Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.258/2006
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{T 1/2}
1P.258/2006 /col

Arrêt du 9 août 2006
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Aemisegger et Reeb.
Greffier: M. Kurz.

Société anonyme Mont-Blanc Centre,
recourante, représentée par Me Jean-Jacques Martin, avocat,

contre

Société d'Art Public,
intimée, représenté par Me Alain Maunoir, avocat,
Conseil d'Etat de la République et canton de Genève,
Chancellerie d'Etat, case postale 3964, 1211 Genève 3,
Tribunal administratif de la République et canton de Genève, case postale
1956, 1211 Genève 1.

classement du complexe "Mont-Blanc Centre - Cinéma Plaza";

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif de la
République et canton de Genève du 7 mars 2006.

Faits:

A.
Par arrêté du 24 mars 2004, le Conseil d'Etat genevois a classé les bâtiments
G912, G913 (parcelle n° 5750 de la commune de Genève), G900 à G904 (parcelle
n° 5754), G948 (parcelles n° 5755 et 5758) et G905 (parcelle n° 6712). Situés
à l'angle rue de Chantepoulet-rue du Cendrier et propriété (à l'exception de
l'immeuble G948) de la SA Mont-Blanc Centre, ces immeubles forment le
complexe "Mont-Blanc centre - Cinéma Plaza". Oeuvre de l'architecte genevois
Marc-Joseph Saugey, l'ensemble se compose du cinéma Plaza (construit en
1951-1953), du bâtiment n° 5 de la rue Chantepoulet (construit en (1954-1955)
et de deux tours à la rue du Cendrier (construites en 1958-1968). Le
classement est motivé par l'intérêt historique et technique des bâtiments.

B.
Sur recours de la SA Mont-Blanc Centre, le Tribunal administratif genevois a,
par arrêt du 7 mars 2006, renvoyé la cause au Conseil d'Etat afin qu'il
procède à une étude claire et complète des conséquences du classement pour ce
qui concerne la salle de cinéma. Il y avait lieu de déterminer si celui-ci
permettait un rendement acceptable ou s'il convenait d'envisager d'autres
possibilités d'aménagement. Pour le surplus, l'arrêté de classement a été
confirmé.

C.
La SA Mont-Blanc Centre forme un recours de droit public contre ce dernier
arrêt, dont elle demande l'annulation.

Le Tribunal administratif se réfère à son arrêt. Le Conseil d'Etat et la
Société d'Art Public concluent au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
En dépit de l'ampleur manifestement exagérée du mémoire de recours (99
pages), la cour de céans a renoncé à faire application de l'art. 30 al. 3 OJ.
En effet, la cause peut être liquidée sans examen sur le fond des griefs
soulevés.

2.
Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition la
recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 131 I 57 consid. 1).

3.
L'arrêt attaqué admet partiellement le recours de la SA Mont-Blanc Centre et
renvoie la cause au Conseil d'Etat afin qu'il examine précisément l'incidence
du classement sur la rentabilité du Cinéma Plaza ainsi que, le cas échéant,
la possibilité d'autres aménagements qui ont, semble-t-il, été évoqués lors
d'une inspection locale. Le renvoi à l'instance inférieure ne met pas un
terme définitif à la procédure de classement, de sorte que la recevabilité du
recours de droit public doit être examinée sous l'angle de l'art. 87 OJ.

3.1 Selon cette disposition, le recours de droit public est recevable contre
les décisions préjudicielles et incidentes sur la compétence et sur les
demandes de récusation, prises séparément. Ces décisions ne peuvent être
attaquées ultérieurement (al. 1). Les autres décisions incidentes ne peuvent
faire l'objet d'un recours immédiat que s'il peut en résulter un préjudice
irréparable (al. 2).

3.2 L'arrêt attaqué confirme certes l'arrêté de classement pour ce qui
concerne les parties du complexe autres que le cinéma. Même s'il a
matériellement le caractère d'une décision partielle, il doit être assimilé à
une décision incidente au regard de l'art. 87 al. 2 OJ. En effet, ce n'est
qu'en matière de recours de droit administratif qu'une telle décision est
considérée comme finale (cf. ATF 107 Ib 341 consid. 1). S'agissant en
revanche du recours de droit public, la jurisprudence assimile les sentences
partielles à des décisions incidentes, ce qui permet, d'une part, au Tribunal
fédéral de ne statuer qu'à une seule reprise sur l'ensemble du litige -
conformément au but de l'art. 87 OJ - et, d'autre part, aux parties d'être au
clair sur la portée et les effets de la décision dans son ensemble (ATF 123 I
325 consid. 3b).
En l'occurrence, il n'y a pas lieu de faire exception à cette règle, car il
apparaît que l'objet de la procédure de classement doit être considéré comme
un tout. Cela est déjà relevé par le Conseil d'Etat, qui a décidé de rendre
un arrêté de classement unique - malgré l'existence de deux propriétaires
distincts -, en considérant que les bâtiments forment un ensemble
"relativement cohérent" et présentent une "certaine dépendance
fonctionnelle". La recourante l'admet également puisqu'elle affirme (p. 95 du
recours) que l'administration et la gestion de l'immeuble obéissent "à une
règle d'ensemble". Dans sa réponse au recours, le Conseil d'Etat confirme
encore que les revenus locatifs (commerces et bureaux) devraient permettre de
compenser, dans une mesure appréciable, le dommage économique allégué par la
recourante. Il apparaît ainsi que l'admissibilité du classement, en
particulier l'importance de la contrainte subie par la recourante, doit faire
l'objet d'un examen global. Cela ne sera possible que lorsqu'on connaîtra
précisément l'étendue et les modalités du classement de la salle de cinéma.
L'arrêté de classement prévoit d'ailleurs encore que la Direction du
patrimoine et des sites devra établir un inventaire détaillé et exhaustif des
éléments intérieurs existants à conserver, ainsi qu'un cahier des charges
fixant les modalités d'intervention future sur les bâtiments.

3.3 L'arrêt attaqué ne cause à la recourante aucun préjudice irréparable. En
effet, le renvoi au Conseil d'Etat (lequel disposera de sa liberté
d'appréciation s'agissant de la question encore litigieuse) n'engendre qu'un
allongement de la durée de la procédure de classement ce qui ne constitue
pas, selon la jurisprudence constante, un préjudice irréparable (ATF 131 I 57
consid. 1 p. 59 et les arrêts cités).

4.
Le recours de droit public est dès lors irrecevable. Conformément à l'art.
156 al. 1 OJ, un émolument judiciaire est mis à la charge de la recourante,
qui succombe. Une indemnité de dépens est allouée à la Société d'Art Public,
également à la charge de la recourante (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
Une indemnité de dépens de 2000 fr. est allouée à la Société d'Art Public, à
la charge de la recourante.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au
Conseil d'Etat et au Tribunal administratif de la République et canton de
Genève.

Lausanne, le 9 août 2006

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: