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Sozialrechtliche Abteilungen U 142/2004
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U 142/04

Arrêt du 23 septembre 2005
IVe Chambre

MM. et Mme les Juges Ferrari, Président, Widmer et Ursprung. Greffier : M.
Berthoud

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1,
6004 Lucerne, recourante,

contre

Visana, Service juridique, Weltpoststrasse 19/21, 3015 Berne, intimée,

concernant H.________, représenté par Me Marc Labbé, avocat, place Centrale
51, 2501 Bienne

Tribunal administratif du canton de Berne, Berne

(Jugement du 18 mars 2004)

Faits:

A.
H. ________, né en 1978, travaille en qualité de monteur-électricien au
service de l'Entreprise générale d'électricité X._______ SA. A ce titre, il
est assuré contre les accidents professionnels et non professionnels par la
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA).

Le 17 octobre 2001, l'employeur a fait parvenir une déclaration d'accidents à
la CNA, dans laquelle il a annoncé que l'assuré avait glissé en descendant
des escaliers à son domicile, le soir du 15 octobre précédent, et qu'il
s'était tordu le genou gauche. La CNA a pris le cas en charge.

Cette dernière a recueilli l'avis du docteur L.________, spécialiste en
chirurgie orthopédique. Dans deux rapports des 8 et 31 octobre 2001, ce
médecin a diagnostiqué une rupture du ligament croisé antérieur et une lésion
du ménisque du genou gauche, une rupture du ligament antérieur droit, un
status après ablation d'un kyste poplité en 1991, une arthroscopie et
méniscectomie latérale partielle à droite en 1998, une arthroscopie et
résection plicaire à gauche en 1995; il a précisé que l'atteinte à la santé
était survenue environ trois mois plus tôt.

Lors d'un entretien avec un inspecteur de la CNA, le 18 décembre 2001,
l'assuré a indiqué qu'il avait souffert d'un kyste au genou gauche en 1991,
et qu'il avait subi deux opérations de ce genou, la première en 1991, la
seconde en 1995. Il avait ensuite présenté des séquelles sous la forme d'une
certaine instabilité qui provoquait des douleurs, notamment lors de la
pratique de sports, au cours de son école de recrues et de son activité
lucrative. L'assuré a précisé qu'au début du mois d'août 2001, il avait senti
son genou gauche sortir de l'articulation, alors qu'il descendait normalement
les escaliers, sans courir ni porter de charges. Il avait consulté le docteur
L.________ le 8 octobre 2001 et interrompu son travail le 12 décembre 2001,
soit le jour précédant une nouvelle opération.

Le 12 février 2002, la CNA a informé l'assuré que l'événement survenu au
début du mois d'août 2001 ne constituait pas un accident. L'assuré a
manifesté son désaccord, par lettre du 15 février suivant, alléguant que les
lésions du genou étaient dues à une perte d'appui (glissade) dans l'escalier.
Par décision du 15 avril 2002, la CNA a refusé d'allouer ses prestations pour
les suites de l'événement survenu au début du mois d'août 2001. Visana, en sa
qualité d'assureur maladie et l'Entreprise générale d'électricité X._______
SA ont chacun formé opposition. La CNA les a rejetées, par décision du 24
juillet 2002.

B.
Visana a déféré cette décision au Tribunal administratif du canton de Berne
en concluant à son annulation. Appelé en cause, H.________ a conclu à
l'annulation de la décision et à ce que la CNA fût condamnée à prendre le cas
en charge.

Par jugement du 18 mars 2004, la juridiction cantonale a admis le recours,
annulé les décisions des 15 avril et 24 juillet 2002, et renvoyé la cause à
la CNA afin qu'elle détermine les prestations dues à l'assuré pour les suites
de l'accident survenu au début du mois d'août 2001. Le Tribunal administratif
a alloué une indemnité de dépens à l'appelé.

C.
La CNA interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont elle
demande l'annulation.

Visana et H.________ concluent au rejet du recours, avec suite de frais et
dépens. L'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur la responsabilité de la CNA pour les affections au genou
gauche de l'assuré survenues en août 2001.

2.
En l'occurrence, les lésions subies par l'assuré au genou gauche (rupture du
ligament croisé antérieur) entrent dans la catégorie de celles qui sont
assimilées à un accident en vertu de l'art. 9 al. 2 OLAA. Les avis des
parties divergent uniquement sur l'existence d'une cause extérieure, requise
par la jurisprudence pour admettre le caractère accidentel de ce genre de
lésions (cf. ATF 129 V 466; voir aussi le consid. 4.3 de l'arrêt B. du 23
décembre 2003, U 180/03).

3.
3.1 Selon la jurisprudence et la doctrine, l'autorité administrative ou le
juge ne doivent considérer un fait comme prouvé que lorsqu'ils sont
convaincus de sa réalité (Kummer, Grundriss des Zivilprozessrechts, 4e éd.,
Berne 1984, p. 136; Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2e éd., p. 278 ch.
5). Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf
dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de
manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire
qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas
qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible.
Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le
cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V
360 consid. 5b, 125 V 195 consid. 2 et les références; cf. ATF 130 III 324
sv. consid. 3.2 et 3.3). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances
sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait
statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

3.2 Au sujet de la preuve de l'existence d'une cause extérieure
extraordinaire prétendument à l'origine de l'atteinte à la santé, on
rappellera que les explications d'un assuré sur le déroulement d'un fait
allégué sont au bénéfice d'une présomption de vraisemblance. Il peut
néanmoins arriver que les déclarations successives de l'intéressé soient
contradictoires entre elles. En pareilles circonstances, selon la
jurisprudence, il convient de retenir la première affirmation, qui correspond
généralement à celle que l'assuré a faite alors qu'il n'était pas encore
conscient des conséquences juridiques qu'elle aurait, les nouvelles
explications pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions
ultérieures (ATF 121 V 47 consid. 2a et les références, RAMA 2004 n° U 515 p.
420 consid. 1.2; VSI 2000 p. 201 consid. 2d; à ce sujet, voir également le
commentaire de Pantli/Kieser/Pribnow, paru in PJA 2000 p. 1195; Frésard,
L'assurance-accident obligatoire, in : Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht
[SBVR], ch. 195).

4.
4.1 En l'espèce, l'entorse que l'assuré a subie au genou gauche, en août 2001,
a pu survenir aussi bien en l'absence d'un facteur extérieur de caractère
extraordinaire, au sens de l'art. 9 al. 2 OLAA, qu'en présence d'un tel
facteur. A cet égard, les deux versions des faits présentées successivement
par l'assuré, les 18 décembre 2001 (une descente normale des escaliers) et 15
février 2002 (une glissade), sont l'une et l'autre compatibles avec la nature
des lésions subies. Les déclarations de l'assuré constituent d'ailleurs
l'unique élément de preuve dont on dispose pour apprécier l'existence d'un
facteur extérieur de caractère extraordinaire, si bien que de plus amples
mesures d'instruction n'apporteraient rien de neuf à ce sujet.

4.2 La première audition de l'assuré par un inspecteur de la CNA remonte au
18 décembre 2001. A cette occasion, l'intéressé a rappelé qu'il avait connu
des problèmes au genou gauche depuis l'année 1991. L'assuré a précisé qu'au
début du mois d'août 2001, il avait senti son genou gauche sortir de
l'articulation, alors qu'il descendait normalement les escaliers, sans courir
ni porter de charges. Il avait consulté le docteur L.________ le 8 octobre
2001 et interrompu son travail le 12 décembre 2001, soit le jour précédant
une nouvelle opération.

Après que la CNA eut informé l'assuré que l'événement survenu au début du
mois d'août 2001 ne constituait pas un accident (cf. lettre du 12 février
2002), l'intéressé a modifié sa version des faits, en alléguant désormais que
les lésions du genou étaient dues à une perte d'appui (glissade) dans
l'escalier (cf. lettre du 15 février 2002). Dès lors que ces deux
déclarations ne concordent pas, la règle de preuve rappelée ci-avant au
consid. 3.2 commande de retenir la première version de l'assuré. A cet égard,
on ne saurait tenir pour telle une déclaration d'employeur n'ayant pas
qualité de témoin de la scène.

De toute manière, dans sa déclaration d'accident du 17 octobre 2001,
l'employeur s'est expressément référé à un événement survenu deux jours
auparavant (et non en août 2001), de sorte que les faits qu'il a pu retracer
n'ont pas d'incidence sur la solution du présent litige.

4.3 A l'examen de la première déclaration de l'assuré à l'inspecteur de la
CNA, on constate que le déroulement décrit n'implique clairement ni glissade
ni événement particulier. Il n'est ainsi pas établi, au degré de la
vraisemblance prépondérante, qu'un facteur extérieur de caractère
extraordinaire ait déclenché l'événement survenu au début du mois d'août
2001. La CNA a donc refusé à juste titre d'allouer ses prestations pour les
suites de cet événement. Le recours est bien fondé.

5.
En règle générale, le Tribunal fédéral des assurances ne peut imposer des
frais de procédure aux parties, en vertu de l'art. 134 OJ, dans les
procédures de recours en matière d'octroi ou de refus de prestations
d'assurance. Toutefois, dans la mesure où cette disposition a été édictée
avant tout dans l'intérêt des assurés en litige avec un assureur social, elle
ne s'applique ordinairement pas aux procédures qui divisent, par exemple,
deux assureurs-accidents au sujet de la prise en charge des suites d'un
accident subi par l'un de leurs assurés communs, un assureur-accidents et une
caisse-maladie au sujet de l'obligation d'allouer des prestations ou un tel
assureur et l'assurance-invalidité (ATF 127 V 106).

En l'espèce, le présent procès oppose la CNA à Visana au sujet de la prise en
charge des affections au genou gauche de leur assuré commun. Cela étant, il
se justifie, conformément à l'art. 156 al. 1 OJ, de mettre des frais de
justice à la charge de l'assureur-maladie qui succombe comme partie intimée
dans un litige entre assureurs sociaux.

Quant à l'assuré, il succombe dans la mesure où il a conclu au rejet du
recours. Il n'a donc pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal administratif du canton de
Berne du 18 mars 2004 est annulé.

2.
Les frais de justice, d'un montant de 3'000 fr., sont mis à la charge de
Visana.

3.
L'avance de frais effectuée par la CNA, d'un montant de 3'000 fr., lui est
restituée.

4.
Il n'est pas alloué de dépens.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif du
canton de Berne, à l'Office fédéral de la santé publique et à H.________.

Lucerne, le 23 septembre 2005

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IVe Chambre:  Le Greffier: