I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.220/2006
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1P.220/2006/col Arr t du 5 mai 2006 Ire Cour de droit public MM. les Juges F raud, Pr sident, Aemisegger et Reeb. Greffier: M. Parmelin. A. ________, recourant, repr sent par Me Nicola Meier, avocat, contre Procureur g n ral du canton de Gen ve, place du Bourg-de-Four 1, case postale 3565, 1211 Gen ve 3, Chambre d'accusation du canton de Gen ve, place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Gen ve 3. d tention pr ventive, recours de droit public contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation du canton de Gen ve du 4 avril 2006. Faits: A. A. ________ a t interpell le 25 septembre 2004 et plac en d tention pr ventive sous les inculpations d'extorsion et de chantage, pour avoir tent , de concert avec plusieurs comparses, d'extorquer son ex-employeur, la banque X.________, Gen ve, la somme de 42 millions de francs, sous la menace de divulguer publiquement des informations confidentielles concernant 300 clients de l' tablissement. Par ordonnance du 2 novembre 2004, la Chambre d'accusation du canton de Gen ve (ci-apr s: la Chambre d'accusation ou la cour cantonale) a rejet une demande de mise en libert provisoire de A.________ en raison du risque de r cidive. Au terme d'un arr t rendu le 15 novembre 2004, le Tribunal f d ral a annul cette d cision et renvoy le dossier la cour cantonale pour qu'elle statue nouveau bref d lai sur cette demande. Le 19 novembre 2004, la Chambre d'accusation a ordonn la lib ration provisoire du pr venu charge pour celui-ci de se pr senter tous les actes de la proc dure. B. A.________ a t engag le 1er juin 2005 aupr s de la Y.________, Gen ve, en qualit de mandataire. Inform e du fait qu'une proc dure p nale tait en cours contre lui, la banque a r sili le contrat de travail avec effet imm diat le 25 octobre 2005. La fouille des effets personnels laquelle A.________ a t soumis avant de quitter l' tablissement a permis de d couvrir, l'int rieur d'une mallette, un premier jeu de documents concernant la banque X.________ et des clients de cet tablissement ainsi qu'un second jeu de documents relatifs la Y.________, dont en particulier des "post-it" comportant des num ros de comptes de clients de la banque avec, parfois, l'indication du solde des avoirs en compte. Y. ________ a imm diatement d pos plainte p nale contre A.________ pour violation du secret bancaire. La banque X.________ en a fait de m me le m me jour. Le 27 octobre 2005, A.________ a t arr t l'issue de son audition devant le Juge d'instruction en charge de la cause et plac en d tention pr ventive sous les inculpations de vol, de violation du secret bancaire et de soustraction de donn es personnelles. Par ordonnance du 4 novembre 2005, la Chambre d'accusation a autoris la prolongation de la d tention pr ventive de A.________ jusqu'au 10 d cembre 2005. Elle a estim que les conditions pos es la d livrance du mandat d'arr t existaient toujours et que la d tention se justifiait par les besoins de l'instruction et un risque de r it ration. Le Tribunal f d ral a rejet le recours form contre cette d cision par arr t du 5 d cembre 2005. Il a retenu en substance qu'il existait un risque concret que le pr venu ne mette profit sa libert pour d truire d' ventuelles pi ces charge aussi longtemps que le r sultat des mesures d'investigation entreprises au si ge de la Y.________ et de l'analyse des documents saisis au domicile du pr venu le 16 novembre 2005 n' tait pas connu. Le 16 mars 2006, A.________ a t inculp de vol et soustraction de donn es personnelles ainsi que de violation du secret bancaire pour avoir conserv par devers lui des documents confidentiels concernant des clients de la banque X.________, saisis au domicile professionnel de son beau-fr re, en rapport avec une op ration intitul e "Projet sp cial 75". Le 28 mars 2006, le Juge d'instruction en charge du dossier a rendu une ordonnance de soit-communiqu . A.________ a d pos le lendemain une demande de mise en libert que la Chambre d'accusation a rejet e par ordonnance du 4 avril 2006. Elle a estim que le maintien en d tention pr ventive s'imposait en raison des risques de collusion et de r it ration. Elle a consid r par ailleurs que la dur e de la d tention pr ventive subie ce jour restait proportionn e la peine encourue au vu des infractions reproch es au pr venu. C. Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au Tribunal f d ral d'annuler cette d cision et d'ordonner sa mise en libert imm diate. Il reproche la cour cantonale d'avoir viol la garantie de sa libert personnelle consacr e aux art. 5 CEDH et 10 al. 2 Cst. en retenant arbitrairement un risque de collusion et un danger de r cidive pour refuser sa lib ration provisoire et en admettant que la d tention pr ventive tait encore conforme au principe de la proportionnalit . La Chambre d'accusation se r f re aux consid rants de sa d cision. Le Procureur g n ral du canton de Gen ve conclut au rejet du recours. A. ________ a r pliqu . Le Tribunal f d ral consid re en droit: 1. Form en temps utile contre une d cision finale prise en derni re instance cantonale et qui touche le recourant dans ses int r ts juridiquement prot g s, le recours est recevable au regard des art. 84 ss OJ. Par exception la nature cassatoire du recours de droit public, la conclusion du recourant tendant ce que le Tribunal f d ral ordonne sa mise en libert imm diate est recevable (ATF 124 I 327 consid. 4b/aa p. 333). 2. Une mesure de d tention pr ventive est compatible avec la libert personnelle, garantie par les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH, pour autant qu'elle repose sur une base l gale, qu'elle r ponde un int r t public et qu'elle respecte le principe de la proportionnalit (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). S'agissant d'une restriction grave la libert personnelle, le Tribunal f d ral examine librement ces questions, sous r serve toutefois de l'appr ciation des preuves, revue sous l'angle de l'arbitraire (ATF 123 I 268 consid. 2d p. 271). L'art. 151 du Code de proc dure p nale genevois (CPP gen.) pr voit que l'inculp doit tre remis en libert sans s ret s ni caution d s que les conditions pos es la d livrance d'un mandat d'arr t ne sont plus r alis es (al. 1). En tout tat de cause, l'inculp peut, par requ te crite, demander sa mise en libert , en s'adressant soit au juge d'instruction, soit directement la Chambre d'accusation (al. 2). En vertu de l'art. 152 al. 1 CPP gen., le juge d'instruction statue dans les 24 heures sur la demande de mise en libert . En cas de refus, il transmet imm diatement le dossier la Chambre d'accusation. Celle-ci statue dans sa plus prochaine audience utile (art. 153 al. 3 CPP gen.). A teneur de l'art. 154 CPP gen., la mise en libert ne peut tre refus e que si la gravit de l'infraction l'exige (let. a), si les circonstances font penser qu'il y a danger de fuite, de collusion, de nouvelle infraction (let. b) ou si l'int r t de l'instruction l'exige (let. c). 3. Le recourant ne s'en prend pas l'existence de charges suffisantes, m me s'il ne partage pas l'avis de la Chambre d'accusation ce sujet; il conteste la pr sence d'un danger de collusion ou d'un risque de r it ration propre justifier son maintien en d tention pr ventive. 3.1 Le maintien du pr venu en d tention peut tre justifi par l'int r t public li aux besoins de l'instruction en cours, par exemple lorsqu'il est craindre que l'int ress ne mette sa libert profit pour faire dispara tre ou alt rer les preuves, ou qu'il prenne contact avec des t moins ou d'autres pr venus pour tenter d'influencer leurs d clarations. On ne saurait toutefois se contenter d'un risque de collusion abstrait, car ce risque est inh rent toute proc dure p nale en cours et doit, pour permettre lui seul le maintien en d tention pr ventive, pr senter une certaine vraisemblance. L'autorit doit ainsi d montrer que les circonstances particuli res de l'esp ce font appara tre un danger concret et s rieux de telles manoeuvres, propres entraver la manifestation de la v rit , en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous r serve des op rations conserver secr tes, quels actes d'instruction elle doit encore effectuer et en quoi la lib ration du pr venu en compromettrait l'accomplissement (ATF 128 I 149 consid. 2.1 p. 151 et les arr ts cit s). Si le danger de collusion est en r gle g n rale plus important au d but d'une proc dure p nale (ATF 107 Ia 138 consid. 4g p. 144), il peut toutefois subsister apr s la cl ture de l'enqu te lorsque les circonstances font s rieusement craindre que le pr venu n'abuse de sa libert pour emp cher ou alt rer la manifestation de la v rit devant l'autorit de jugement, voire de recours (ATF 117 Ia 257 consid. 4b p. 261). 3.2 En l'occurrence, la Chambre d'accusation consid re que le risque de collusion, tel que l'a d fini le Tribunal f d ral dans son arr t du 5 d cembre 2005, subsisterait. Alors m me que A.________ avait assur au juge d'instruction qu'il ne d tenait plus aucun document provenant soit de la banque X.________, soit de la Y.________, de nouvelles pi ces appartenant la premi re cit e ont t d couvertes en f vrier 2006, lors d'une perquisition chez l'un de ses familiers. Cette circonstance serait mettre en perspective avec le fait que des documents emmen s par l'inculp sous les yeux d'une ex-coll gue, au sein de la banque Y.________, n'ont pas t retrouv s ce jour dans le cadre de la proc dure p nale. Dans l'arr t pr cit , le Tribunal f d ral a consid r qu'il n' tait pas exclu que le recourant ait conserv d'autres documents confidentiels que ceux retrouv s en sa possession ou dans son bureau lors de son interpellation dans les locaux de la Y.________; il existait ainsi un risque concret que A.________ ne mette profit sa libert pour d truire d' ventuelles pi ces charge aussi longtemps que le r sultat des recherches op r es au si ge de cet tablissement et de l'analyse des documents saisis au domicile du pr venu le 16 novembre 2005 n' tait pas connu. Or, ces investigations n'ont pas r v l de nouveaux l ments de nature faire penser que le recourant aurait soustrait d'autres pi ces que celles trouv es en sa possession l'occasion de son interpellation et justifier des mesures d'instruction compl mentaires dont il pourrait entraver la bonne marche s'il tait remis en libert provisoire. Certes, il n'est pas certain que tous les documents confidentiels qui auraient t soustraits aux parties civiles aient t saisis. Le juge d'instruction a toutefois communiqu le dossier au Procureur g n ral, estimant ainsi avoir proc d toutes les mesures d'enqu te possibles et envisageables pour mettre la main sur d' ventuelles pi ces rest es introuvables. Le Procureur g n ral n'a apparemment pour l'heure pas requis de compl ment d'enqu te; il n'en est pas non plus question dans ses observations sur le recours form par A.________. Le risque d'alt ration ou de destruction d' ventuelles pi ces charge non encore retrouv es, qui pouvait tre raisonnablement consid r comme concret aussi longtemps que l'instruction tait en cours, a perdu de son importance avec la cl ture de celle-ci. A tout le moins, il ne rev t pas le degr de gravit requis par la jurisprudence ce stade de la proc dure pour justifier une d tention jusqu'au jugement. Sur ce point, le recours est fond . 3.3 La Chambre d'accusation a galement motiv le refus de lib rer le recourant par l'existence d'un risque de r it ration. L'autorit appel e statuer sur la mise en libert provisoire d'un pr venu peut en principe maintenir celui-ci en d tention s'il y a lieu de pr sumer, avec une certaine vraisemblance, l'existence d'un danger de r cidive. Elle doit cependant faire preuve de retenue dans l'appr ciation d'un tel risque (ATF 105 Ia 26 consid. 3c p. 31). Le maintien en d tention ne peut se justifier pour ce motif que si le pronostic est tr s d favorable et que les d lits dont l'autorit redoute la r it ration sont graves (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62, 361 consid. 5 p. 367; 124 I 208 consid. 5 p. 213; 123 I 268 consid. 2c p. 270 et les arr ts cit s). La jurisprudence se montre toutefois moins stricte dans l'exigence de vraisemblance lorsqu'il s'agit de d lits de violence graves ou de d lits sexuels, car le risque faire courir aux victimes potentielles est alors consid r comme trop important (ATF 123 I 268 consid. 2e p. 271). Le principe de la proportionnalit impose en outre l'autorit qui estime se trouver en pr sence d'une probabilit s rieuse de r it ration d'examiner si l'ordre public pourrait tre sauvegard par une autre mesure moins incisive que le maintien en d tention propre atteindre le m me r sultat (ATF 123 I 268 consid. 2c in fine et 2e p. 270/271 et les arr ts cit s). 3.4 En l'esp ce, la Chambre d'accusation fonde un risque concret de r it ration sur un document que le recourant a r dig en d tention dont le contenu permettrait de penser qu'il pourrait encore envisager de faire pression de mani re illicite sur ses anciens employeurs pour am liorer sa position. Le document en question est une compilation de notes personnelles concernant le d roulement de l'affaire que A.________ a r dig e durant sa premi re incarc ration. Certains passages pourraient donner penser que le recourant entendait utiliser les donn es soustraites ses anciens employeurs si ce n'est pour leur extorquer de l'argent, tout le moins pour obtenir certains avantages dans la proc dure. La majeure partie des pi ces voqu es dans ce manuscrit ont cependant t saisies et il n'est pas tabli que le recourant en ait fait des copies. Quoi qu'il en soit, le fait que des donn es confidentielles appartenant aux parties civiles se trouveraient encore en sa possession ne suffit pas fonder un risque concret de r cidive ce stade de la proc dure. Comme on l'a vu, l'instruction pr paratoire est close et le Procureur g n ral n'a, la connaissance de la cour de c ans, requis aucun compl ment d'instruction. Aussi, le risque que le recourant aggrave sa situation avant le jugement en proc dant une nouvelle tentative d'extorsion et de chantage, que ce soit au pr judice de ses pr c dents employeurs ou de tiers, peut raisonnablement tre cart . En l' tat de la proc dure, il ne rev t en tout cas pas une probabilit d'occurrence suffisante pour justifier un pronostic tr s d favorable, comme le requiert la jurisprudence. Pour le surplus, la Chambre d'accusation n'a pas motiv un risque de r cidive par rapport aux chefs de vol ou de soustraction de donn es personnelles. Le recourant a certes t appr hend une seconde fois en possession de documents bancaires confidentiels, d montrant ainsi qu'il n'avait pas pris conscience de la gravit de ses actes. Le danger de r it ration suppose toutefois pour qu'il se concr tise jusqu'au jugement que le pr venu se trouve nouveau dans une situation qui lui permette de soustraire des donn es sensibles. Cette ventualit est suffisamment peu plausible pour tre retenue. Enfin, m me si A.________ devait retrouver un emploi, par exemple dans le secteur bancaire, le risque qu'il commette de nouveaux actes r pr hensibles peu avant d' tre jug n'est pas s rieusement envisageable. L'incarc ration du recourant ne saurait d s lors tre justifi e par un risque de r cidive. Ni le juge d'instruction ni la Chambre d'accusation n'ont voqu un ventuel danger concret de fuite pour s'opposer la relaxation imm diate du pr venu. Aucun l ment au dossier ne permet de redouter que ce dernier se soustraie la justice en se rendant l' tranger. Les conditions pos es au maintien de la d tention pr ventive ne sont d s lors plus r unies. 4. Le recours doit par cons quent tre admis, la d cision attaqu e annul e et le recourant imm diatement remis en libert . Le canton de Gen ve, qui succombe, est dispens des frais judiciaires (art. 156 al. 2 OJ); il versera en revanche une indemnit de d pens au recourant, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 159 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal f d ral prononce: 1. Le recours est admis et la d cision attaqu e annul e. 2. Le recourant est imm diatement remis en libert . 3. Il n'est pas per u d' molument judiciaire. 4. Une indemnit de 2'000 fr. est allou e au recourant titre de d pens la charge du canton de Gen ve. 5. Le pr sent arr t est communiqu en copie au mandataire du recourant ainsi qu'au Procureur g n ral et la Chambre d'accusation du canton de Gen ve. Lausanne, le 5 mai 2006 Au nom de la Ire Cour de droit public du Tribunal f d ral suisse Le pr sident: Le greffier: