Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.174/2006
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1P.174/2006 /fzc

Arrêt du 23 mai 2006
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Nay et Fonjallaz.
Greffier: M. Kurz.

X. ________,
recourante,

contre

Y.________,
intimé,
Procureur général du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne,
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du
canton de Vaud, route du Signal 8, 1014 Lausanne.

non-lieu,

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du Tribunal
cantonal du canton de
Vaud du 14 février 2006.

Faits:

A.
Par ordonnance du 22 juillet 2005, le Juge d'instruction de l'arrondissement
du Nord Vaudois a clos par un non-lieu une enquête dirigée, sur plainte de
X.________, contre le notaire Y.________. Il lui était reproché d'avoir, en
tant que conseil légal de A.________ (père de la plaignante), puis comme
exécuteur testamentaire, commis des irrégularités dans la gestion des biens,
et d'avoir conclu un bail à ferme et intenté des démarches auprès de la
commission foncière rurale concernant une parcelle de l'hoirie, sans en
informer les héritiers. Le Juge d'instruction a considéré que le notaire
avait agi sur instructions de A.________ et que les donations avaient été
rapportées à la succession. Le défaut d'information - dont rien n'indiquait
qu'il fût intentionnel - ne causait aucun préjudice aux héritiers.

B.
Par arrêt du 6 janvier 2006, le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal
vaudois a confirmé cette décision, en substance pour les mêmes motifs. La
recourante avait produit une expertise réalisée en octobre 2005, réfutant les
conclusions d'un précédent avis; cette pièce, nouvelle, était irrecevable; la
recourante mettait également en cause l'impartialité du Juge d'instruction,
sans faire valoir d'indice concret dans ce sens; le litige relevait en
définitive des juridictions civiles.

C.
X.________ forme un recours de droit public contre ce dernier arrêt, dont
elle demande l'annulation. Elle conclut également au renvoi de la cause à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision, ainsi qu'à la verbalisation des
témoignages recueillis.
Le dossier cantonal a été produit, mais il n'a pas été demandé de réponse.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité du recours
de droit public (ATF 131 I 145 consid. 2 p. 147).

2. Selon l'art. 88 OJ, la qualité pour agir par la voie du recours de droit
public n'appartient qu'à celui qui est atteint par l'acte attaqué dans ses
intérêts personnels et juridiquement protégés. De jurisprudence constante,
celui qui se prétend lésé par un acte délictueux n'a pas qualité pour
recourir sur le fond contre une décision de classement, de non- lieu ou
d'acquittement (ATF 69 I 17, 128 I 218 consid. 1.1 p. 219 et les arrêts
cités). Il n'en va différemment que dans les cas où le plaignant a la qualité
de victime au sens de la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions
(LAVI; RS 312.5), à condition que la sentence touche ses prétentions civiles
ou puisse avoir des effets sur le jugement de ces dernières (art. 8 al. 1
let. c LAVI). Tel n'est manifestement pas le cas en l'occurrence, puisque la
recourante ne prétend pas subir une atteinte directe à son intégrité
corporelle ou psychique, et n'a donc pas qualité de victime au sens de l'art.
2 al. 1 LAVI.

2.1 Celui qui n'a pas qualité pour recourir sur le fond peut cependant se
plaindre d'un déni de justice formel, ou en d'autres termes de la violation
des garanties formelles offertes aux parties par le droit cantonal de
procédure ou par le droit constitutionnel, notamment le droit d'être entendu
(art. 29 al. 2 Cst.). La partie recourante ne saurait toutefois, par ce
biais, remettre en cause la décision attaquée sur le fond, en critiquant
l'appréciation des preuves ou en faisant valoir que la motivation retenue
serait matériellement fausse (ATF 126 I 81 consid. 3b p. 86; 125 II 86
consid. 3b p. 94; 121 IV 317 consid. 3b p. 324 et les arrêts cités). La
recourante invoque notamment le principe d'égalité (art. 8 al. 1 Cst.), mais
elle remet en cause, par ce biais, le traitement de sa plainte, puis de son
recours cantonal, en se plaignant de ce que des preuves n'auraient pas été
prises en considération. L'argument relève du fond et est, partant
irrecevable, tout comme l'ensemble de l'argumentation relative à
l'appréciation des preuves.

La recourante a par conséquent qualité pour agir dans la seule mesure où elle
se plaint d'une violation de son droit d'être entendue. Les griefs soulevés à
cet égard doivent cependant encore satisfaire à l'exigence de motivation de
l'art. 90 al. 1 let. b OJ.

2.2 Selon cette disposition, il appartient au recourant de démontrer en quoi
la décision attaquée viole le droit constitutionnel. Le Tribunal fédéral
n'examine que les griefs soulevés de manière claire et explicite (ATF 130 I
258 consid. 1.3 p. 261-262). La plupart des griefs d'ordre formel soulevés
par la recourante ne satisfont pas à cette exigence, comme cela sera indiqué
ci-dessous.

2.3 Compte tenu de la nature cassatoire du recours de droit public, les
conclusions allant au-delà de l'annulation pure et simple de l'arrêt cantonal
sont irrecevables.

3.
La recourante soulève plusieurs griefs d'ordre formel.

3.1 Elle se plaint de ne pas avoir eu l'occasion d'interroger les témoins
qu'elle proposait, et met en cause l'appréciation anticipée des preuves ayant
conduit au refus de ces témoignages. La recourante omet toutefois d'indiquer
quels témoins elle souhaitait faire entendre et sur quels faits ceux-ci
auraient été amenés à s'exprimer. Faute de telles indications, le grief est
irrecevable.

3.2 La recourante reproche ensuite au Tribunal d'accusation d'avoir écarté
l'expertise produite en instance de recours. Considérant - jurisprudence à
l'appui - qu'elle devait statuer sur la base du dossier dans son état au
moment de la décision attaquée, la cour cantonale a écarté ce moyen de preuve
en raison de son caractère nouveau. La recourante invoque l'art. 309 CPP/VD.
Cette disposition prévoit la réouverture de l'enquête après un non-lieu, en
cas d'indices nouveaux, mais ne s'applique pas à la procédure de recours
devant le Tribunal d'accusation, et n'impose pas la prise en compte de faits
intervenus après la décision attaquée. Supposé suffisamment motivé, le grief
est manifestement mal fondé.

3.3 La recourante met également en cause l'impartialité du Juge
d'instruction; elle lui reproche d'avoir omis de lui notifier immédiatement
sa décision de non-lieu. On ne voit toutefois pas en quoi cela dénoterait un
parti pris en sa défaveur, dès lors que que l'ordonnance a été notifiée par
la suite et que la recourante a pu recourir en temps utile. Pour le surplus,
les griefs de la recourante concernent la manière dont ce magistrat a
apprécié les preuves. Or, selon la jurisprudence constante, le simple fait de
rendre une décision défavorable à une partie ne constitue pas un motif de
récusation (ATF 114 Ia 278 consid. 1). Comme cela est relevé ci-dessus, la
recourante ne démontre pas que le refus d'entendre des témoins constituerait
une violation de ses droits de partie. On ne saurait dès lors en aucun cas y
voir une faute grave susceptible de mettre en cause l'impartialité du
magistrat. Sur ce point également, l'arrêt attaqué ne prête pas le flanc à la
critique.

La recourante prétend aussi que les juges "cantonaux" ne seraient pas
indépendants "en raison de leur subordination hiérarchique au Tribunal
cantonal". Elle remet en cause la conformité du droit cantonal à la CEDH,
mais omet d'indiquer la disposition légale concernée et ne précise pas en
quoi consisterait le manque d'indépendance dont elle se plaint. Le grief est
lui aussi irrecevable.

4.
Le recours de droit public doit par conséquent être rejeté, dans la mesure où
il est recevable. Conformément à l'art. 156 al. 1 OJ, un émolument judiciaire
est mis à la charge de la recourante, qui succombe.

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, au Procureur général du
canton de Vaud et au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de
Vaud.

Lausanne, le 23 mai 2006

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: