Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 367/2004
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U 367/04

Arrêt du 18 octobre 2005
IVe Chambre

MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Ursprung. Greffier : M. Wagner

L.________, recourant, représenté par la DAS Protection juridique SA, avenue
de Provence 82, 1000 Lausanne 16,

contre

Generali Assurances Générales, rue de la Fontaine 1, 1211 Genève 3, intimée

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 10 juin 2004)

Faits:

A.
L. ________, né le 30 août 1967, a été engagé dès le 1er avril 2002 par la
société C.________ SA. A ce titre, il était assuré auprès de Generali
Assurances Générales contre le risque d'accident professionnel et non
professionnel.
Le 12 novembre 2002, C.________ SA a rempli une déclaration
d'accident-bagatelle LAA. L'employeur de L.________ indiquait que le 7
novembre 2002, lors d'un repas pris vers 13 h. au restaurant Y.________,
celui-ci avait mordu un plomb (projectile de chasse) qui était dans la
viande. Il signalait la brisure d'une molaire droite.
Le 20 novembre 2002, L.________ a consulté le docteur N.________,
médecin-dentiste. Dans un questionnaire concernant les lésions dentaires, du
9 décembre 2002, le médecin-dentiste a fait état d'une fracture de l'amalgame
de la dent n° 16 en mordant sur un plomb (projectile de chasse) contenu dans
la viande. Son devis s'élevait à 434 fr.
Generali Assurances Générales a invité L.________ à remplir un questionnaire
relatif à la lésion dentaire. Dans ce questionnaire, du 18 décembre 2002,
celui-ci a répondu qu'il n'avait pas annoncé l'événement du 7 novembre 2002
au restaurant Y.________. Il indiquait que D.________ avait été témoin de cet
événement.
Le 6 mai 2003, Generali Assurances Générales a avisé L.________ qu'il n'avait
droit à aucune prestation de l'assurance-accidents pour les frais relatifs à
l'événement du 7 novembre 2002, faute d'accident.

L. ________ a formé opposition contre cette décision.
Par décision du 20 novembre 2003, Generali Assurances Générales a rejeté
l'opposition.

B.
L.________ a formé recours contre cette décision devant le Tribunal des
assurances du canton de Vaud, en concluant, sous suite de dépens, à
l'annulation de celle-ci, Generali Assurances Générales étant tenue de
prendre en charge les frais du traitement dentaire consécutifs à l'événement
du 7 novembre 2002. Il produisait le témoignage écrit de D.________ consigné
dans un questionnaire du 2 juin 2003, ainsi qu'une attestation du restaurant
Y.________ du 17 février 2004.
Par jugement du 10 juin 2004, le président du Tribunal des assurances a
rejeté le recours.

C.
L.________ interjette un recours de droit administratif contre ce jugement,
en concluant, sous suite de dépens, à l'annulation de celui-ci. Il invite le
Tribunal fédéral des assurances à constater qu'il a droit à la prise en
charge des frais consécutifs à l'événement du 7 novembre 2002 et à condamner
Generali Assurances Générales à prendre en charge le coût y relatif. A titre
subsidiaire, il demande que la cause soit renvoyée à l'autorité cantonale
pour nouvelle instruction et nouveau jugement dans le sens des considérants.
Generali Assurances Générales conclut, sous suite de frais et dépens, au
rejet du recours. L'Office fédéral de la santé publique n'a pas déposé
d'observations.

Considérant en droit:

1.
Le premier juge a retenu que le 7 novembre 2002, le recourant s'était brisé
une dent en mangeant du civet de cerf au restaurant. D'après la déclaration
d'accident-bagatelle LAA du 12 novembre 2002 et le questionnaire
complémentaire du 18 décembre 2002, le recourant a mordu sur un plomb
(projectile de chasse) contenu dans la viande. Le premier juge a admis au
degré de la vraisemblance prépondérante la présence d'un plomb de chasse dans
la viande que l'assuré avait consommée au restaurant. Ces éléments de fait ne
sont pas remis en cause devant la Cour de céans.
Le caractère extraordinaire du facteur extérieur a été nié par le premier
juge, ce que le recourant conteste. Celui-ci fait valoir qu'un résidu de
plomb dans un civet de cerf, mangé au restaurant, constitue un élément
extraordinaire permettant d'admettre le caractère accidentel de l'événement
du 7 novembre 2002.

2.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de
l'assurance-accidents. Ces modifications ne sont cependant pas applicables en
l'espèce, eu égard au principe selon lequel les règles applicables sont
celles en vigueur au moment de la réalisation de l'état de fait dont les
conséquences juridiques font l'objet de la décision litigieuse (ATF 129 V 398
consid. 1.1, 127 V 467 consid. 1; cf. aussi ATF 130 V 329).

3.
3.1 Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et
involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire
qui compromet la santé physique ou mentale (art. 2 al. 2 LAMal; art. 9 al. 1
OLAA; ATF 129 V 404 consid. 2.1, 122 V 232 consid. 1 et les références).
Il résulte de la définition même de l'accident que le caractère
extraordinaire de l'atteinte ne concerne pas les effets du facteur extérieur,
mais seulement ce facteur lui-même. Dès lors il importe peu que le facteur
extérieur ait entraîné, le cas échéant, des conséquences graves ou
inattendues. Le facteur extérieur est considéré comme extraordinaire
lorsqu'il excède, dans le cas particulier, le cadre des événements et des
situations que l'on peut, objectivement, qualifier de quotidiens ou
d'habituels (ATF 129 V 404 consid. 2.1, 122 V 233 consid. 1, 121 V 38 consid.
1a ainsi que les références).

3.2 Le bris d'une dent lors d'une mastication normale est réputé accidentel
lorsqu'il s'est produit au contact d'un élément dur extérieur à l'aliment
consommé, de nature à causer la lésion incriminée. La dent ne doit pas
nécessairement être parfaitement saine, il suffit qu'elle remplisse
normalement sa fonction (ATF 114 V 170 s. consid. 3b; Maurer, Schweizerisches
Unfallversicherungsrecht, p. 168 let. d). Le Tribunal fédéral des assurances
a admis l'existence d'une cause extérieure extraordinaire et par conséquent
le caractère accidentel du bris d'une dent sur un fragment de coquille se
trouvant dans du pain aux noix, au motif que cet aliment n'est pas supposé
contenir de tels esquilles et que la présence de ce résidu pouvait, partant,
être considérée comme un facteur exceptionnel (consid. 2 de l'arrêt ATF 114 V
169, publié in RAMA 1988 n° K 787 p. 419 s.). Une lésion dentaire causée par
un objet, qui normalement ne se trouve pas  dans l'aliment consommé, est de
nature accidentelle (SVR 1999 UV n° 9 p. 28 consid. 3c/cc; Rumo-Jungo,
Rechtsprechung des Bundesgerichts zum Sozialversicherungsrecht, Bundesgesetz
über die Unfallversicherung, 3ème édition, ad art. 6, ch. IV 1d, p. 26).
Ainsi, une esquille dans une saucisse est un facteur extérieur
extraordinaire. Se casser une dent en croquant un éclat d'os présent dans un
« Schüblig » de campagne constitue un accident (RAMA 1992 n° U 144 p. 83
consid. 2b). Le fait de se briser une dent sur un caillou en consommant une
préparation de riz constitue également un accident (RAMA 1999 n° U 349 p. 478
s. consid. 3a). En revanche, le fait de se casser une dent en mangeant une
tarte aux cerises de sa propre confection, préparée avec des fruits non
dénoyautés, ne constitue pas un accident, le dommage dentaire n'ayant pas été
causé par un facteur extérieur de caractère extraordinaire (ATF 112 V 205
consid. 3b).

4.
4.1 Selon le premier juge, le consommateur doit s'attendre à trouver des
résidus de projectiles dans le gibier, lorsque le civet de cerf servi au
restaurant est de la viande de chasse. La présence de plombs de chasse n'est
donc pas fortuite. De l'avis du premier juge, le présent cas relève ainsi par
analogie de l'obiter dictum figurant dans l'arrêt ATF 112 V 205 consid. 3b in
fine, d'après lequel la présence d'un os dans un poulet ou une côtelette ne
saurait être qualifiée d'extraordinaire. Tant il est vrai que les os ne sont
pas réputés plus comestibles que les plombs de chasse.

4.2 Le recourant fait valoir que cette comparaison n'est pas pertinente. A
juste titre, un noyau dans une tarte aux fruits contenant des fruits non
dénoyautés, de même qu'une esquille d'os dans un plat de poulet ou une
côtelette ne sauraient constituer un facteur exogène à l'aliment consommé. En
revanche, le fait de trouver un plomb ou un résidu de plomb dans de la viande
de chasse constitue un facteur extérieur extraordinaire, le cas étant tout à
fait comparable avec ceux dans lesquels la jurisprudence a admis le caractère
extraordinaire de la cause extérieure, qu'il s'agisse par exemple du fragment
de coquille se trouvant dans du pain aux noix ou de la présence d'un caillou
dans une préparation de riz. En effet, la présence d'un résidu de plomb dans
de la viande de chasse sort du cadre ordinaire et habituel de la vie, à plus
forte raison encore quand il s'agit d'un civet.

4.3 La Cour de céans partage l'avis du premier juge. Lorsque l'on mange de la
chasse au restaurant, on peut s'attendre à ce que se trouve dans la viande un
reste de projectile. En effet, selon l'expérience générale (ATF 112 V 203
consid. 1), la présence d'un reste de projectile dans du gibier n'a rien
d'inhabituel.
Avec raison, le premier juge a fait un rapprochement avec les éventualités
envisagées dans l'arrêt ATF 112 V 205 consid. 3b in fine (voir aussi RAMA
1988 n° K 787 p. 420 consid. 2b). Qu'il s'agisse du fait de se casser une
dent en mangeant une tarte aux cerises de sa propre confection, préparée avec
des fruits non dénoyautés, ou en croquant un os ou un éclat d'os dans de la
viande de poulet ou une côtelette, ou en mangeant de la viande de chasse dans
laquelle se trouve un reste de projectile, dans chaque cas ce sont les effets
sur le corps humain de la mastication sur l'élément dur qui sont de caractère
extraordinaire, mais non l'élément dur proprement dit (RAMA 1985 n° K 614 p.
27 consid. 3a, relatif à une lésion dentaire survenue en mangeant un gâteau
orné de perles décoratives; Turtè Baer, Die Zahnschädigung als Unfall in der
Sozialversicherung, SJZ 1992 p. 323).

4.4 L'événement survenu le 7 novembre 2002 ne saurait être qualifié
d'accident, faute de cause extérieure de caractère extraordinaire. Dès lors
c'est avec raison que l'intimée et le premier juge ont nié tout droit du
recourant à des prestations de l'assurance-accidents pour la lésion dentaire
incriminée.

5.
Le litige ayant pour objet l'octroi ou le refus de prestations d'assurance,
la procédure est gratuite (art. 134 OJ). Le recourant, qui succombe, ne
saurait prétendre une indemnité de dépens pour l'instance fédérale (art. 159
al. 1 en corrélation avec l'art. 135 OJ). L'intimée ne saurait non plus
prétendre une indemnité de dépens pour l'instance fédérale (art. 159 al. 2
OJ; ATF 126 V 150 consid. 4a, 112 V 49 s. consid. 3).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice ni alloué de dépens.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 18 octobre 2005

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IVe Chambre: Le Greffier: