Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 308/2004
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U 308/04

Arrêt du 16 janvier 2006
IIIe Chambre

MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Seiler. Greffière : Mme Gehring

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1,
6004 Lucerne, recourante,

contre

F.________, intimé, représenté par Me Pierre-Yves Baumann, avocat, avenue
d'Ouchy 14, 1001 Lausanne

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 26 septembre 2002)

Faits:

A.
F. ________, né en 1967, a travaillé en qualité d'ébéniste qualifié au
service de l'entreprise X.________ SA depuis le 1er août 1988. A la suite
d'un accident de la circulation routière survenu le 28 août suivant, il a
subi un traumatisme cranio-cérébral avec contusion cérébrale et hémorragie
ventriculaire, un traumatisme thoracique avec pneumothorax gauche et
contusion pulmonaire droite ainsi que de multiples fractures (fémur gauche,
tibia et cubitus droits), entraînant une incapacité totale de travail. La
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA) auprès de
laquelle le prénommé était assuré, a pris en charge le cas.

F. ________ a repris son travail à mi-temps dès le 9 janvier 1989. A la suite
de séquelles sévères sur le plan cérébral, son rendement dans l'exercice de
son métier ne dépassait pas 25 %. En outre, il n'était plus en mesure
d'effectuer les travaux lourds. Aussi a-t-il été licencié avec effet au 31
mars 1990 et contraint d'entreprendre un reclassement professionnel. Le 31
août 1996, il a achevé celui-ci par l'obtention d'un certificat de réparateur
en automobiles et souhaité le compléter par une formation de mécanicien sur
automobiles. Aux fins d'évaluer ses aptitudes d'apprentissage en mécanique,
F.________ a accompli plusieurs stages au terme desquels il a été constaté
que son rythme de travail est particulièrement lent; il ne parvient pas à
s'organiser, ni à faire preuve d'initiative et ne jouit d'aucune autonomie;
il commet de fréquents oublis en raison de facultés mnésiques déficientes; la
qualité de son travail est inconstante; sur le plan quantitatif, il subit une
incapacité de travail oscillant entre 70 et 50 % comme réparateur sur
automobiles et aucune évolution n'a été observée (rapport du 8 décembre 1997
de la Division de réadaptation professionnelle de l'assurance-invalidité;
voir également rapport du 12 juin 1998 du docteur G.________ [médecin
d'arrondissement de la CNA, spécialiste FMH en chirurgie]).

Compte tenu de la perte de gain résultant de ces troubles, la CNA a alloué à
F.________, dès le 1er novembre 1996, une rente fondée sur un degré
d'invalidité de 75 % et basée sur un gain annuel assuré de 50'903 fr.
(décision du 1er décembre 1998 confirmée sur opposition le 24 février 2000).
Dès le 1er novembre 1997 , il a en outre été mis au bénéfice d'une rente
entière de l'assurance-invalidité (décision du 17 juillet 1998 de l'Office de
l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud [ci-après : l'office AI]).

B.
Par jugement du 26 septembre 2002, le Tribunal des assurances du canton de
Vaud a partiellement admis le recours interjeté contre la décision sur
opposition de la CNA et réformé celle-ci en ce sens que le montant de la
rente allouée à l'assuré doit être calculé sur la base d'un gain annuel
assuré de 59'128 fr.

C.
La CNA interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont elle
requiert l'annulation.

F. ________ et l'Office fédéral de la santé publique ont renoncé à se
déterminer.
Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de
l'assurance-accidents. Ce nonobstant, le cas d'espèce reste régi par les
dispositions de la LAA en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard au
principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment
où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V 467
consid. 1).

2.
2.1 Le litige porte sur le montant du gain annuel assuré servant de base de
calcul à la rente complémentaire allouée à l'intimé.

2.2 Selon la recourante, celui-ci doit être établi de la manière la plus
concrète possible en se référant aux renseignements délivrés par l'ancien
employeur de l'assuré. Les premiers juges considèrent en revanche que ce gain
doit être établi sur la base des barèmes de la Fédération vaudoise des
entrepreneurs (ci-après : FVE), afin de tenir compte de l'évolution normale
des salaires dans les métiers du bois. Confrontée en effet à des difficultés
d'ordre économique, la société X.________ SA n'a pas été en mesure
d'augmenter les salaires de ses employés dans la mesure recommandée par la
FVE. En conséquence, les rétributions versées par l'ancien employeur de
l'intéressé étaient particulièrement basses par rapport à celles servies dans
d'autres entreprises locales du même secteur d'activité. Par ailleurs, les
premiers juges ajoutent que la différence de plus de 9'000 fr. entre le
revenu sans invalidité retenu par l'office AI (59'824 fr.) et le gain annuel
assuré par la CNA (50'903 fr.) n'est pas justifiée en regard du principe
selon lequel la notion d'invalidité est la même dans les différentes
assurances sociales.

3.
3.1 Est en principe déterminant pour le calcul des rentes le salaire que
l'assuré a gagné durant l'année qui a précédé l'accident (art. 15 al. 2 LAA,
seconde phrase; message du Conseil fédéral à l'appui du projet de loi
fédérale sur l'assurance-accidents du 18 août 1976, FF 1976 III 192). Les
bases de calcul sont réglées à l'art. 22 al. 4 OLAA, lequel prévoit que les
rentes sont calculées sur la base du salaire que l'assuré a reçu d'un ou
plusieurs employeurs durant l'année qui a précédé l'accident, y compris les
éléments de salaire non encore perçus et auxquels il a droit (1ère phrase).

Selon l'art. 15 al. 3 LAA troisième phrase, le Conseil fédéral édicte des
prescriptions sur le gain assuré pris en considération dans des cas spéciaux.
L'autorité exécutive a exhaustivement déterminé ces cas à l'art. 24 OLAA
(pour les rentes). Cette disposition a pour but d'atténuer la rigueur de la
règle du dernier salaire reçu avant l'accident lorsque cette règle pourrait
conduire à des résultats inéquitables ou insatisfaisants (voir Jean-Maurice
Frésard, L'assurance-accidents obligatoire, in: Schweizerisches
Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, p. 25 n° 53). Ainsi
notamment, lorsque - tel qu'en l'espèce - le droit à la rente naît plus de
cinq ans après l'accident ou l'apparition de la maladie professionnelle, le
salaire déterminant est celui que l'assuré aurait reçu, pendant l'année qui
précède l'ouverture du droit à la rente, s'il n'avait pas été victime de
l'accident ou de la maladie professionnelle, à condition toutefois que ce
salaire soit plus élevé que celui qu'il touchait juste avant la survenance de
l'accident ou de l'apparition de la maladie professionnelle (art. 24 al. 2
OLAA).
La règle de l'art. 24 al. 2 OLAA - dont la Cour de céans a confirmé la
conformité à la constitution et à la loi (consid. 3 non publié de l'arrêt ATF
127 V 456) - a pour seul objectif, l'adaptation du gain assuré à l'évolution
générale des salaires, à l'exclusion toutefois d'autres changements
intervenus dans les conditions de revenu après l'accident ou qui auraient pu
intervenir si celui-ci n'avait pas eu lieu. Il s'agit avant tout de ne pas
désavantager les assurés dont le droit à la rente naît plusieurs années après
l'événement accidentel par rapport à ceux qui se voient octroyer la rente
plus tôt quand une forte augmentation des salaires s'est produite dans
l'intervalle (arrêt B. du 19 avril 2004, U 212/02 consid. 3.3).
3.2 En l'occurrence, la recourante s'est référée au salaire horaire de 21 fr.
10 et 21 fr. 40 que l'intimé aurait réalisé au service de son ancien
employeur depuis le 1er novembre 1995 jusqu'au 31 octobre 1996, soit 50'903
fr. ([43 jours x 8.4 heures x 21 fr. 10] + [219 jours x 8.4 heures x 21 fr.
40] + [8.33 % de 46'988 fr. 75 au titre de 13ème salaire]). Assurément plus
élevé que celui qu'il touchait avant la survenance de l'accident, à savoir 17
fr. / h., ce gain tient compte de l'évolution générale des salaires. Certes
est-il inférieur aux salaires conventionnels recommandés par la FVE (soit 24
fr. 85 en 1996). En tant que moyens (cf. courrier du 21 décembre 1999 de la
FVE), ces derniers ne constituent toutefois pas pour autant des minima, de
sorte que les professionnels de la branche sont libres de s'en écarter. En
outre, il n'est ni établi au dossier, ni même allégué qu'une forte
augmentation des revenus se soit produite dans les métiers du bois depuis
l'événement accidentel assuré. Enfin, le gain réalisé par l'assuré au service
de son ancien employeur avant l'accident était déjà inférieur aux salaires
recommandés par la FVE. Aussi l'intimé ne subit-il pas de dommage économique
en regard du gain assuré retenu par la recourante (voir arrêt R. du 19
novembre 2004, U 282/03 consid. 3.3). En tant que celui-ci correspond au
rapport de travail existant au moment de l'événement accidentel assuré (RAMA
2003 n° U 483 p. 247 consid. 3.2 et 3.3; RAMA 1999 n° U 340 p. 405 consid.
3c; voir aussi RAMA 2002 n° U 451 p. 61), s'en écarter équivaudrait par
ailleurs à enfreindre le principe de l'équivalence, selon lequel le calcul
des rentes doit relever du même revenu que celui sur la base duquel les
primes sont prélevées (voir ATF 118 V 301 consid. 2b; Maurer, Schweizerisches
Unfallversicherungsrecht, Bern, 1985, p. 326 ch. 5).

3.3 Quant à la différence de plus de 9'000 fr. entre le revenu sans
invalidité retenu par l'office AI ( 59'824 fr.) et le gain annuel assuré par
la CNA (50'903 fr.), elle n'est pas pertinente et relève d'une confusion
entre la notion de gain assuré - seul déterminant en matière de rente - qui
se fonde sur la situation réelle de l'assuré avant l'accident et celle de
revenu sans invalidité par quoi il faut entendre le gain hypothétique que
l'assuré réaliserait sans invalidité, ce qui ne correspond pas forcément au
gain effectivement obtenu avant la survenance de l'éventualité assurée (gain
assuré; ATF 122 V 316 consid. 2a et les références).

3.4 Sur le vu de ce qui précède, c'est à tort que les premiers juges se sont
écartés des données fournies par l'ancien employeur de l'assuré. Le jugement
entrepris se révèle non conforme au droit fédéral et le recours bien fondé.

4.
S'agissant d'un litige qui concerne l'octroi ou le refus de prestations
d'assurance, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). L'intimé, qui succombe,
n'a pas droit à des dépens (art. 159 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal des assurances du canton de
Vaud du 26 septembre 2002 est annulé.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 16 janvier 2006

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: La Greffière: