Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 37/2004
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U 37/04

Arrêt du 28 mai 2004
IVe Chambre

MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Boinay, suppléant. Greffier : M.
Berthoud

T.________, recourant, représenté par Me Pierre Bauer, avocat, avenue
Léopold-Robert 88, 2301 La Chaux-de-Fonds,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Service juridique,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

(Jugement du 18 décembre 2003)

Faits:

A.
T. ________, né en 1977, a travaillé en qualité de manoeuvre pour le compte
de l'entreprise K.________SA. A ce titre, il était assuré contre les
accidents professionnels et non professionnels auprès de la Caisse nationale
suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA).

Le 1er septembre 1998, il a été victime d'un accident de chantier. Alors
qu'il était occupé à compacter le terrain en haut d'un talus avec un rouleau
compresseur, T.________ s'est trop approché du bord; cette manoeuvre a eu
pour effet de déséquilibrer la machine qui a fait un tonneau avant de
s'immobiliser sur le côté. T.________ a eu le bras gauche coincé par le toit.
Il a été hospitalisé au Centre Hospitalier  V.________, où les médecins ont
diagnostiqué une contusion du membre supérieur gauche avec écrasement des
nerfs cubital et radial, des plaies au niveau des bras gauche et droit ainsi
que du dos. Les médecins du Centre Hospitalier V.________ ont procédé à une
révision des plaies, à une neurolyse des nerfs cubital et radial et à une
fasciotomie du membre supérieur gauche. T.________ a été hospitalisé au
Centre Hospitalier V.________ jusqu'au 9 septembre 1998 puis il a été
transféré à l'Hôpital C.________ pour la suite du traitement. Il y a séjourné
jusqu'au 22 septembre 1998 (rapport du docteur O.________ du 22 décembre
1998).

Les séquelles de l'accident ont évolué lentement mais favorablement, sans
toutefois disparaître. Après l'échec d'un stage d'observation professionnelle
dans le cadre de l'assurance-invalidité, la CNA a fait déterminer les travaux
encore exigibles par la Clinique de B.________. Se fondant sur les avis des
docteurs S.________ et L.________ ainsi que sur celui de la physiothérapeute
D.________ (rapport du 27 juillet 2001), la CNA a considéré que T.________
était à même d'exercer à plein temps une activité légère à la condition que
les travaux n'impliquent pas une forte mise à contribution du bras gauche. Le
23 novembre 2001, elle a rendu une décision allouant à T.________ une rente
basée sur une incapacité de gain de 20 % et a fixé l'indemnité pour atteinte
à l'intégrité à 10 %.

Saisie d'une opposition de l'assuré, la CNA l'a rejetée par décision du 19
août 2002.

B.
T.________ a recouru contre cette décision devant le Tribunal administratif
du canton de Neuchâtel en concluant, sous suite de frais et dépens, à
l'annulation de la décision attaquée et à l'octroi d'une rente d'invalidité
LAA fondée sur une incapacité de gain de 60 %. Le taux de l'indemnité pour
atteinte à l'intégrité n'a pas été contesté.

Par jugement du 18 décembre 2003, la Cour cantonale a rejeté le recours.

C.
T.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont
il demande l'annulation. Il conclut à l'octroi d'une rente d'invalidité
fondée sur une incapacité de gain de 60 % et au versement d'une indemnité
pour atteinte à l'intégrité corporelle de 40 %, sous suite de frais et
dépens. T.________ produit, en procédure fédérale, trois nouveaux certificats
médicaux.

La CNA conclut au rejet du recours. L'Office fédéral de la santé publique a
renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Au cours de la procédure d'opposition, le recourant a contesté le taux de
l'indemnité pour atteinte à l'intégrité. L'intimée a rejeté ses prétentions
dans sa décision sur opposition.

En procédure cantonale de recours, le recourant n'a pris aucune conclusion
concernant l'indemnité pour atteinte à l'intégrité et n'a pas abordé ce point
dans son mémoire de recours. Les juges cantonaux ne se sont pas prononcés sur
cette question, qui ne faisait pas l'objet de la contestation.

A défaut d'avoir été attaquée en temps utile devant le Tribunal
administratif, la décision sur opposition est donc entrée en force dans la
mesure où elle porte sur le taux de l'atteinte à l'intégrité et le montant de
l'indemnité, si bien que les conclusions que le recourant prend à cet égard
en procédure fédérale sont irrecevables.

2.
Le litige porte sur le taux de la rente d'invalidité du recourant.

3.
Le jugement entrepris expose de manière exacte et complète les dispositions
légales et les principes jurisprudentiels applicables à la solution du
litige. Il suffit donc d'y renvoyer.

4.
Le recourant estime que son taux d'incapacité de gain doit être fixé à 60 %.
A l'appui de ses conclusions, il invoque le rapport du docteur O.________ du
2 mars 2001, d'après lequel il ne peut plus exercer une activité qu'à temps
partiel. Il considère que ce taux est également justifié par le fait que
l'intimée n'a pas pris en compte les troubles psychiques dont il souffre et
qui entravent sa capacité de gain.

Quant au taux d'incapacité de gain de 20 %, l'intimée l'a arrêté en fonction
de l'exigibilité retenue par les docteurs S.________ et L.________, de la
Clinique de B.________, dans leur rapport du 27 juillet 2001.

5.
Il ressort du dossier médical que les traumatismes causés au bras gauche du
recourant par l'accident ont nécessité de nombreux traitements qui ont
conduit à une lente amélioration de la situation. En ce qui concerne les
possibilités de reprise du travail, le docteur E.________, médecin
d'arrondissement (rapport du 30 septembre 1999), admet que la capacité de
travail du recourant dans l'activité de manoeuvre est inexistante mais
qu'elle subsiste pour des activités légères, sans sollicitation en force et
répétée du bras gauche. Le docteur O.________ (rapport du 20 décembre 1999)
confirme l'avis de son confrère E.________, admettant qu'une activité légère
est parfaitement compatible avec le statut neurologique du patient. La
doctoresse B.________ (rapport du 25 février 2000) considère qu'il appartient
au recourant de se trouver un travail adapté et prévoit une reprise du
travail à 50 % dès le 24 février 2000 et 100 % dès le 1er avril 2000. Le
docteur O.________ constate une évolution favorable de la situation
neurophysiologique et prévoit que le patient peut reprendre une activité à
temps partiel (rapport du 2 mars 2001). Quant aux docteurs S.________ et
L.________, ils procèdent à l'évaluation de la capacité fonctionnelle du
recourant en se fondant sur plusieurs tests pratiques et en concluent qu'il
ne peut plus exercer l'activité de maoeuvre sur les chantiers mais qu'un
travail léger, sans port de charge à gauche de plus de 5 kg et sans
utilisation répétitive du bras gauche, est exigible à plein temps et sans
perte de rendement (rapport du 27 juillet 2001).
La plupart des avis médicaux vont dans le sens retenu par les docteurs
S.________ et L.________ en ce qui concerne l'exigibilité. Le seul avis
divergent émane du docteur O.________. Dans son rapport du 20 décembre 1999,
celui-ci s'était rallié à l'avis du docteur E.________. Par la suite, dans
son rapport du 2 mars 2001, il a constaté une amélioration sur le plan
neurologique chez le recourant et n'a prévu qu'une reprise du travail à temps
partiel alors qu'on pouvait s'attendre à ce qu'une amélioration de l'état de
santé de l'assuré conduise à une augmentation de la capacité de travail. Or,
à défaut de motivation, l'avis du docteur O.________ ne saurait remettre en
cause le rapport des docteurs S.________ et L.________ qui a pleine valeur
probante au regard des critères posés par la jurisprudence (cf. ATF 125 V 352
consid. 3a et la référence). Il faut donc admettre qu'il est établi au degré
de la vraisemblance prépondérante, exigée en matière d'assurances sociales
(cf. ATF 126 V 360 consid. 5b et les références), que le recourant peut
encore exercer un travail léger, sans port de charges à gauche de plus de 5
kg et sans utilisation répétitive du bras gauche. Cette activité peut être
exercée à plein temps et sans perte de rendement.

La question de l'exigibilité étant suffisamment élucidée, il est superflu
d'ordonner de plus amples investigations à ce sujet.

6.
Les premiers juges ont estimé que l'existence de troubles psychiques chez le
recourant relevait de ses seuls allégués et qu'aucun rapport médical ne
permettait de confirmer cette thèse. Ce raisonnement ne se concilie pas avec
les pièces du dossier. En effet, les docteurs R.________ et K.________, de la
clinique de B.________, qui sont les seuls spécialistes en psychiatrie à
avoir examiné le recourant, ont, dans leur rapport du 9 juillet 1999,
diagnostiqué un état dépressif dans le cadre d'un état de stress
post-traumatique (ICD : F 43.1) avec risque de chronification. Dans un
rapport du 24 octobre 2000, le docteur I.________ a fait état d'importants
troubles subjectifs. Les docteurs S.________ et L.________ de la Clinique de
B.________, dans leur rapport d'évaluation du 27 juillet 2001, ont constaté
un comportement quelque peu dépressif. De son côté, le médecin-conseil de
l'assurance-invalidité propose, le 25 novembre 2002, de faire faire une
expertise psychiatrique du recourant pour le cas où la CNA ne l'aurait pas
déjà demandé. Cette proposition n'a pas été suivie par le Service juridique
de l'AI qui a considéré que l'existence et les effets d'éventuels troubles
psychiques devaient « être établis dans le cadre du litige opposant
actuellement l'assuré à la CNA ». Ultérieurement, dans son rapport du 28
janvier 2004, le docteur W.________ a diagnostiqué des signes nets de
dépression.

Les pièces médicales dont on dispose ne permettent pas d'exclure une origine
traumatique aux troubles psychiques du recourant. L'intimée n'a toutefois pas
instruit la question de l'existence de troubles psychiques, ni celle de leur
éventuelle relation de causalité naturelle avec l'accident, dès lors qu'elle
a contesté l'existence du lien de causalité adéquate. S'il devait être établi
que le recourant souffre de troubles psychiques invalidants en rapport de
causalité naturelle avec l'accident, on ne pourrait alors nier d'emblée
l'existence d'un rapport de causalité adéquate, comme l'a fait l'intimée. En
effet, on est en présence d'un accident de gravité moyenne, ce qui postule,
pour l'examen de la causalité adéquate, que divers critères soient pris en
compte. Parmi ceux-ci, le caractère particulièrement impressionnant de
l'accident, la persistance des douleurs physiques ainsi que le degré et la
durée de l'incapacité de travail pourraient éventuellement entrer en ligne de
compte et conduire à admettre l'existence d'un rapport de causalité adéquate
(cf. ATF 115 V 409 consid. 5c/aa).

La cause n'est dès lors pas en état d'être jugée. Il convient ainsi de
retourner le dossier à l'intimée pour qu'elle fasse procéder à une expertise
afin de savoir si le recourant souffre de troubles psychiques invalidants et,
le cas échéant, de déterminer si ces troubles sont en relation de causalité
naturelle avec l'accident du 1er septembre 1998. En conséquence, le jugement
attaqué ainsi que la décision litigieuse, dans la mesure où elle porte sur le
taux de la rente d'invalidité, doivent être annulés.

7.
La procédure porte sur l'octroi ou le refus de prestations, si bien qu'elle
est gratuite (art. 134 OJ). Par ailleurs, le recourant, qui obtient
partiellement gain de cause, a droit à une indemnité de dépens réduite (art.
159 al. 3 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Dans la mesure où il est recevable, le recours est admis en ce sens que le
jugement du Tribunal administratif du canton de Neuchâtel du 18 décembre 2003
et la décision sur opposition de la CNA du 19 août 2002 sont annulés dans la
mesure où ils portent sur le taux de la rente d'invalidité. La cause est
renvoyée à l'intimée pour instruction complémentaire au sens des considérants
et nouvelle décision.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'intimée versera au recourant la somme de 1'500 fr. (y compris la taxe à la
valeur ajoutée) à titre de dépens pour la procédure fédérale.

4.
Le Tribunal administratif du canton de Neuchâtel statuera sur les dépens pour
la procédure de première instance, au regard de l'issue du procès de dernière
instance.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif du
canton de Neuchâtel et à l'Office fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 28 mai 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IVe Chambre:   Le Greffier: