Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.180/2006
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1P.180/2006 /col

Arrêt du 6 avril 2006
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Aeschlimann et Reeb.
Greffier: M. Jomini.

A. ________,
requérant, représenté par Me Alain Marti, avocat,

contre

B.________ S.A.,
intimée, représentée par Me Christian Bettex, avocat,
Procureur général du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne,
Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, route du
Signal 8, 1014 Lausanne.

Procédure pénale,

demande de révision de l'arrêt du Tribunal fédéral 1P.728/2005 du 15 février
2006.

Faits:

A.
Par un arrêt rendu le 15 février 2006 dans la cause 1P.728/2005, la Ire Cour
de droit public du Tribunal fédéral, composée des Juges fédéraux Aemisegger,
Reeb et Fonjallaz, a rejeté, dans la mesure où il était recevable, un recours
de droit public formé par A.________ contre un arrêt du 31 mai 2005 du
Tribunal cantonal du canton de Vaud. Le Tribunal cantonal avait alors rejeté
un recours interjeté par A.________ contre un jugement du Tribunal de police
de l'arrondissement de La Côte le condamnant à une peine de dix jours
d'emprisonnement avec sursis (peine complémentaire à une autre prononcée le 2
octobre 2003) pour diffamation (référence de la procédure pénale:
PE02.037471). Les faits à l'origine de la condamnation ont été résumés ainsi
dans l'arrêt 1P.728/2005: au début du mois de novembre 2005, A.________ a
porté atteinte à l'honneur de la société B.________ en écrivant, dans un
document intitulé "X.________ News", que celle-ci avait versé des pots-de-vin
et en distribuant ce document dans les boîtes aux lettres d'une dizaine
d'habitants du village; l'accusé avait échoué à apporter la preuve de la
vérité et de sa bonne foi.

B.
Par acte du 24 mars 2006, A.________ demande la révision de l'arrêt
1P.728/2005 du 15 février 2006 et il conclut à l'annulation de l'arrêt du
Tribunal cantonal du 31 mai 2005. Il fait valoir, comme motifs, que les Juges
fédéraux Aemisegger et Fonjallaz auraient dû se récuser, puis que le Tribunal
fédéral n'aurait pas apprécié des faits importants ressortant du dossier.

A. ________ requiert en outre que l'exécution de l'arrêt attaqué soit
suspendue (art. 142 OJ).
La demande de révision n'a pas été communiquée à la partie intimée ni aux
autorités cantonales.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Il y a lieu de statuer d'emblée selon la procédure simplifiée de l'art. 143
al. 1 OJ. Le présent arrêt rend sans objet la requête d'effet suspensif.

2.
Le requérant invoque implicitement le motif de révision de l'art. 136 let. a
OJ. Il fait en effet valoir que les prescriptions légales concernant la
composition du tribunal n'auraient pas été observées parce que les Juges
fédéraux Aemisegger et Fonjallaz ne se sont pas récusés.

2.1 Aux termes de l'art. 28 al. 1 OJ, un arrêt du Tribunal fédéral peut être
attaqué conformément à l'art. 136 OJ lorsqu'un magistrat qui aurait dû se
récuser a participé au jugement. Les cas de récusation sont définis aux art.
22 (récusation obligatoire, selon la note marginale) et 23 OJ (récusation
facultative).
L'art. 22 al. 1 let. b OJ prévoit que les juges doivent se récuser dans une
affaire en laquelle ils ont agi précédemment à un autre titre, soit comme
membres d'une autorité administrative ou judiciaire, soit comme
fonctionnaires judiciaires, soit comme conseils, mandataires ou avocats d'une
partie, soit comme experts ou témoins. La participation à un autre titre, ou
en une autre qualité, doit être distinguée de la participation antérieure à
la même cause en qualité de juge fédéral. A participé à un autre titre et
doit donc se récuser le juge fédéral qui a agi dans la même cause notamment
en qualité de membre d'une autorité autre que le Tribunal fédéral, en
particulier d'une juridiction cantonale. La loi entend par "la même cause" la
procédure ayant conduit à la décision attaquée - ou devant conduire à la
décision attendue du Tribunal fédéral -, et non une procédure distincte ou
préalable se rapportant à la même affaire au sens large, c'est-à-dire au même
ensemble de faits et de droits concernant les mêmes parties (cf.
Jean-François Poudret/Suzette Sandoz-Monod, Commentaire de la loi fédérale
d'organisation judiciaire, Vol. I, Berne 1990, n. 3.1, 3.2.1 et 3.2.2 ad art.
22 OJ, p. 111 ss, avec des références). En outre, un juge ne peut pas être
récusé pour le simple motif que, dans une procédure antérieure devant le
Tribunal fédéral, il a eu à trancher en défaveur du requérant (ATF 114 Ia 278
consid. 1 p. 279).
L'art. 23 let. c OJ dispose que les juges peuvent être récusés par les
parties ou demander eux-mêmes leur récusation s'il existe des circonstances
de nature à leur donner l'apparence de prévention dans le procès. Il ressort
en substance de la jurisprudence du Tribunal fédéral au sujet d'une telle
garantie d'impartialité, découlant également du droit constitutionnel, qu'il
suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent
redouter une activité partiale du magistrat; mais seules des circonstances
constatées objectivement doivent être prises en considération car les
impressions purement individuelles du plaideur ne sont pas décisives (cf. ATF
131 I 24 consid. 1.1 p. 25 et les arrêts cités).

2.2 A l'appui du motif de révision tiré de la participation des Juges
fédéraux Aemisegger et Fonjallaz, le requérant prétend que la procédure
pénale ayant abouti à sa condamnation pour diffamation à l'encontre de
B.________ (cause TF 1P.728/2005) était étroitement liée à une autre
procédure pénale avec laquelle elle formerait un "tout unique"; les deux
Juges fédéraux auraient agi précédemment dans cette autre procédure, où il a
été statué sur une plainte déposée contre lui par MM. C.________ et
D.________ (référence cantonale PE00.010448). Le requérant ne donne pas
d'autres indications sur cette dernière procédure. Les annexes qu'il a
produites se rapportent à deux autres procédures pénales instruites dans le
canton de Vaud (plainte de la Municipalité de X.________ contre le requérant,
ayant fait l'objet d'un non-lieu le 25 février 2000 [PE98.036032]; plainte du
requérant contre D.________ et C.________, ayant fait l'objet d'un non-lieu
le 28 août 2001 [PE00.021189]).
Cela étant, nonobstant le caractère confus des explications du requérant -
qui justifierait à lui seul que l'on renonce à examiner plus avant ce motif
de récusation -, il y a lieu d'apporter les précisions suivantes. Le Juge
fédéral Aemisegger n'a jamais agi, en une autre qualité que celle de juge
fédéral, dans une affaire à laquelle le requérant était partie. Quant au Juge
fédéral Fonjallaz, il été amené, dans sa précédente fonction de juge au
Tribunal cantonal du canton de Vaud, à statuer dans des causes où le
requérant était partie. Elu le 3 octobre 2001 comme juge au Tribunal fédéral
et entré en fonction le 1er janvier 2002 (cf. Rapports du Tribunal fédéral
sur sa gestion en 2001 et en 2002), il n'a pas participé à l'instruction ni
au jugement de l'affaire pénale vaudoise PE02.037471, objet du recours de
droit public 1P.728/2005, puisque cette procédure pénale a été introduite au
plus tôt en novembre 2002, date de la diffusion de l'écrit diffamatoire. Il
est dès lors manifeste que la prescription de l'art. 22 al. 1 let. b OJ n'a
pas été violée lors du jugement de la cause 1P.728/2005.

2.3 Le requérant invoque le cas de récusation de l'art. 23 let. c OJ en
faisant valoir que, dans un arrêt du Tribunal d'accusation du canton de Vaud
du 2 octobre 2001 (référence PE00.021189), la Cour, composée de trois juges
cantonaux dont le Juge Fonjallaz, a considéré qu'une plainte pénale qu'il
avait déposée apparaissait "chicanière". Ce qualificatif, auquel le requérant
attribue une connotation péjorative manifeste, révélerait une prévention du
Juge fédéral Fonjallaz à son égard.
Cette argumentation du requérant est manifestement mal fondée, voire
téméraire. Le requérant se réfère à la définition du terme "chicanier" donnée
par le Dictionnaire de la langue française Littré; or il omet de relever que
l'auteur de ce dictionnaire définit la chicane comme un "abus des ressources
et des formalités de la justice", donc comme une attitude d'une partie au
procès pouvant être considérée comme  contraire à l'interdiction de l'abus de
droit (cf. également la première définition du mot "chicane" donnée par le
dictionnaire Le Grand Robert de la langue française: "difficulté, incident
suscité(e) dans un procès, sur un détail, pour embrouiller l'affaire").
L'emploi de pareils termes (chicane, chicanier) dans un jugement, dans leur
acception juridique, n'est à l'évidence pas critiquable. A fortiori ne
saurait-on y déceler la preuve d'une apparence de prévention des magistrats
concernés.

3.
Le requérant invoque encore le motif de révision de l'art. 136 let. d OJ. Aux
termes de cette disposition, la demande de révision d'un arrêt du Tribunal
fédéral est recevable lorsque, par inadvertance, le tribunal n'a pas apprécié
des faits importants qui ressortent du dossier. Selon la jurisprudence,
l'inadvertance suppose que le juge ait omis de prendre en considération une
pièce déterminée, versée au dossier, ou l'ait mal lue, s'écartant par mégarde
de sa teneur exacte; elle se distingue de la fausse appréciation soit des
preuves administrées devant le Tribunal fédéral, soit de la portée juridique
des faits établis. L'inadvertance doit se rapporter au contenu même du fait,
à sa perception par le tribunal, mais non pas à son appréciation juridique;
elle consiste soit à méconnaître, soit à déformer un fait ou une pièce. La
révision n'entre donc pas en considération lorsque c'est sciemment que le
juge a refusé de tenir compte d'un certain fait, parce qu'il le tenait pour
non décisif, car un tel refus relève du droit. En outre, le motif de révision
de l'art. 136 let. d OJ ne peut être invoqué que si les faits qui n'ont pas
été pris en considération sont "importants": il doit s'agir de faits
pertinents, susceptibles d'entraîner une décision différente de celle qui a
été prise et plus favorable au requérant (ATF 122 II 17 consid. 3 p. 18 et
les références).
En l'occurrence, il est manifeste que les critiques que le requérant formule
à l'encontre de la motivation de l'arrêt 1P.728/2005 du 15 février 2006 ne
peuvent pas être interprétées comme un motif de révision au sens de la
jurisprudence précitée.

4.
La demande de révision est donc en tous points infondée. Le requérant, qui
succombe, doit supporter les frais du présent arrêt (art. 153, 153a et 156
al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à l'intimée, qui n'a pas
été invitée à procéder (art. 159 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
La demande de révision est rejetée.

2.
Un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge du requérant.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au
Procureur général et au Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 6 avril 2006

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: