Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 62/2004
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U 62/04

Arrêt du 11 mai 2004
IVe Chambre

MM. les Juges Ferrari, Président, Ursprung et Geiser, suppléant. Greffière :
Mme von Zwehl

La Vaudoise Générale, Compagnie d'assurances SA, place de Milan, 1007
Lausanne, recourante,

contre

1. Caisse-maladie CPT, Tellstrasse 18, 3014 Berne,
2. O.________,
intimées

Tribunal administratif de la République et canton de Genève, Genève

(Jugement du 20 janvier 2004)

Faits:

A.
O. ________, née en 1951, travaille en qualité de concierge et patrouilleuse
scolaire au service de la Commune de C.________. A ce titre, elle est assurée
contre les accidents professionnels et non professionnels auprès de la
Vaudoise Générale, Compagnie d'assurances SA (ci-après : la Vaudoise).

Le 17 décembre 2002, l'assurée a ressenti une vive douleur à son pied droit
alors qu'elle quittait son lieu de travail en marchant. Consulté le 26
décembre suivant, le docteur B.________ a posé le diagnostic de fracture de
fatigue du 2ème métacarpien du pied droit et attesté d'une incapacité de
travail jusqu'au 13 janvier 2003. Après l'annonce du cas par l'employeur, la
Vaudoise a interrogé O.________ sur les circonstances de l'événement déclaré.
La prénommé a confirmé que l'incident était survenu «en marchant rapidement»;
à la question de savoir s'il s'agissait pour elle d'une activité habituelle
et si celle-ci s'est déroulée dans des conditions normales, elle a répondu
affirmativement (cf. questionnaire du 15 janvier 2003). Par décision du 30
janvier 2003, la Vaudoise a refusé de prendre le cas à sa charge, motif pris
de l'absence d'accident ou de lésion assimilée à un accident au sens de la
loi. O.________ et son assureur-maladie, la Caisse-maladie CTP (ci-après : la
CTP), ont tous deux fait opposition. Par décision du 26 mars 2003, la
Vaudoise a écarté ces oppositions et confirmé son refus de prestations.

B.
La CTP a déféré cette décision au Tribunal administratif du canton de Genève
(aujourd'hui en matière d'assurances sociales : Tribunal cantonal des
assurances sociales), en produisant un document émanant de la doctoresse
P.________ qui avait soigné l'assurée et selon laquelle la fracture était
intervenue de manière «progressive» et «sans pathologie associée».

Par jugement du 20 janvier 2003, le tribunal a admis le recours, annulé la
décision litigieuse, et renvoyé la cause à la Vaudoise pour qu'elle prenne en
charge le sinistre. En bref, les juges cantonaux ont retenu que la lésion
subie par O.________ devait être assimilée à un accident.

C.
La Vaudoise interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont
elle requiert l'annulation. Elle conclut à la confirmation de sa décision sur
opposition.

La CPT conclut au rejet du recours avec suite de frais et dépens. De leur
côté, O.________ et l'Office fédéral de la santé publique ont renoncé à
présenter des observations.

Considérant en droit:

1.
Est litigieux le point de savoir si la fracture subie par O.________
constitue une lésion corporelle assimilée à un accident. Dans la mesure où
l'événement en cause est survenu le 17 décembre 2002, soit avant l'entrée en
vigueur, le 1er janvier 2003, de la loi fédérale sur la partie générale des
assurances sociales (LPGA) du 6 octobre 2000, c'est à juste titre que les
premiers juges ont examiné cette question à la lumière des dispositions
légales et réglementaires applicables jusqu'au 31 décembre 2002. En effet,
d'après les principes généraux, on applique, en cas de changement de règles
de droit et sauf réglementation transitoire contraire, les dispositions en
vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié
juridiquement ou qui a des conséquences juridiques (ATF 127 V 467 consid. 1,
121 V 100 consid. 1a; SJ 1996 p. 427 consid. 2b; Moor, Droit administratif,
vol. I, 2ème éd., p. 170).

2.
2.1 Aux termes de l'art. 6 al. 2 LAA, le Conseil fédéral peut inclure dans
l'assurance des lésions corporelles qui sont semblables aux conséquences d'un
accident. En vertu de cette délégation de compétence, le Conseil fédéral a
édicté l'art. 9 al. 2 OLAA, qui prévoit que pour autant qu'elles ne soient
pas manifestement imputables à une maladie ou à des phénomènes dégénératifs,
les lésions corporelles suivantes, dont la liste est exhaustive, sont
assimilées à un accident, même si elles ne sont pas causées par un facteur
extérieur de caractère extraordinaire:

a) Les fractures;
b) Les déboîtements d'articulations;
c) Les déchirures du ménisque;
d) Les déchirures de muscles;
e) Les élongations de muscles;
f) Les déchirures de tendons;
g) Les lésions de ligaments;
h) Les lésions du tympan.

2.2 Dans un récent arrêt (ATF 129 V 466), le Tribunal fédéral des assurances
a précisé les conditions d'octroi des prestations en cas de lésions
corporelles assimilées à un accident. Il a rappelé qu'à l'exception du
caractère «extraordinaire» de la cause extérieure, toutes les autres
conditions constitutives de la notion d'accident devaient être réalisées (cf.
art. 9 al. 1 OLAA). En particulier, il a déclaré qu'à défaut de l'existence
d'une cause extérieure - soit d'un événement similaire à un accident, externe
au corps humain, susceptible d'être constaté de manière objective et qui
présente une certaine importance -, fût-ce comme simple facteur déclenchant
des lésions corporelles énumérées à l'art. 9 al. 2 OLAA, les troubles
constatés étaient à la charge de l'assurance-maladie.

Toujours selon le tribunal, l'existence d'une lésion corporelle assimilée à
un accident devait ainsi être niée, dans tous les cas où le facteur
dommageable extérieur se confondait avec l'apparition (pour la première fois)
de douleurs identifiées comme étant les symptômes des lésions corporelles
énumérées à l'art. 9 al. 2 let. a à h OLAA. De la même manière, l'exigence
d'un facteur dommageable extérieur n'était pas donnée lorsque l'assuré
faisait état de douleurs apparues pour la première fois après avoir accompli
un geste de la vie courante (par exemple en se levant, en s'asseyant, en se
couchant ou en se déplaçant dans une pièce, etc.) à moins que le geste en
question n'ait requis une sollicitation du corps, en particulier des membres,
plus élevée que la normale et/ou dépasse ce qui est normalement maîtrisé d'un
point de vue psychologique. La notion de cause extérieure supposait en effet
qu'un événement générant un risque de lésion accru survienne. Tel était le
cas notamment lors de changements de position du corps, qui sont fréquemment
de nature à provoquer des lésions corporelles selon les constatations de la
médecine des accidents (brusque redressement du corps à partir de la position
accroupie, le fait d'accomplir un mouvement violent ou en étant lourdement
chargé, ou le changement de position corporelle de manière incontrôlée sous
l'influence de phénomènes extérieurs).

3.
En l'occurrence, O.________ a subi une fracture de fatigue du 2ème
métacarpien de son pied droit après avoir ressenti les (premières) douleurs
alors qu'elle était en train de marcher. Selon ses déclarations, elle
marchait rapidement mais dans des conditions tout à fait normales. Dès lors
que rien ne permet de retenir que son membre inférieur droit ait été
sollicité de manière particulière ou qu'un phénomène extérieur soit venu
interférer dans le déroulement de la marche, on ne voit pas qu'un événement
similaire à un accident se soit produit. Certes, la doctoresse P.________
a-t-elle souligné que la fracture présentée par sa patiente était intervenue
«sans contexte de pathologie associée telle ostéoporose ou malformation de
deux pieds entraînant un hyperappui anormal» (voir sa lettre du 4 juin 2003).
Cette constatation ne change toutefois rien à la solution du litige. La
preuve qu'une lésion déterminée est ou non la conséquence d'une maladie ne
revêt une importance que lorsque la condition du facteur extérieur est
remplie. Dans cette hypothèse, l'assureur-accidents ne pourrait se soustraire
à sa responsabilité que s'il rapportait la preuve que la lésion corporelle
concernée est manifestement imputable à une maladie ou à des phénomènes
dégénératifs. Dans le cas particulier toutefois, quand bien même la fracture
de l'assuré ne résulte pas, aux yeux des médecins consultés, d'une maladie au
sens strictement médical du terme, il n'y a pas lieu d'admettre l'existence
d'une lésion corporelle assimilée à un accident au sens de la jurisprudence
et des dispositions réglementaires précitées (voir consid. 2 supra), faute de
cause dommageable extérieure.

C'est par conséquent à tort que les premiers juges en ont décidé autrement
dans le jugement entrepris. Celui-ci se révèle donc non conforme au droit
fédéral, de sorte que le recours est bien fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement du 20 janvier 2003 du Tribunal
administratif du canton de Genève est annulé.

2.
Les frais de justice, d'un montant de 3'000 fr., sont mis à la charge de la
Caisse-maladie CPT. L'avance de frais de 3'000 fr. effectuée par la
recourante lui est restituée.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales du canton de Genève, à O.________, ainsi qu'à l'Office
fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 11 mai 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IVe Chambre:   La Greffière: