Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 355/2004
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U 355/04

Arrêt du 1er mars 2006
IIIe Chambre

MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Lustenberger. Greffier : M.
Berthoud

M.________, recourante, représentée par Me Charles Guerry, avocat, rue de
Romont 33, 1700 Fribourg,

contre

La Vaudoise Générale, Compagnie d'assurances SA, place de Milan, 1007
Lausanne, intimée

Cour des assurances sociales du Tribunal administratif du canton de Fribourg,
Givisiez

(Jugement du 26 août 2004)

Faits:

A.
M.________, née en 1971, a travaillé en qualité de sommelière au
café-restaurant X.________. A ce titre, elle était assurée contre le risque
d'accidents professionnels et non professionnels par la Vaudoise générale,
compagnie d'assurance (la Vaudoise). Le 11 juillet 1999, elle a perdu la
maîtrise de sa voiture qui a effectué deux tonneaux et heurté un regard de
source en ciment. Son passager est décédé sur place, tandis qu'elle a subi
une fracture-tassement de la vertèbre D6 ainsi qu'un stress post-traumatique.
L'assurée a repris son emploi à 50 % en janvier 2000. Son activité a pris fin
en mars 2001, l'employeur ayant remis son commerce. La Vaudoise a pris le cas
en charge.

Dans un rapport du 9 octobre 2000 à la Vaudoise, le docteur P.________,
spécialiste en médecine interne et rhumatologie, a signalé que le discret
tassement du plateau supérieur de D6 avait guéri sans séquelles et qu'il
n'existait plus d'incapacité de travail imputable à cette problématique.

La Vaudoise a également confié un mandat d'expertise au docteur R.________,
spécialiste en psychiatrie et psychothérapie. Dans un premier rapport du 6
janvier 2000, ce médecin a indiqué que l'assurée souffrait d'un état de
stress post-traumatique, que des facteurs étrangers à l'accident ne jouaient
pas actuellement de rôle dans la genèse ou la persistance de ce trouble, que
l'assurée était probablement incapable de travailler et qu'il était prématuré
d'établir un pronostic. Le 11 novembre 2000, le docteur R.________ a attesté
que la symptomatologie évoquait encore un état de stress post-traumatique qui
semblait bien en voie de chronification, la relation de causalité entre
l'accident et cette affection psychique étant entière. Quant aux douleurs
dont son confrère P.________ avait fait état, le docteur R.________ a estimé
qu'il s'agissait de somatisations dans le cadre d'un tableau dépressif. A son
avis, l'incapacité de travail s'élevait à 50 %, mais le processus de guérison
restait figé dans l'attente de l'issue de la procédure pénale. Dans un
troisième rapport, du 28 novembre 2001, qu'il a signé avec le docteur
O.________, rhumatologue, le docteur R.________ a attesté qu'il était devenu
difficile d'admettre l'existence d'un état de stress post-traumatique. En
revanche, le cas avait évolué et l'assurée présentait désormais des
dorsalgies chroniques ainsi qu'un trouble somatoforme douloureux, dont la
relation de causalité avec l'accident n'était que possible. La capacité de
travail était objectivement totale, mais nulle subjectivement. Par ailleurs,
il n'y avait pas d'atteinte importante et durable à l'intégrité.

Le 12 décembre 2001, la Vaudoise a informé l'assurée que les troubles de
santé n'étaient plus en relation de causalité avec l'accident du 11 juillet
1999 et qu'elle mettait un terme à ses prestations avec effet au 10 décembre
2001. Après avoir pris connaissance de l'avis des docteurs B.________,
H.________ et R.________, la Vaudoise a confirmé sa position par une décision
formelle du 18 juin 2002, confirmée sur opposition le 29 juillet 2003.

B.
M.________ a déféré cette décision au Tribunal administratif du canton de
Fribourg, en concluant au versement d'une rente d'invalidité de 50 % à partir
du 1er janvier 2002, puis d'une rente de 100 % dès le 1er février 2002.

A l'appui de ses conclusions, elle a produit une expertise qu'elle avait
demandée à titre privé au docteur K.________, spécialiste en psychiatrie et
psychothérapie. Dans son rapport du 21 mai 2003, ce médecin s'est distancé
des conclusions de son confrère R.________, considérant que les critères
nécessaires au diagnostic d'un syndrome de stress post-traumatique étaient
présents et que ce syndrome avait évolué vers une modification acquise de la
personnalité. Par ailleurs, le docteur K.________ a estimé que le trouble
somatoforme douloureux persistant constituait une atteinte à la santé
relevant du domaine médical. A son avis, ces affections, au nombre desquelles
il a ajouté un état dépressif majeur grave avec syndrome somatique, étaient
invalidantes et entraînaient chez l'assurée une incapacité de travail de 50 %
qui s'était accrue au fil du temps pour atteindre actuellement plus de 70 %.

L'Office de l'assurance-invalidité du canton de Fribourg a reconnu un taux
d'invalidité de 50 % dès le 1er juillet 2000, puis de 70 % à compter du 1er
juin 2003 (cf. communications des 9 décembre 2003 et 12 mai 2004). L'assurée
a dès lors conclu à ce que la Vaudoise fût condamnée à lui allouer ses
prestations légales (frais de traitement, indemnités journalières, rentes et
indemnité pour atteinte à l'intégrité) au-delà du 10 décembre 2001, ainsi
qu'une rente d'invalidité de 50 %, puis de 70 % à partir du 1er mai 2003.
Elle a aussi demandé la mise en oeuvre d'une expertise psychiatrique destinée
à faire la lumière sur l'étendue de son atteinte à la santé psychique.
Par jugement du 26 août 2004, la juridiction cantonale a rejeté le recours.

C.
M.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont
elle demande l'annulation, avec suite de dépens, en reprenant ses conclusions
formées en première instance.

L'intimée conclut au rejet du recours. L'Office fédéral de la santé publique
a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le droit de la recourante à des prestations de l'intimée
en raison de l'événement accidentel survenu le 11 juillet 1999.

Pour trancher cette question, il faut préalablement déterminer s'il existe un
lien de causalité entre l'accident du 11 juillet 1999 et les affections
psychiques documentées par les psychiatres, condition préliminaire à la prise
en charge, par l'intimée, des prestations auxquelles la recourante estime
avoir droit (cf. art. 6 al. 1 LAA).

2.
Les premiers juges ont exposé correctement les règles applicables à la
solution du litige. Il suffit de renvoyer au jugement attaqué, singulièrement
aux consid. 2a-c où les notions jurisprudentielles de la causalité naturelle
et adéquate sont rappelées.

Au sujet de l'appréciation des preuves, on ajoutera que le juge des
assurances sociales doit examiner de manière objective tous les moyens de
preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à
disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux.
Si les rapports médicaux sont contradictoires, il ne peut liquider l'affaire
sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour
lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre.
C'est ainsi qu'il importe, pour conférer pleine valeur probante à un rapport
médical, que les points litigieux aient fait l'objet d'une étude
circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il
prenne également en considération les plaintes exprimées par la personne
examinée, qu'il ait été établi en pleine connaissance de l'anamnèse, que la
description du contexte médical et l'appréciation de la situation médicale
soient claires et enfin que les conclusions de l'expert soient dûment
motivées. Au demeurant, l'élément déterminant pour la valeur probante n'est
ni l'origine du moyen de preuve ni sa désignation comme rapport ou comme
expertise, mais bel et bien son contenu (ATF 125 V 352 consid. 3a et les
références). Ces principes, développés à propos de l'assurance-accidents,
sont applicables à l'instruction des faits d'ordre médical dans toutes les
branches d'assurance sociale (Spira, La preuve en droit des assurances
sociales, in Mélanges en l'honneur de Henri-Robert Schüpbach, Bâle 2000, p.
268).

3.
En l'occurrence, si les docteurs R.________ et K.________ s'accordent à
admettre l'existence d'un trouble somatoforme douloureux persistant, leurs
avis divergent pour le surplus. En effet, tandis que le docteur R.________ ne
retient plus d'état de stress post-traumatique dans son rapport du 28
novembre 2001, le docteur K.________ atteste, dans son rapport du 21 mai
2003, l'existence d'une telle affection psychique à laquelle il attribue de
surcroît un caractère invalidant. Par ailleurs, ce médecin diagnostique un
état dépressif majeur avec syndrome somatique, alors que son confrère
R.________ indiquait à ce sujet, en novembre 2001, que les signes en faveur
d'un état dépressif vrai étaient de moins en moins évidents. Il convient
encore d'observer que les deux psychiatres ne s'entendent ni sur l'étendue de
la capacité de travail de la recourante, ni sur le lien de causalité
naturelle entre l'accident et les affections psychiques.

4.
4.1 Dans son appréciation des preuves, le Tribunal administratif a admis que
les rapports du docteur R.________ émanaient d'un spécialiste indépendant qui
présente toutes les garanties d'impartialité et d'objectivité, qu'ils
remplissaient également tous les réquisits jurisprudentiels relatifs à la
valeur probante de tels documents, si bien qu'il n'y avait pas lieu de
s'écarter des conclusions de cet expert que le docteur K.________ n'avait au
demeurant pas remises en cause. Par ailleurs, il a considéré que
l'appréciation du docteur K.________ reposait  sur un examen qui avait été
pratiqué quatre ans environ après l'accident, de sorte qu'une évaluation
objective et précise de l'évolution de l'état de santé n'était plus
réalisable (cf. jugement attaqué, p. 13). Dès lors, les premiers juges ont
suivi l'avis du docteur R.________, niant ainsi l'existence d'un lien de
causalité naturelle entre le trouble somatoforme et l'événement accidentel.

4.2 Les motifs pour lesquels le Tribunal administratif a écarté l'avis du
docteur K.________ ne sont pas convaincants. Même si ce médecin n'a examiné
l'assurée que plusieurs années après l'accident et qu'il n'a pu observer
l'évolution de la situation, son rapport déposé deux mois avant la décision
litigieuse du 29 juillet 2003 devait entrer dans le champ d'examen du juge.
Or pour s'écarter des diagnostics posés et nier la causalité naturelle
alléguée par ce médecin, les premiers juges  devaient en donner des raisons
fondées, autres que celles liées à la seule date de ces nouveaux examens
médicaux.

4.3 En réalité, on se trouve dans la situation où les rapports des deux
spécialistes en psychiatrie et psychothérapie, qui remplissent tous les
réquisits jurisprudentiels formels relatifs à la valeur probante de tels
documents (cf. ATF 125 V 352 consid. 3a), demeurent contradictoires sur des
points essentiels pour apprécier le droit aux prestations litigieuses
(diagnostic, capacité de travail, lien de causalité naturelle entre
l'accident et les affections psychiques). Dans ces conditions, la juridiction
de recours aurait dû commencer par inviter le docteur R.________ à s'exprimer
sur les objections de son confrère K.________, à défaut de quoi elle n'était
pas véritablement en mesure, comme le démontrent les considérants de son
arrêt, de départager les opinions de ces deux spécialistes. Dans
l'éventualité où la confrontation des deux psychiatres prénommés n'aurait pas
permis de faire toute la lumière sur les faits déterminants pour la solution
du litige, le Tribunal administratif aurait alors dû ordonner une expertise
judiciaire afin de les établir (art. 61 let. c LPGA), car le docteur
K.________ avait émis des opinions contraires propres à mettre sérieusement
en doute la pertinence des déductions de l'expert R.________ (cf. ATF 125 V
352 consid. 3b/aa et les références).

En ce sens, le recours doit être admis et la cause renvoyée aux premiers
juges afin qu'ils reprennent l'instruction du cas et rendent un nouveau
jugement.

5.
La recourante, qui obtient gain de cause, a droit à une indemnité de dépens à
charge de l'intimée (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement du Tribunal administratif du
canton de Fribourg du 26 août 2004 est annulé, la cause lui étant renvoyée
pour instruction complémentaire au sens des motifs et nouveau jugement.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'intimée versera à la recourante la somme de 2'500 fr. (y compris la taxe
sur la valeur ajoutée) à titre de dépens pour la procédure fédérale.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Cour des assurances
sociales du Tribunal administratif du canton de Fribourg et à l'Office
fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 1er mars 2006

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: Le Greffier: