Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.144/2006
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1P.144/2006 /col

Arr t du 8 mai 2006
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Aemisegger, Juge pr sidant,
Reeb et Eusebio.
Greffi re: Mme Truttmann.

A. ________,
recourant, repr sent  par Me Jean-Daniel Kramer, avocat,

contre

Minist re public de la R publique et canton de Neuch tel, rue du Pommier 3,
case postale 2672,
2001 Neuch tel 1,
Cour de cassation p nale du Tribunal cantonal de la R publique et canton de
Neuch tel, case postale 3174, 2001 Neuch tel 1.

proc dure p nale, appr ciation des preuves

recours de droit public contre l'arr t de la Cour de cassation p nale du
Tribunal cantonal de la R publique  et canton de Neuch tel du 6 f vrier 2006.

Faits:

A.
Par jugement du 24 f vrier 2005, le Tribunal correctionnel du district de La
Chaux-de-Fonds a condamn  A.________   4 ans de r clusion, dont   d duire 141
jours de d tention pr ventive, et au paiement de sa part des frais de la
cause, arr t e   6'000 fr. Il a dit que cette peine  tait partiellement
compl mentaire   celle prononc e le 8 mai 2003 par le Tribunal de police du
district de La Chaux-de-Fonds et compl mentaire   celle prononc e le 28 avril
2004 par le Tribunal p nal de Schwyz. Il a ordonn  l'expulsion du condamn  du
territoire suisse pour une dur e de 10 ans.
En substance, le Tribunal correctionnel a retenu que A.________ avait commis,
entre f vrier 2003 et mars 2004, un nombre consid rable d'escroqueries
(tent es ou r alis es) au pr judice de soci t s d'assurance et
d' tablissements bancaires, avec la circonstance aggravante du m tier (art.
146 al. 2 CP). A.________ a  galement  t  reconnu coupable d'abus de
confiance, pour avoir conclu un contrat de location en fournissant de fausses
indications, puis s' tre mis dans l'incapacit  de restituer l'objet (art. 138
CP); de gestion d loyale, pour avoir introduit dans la comptabilit  d'une
soci t  qu'il dirigeait des faux documents destin s   camoufler des
pr l vements personnels (art. 158 CP); et enfin, d'induction de la justice en
erreur, pour avoir simul  un cambriolage dans son propre appartement (art.
304 CP).
Le Tribunal correctionnel a fix  la peine en tenant compte de l'importance
des sommes obtenues, qui s' levaient   300'000 fr., et   plus de 400'000 fr.
pour celles escompt es. Il a  galement soulign  l' vidente libert  que
A.________ avait de ne pas c der   la tentation de commettre les infractions
en question. Ses nombreux ant c dents judiciaires, essentiellement de nature
identique, ont  t  pris en consid ration, de m me que l'absence   peu pr s
compl te, malgr  l'ampleur desdits ant c dents et de l'affaire en cause,
d'efforts s rieux d'autocritique. Enfin, la situation personnelle et
familiale de A.________ a  t  prise en compte.
Le Tribunal correctionnel s'est aussi prononc  sur la responsabilit  de
A.________. Ce dernier avait en effet, au cours de l'instruction, formul  une
requ te d'expertise psychiatrique. Il se fondait sur son  tat d pressif et
sur son comportement en audience (r ponses impr cises aux questions et
b gaiements marqu s). Le juge d'instruction avait rejet  la requ te et
A.________ ne l'a pas r it r e devant le Tribunal correctionnel. Ce dernier a
toutefois retenu une responsabilit  p nale de toute  vidence compl te de
A.________, en consid rant que son attitude en audience s'expliquait ais ment
par l'inanit  de ses constatations et la faiblesse de ses explications.
S'agissant de l'expulsion prononc e sans sursis, le Tribunal a consid r  que
A.________, ressortissant yougoslave, vivait depuis environ quinze ans en
Suisse, o  il a  t  rejoint par sa femme et ses enfants, de sorte qu'une
certaine retenue s'imposait. Il a toutefois estim  que ses lourds ant c dents
judiciaires, la nature et l'importance de l'affaire ainsi que son attitude
d pourvue de r sipiscence autorisaient   parler de lui comme d'un escroc
imp nitent. L'int r t public    loigner de la Suisse une telle personne
clairement et durablement malfaisante l'emportait donc sur l'int r t du
condamn  et de ses proches   conserver d' troits contacts.

B.
A.________ s'est pourvu en cassation contre le jugement du Tribunal
correctionnel, en invoquant une fausse application de la loi, une
constatation des faits arbitraire, un abus du pouvoir d'appr ciation et la
violation des r gles de proc dure de jugement. Il a conclu   ce que les
peines de r clusion et d'expulsion inflig es soient r duites et que cette
derni re soit assortie du sursis.
Par arr t du 6 f vrier 2006, la Cour de cassation p nale du Tribunal cantonal
a rejet  le recours et confirm  le jugement du Tribunal correctionnel.
S'agissant en particulier du grief relatif   l'expertise psychiatrique, la
Cour de cassation a rappel  que le juge d'instruction avait refus  d'ordonner
une telle expertise en consid rant qu'aucun  l ment objectif et concret ne
suscitait un quelconque doute quant   l' tat psychique du pr venu; que s'il
 tait possible que A.________ ait montr  certains signes de d pression (qui
ne sautaient toutefois pas aux yeux), ceux-ci n' taient apparus qu'apr s
l'annonce du maintien en d tention pr ventive; qu'  aucun moment de
l'instruction, il n'avait eu l'impression d'un quelconque d ficit mental; que
bien au contraire, le pr venu donnait l'impression d'une personne
parfaitement consciente de ses actes, qui ma trisait tout particuli rement le
syst me des assurances et des banques helv tiques, et qu'il n'avait agi que
dans le dessein d'enrichir ill gitimement et m thodiquement sa famille et
lui-m me, voire certains proches. La Cour de cassation a ensuite relev  que
A.________ n'avait pas r it r  sa requ te d'expertise devant le Tribunal
correctionnel. Elle a pour le surplus confirm  que le dossier ne r v lait pas
que A.________ aurait pr sent , au moment de la commission des infractions,
un  tat d pressif susceptible d'engendrer une diminution de ses facult s
intellectuelles ou mentales. Au contraire, elle a consid r  que l'intense
activit  d ploy e dans un court laps de temps et la nature des infractions
commises attestaient qu'il  tait en pleine possession de ses facult s et que,
bien loin de manifester un quelconque signe d'abattement, il se montrait
particuli rement entreprenant. Elle a d s lors rejet  le grief de A.________
sur ce point.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au
Tribunal f d ral d'annuler l'arr t rendu le 6 f vrier 2006 par la Cour de
cassation p nale du Tribunal cantonal et de renvoyer la cause   la
juridiction cantonale pour nouveau jugement au sens des consid rants. Il se
plaint d'une fausse application de la loi, d'une constatation des faits
arbitraire, d'un abus du pouvoir d'appr ciation de la part des autorit s
cantonales, ainsi que de la violation des r gles de proc dure de jugement.
Le substitut du procureur g n ral a conclu au rejet du recours. La Cour de
cassation p nale a renonc    formuler des observations.

Le Tribunal f d ral consid re en droit:

1.
Un pourvoi en nullit  peut  tre form  contre un jugement en mati re p nale
rendu en derni re instance cantonale pour violation du droit f d ral (art.
269 al. 1 PPF). La voie du recours de droit public, subsidiaire, est en
principe ouverte contre un tel jugement,   l'exclusion du pourvoi en nullit ,
pour se plaindre de la violation de garanties constitutionnelles, en
contestant notamment les constatations de fait ou l'appr ciation des preuves
par l'autorit  cantonale (art. 84 al. 1 let. a OJ et al. 2, art. 86 al. 1 OJ,
art. 269 al. 2 PPF).

1.1 Le recourant reproche   la juridiction inf rieure d'avoir viol  les art.
13 CP et 29 Cst. en n'ordonnant pas d'expertise psychiatrique. Il reproche
 galement   l'autorit  cantonale d'avoir arbitrairement retenu qu'il
jouissait d'une responsabilit  pleine et enti re (art. 9 Cst.). Il invoque
 galement sur ce point une violation du principe in dubio pro reo (art. 32
al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH).

1.2 Selon l'art. 13 CP, s'il existe un doute s rieux quant   la
responsabilit  de l'inculp  au moment des faits, le juge doit en principe
ordonner une expertise psychiatrique, laquelle devra  galement porter sur
l'importance de la diminution de responsabilit . Le grief, selon lequel la
Cour cantonale aurait arbitrairement et en violation du droit d' tre entendu,
refus  d'ordonner une expertise psychiatrique et retenu que le recourant
 tait pleinement responsable au moment des faits, rel ve donc du droit p nal
mat riel et devrait  tre invoqu  dans un pourvoi en nullit  (ATF 103 Ia 55
consid. 1 p. 57; ATF 96 I 71). Tels qu'ils sont formul s, les griefs du
recourant se r sument   l'invocation d'une violation de l'art. 13 CP et sont
par cons quent irrecevables dans le pr sent recours de droit public.
Il n'en irait autrement que si le recourant faisait valoir que la Cour
cantonale a arbitrairement appr ci  son  tat mental au moment de la
commission des infractions et qu'elle aurait d , sur la base de constatations
exactes, admettre un doute au sens de l'art. 13 CP. Il s'agit alors d'une
question de fait et non de droit (ATF 107 IV 3 consid. 1a p. 4). Quand bien
m me voudrait-on comprendre dans ce sens les griefs du recourant, en d pit de
leur formulation peu claire, l'acte de recours devrait encore r pondre aux
exigences de l'art. 90 al. 1 OJ. Cette disposition pr voit que l'acte de
recours doit contenir un expos  des faits essentiels et un expos  succinct
des droits constitutionnels ou des principes juridiques viol s, pr cisant en
quoi consiste la violation (let. b). Selon la jurisprudence, il faut que le
recourant indique de mani re claire et explicite en quoi la d cision attaqu e
pourrait  tre contraire   ses droit constitutionnels (cf. ATF 129 I 185
consid. 1.6 p. 189; 127 III 279 consid. 1c p. 282; 126 III 534 consid. 1b p.
536; 125 I 71 consid. 1c p. 76). En l'esp ce, le recourant se contente de
reprocher au juge d'instruction de ne pas avoir  prouv  de doutes quant   sa
responsabilit . Il n'indique ainsi pas en quoi l'appr ciation de son  tat
mental faite par l'autorit  de jugement, confirm e par la Cour de cassation,
serait arbitraire. Dans cette hypoth se, l'acte de recours ne serait donc de
toute fa on pas motiv  conform ment   l'art. 90 al. 1 OJ et le grief serait
 galement d clar  irrecevable.

1.3 Quoi qu'il en soit, l'appr ciation des preuves est arbitraire, lorsque le
juge n'a manifestement pas compris le sens et la port e d'un moyen de preuve
ou si, sur la base des  l ments recueillis, il a fait des d ductions
insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9). Il ne suffit donc pas qu'une
interpr tation diff rente des preuves et des faits qui en d coulent paraisse
 galement concevable, sans quoi le principe de la libre appr ciation des
preuves par le juge du fond serait viol  (ATF 120 Ia 31 consid. 2d p. 37 s.).
Par ailleurs, il faut que la d cision attaqu e soit insoutenable non
seulement dans ses motifs, mais  galement dans son r sultat (ATF 131 I 57
consid. 2 p. 61 et la jurisprudence cit e).
En l'esp ce, le recourant s'est content  d'all guer qu'il souffrait au moment
des faits, et souffrirait toujours, d'un  tat d pressif. Il n'a cependant
fait valoir aucune preuve tangible de l'existence de cet  tat, et le cas
 ch ant, de sa gravit . Dans ces circonstances, faute d'indices suffisants,
il n' tait pas insoutenable, pour la Cour de cassation, de nier la r alit 
d'un tel  tat d pressif. L'appr ciation de la Cour de cassation appara t
d'autant moins arbitraire qu'elle a relev  que le recourant n'avait lui-m me
pas jug  utile de r it rer sa requ te devant le Tribunal correctionnel. De
surcro t, la ma trise du syst me complexe des assurances et des banques
suisses dont a fait montre le recourant, permettait effectivement de penser
qu'il  tait au contraire en pleine possession de ses moyens. Le grief
d'arbitraire s'av rerait d s lors de toute fa on infond .

2.
Dans un autre moyen, le recourant estime encore que la peine fix e   son
endroit est arbitrairement s v re. Il invoque en substance deux arguments,  
savoir d'une part le fait que la probl matique de la compl mentarit  des
peines n'a pas  t   voqu e, et d'autre part, le fait que sa situation
personnelle n'a pas  t  prise en compte. Il fait par ailleurs valoir qu'une
expulsion sans sursis est arbitrairement s v re, parce qu'elle ne tient pas
compte de tous les  l ments pr vus par la loi.

2.1 Ce faisant, le recourant se plaint implicitement d'une violation des art.
63, 68 ch. 2, 55 et 41 CP, soit des r gles de droit p nal f d ral mat riel,
dont il ne peut faire contr ler l'application et l'interpr tation qu'au moyen
du pourvoi en nullit    la Cour de cassation du Tribunal f d ral (cf. supra
consid. 1). Ces griefs doivent donc  galement  tre d clar s irrecevables dans
le pr sent recours de droit public.

2.2 Se pose toutefois encore la question de la conversion du recours en un
pourvoi en nullit  comme le pr voit la jurisprudence en certaines
circonstances (ATF 126 II 506 consid. 1b p. 509; 126 III 431 consid. 3 p. 437
et les arr ts cit s). Cette solution n'est toutefois pas envisageable dans le
cas particulier car le recourant, assist  d'un mandataire professionnel, a
express ment choisi la voie du recours de droit public, et l'a adress    la
Ire Cour de droit public du Tribunal f d ral. Il ne pouvait ignorer que le
recours de droit public n' tait pas ouvert pour se plaindre d'une violation
du droit f d ral, l'arr t de la Cour de cassation indiquant qui plus est
pr cis ment la voie du pourvoi en nullit    cet effet (cf. ATF 120 II 270
consid. 2 p. 272).

3.
Le recourant rel ve encore que le jugement de premi re instance a  t  sign 
par un juge qui n' tait plus en fonction. Il se plaint   cet  gard d'une
violation de l'art. 226 CPP/NE, qui dispose que le jugement est sign  par le
pr sident et le greffier.
Dans le cadre d'un recours de droit public pour violation des droits
constitutionnels des citoyens, le Tribunal f d ral examine sous l'angle de
l'arbitraire l'interpr tation et l'application du droit cantonal (ATF 129 I
410 consid. 2.3 p. 414 et les arr ts cit s).
La Cour de cassation cantonale a consid r  que le fait que le jugement  crit,
r dig  par le pr sident du Tribunal correctionnel qui a rendu le jugement
oral, n'a  t  sign  qu'apr s la fin des fonctions de celui-ci, ne constituait
qu'un vice de moindre importance, qui ne devait pas entra ner la cassation du
jugement.
Le recourant se contente d'indiquer que l'appr ciation de la Cour de
cassation ne peut pas  tre cautionn e, car selon lui, la signature serait un
 l ment essentiel dont l'absence entra nerait la nullit  du jugement. Sur ce
point, son acte de recours ne satisfait manifestement pas aux exigences de
l'art. 90 al. 1 let. b OJ. En effet, le recourant se contente de substituer
sa propre appr ciation   celle de la Cour de cassation, sans indiquer en quoi
l'interpr tation faite par cette derni re de la disposition cantonale serait
arbitraire. Le grief est d s lors irrecevable.

4.
Le m me raisonnement doit  tre adopt  s'agissant du grief d'insuffisance de
motivation soulev  par le recourant. Sur ce point, il se contente d'indiquer
de fa on toute g n rale que le jugement est difficile   comprendre, et que,
contrairement   l'appr ciation de la Cour cantonale, il aurait fallu, pour
chaque infraction contest e, expliquer les motifs qui avaient conduit   la
retenir. A l'appui de ce grief, il n'invoque toutefois pas de r gle de
proc dure cantonale pr cise, ni de droit constitutionnel. Son grief est d s
lors irrecevable en application de l'art. 90 al. 1 let. b OJ.

5.
Il r sulte de ce qui pr c de que le recours de droit public est enti rement
irrecevable. Le recourant, qui succombe, doit supporter les frais du pr sent
arr t (art. 153, 153a et 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal f d ral prononce:

1.
Le recours de droit public est irrecevable.

2.
Un  molument judiciaire de 2'000 fr. est mis   la charge du recourant.

3.
Le pr sent arr t est communiqu  en copie au mandataire du recourant, au
Minist re public et   la Cour de cassation p nale du Tribunal cantonal de la
R publique et canton de Neuch tel.

Lausanne, le 8 mai 2006

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal f d ral suisse

Le juge pr sidant:  La greffi re: