité pour violation du droit fédéral (cf.
affaire 6S.212/2004 du 6 juillet 2004, consid. 1), soit d'un recours de droit
public pour violation de droits constitutionnels.
Ainsi, le recourant pourrait encore faire valoir ses griefs en attaquant le
jugement final de la Cour de justice.
La prolongation de la procédure peut, exceptionnellement, causer un dommage
irréparable quand elle met en péril l'existence d'un moyen de preuve (arrêt
4P.117/1998 du 26 octobre 1998 consid. 1b/bb/aaa, publ. in SJ 1999 I p. 186).
En l'espèce, le Tribunal de police va rendre son jugement final dans peu de
temps; ensuite, le recourant pourra demander à la Cour de justice d'admettre
la preuve de la vérité ou de la bonne foi. Il ne paraît pas vraisemblable que
ce report de courte durée pourrait causer la perte d'un moyen de preuve
décisif et empêcher le recourant de prouver la vérité ou sa bonne foi.
Par conséquent, l'arrêt incident attaqué ne lui cause pas un préjudice
irréparable au sens de l'art. 87 al. 2 OJ. Le recours de droit public est
irrecevable.

3.1 La conclusion subsidiaire du recourant exigeant l'ouverture d'une enquête
au sujet d'une erreur médicale aux dépens de X.________, sort du cadre de
l'objet litigieux, défini par le jugement attaqué. Partant, elle n'est pas
recevable.

4.
Le recours doit par conséquent être déclaré irrecevable.
Puisqu'il n'existe aucune voie de droit cantonale ou fédérale contre la
décision attaquée, il n'est pas possible d'acheminer le recours à l'instance
compétente, comme le demande le recourant dans ses conclusions subsidiaires.
Compte tenu des circonstances de l'espèce, le Tribunal fédéral renonce à
percevoir des frais. La demande d'assistance judiciaire devient donc sans
objet.

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Il n'est pas perçu de frais.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant, au Procureur général
et au Tribunal de police du canton de Genève, Chambre 3.

Lausanne, le 3 juillet 2006

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: