Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.103/2006
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1P.103/2006 /col

Arrêt du 17 mai 2006
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président,
Aeschlimann et Reeb.
Greffière: Mme Truttmann.

A. ________,
recourant,

contre

Conseil communal de Liddes,
Administration communale, 1945 Liddes,
Conseil d'Etat du canton du Valais,
Palais du Gouvernement, 1950 Sion,
Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, Palais de
Justice, avenue Mathieu-Schiner 1,
1950 Sion 2.

ordre de démolition; droit d'être entendu

recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton du
Valais du 13 janvier 2006.

Faits:

A.
A. ________ est propriétaire, avec son épouse, de quatre bâtiments sis sur la
commune de Liddes. L'un d'entre eux se situe sur la parcelle n° 354 du
cadastre municipal de Liddes, au lieu-dit Chandonne. Il s'agit d'une grange
ancienne et partiellement en mauvais état.
Le 31 mai 2004, une partie du mur est de ce bâtiment s'est effondrée. Vu le
très mauvais état du bâtiment, la commune de Liddes a ordonné le 1er juillet
2004 à A.________ d'entretenir les façades et la toiture de l'immeuble. Il
s'en suivit un échange de courriers électroniques du 12 octobre au 4 novembre
2004 entre le président de la commune de Liddes et A.________. Aucune réunion
n'a pu être fixée sur place pour arrêter l'ordre des transformations et
rénovations à réaliser sur l'ensemble des immeubles appartenant à ce dernier
dans les villages de Liddes et de Chandonne.

B.
Le 19 mars 2005, la charpente du pan nord de la grange située à Chandonne
s'est effondrée. Constatant que rien n'avait été entrepris pour l'entretien
du bâtiment depuis la lettre du 1er juillet 2004, le conseil communal de
Liddes a alors imparti un délai d'un mois à A.________ pour procéder à la
démolition du bâtiment.

C.
A.________ a recouru au Conseil d'Etat du canton du Valais contre cet ordre
de démolition en demandant qu'il soit annulé. A l'appui de ses conclusions,
il a relevé avoir pris immédiatement toutes les mesures de sécurité qui
s'imposaient, d'entente avec le charpentier qui lui avait établi un devis de
réparation pour la toiture et le réglage des murs de soutènement. Il a en
outre relevé que la décision avait été prise sans que la commune ne l'entende
et ne prenne en considération le fait que seule la moitié du toit était
touchée et qu'une démolition totale du bâtiment était disproportionnée.
Dans sa réponse au recours, le conseil communal a produit un rapport établi
par une entreprise de bâtiment et de génie civile, B.________. Sur cette
base, il a conclu à la seule démolition des façades est et nord, ainsi qu'au
rejet du recours de A.________. Ce dernier s'est déterminé sur la réponse du
conseil communal, exposant ses doutes quant à l'objectivité de l'entreprise
B.________.
Par décision du 13 juillet 2005, le Conseil d'Etat a partiellement admis le
recours de A.________. Il a considéré que la commune de Liddes avait
correctement appliqué les art. 51 let. b et 79 du règlement communal sur les
constructions (RCC), homologué par le Conseil d'Etat le 3 novembre 1982,
ainsi que l'art. 52 de la loi cantonale du 8 février 1996 sur les
constructions (LC). Il a en revanche retenu que l'intérêt public ne
commandait pas la démolition de l'ensemble de la grange, mais uniquement des
éléments dangereux pour la sécurité de la route qui longe le bâtiment, à
savoir les façades est et nord. Le Conseil d'Etat a précisé que l'état
d'insécurité présenté par une construction inachevée en bordure de route
imposait de prescrire en outre une obligation de réaliser des travaux dans un
certain délai, en suivant la voie ordinaire de permis de construire.

D.
A.________ a recouru contre cette décision auprès de la Cour de droit public
du Tribunal cantonal du canton du Valais (ci-après: le Tribunal cantonal). Il
se plaignait d'une violation de son droit d'être entendu, pour n'avoir pas
été invité à se déterminer sur le rapport établi par l'entreprise B.________.
Cette dernière ne présentait pas selon lui toutes les garanties
d'impartialité, puisqu'il l'avait précédemment écartée lors d'une soumission
pour des travaux de maçonnerie concernant son propre chalet. Il s'est
également plaint d'une violation du principe de la proportionnalité, le devis
de son charpentier établissant que la pose d'une charpente serait possible
moyennant un simple réglage des murs.
Invité à répliquer suite aux réponses de la commune de Liddes et du Conseil
d'Etat, A.________ a produit à cette occasion diverses pièces établissant
selon lui que les murs pouvaient être conservés, moyennant un réglage à leur
sommet pour recevoir la charpente.
Par arrêt du 13 janvier 2006, le Tribunal cantonal a rejeté le recours de
A.________.

E.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal cantonal. Il se plaint d'une
violation de son droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.). Invoquant la
garantie de la propriété (art. 26 Cst.), il fait également valoir une
violation du principe de la proportionnalité.
La commune de Liddes a conclu au rejet du recours. Le Conseil d'Etat ainsi
que le Tribunal cantonal ont renoncé à formuler des observations.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Déposé en temps utile contre une décision finale prise en dernière instance
cantonale, qui ne peut être attaquée que par la voie du recours de droit
public et qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés,
le présent recours, interprété comme recours de droit public, est en principe
recevable au regard des art. 84 ss OJ.

2.
Dans un premier grief, le recourant se plaint d'une violation de son droit
d'être entendu, en faisant valoir que les autorités cantonales ont retenu
comme moyen de preuve le rapport de l'entreprise B.________, dont
l'objectivité est selon lui discutable, et en ne prenant pas en considération
les avis qu'il avait lui-même produits.

2.1 Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti à l'art. 29 al. 2 Cst.,
comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments
pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation
juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné
suite à ses offres de preuve pertinentes, de participer à l'administration
des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat,
lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 129 II 497
consid. 2.2 p. 504; 127 I 54 consid. 1b; 124 I 48 consid. 3a p. 51; 122 I 53
consid. 4a p. 55 et les références citées).
En l'espèce, le droit d'être entendu du recourant a été respecté, puisqu'il a
pu, dans son recours au Tribunal cantonal, se déterminer sur le rapport
établi par l'entreprise B.________. Il a également pu produire des preuves, à
savoir un devis, un rapport d'expertise et une attestation rédigée par un
architecte. Le recourant ne fait au demeurant pas valoir que l'autorité
cantonale aurait refusé d'ordonner une expertise qu'il aurait sollicitée. Le
grief de violation du droit d'être entendu n'est donc pas fondé et doit être
rejeté.

2.2 En réalité, le recourant conteste une constatation et une appréciation
arbitraires des preuves. Sur ce point, la jurisprudence reconnaît au juge un
important pouvoir d'appréciation, qui trouve sa limite dans l'interdiction de
l'arbitraire (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 IV 86 consid. 2a p. 88; 120
Ia 31 consid. 2a p. 38; 118 Ia 28 consid. 1a p. 30; 116 Ia 85 consid. 2b p.
88 et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral n'intervient en conséquence pour
violation de l'art. 9 Cst. que si le juge a abusé de ce pouvoir, en
particulier lorsqu'il admet ou nie un fait pertinent en se mettant en
contradiction évidente avec les pièces et éléments du dossier, lorsqu'il
méconnaît des preuves pertinentes ou qu'il n'en tient arbitrairement pas
compte, lorsque les constatations de fait sont manifestement fausses ou
encore lorsque l'appréciation des preuves se révèle insoutenable ou qu'elle
heurte de façon grossière le sentiment de la justice et de l'équité (ATF 129
I 49 consid. 4 p. 58; 128 I 81 consid. 2 p. 86; 124 IV 86 consid. 2a p. 88).
En l'espèce, contrairement à ce qu'affirme le recourant, le Tribunal cantonal
n'a pas attribué une valeur d'expertise au rapport de l'entreprise
B.________. Il a expressément précisé que ledit rapport équivalait à une
simple déclaration de partie qui ne liait pas l'autorité.
Le recourant ne peut pas davantage être suivi, lorsqu'il affirme que le
Tribunal cantonal n'a pas pris en considération les pièces qu'il a lui-même
produites. Au contraire, il ressort de la décision attaquée qu'elles ont été
examinées en détail par le Tribunal cantonal. Ce n'est que suite à cet examen
que les pièces ont été écartées en raison de leur défaut de pertinence. A cet
égard, le recourant ne conteste du reste pas qu'aucun des documents produits
ne se prononce sur la dangerosité du bâtiment, élément déterminant en
l'espèce.
Le rapport de l'entreprise B.________ établit quant à lui que les façades
présentent un danger d'écroulement élevé. Le recourant met certes en doute
l'objectivité du rapport. Il ne prétend pourtant pas ni ne démontre que le
rapport aurait été établi en méconnaissance des règles de l'art. Le Tribunal
cantonal n'avait donc pas de raison de mettre en doute les constatations du
rapport en cause. Celui-ci préconisait d'ailleurs une démolition partielle,
ce qui allait dans le sens du recourant. Enfin, ce dernier n'indique aucune
règle de procédure cantonale qui empêcherait l'autorité cantonale de se baser
sur une expertise privée ou qui la contraindrait à mandater elle-même un
expert dans ces circonstances.
L'appréciation de l'autorité cantonale n'est dès lors pas arbitraire et le
grief doit être rejeté.

3.
Dans un second moyen, le recourant se plaint d'une atteinte à la garantie de
la propriété (art. 26 Cst.) et d'une violation du principe de la
proportionnalité. Il soutient en substance que les mesures qu'il a prévues
sont suffisantes et adéquates pour assurer la sécurité du bâtiment et qu'il a
été établi qu'il n'était pas nécessaire de démolir les murs pour remettre le
bâtiment en état.
On peut douter de la recevabilité du grief fondé sur la garantie de la
propriété invoqué pour la première fois par le recourant, qui ne critique au
demeurant pas l'application des dispositions cantonales et communales sur
lesquelles se fonde la décision attaquée. La question peut demeurer indécise,
car le grief doit de toute manière être rejeté.

3.1 L'ordre de démolir une construction menaçant ruine ou présentant un
danger pour la sécurité de ses occupants et du public en général porte une
atteinte grave au droit de propriété qui n'est conforme à l'art. 26 Cst. que
si elle repose sur une base légale claire, se justifie par un intérêt public
suffisant et respecte les principes de la proportionnalité et de l'égalité
devant la loi (art. 36 al. 1 à 3 Cst.; pour la jurisprudence rendue sous
l'empire de l'art. 22ter aCst., ATF 125 II 129 consid. 8 p. 141; 124 II 538
consid. 2a p. 540; 121 I 117 consid. 3b p. 120; 119 Ia 348 consid. 2a p. 353
et les arrêts cités). Le principe de la proportionnalité suppose que des
dispositions limitant le droit de propriété soient aptes à produire les
résultats attendus et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par des
mesures moins restrictives. En outre, il interdit toute limitation qui aille
au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les
intérêts publics et privés qui sont compromis (ATF 129 I 12 consid. 9.1 p.
24, 173 consid. 5; 126 I 112 consid. 5b p. 119/120, 219 consid. 2c p. 222 et
les arrêts cités).

3.2 En l'espèce, le Tribunal cantonal a retenu que les mesures prises par le
recourant se réduisaient à des avis affirmant de manière toute générale la
possibilité de conserver les murs dans le cadre d'une transformation. Il a
également tenu compte de ce que le recourant n'avait jamais déposé de projet
qui démontrerait comment il entendrait reconstruire les parties détruites,
sécuriser et restaurer les éléments instables, voire rénover le bâtiment de
façon à le rendre conforme à l'ordre public au sens de l'art. 52 LC. Il a
donc confirmé que les autorités précédentes étaient légitimées, au vu de
l'état de délabrement des murs et faute de tout projet de rénovation ou de
transformation, à ordonner leur démolition.
Selon le recourant, le Tribunal cantonal ne pouvait pas retenir contre lui le
fait qu'il n'a pas déposé de projet de rénovation. Le recourant ne pouvait en
effet pas déposer un tel projet, avant d'être fixé sur le sort du bâtiment.
Il aurait de toute façon pris toutes les mesures adéquates pour assurer la
sécurité de l'édifice, et ce, tant après l'effondrement du mur est, que de
celui de la charpente.
Cette argumentation ne peut être suivie. En l'espèce, le rapport produit par
l'autorité communale atteste que les façades est et nord du bâtiment
présentent un danger d'écroulement élevé. Ce dernier étant situé en bord de
route, il en résulte nécessairement un état d'insécurité publique accru. La
nécessité d'agir rapidement, cumulée au manque général de diligence du
recourant, dont le projet de rénovation n'est au demeurant qu'à un stade
embryonnaire, ne permettait guère d'envisager une autre solution. Il en
résulte que le grief tiré de la violation du principe de la proportionnalité
et de l'atteinte à la garantie de la propriété doit être écarté.

4.
Le recours de droit public doit être rejeté. Le recourant, qui succombe, doit
supporter les frais judiciaires (art. 153, 153a et 156 al. 1 OJ).

5.
La commune de Liddes, qui n'est pas représentée par un avocat, n'a pas droit
à des dépens, qu'elle ne sollicite au demeurant pas (art. 159 al. 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit public est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant, au Conseil communal de
Liddes, au Conseil d'Etat et à la Cour de droit public du Tribunal cantonal
du canton du Valais.

Lausanne, le 17 mai 2006

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: