Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.111/2006
Zurück zum Index I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2006
Retour à l'indice I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2006


1P.111/2006 /col

Arrêt du 24 mars 2006
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Nay et Reeb.
Greffier: M. Kurz.

A.________,
recourant,

contre

Grand Conseil du canton de Genève, rue de l'Hôtel-de-Ville 2, case postale
3970, 1211 Genève 3.

immunité des magistrats,

recours de droit public contre la loi adoptée le 10 juin 2005 par le Grand
Conseil du canton de Genève, instituant une Cour des comptes,

Faits:

A.
Le 10 juin 2005, le Grand Conseil genevois a modifié la Constitution
cantonale en lui ajoutant diverses dispositions relatives à la création d'une
Cour des comptes. Le même jour, il a adopté une loi instituant cette nouvelle
autorité. La loi prévoit à son art. 12 la modification d'autres actes
législatifs, notamment de l'art. 5 de la loi du 25 février 1989 sur la
responsabilité de l'Etat et des communes (LResp/GE),  dont le texte, dans sa
nouvelle teneur, est le suivant:
Des poursuites pénales contre les membres du Conseil d'Etat, les membres de
la cour des comptes et contre les magistrats du pouvoir judiciaire pour les
infractions commises par eux dans l'exercice de leurs fonctions ne peuvent
être ouvertes qu'avec l'autorisation préalable du Grand Conseil, lequel
délibère à huis clos.
La modification constitutionnelle a été acceptée en votation populaire le 27
novembre 2005, et la loi a été promulguée le 18 janvier 2006 par arrêté du
Conseil d'Etat, publié le 25 janvier suivant dans la Feuille d'Avis
Officielle.

B.
Par acte du 24 février 2006, A.________ forme un recours de droit public
contre la loi du 10 juin 2005. Il demande l'annulation de l'expression "les
membres de la cour des comptes et contre les magistrats du pouvoir
judiciaire" figurant dans la disposition précitée. Il relève que, selon
l'art. 366 al. 2 let. b CP, l'immunité relative serait réservée aux membres
des autorités supérieures ce que ne seraient ni les juges de la Cour des
comptes, ni les membres du Ministère public. Il se plaint également d'une
violation de ses droits politiques.
Il n'a pas été demandé de réponse.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité du recours
de droit public (ATF 131 I 57 consid. 1 p. 59).

1.1 Le recours est essentiellement formé pour violation de la force
dérogatoire du droit fédéral (art. 49 al. 1 Cst.; art. 84 al. 1 let. a OJ),
puisque le recourant conteste la conformité à l'art. 366 CP de la disposition
cantonale litigieuse.
Le recourant invoque également l'art. 25 du Pacte ONU II, en tant que la
violation alléguée du droit fédéral léserait les électeurs fédéraux. Il
prétend ainsi agir pour violation des traités internationaux (art. 84 al. 1
let. d OJ). Cette manière de voir est erronée. Selon la jurisprudence
constante en effet, l'invocation d'une violation du droit supérieur ne permet
pas de se plaindre simultanément d'une violation des droits politiques, sans
quoi la voie de l'art. 85 let. a OJ (respectivement 84 al. 1 let. d OJ)
serait toujours ouverte chaque fois qu'un acte normatif en viole un autre,
soumis à un régime différent du point de vue des droits politiques (ATF 131 I
386 consid. 2.2 p. 389 et les arrêts cités). Le recourant se réfère
d'ailleurs en vain à l'art. 25 Pacte ONU II, car cette disposition, qui
protège de manière toute générale les droits politiques, ne permet pas en
tant que telle de s'opposer à une violation du principe de la hiérarchie des
normes. Seule est par conséquent ouverte, contre la loi cantonale litigieuse,
la voie du recours de droit public pour violation des droits
constitutionnels, soumis aux exigences de l'art. 88 OJ s'agissant de la
qualité pour recourir.

1.2 Selon cette disposition, ont notamment qualité pour agir les particuliers
lésés par des arrêtés ou décisions qui les concernent personnellement ou qui
sont d'une portée générale. Lorsque le recours est dirigé, comme en l'espèce,
contre un arrêté de portée générale, la qualité pour recourir est reconnue à
toute personne à qui les dispositions prétendument inconstitutionnelles
pourraient s'appliquer un jour. Une atteinte virtuelle aux intérêts
juridiquement protégés suffit, à condition qu'elle puisse être envisagée avec
une certaine vraisemblance. L'invocation d'intérêts généraux ou de pur fait
n'est pas recevable. L'auteur du recours doit invoquer ses intérêts
juridiquement protégés (ATF 131 I 198 consid. 2.1 et la jurisprudence citée).

1.3 Le recours est dirigé contre l'immunité relative dont bénéficieraient -
indûment selon le recourant - les membres de la nouvelle Cour des comptes. Le
recourant évoque la possibilité qu'il soit élu un jour à cette charge, sans
toutefois prétendre avoir une quelconque intention dans ce sens. En outre,
comme il le relève lui-même, l'immunité constitue un privilège accordé aux
magistrats, dans l'intérêt de l'Etat, et non une atteinte à leurs droits. Il
n'est d'ailleurs pas exclu, même si la loi ne le prévoit pas expressément,
que l'intéressé puisse renoncer à son immunité. Cela étant, la probabilité
que le recourant se présente et soit élu à l'un des postes visés à l'art. 5
LResp/GE, qu'il soit l'objet d'une poursuite pénale et qu'il désire néanmoins
renoncer à son immunité, apparaît manifestement trop faible pour admettre sa
qualité pour agir.
Le recourant n'aurait pas plus d'intérêt juridique à la suppression de
l'immunité, en tant qu'éventuel dénonciateur ou plaignant. En effet, la
jurisprudence considère que le droit de poursuivre l'auteur d'une infraction
n'appartient qu'à l'Etat, et que les règles relatives à la surveillance des
magistrats tendent uniquement à assurer le bon fonctionnement des
institutions, sans pour autant conférer de droits aux particuliers (ATF 125 I
252 consid. 1b p. 254 et les arrêts cités).

1.4 Par ailleurs, s'agissant de l'immunité accordée aux membres du Ministère
public, il y a lieu de relever que celle-ci était déjà prévue dans la loi
avant la modification attaquée. Cette dernière n'apporte sur ce point aucun
changement matériel dans la situation juridique, de sorte que le recours est
également irrecevable pour ce motif.

2.
Le recours est par conséquent entièrement irrecevable, faute de qualité pour
son auteur. Conformément à l'art. 156 al. 1 OJ, un émolument judiciaire est
mis à la charge du recourant, qui succombe.

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Un émolument judiciaire de 1000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant et au Grand Conseil du
canton de Genève.

Lausanne, le 24 mars 2006

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: