Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 42/2004
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U 42/04

Arrêt du 27 janvier 2005
IVe Chambre

MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Ursprung. Greffier : M. Beauverd

C.________, recourant, ayant élu domicile c/o Association suisse des assurés
(ASSUAS),
avenue Vibert 19, 1227 Carouge,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1,
6004 Lucerne, intimée

Tribunal administratif de la République et canton de Genève, Genève

(Jugement du 16 décembre 2003)

Faits:

A.
C. ________, né en 1941, travaille en qualité de sertisseur au service de la
société O.________ Sàrl. A ce titre, il est assuré obligatoirement contre le
risque d'accident auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas
d'accidents (CNA).

Le 2 janvier 1999, il a été victime d'une rupture partielle du biceps
brachial gauche lors d'une chute à ski. La CNA a pris en charge le cas.

Après avoir subi diverses périodes d'incapacité de travail, l'assuré a repris
son activité à raison de 50 % le 3 mars 1999.

La CNA a recueilli différents avis médicaux. En particulier, le docteur
G.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et médecin d'arrondissement
de la CNA, a attesté que la rupture traumatique du tendon du biceps distal à
gauche entraînait une diminution de rendement dans l'activité de sertisseur.
En revanche, il n'en découlait aucun handicap dans une profession n'exigeant
pas des travaux de force et de précision du membre supérieur gauche (rapport
du 24 juillet 2000).

Par décision du 30 octobre 2001, la CNA a alloué à l'assuré, à partir du 1er
janvier précédent, une rente d'invalidité fondée sur une incapacité de gain
de 35 % et une indemnité pour atteinte à l'intégrité fondée sur un taux de 5
%. Saisie d'une opposition de l'assuré qui concluait à l'octroi d'une rente
fondée sur une incapacité de gain de 50 %, la CNA l'a partiellement admise,
en ce sens que le taux de la rente a été porté à 37 % (décision du 3 juillet
2002).

B.
C.________ a recouru contre cette dernière décision devant le Tribunal
administratif du canton de Genève (aujourd'hui, en matière d'assurances
sociales: le Tribunal cantonal des assurances sociales du canton de Genève),
en concluant à l'octroi d'une rente fondée sur une incapacité de gain de 50
%.

Par une décision du 7 avril 2003, l'Office AI pour les assurés résidant à
l'étranger a alloué à l'assuré, à partir du 1er juillet 2000, une demi-rente
d'invalidité fondée sur un taux de 50 %.

Statuant le 16 décembre 2003, la juridiction cantonale a rejeté le recours
dont elle était saisie.

C.
C.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont
il requiert l'annulation, en concluant derechef à l'octroi d'une rente fondée
sur un taux d'invalidité de 50 %, subsidiairement au renvoi de la cause à la
juridiction cantonale pour complément d'instruction.

La CNA conclut au rejet du recours. De son côté, l'Office fédéral de la santé
publique a renoncé à se déterminer sur celui-ci.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de
l'assurance-accidents. Cependant, le cas d'espèce reste régi par les
dispositions de la LAA en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard au
principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment
où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V 467
consid. 1). En outre, le Tribunal fédéral des assurances apprécie la légalité
des décisions attaquées, en règle générale, d'après l'état de fait existant
au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366 consid. 1b).

2.
Le litige porte sur le taux d'invalidité déterminant pour fixer le montant de
la rente allouée au recourant (art. 20 al. 1 LAA).

Pour l'évaluation de l'invalidité, le revenu du travail que l'assuré devenu
invalide par suite d'un accident pourrait obtenir en exerçant l'activité
qu'on peut raisonnablement attendre de lui, après exécution éventuelle de
mesures de réadaptation et compte tenu d'une situation équilibrée du marché
du travail, est comparé au revenu qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas
invalide (art. 18 al. 2, seconde phrase, LAA).

3.
3.1 Par sa décision sur opposition litigieuse, la CNA a fixé à 37 % le taux
d'invalidité. Pour ce faire, elle a comparé un revenu sans invalidité de
71'500 fr. avec un revenu d'invalide de l'ordre de 45'000 fr., montant tiré
de cinq descriptions de postes de travail (DPT) compatibles avec le handicap
de l'assuré, dans la mesure où ils n'exigent pas de travaux de force et de
précision du membre supérieur gauche. Se fondant sur le rapport du docteur
G.________ (du 24 juillet 2000), la CNA a considéré, en effet, que l'atteinte
n'entraînait aucun handicap dans une activité n'exigeant pas de tels travaux.

De son côté, le recourant fait valoir que la CNA et la juridiction cantonale
ne pouvaient, sans motifs suffisants, s'écarter du taux d'invalidité de 50 %
fixé par l'office AI dans sa décision du 7 avril 2003. En particulier, les
premiers juges ne pouvaient pas reprocher à l'office AI de n'avoir procédé à
aucune investigation médicale, puisque des collaborateurs dudit office ont
effectué en 2002 une visite dans l'entreprise où travaille l'intéressé et
qu'ils ont recueilli des avis des docteurs S.________ (du 18 septembre 2002)
et E.________ (du 19 septembre 2002) postérieurs à la décision sur opposition
de la CNA.

3.2 Ainsi que le Tribunal fédéral des assurances l'a déclaré à maintes
reprises, la notion d'invalidité est, en principe, identique en matière
d'assurance-accidents, d'assurance militaire et d'assurance-invalidité. Dans
ces trois domaines, elle représente la diminution permanente ou de longue
durée, résultant d'une atteinte à la santé assurée, des possibilités de gain
sur le marché du travail équilibré qui entrent en ligne de compte pour
l'assuré. La définition de l'invalidité est désormais inscrite dans la loi.
Selon l'art. 8 al. 1 LPGA, est réputée invalidité l'incapacité de gain totale
ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée.
En raison de l'uniformité de la notion d'invalidité, il convient d'éviter que
pour une même atteinte à la santé, assurance-accidents, assurance militaire
et assurance-invalidité n'aboutissent à des appréciations divergentes quant
au taux d'invalidité. Cela n'a cependant pas pour conséquence de les libérer
de l'obligation de procéder dans chaque cas et de manière indépendante à
l'évaluation de l'invalidité. En aucune manière un assureur ne peut se
contenter de reprendre simplement et sans plus ample examen le taux
d'invalidité fixé par l'autre assureur car un effet obligatoire aussi étendu
ne se justifierait pas.
D'un autre côté, l'évaluation de l'invalidité par l'un des assureurs ne peut
être effectuée en faisant totalement abstraction de la décision rendue par
l'autre. A tout le moins, une évaluation entérinée par une décision entrée en
force ne peut pas rester simplement ignorée. Elle doit au contraire être
considérée comme un indice d'une appréciation fiable et, par voie de
conséquence, prise en compte ultérieurement dans le processus de décision par
le deuxième assureur.
Aussi, l'assureur doit-il se laisser opposer la présomption de l'exactitude
de l'évaluation de l'invalidité effectuée, une appréciation divergente de
celle-ci ne pouvant intervenir qu'à titre exceptionnel et seulement si
certaines conditions sont réalisées. En particulier, peuvent constituer des
motifs suffisants de s'écarter d'une telle évaluation le fait que celle-ci
repose sur une erreur de droit ou sur une appréciation insoutenable ou encore
qu'elle résulte d'une simple transaction conclue avec l'assuré. A ces motifs
de divergence déjà reconnus antérieurement par la jurisprudence, il faut
ajouter des mesures d'instruction extrêmement limitées et superficielles,
ainsi qu'une évaluation pas du tout convaincante ou entachée d'inobjectivité
(ATF 126 V 293 consid. 2d; VSI 2004 p. 185 consid. 3; RAMA 2001 n° U 410 p.
73 s. consid. 3, 2000 n° U 406 p. 402 s. consid. 3).

4.
4.1 En l'espèce, il sied d'abord de relever que la CNA a fixé l'invalidité de
l'assuré avant que l'office AI procédât à sa propre évaluation. On ne saurait
donc considérer qu'il existait, au moment où la CNA a rendu sa décision sur
opposition litigieuse, une évaluation entérinée par une décision de l'office
AI, entrée en force.

Au surplus, l'intimée ne saurait être liée par l'évaluation de l'invalidité
de l'office AI. Il apparaît en effet que celui-ci s'est contenté de fixer le
taux d'invalidité à 50 % compte tenu exclusivement d'une diminution de
rendement correspondante dans la profession de sertisseur. Ce faisant,
l'office AI n'a pas procédé à une comparaison du revenu sans invalidité et du
revenu que l'assuré pourrait obtenir en exerçant une autre activité
raisonnablement exigible, à savoir un travail n'exigeant pas des travaux de
force et de précision du membre supérieur gauche.
L'évaluation de l'invalidité effectuée par l'office AI n'est dès lors pas
opposable à la CNA.

4.2 Cela étant, il y a lieu d'examiner si celle-ci était fondée, sur le vu
des données médicales réunies au dossier (ATF 125 V 261 consid. 4, 115 V 134
consid. 2, 114 V 314 consid. 3c, 105 V 158 consid. 1), à admettre une
capacité de travail entière dans une activité adaptée.

Pour ce faire, l'intimée s'est référée aux conclusions du docteur G.________,
selon lesquelles les troubles dont est atteint le recourant n'entraînent
aucun handicap dans une activité n'exigeant pas des travaux de force et de
précision du membre supérieur gauche (rapport du 24 juillet 2000). Or, en
l'occurrence, il n'existe aucun indice concret permettant de douter du
bien-fondé de l'appréciation du médecin prénommé. Certes, le docteur
S.________, médecin attaché de l'Hôpital de N.________, a attesté que le
recourant doit éviter toute activité physique sollicitant le membre supérieur
gauche (rapport du 18 septembre 2002). Outre qu'il n'est pas motivé, cet avis
médical ne fait toutefois état d'aucun élément objectif qui n'ait été pris en
compte et dûment analysé par le docteur G.________. Il ne saurait dès lors
remettre en cause l'appréciation de ce médecin. Quant au docteur E.________,
il fait état d'une incapacité de travail de 50 % non seulement dans
l'activité habituelle mais également dans «toutes les professions manuelles»,
du moment que celles-ci exigent une simultanéité de geste (rapport du 19
septembre 2002). Cette appréciation n'est toutefois pas non plus de nature à
mettre en doute les conclusions du docteur G.________, dans la mesure où elle
prend en compte une diminution importante de la force musculaire du membre
supérieur droit empêchant tout port de charges, handicap qui ne découle pas
de l'accident du 2 janvier 1999. Au surplus, sur le vu des descriptions de
postes de travail réunies par l'intimée, on ne saurait partager le point de
vue du docteur E.________, selon lequel toutes les professions manuelles
exigent une simultanéité de gestes.

Cela étant, la CNA était fondée, étant donné les conclusions du docteur
G.________ et sans qu'il soit nécessaire de procéder - comme le demande le
recourant - à une instruction complémentaire, à considérer que la capacité de
travail du recourant est entière dans une activité adaptée.

4.3 La CNA a comparé le revenu sans invalidité de 71'500 fr. - non contesté -
à un revenu d'invalide de l'ordre de 45'000 fr., montant correspondant à la
moyenne des salaires ressortant de cinq DPT n'exigeant que des travaux légers
et le port de charges légères (comprises entre 5 et 10 kilos). Certes, la CNA
n'a pas communiqué à l'assuré le nombre total des postes de travail pouvant
entrer en considération d'après le type de handicap, ainsi que le salaire le
plus haut, le salaire le plus bas et le salaire moyen du groupe auquel il est
fait référence. Cependant, de son côté, l'assuré n'a pas soulevé d'objections
quant au choix et à la représentativité de ces DPT durant la procédure
d'opposition, comme l'exige la jurisprudence (ATF 129 V 472 s.). Quoi qu'il
en soit, si l'on compare le revenu sans invalidité avec le revenu d'invalide
ressortant des données statistiques de l'Enquête suisse sur la structure des
salaires (ESS) et que l'on admet même un taux de réduction maximal de 25 %
(ATF 126 V 75; RAMA 2002 n° U 467 p. 513 consid. 3b), la fixation à 37 % du
taux d'invalidité par la CNA n'apparaît ni contraire au droit ni
inappropriée.

Le jugement cantonal, qui confirme la décision sur opposition de l'intimée du
3 juillet 2002, n'est dès lors pas critiquable et le recours se révèle mal
fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales du canton de Genève et à l'Office fédéral de la santé
publique.

Lucerne, le 27 janvier 2005
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IVe Chambre:   Le Greffier: