Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 67/2004
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U 67/04

Arrêt du 13 juillet 2004
IVe Chambre

MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Geiser, suppléant. Greffier : M.
Beauverd

Compagnie d'Assurances Nationale Suisse, Direction pour la Suisse romande,
quai Gustave-Ador 54, 1211 Genève 6, recourante,

contre

P.________, intimée, représentée par Me Henri Nanchen, avocat, boulevard des
Philosophes 14, 1205 Genève,

Tribunal administratif de la République et canton de Genève, Genève

(Jugement du 13 janvier 2003)

Faits:

A.
P.  ________, née en 1977, a travaillé au service de E.________ depuis le 1er
août 1998 et était, à ce titre, assurée contre le risque d'accident
professionnel et non professionnel auprès de La Nationale Suisse Assurances
(ci-après : La Nationale). Le 24 mars 2001, après avoir fait de l'exercice
sur le terrain de sport de V.________, elle a sauté d'une hauteur d'un mètre
environ pour franchir un portail fermé. A la réception au sol, son genou a
lâché. La prénommée a obtenu le 18 avril 2001 de La Nationale une garantie
d'hospitalisation à la Clinique G.________ pour le traitement d'une affection
ostéo-articulaire.

Le docteur B.________, qui a prodigué les premiers soins le 27 mars 2001, a
établi un rapport le 28 mai suivant, dans lequel il a fait état d'un status
après arthroscopie du genou gauche en 1998 pour blocage, ainsi que d'une
rupture ancienne du ligament croisé antérieur. En outre, il a  constaté,
après l'événement du 24 mars 2001, un épanchement intra-articulaire, une
laxité antéro-postérieure et des signes méniscaux négatifs. Il a indiqué
qu'une imagerie par résonance magnétique effectuée le 3 avril 2001 avait
révélé une déchirure du ligament croisé antérieur et une contusion osseuse du
plateau tibial interne. Le diagnostic de ce médecin était celui d'entorse
grave du genou gauche, laquelle avait nécessité une plastie du ligament
croisé antérieur le 20 avril 2001 à la Clinique G.________.

Par décision du 9 juillet 2001, La Nationale a refusé ses prestations pour
l'événement du 24 mars précédent, motif pris que la déchirure du ligament
croisé antérieur diagnostiquée était survenue avant l'affiliation.

L'assurée s'est opposée à cette décision. Elle a produit un nouveau rapport
du docteur B.________, du 18 octobre 2001, selon lequel l'intéressée avait
déjà été victime d'un accident en France au mois de janvier 1998. A la suite
de cet événement, une arthroscopie effectuée dans un hôpital de A.________
avait permis de diagnostiquer une rupture du ligament croisé antérieur et une
déchirure de la corne postérieure du ménisque interne, laquelle avait été
partiellement réséquée. D'après le médecin prénommé, il était absolument
clair qu'il existait, après cet accident, une instabilité chronique du genou
gauche, mais il était tout aussi évident que l'événement du 24 mars 2001
avait provoqué de nouvelles atteintes. En effet, l'imagerie par résonance
magnétique pratiquée alors avait révélé, outre l'ancienne lésion du ligament
croisé antérieur, une contusion osseuse du plateau tibial interne, ainsi
qu'une déchirure complexe de la partie restante de la corne postérieure du
ménisque.

A la suite des objections du docteur Z.________, médecin-conseil de La
Nationale (rapport du 8 novembre 2001), le docteur B.________ a admis
toutefois que l'arthroscopie du 20 avril 2001 n'avait pas confirmé
l'existence d'une lésion au ménisque interne. En revanche, il a indiqué que
l'événement du 24 mars 2001 avait motivé l'intervention chirurgicale
susmentionnée et joué un rôle prépondérant dans l'aggravation d'une
instabilité chronique remontant à 1998 (lettre du 22 janvier 2002).

Par décision du 16 septembre 2002, La Nationale a rejeté l'opposition de
l'assurée. Elle a considéré que l'événement du 24 mars 2001 ne constituait
pas un accident au sens de la loi, qu'il n'avait pas occasionné, même
partiellement, d'atteinte à la santé, ni de lésion assimilée à un accident.
Enfin, l'assureur-accidents a nié toute responsabilité à raison de la
garantie d'hospitalisation délivrée le 18 avril 2001.

B.
P. ________ a recouru contre cette décision devant le Tribunal administratif
du canton de Genève (actuellement, en matière d'assurances sociales :
Tribunal cantonal des assurances sociales), en concluant à ce que La
Nationale fût condamnée à prendre en charge les suites des atteintes à la
santé, en particulier les frais relatifs à l'intervention pratiquée le 20
avril 2001 à la Clinique G.________.

Appelée en cause, Assura, assureur-maladie de l'intéressée, a renoncé à
exercer ses droits de partie.

Par jugement du 13 janvier 2003 (recte : 2004), le tribunal a annulé les
décisions de La Nationale des 9 juillet 2001 et 12 (recte :16) septembre 2002
et renvoyé la cause à l'assureur pour qu'il fixe la date à partir de laquelle
le statu quo ante a été retrouvé et qu'il alloue à l'assurée des prestations
en tenant compte de cette date.

C.
La Nationale interjette recours de droit administratif contre ce jugement,
dont elle demande l'annulation, en concluant à la confirmation de sa décision
sur opposition du 16 septembre 2002.

P.  ________ conclut au rejet du recours, sous suite de dépens. Invitée à se
déterminer en qualité d'intéressée, Assura s'en remet à justice. De son côté,
l'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales
(LPGA), du 6 octobre 2000, est entrée en vigueur le 1er janvier 2003,
entraînant la modification de nombreuses dispositions dans le domaine de
l'assurance-accidents. Cependant, le cas d'espèce reste régi par les
dispositions de la LAA en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard au
principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment
où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V 467
consid. 1). En outre, le Tribunal fédéral des assurances apprécie la légalité
des décisions attaquées, en règle générale, d'après l'état de fait existant
au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366 consid. 1b).

2.
Le litige porte sur l'existence d'un événement accidentel ou d'une lésion
assimilée à un accident, ainsi que sur le droit éventuel de l'assurée à la
protection de la bonne foi.

3.
3.1
Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire,
portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet
la santé physique ou mentale (art. 2 al. 2 LAMal; art. 9 al. 1 OLAA; ATF 129
V 404 consid. 2.1, 122 V 232 consid. 1 et les références).

Il résulte de la définition même de l'accident que le caractère
extraordinaire de l'atteinte ne concerne pas les effets du facteur extérieur,
mais seulement ce facteur lui-même. Dès lors il importe peu que le facteur
extérieur ait entraîné, le cas échéant, des conséquences graves ou
inattendues. Le facteur extérieur est considéré comme extraordinaire
lorsqu'il excède, dans le cas particulier, le cadre des événements et des
situations que l'on peut, objectivement, qualifier de quotidiens ou
d'habituels (ATF 129 V 404 consid. 2.1, 122 V 233 consid. 1, 121 V 38 consid.
1a ainsi que les références).

3.2  En l'espèce, la déclaration d'accident du 2 avril 2001 décrit
l'événement
du 24 mars précédent de façon très laconique : « saut d'environ un mètre,
lâchage du genou », tandis que le rapport initial du docteur B.________, du
28 mai 2001, indique seulement que le saut en question a eu lieu sur une
barrière et que la réception s'est effectuée avec torsion sur le genou
gauche. Le dossier ne comporte aucune autre description de cet événement
avant la décision de refus de prestations rendue par la recourante le 9
juillet 2001. Entendue par le tribunal cantonal le 5 mai 2003, l'assurée a
déclaré qu'après avoir fait du jogging sur le terrain de sport de V.________,
elle avait trouvé fermé le portail de sortie, qu'elle l'avait escaladé pour
le franchir avant de sauter. C'est en touchant le sol que son genou avait
lâché et qu'elle était tombée. Elle avait alors ressenti une forte douleur et
était restée assise par terre pendant une demi-heure. La survenance d'une
chute à l'occasion du saut en question n'a été évoquée qu'au moment de cette
audition.

En présence de deux versions différentes au sujet des circonstances d'un
accident, il faut, selon la jurisprudence, donner la préférence à celle que
l'assuré a donnée en premier, alors qu'il en ignorait les conséquences
juridiques, les explications nouvelles pouvant être - consciemment ou non -
le produit de réflexions ultérieures (ATF 121 V 47 consid. 2a et les
références, VSI 2000 p. 201 consid. 2d). Il y a donc lieu de considérer que
le genou de l'assurée a eu une défaillance indépendamment d'une éventuelle
chute.

Le franchissement d'un portail d'une hauteur d'un mètre environ par une
personne qui pratique le jogging ne peut être considéré comme inhabituel. Par
ailleurs, l'intéressée n'a jamais déclaré avoir glissé ou trébuché, ni avoir
eu un mouvement désordonné ou involontaire, tel un mouvement de recul
effectué par réflexe (cf. Maurer, Schweizerisches Unfallversicherungsrecht,
2ème éd., Berne 1989, p. 176 s.) juste avant de retomber à terre. Dès lors,
une position incorrecte de l'intéressée à la réception du saut en question ne
saurait être considérée comme un mouvement non programmé au sens de la
jurisprudence (RAMA 2004 no U 502, p. 183 ss et les nombreuses références).
L'existence d'une cause extérieure extraordinaire doit par conséquent être
niée et, partant, le caractère accidentel de l'événement du 24 mars 2001 ne
peut pas être admis.

4.
4.1 Selon l'art. 6 al. 2 LAA, le Conseil fédéral peut inclure dans
l'assurance
des lésions corporelles qui sont semblables aux conséquences d'un accident.
Aux termes de l'art. 9 al. 2 OLAA, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er
janvier 1998, édicté par l'autorité exécutive en vertu de cette délégation de
compétence, pour autant qu'elles ne soient pas manifestement imputables à une
maladie ou à des phénomènes dégénératifs, les lésions corporelles suivantes,
dont la liste est exhaustive, sont assimilées à un accident, même si elles ne
sont pas causées par un facteur extérieur de caractère extraordinaire :
a.Les fractures;
b.Les déboîtements d'articulations;
c.Les déchirures du ménisque;
d.Les déchirures de muscles;
e.Les élongations de muscles;
f.Les déchirures de tendons;
g.Les lésions de ligaments;
h.Les lésions du tympan.
La notion de lésion assimilée à un accident, au sens de cette disposition
réglementaire, a pour but d'atténuer en faveur de l'assuré les rigueurs
résultant de la distinction que le droit fédéral opère entre la maladie et
l'accident. Aussi, les assureurs-accidents LAA doivent-ils assumer un risque
qui, en raison de la distinction précitée, devrait en principe être couvert
par l'assurance-maladie (ATF 123 V 44 s. consid. 2b; RAMA 2001 no U 435 p.
333 s. consid. 2c).

4.2  En l'espèce, à la suite de l'événement du 24 mars 2001, il a été
diagnostiqué, dans un premier temps, une déchirure ancienne du ligament
croisé antérieur et une contusion osseuse de la partie postérieure du plateau
tibial interne. L'interprétation d'une image par résonance magnétique a
conduit en outre à la suspicion d'une déchirure de la corne postérieure du
ménisque interne. Il n'est pas contesté que la déchirure du ligament croisé
antérieur était une lésion datant d'une époque antérieure à l'événement
susmentionné et que la suspicion de déchirure méniscale n'a pas été confirmée
lors de l'intervention chirurgicale. Si, dans la lettre qu'il a adressée au
mandataire de l'assurée le 22 janvier 2002, le docteur B.________ a bien
évoqué le rôle aggravant de l'événement susmentionné dans l'instabilité
chronique du genou gauche remontant à 1998, il n'a toutefois pas indiqué
l'existence d'une lésion imputable à cet événement hormis une contusion
osseuse. Or, une telle affection ne correspond à aucune des lésions
corporelles énumérées à l'art. 9 al. 2 OLAA.

5.
5.1 En invoquant subsidiairement la jurisprudence relative à la protection de
la bonne foi en cas de renseignements erronés (ATF 127 I 36 consid. 3a; RAMA
2001 no KV 171 p. 281 consid. 3b, 2000 no KV 126 p. 223, no KV 133 p. 291
consid. 2a), l'intimée soutient qu'elle a droit aux prestations de
l'assureur-accidents, parce que ce dernier a délivré, le 18 avril 2001, une
garantie d'hospitalisation en faveur de la Clinique G.________.

Ce moyen est mal fondé. Selon la jurisprudence constante, la garantie de
paiement donnée à un établissement hospitalier représente une garantie de
prestations de la caisse uniquement vis-à-vis de cet établissement. Elle a
pour effet de dispenser l'assuré de fournir des sûretés ou des arrhes à ce
dernier, mais elle ne constitue pas un engagement définitif de l'assureur
envers l'assuré de prendre en charge les frais (ATF 112 V 190 consid. 1, 111
V 31 consid. 3; arrêts W. du 7 avril 2004, U 69/03 et T. du 24 décembre 2002,
K 87/02; cf. aussi ATF 127 V 50 consid. 3). Seules des circonstances
particulières permettent de donner à la garantie de paiement la portée d'un
tel engagement (ATF 112 V 190 consid. 1 et les références).

En l'occurrence, si P.________ a bien elle-même solicité de la recourante une
« garantie d'hospitalisation » en usant du formulaire remis par la clinique
et quand bien même elle a eu un entretien téléphonique avec un représentant
de La Nationale à ce sujet, rien n'indique que ce dernier lui a donné une
quelconque assurance quant à la prise en charge des frais. L'intimée ne
soutient d'ailleurs rien de tel, mais se fonde seulement sur la garantie en
question, dont la portée n'est pas celle que voudrait l'intéressée, et aussi
sur des renseignements que celle-ci allègue avoir pris auprès de son
employeur, lequel n'avait de toute évidence par compétence pour engager
l'assureur-accidents (RAMA 2001 no KV 171 p. 281 consid. 3b).

6.
Vu ce qui précède, la recourante n'est pas tenue d'allouer des prestations
pour l'événement du 24 mars 2001. Elle était donc en droit, par sa décision
sur opposition du 16 septembre 2002, de refuser la prise en charge des suites
de cet événement. Le recours se révèle dès lors bien fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal administratif du canton de
Genève du 13 janvier 2003 (recte : 2004) est annulé.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales du canton de Genève, à ASSURA et à l'Office fédéral de la
santé publique.

Lucerne, le 13 juillet 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IVe Chambre:   Le Greffier: