Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 136/2004
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U 136/04

Arrêt du 11 mai 2005
IIIe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Lustenberger et Kernen. Greffière
: Mme Moser-Szeless

F.________, recourante, représentée par Me Michel Bussey, avocat, boulevard
de Pérolles 3, 1700 Fribourg,

contre

Mobilière Suisse Société d'Assurances, Bundesgasse 35, 3001 Berne, intimée

Cour des assurances sociales du Tribunal administratif du canton de Fribourg,
Givisiez

(Jugement du 19 février 2004)

Faits:

A.
A.a F.________ a travaillé au service de la société T.________ SA, à
L.________; à ce titre, elle était assurée contre le risque d'accidents
professionnels et non professionnels auprès de la Mobilière Suisse Société
d'assurances (ci-après : la Mobilière).

Victime - en tant que passagère du siège avant du véhicule - d'un accident de
la circulation survenu le 24 mai 1988, elle a souffert d'une commotion
cérébrale avec un important oedème cérébral associé à des plaies de la face,
une fracture du bassin de type Malgaigne à droite et une contusion rénale
droite avec hématome périrénal. Les suites de l'accident ont été prises en
charge par la Mobilière. Après avoir suivi différents traitements et deux
interventions de chirurgie plastique au niveau du visage, l'assurée a pu
progressivement reprendre son activité à partir du 12 septembre 1988.

A.b Le 24 mars 2000, le docteur H.________, spécialiste en chirurgie
orthopédique et médecin traitant, a annoncé une rechute, en indiquant avoir
été consulté par l'assurée pour une exacerbation de douleurs situées dans la
région de la hanche droite et de la sacro-iliaque. Des examens
complémentaires ont mis en évidence un syndrome cervico-radiculaire irritatif
déficitaire C7 à gauche progressif, ainsi que des hernies discales C5-C6 et
C6-C7 gauches avec uncarthose. Le docteur A.________, spécialiste en
neurochirurgie, préconisait une intervention chirurgicale (spondylodèse
cervicale C5 à C7). Selon lui, au vu de l'évolution de la situation et de
l'importance des troubles dégénératifs chez une patiente relativement jeune,
il s'agissait de l'évolution du traumatisme subi en 1988 (rapport du 10
juillet 2000). Le chirurgien a procédé à l'opération prévue le 17 juillet
2000.

Après avoir, dans un premier temps, pris en charge le cas de rechute, la
Mobilière l'a ensuite soumis à son médecin-conseil, le docteur K.________,
spécialiste en chirurgie. Dans un rapport du 12 septembre 2000, ce médecin a
nié l'existence d'un rapport de causalité naturelle entre, d'une part, les
symptômes de type lombosciatalgique signalés en mars 2000 et le syndrome
douloureux cervico-radiculaire apparu en avril 2000, et, d'autre part,
l'événement accidentel du 24 mai 1988. Après un nouvel échange de
correspondance avec le docteur H.________ et le docteur K.________, la
Mobilière a, par décision du 12 juillet 2001, confirmée sur opposition le 5
février 2002, refusé toute prestation d'assurance au-delà du 1er juillet
2000; en bref, se fondant sur l'appréciation de son médecin-conseil, elle a
considéré que les symptômes présentés par l'assurée au printemps 2000 ne
constituaient ni une rechute, ni des séquelles tardives de l'accident du 24
mai 1988.

B.
Saisi d'un recours de l'assurée contre la décision sur opposition du 5
février 2002, le Tribunal administratif du canton de Fribourg, Cour des
assurances sociales, l'a rejeté par jugement du 19 février 2004.

C.
F.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont
elle demande l'annulation. Sous suite de dépens, elle conclut,
principalement, à l'octroi de prestations de l'assurance-accidents et,
subsidiairement, au renvoi de la cause au tribunal cantonal pour qu'il
ordonne une expertise médicale. A l'appui de ses conclusions, elle produit
notamment des pièces médicales datant de 1988 et 1989, transmises par le
docteur H.________ le 20 avril 2004.

La Mobilière conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral de la
santé publique a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
La juridiction cantonale a correctement exposé les dispositions légales et
les principes jurisprudentiels concernant l'exigence d'un lien de causalité
naturelle entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte
à la santé, ainsi qu'entre l'accident et une rechute ou une séquelle tardive.
Elle a également retenu à juste titre que le présent litige reste soumis aux
dispositions de la LAA et de l'OLAA en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002,
soit sans les modifications entraînées par l'entrée en vigueur, au 1er
janvier 2003, de la LPGA (cf. ATF 129 V 4 consid. 1.2). On peut donc renvoyer
à ses considérants sur ces points.

2.
Au printemps 2000, la recourante a présenté un syndrome cervico-radiculaire
irritatif déficitaire C7, ainsi que des hernies discales C5-C6 et C6-C7
gauches avec uncarthrose, pour lesquelles elle a subi une intervention
chirurgicale le 17 juillet 2000 (spondylodèse cervicale C5 à C7; cf. rapport
opératoire du docteur A.________). Elle soutient que ces troubles sont
imputables à l'accident subi le 24 mai 1988, de sorte que la responsabilité
de l'intimée serait toujours engagée au-delà du 1er juillet 2000, en
particulier pour les frais de traitement.

3.
3.1 En ce qui concerne le rapport de causalité entre un accident et une hernie
discale, on rappellera que selon l'expérience médicale, pratiquement toutes
les hernies discales s'insèrent dans un contexte d'altération des disques
intervertébraux d'origine dégénérative, un événement accidentel
n'apparaissant qu'exceptionnellement, et pour autant que certaines conditions
particulières soient réalisées, comme la cause proprement dite d'une telle
atteinte. Une hernie discale peut être considérée comme étant due
principalement à un accident, lorsque celui-ci revêt une importance
particulière, qu'il est de nature à entraîner une lésion du disque
intervertébral et que les symptômes de la hernie discale (syndrome vertébral
ou radiculaire) apparaissent immédiatement, entraînant aussitôt une
incapacité de travail. Dans de telles circonstances, l'assureur-accidents
doit, selon la jurisprudence, allouer ses prestations également en cas de
rechutes et pour des opérations éventuelles. Si la hernie discale est
seulement déclenchée, mais pas provoquée par l'accident,
l'assurance-accidents prend en charge le syndrome douloureux lié à
l'événement accidentel. En revanche, les conséquences de rechutes éventuelles
doivent être prises en charge seulement s'il existe des symptômes évidents
attestant d'une relation de continuité entre l'événement accidentel et les
rechutes (RAMA 2000 n° U 378 p. 190 consid. 3; SZIER 2001 p. 346 consid. 3b
et les arrêts cités; cf. également Debrunner/Ramseier, Die Begutachtung von
Rückenschäden, Berne 1990, p. 54 ss, en particulier p. 56).

3.2 A la lecture du dossier médical, il apparaît que l'existence d'une lésion
cervicale est documentée pour la première fois au début de l'été 2000. C'est
à ce moment-là que le docteur A.________ fait état d'une atteinte
neurologique sur hernie discale (cf. courrier du docteur H.________ à
l'intimée du 20 juin 2000). Un premier examen (CT de la colonne cervicale) du
26 avril 2000 avait montré des éléments en faveur d'une protrusion de
matériel discal en regard de C6-C7 à gauche, qui devaient encore être
précisés par un examen de résonance magnétique (rapport du docteur S.________
du 28 avril 2000).

En revanche, aucune des pièces médicales figurant au dossier ne permet
d'attester l'apparition d'une atteinte cervicale dans les suites immédiates
de l'événement du 24 mai 1988. En particulier, dans le rapport de sortie de
l'Hôpital X.________ (du 3 juin 1988) - qui énumère les diagnostics de
commotion cérébrale avec oedème cérébral, fracture du bassin type Malgaigne à
droite, contusion rénale droite avec hématome périrénal -, il est fait état
de la bonne évolution du status cérébral avec amélioration progressive de
l'état de conscience et orientation spacio-temporelle, tandis que le status
neurologique était tout à fait normal, la patiente ne se plaignant que de
douleurs au niveau du bassin. De son côté, indiquant que le traitement était
terminé, le docteur R.________, neurologue, mentionnait le diagnostic de
commotion, éventuellement contusion cérébrale, avec céphalées
post-traumatiques et relevait que le status neurologique était normal
(rapport du 5 août 1989).

Au vu de ces documents médicaux qui ne contiennent aucune constatation
objective en relation avec une lésion traumatique de la colonne cervicale,
l'appréciation du docteur H.________ selon laquelle «il y a eu
indiscutablement un traumatisme au niveau cervical» parce que la recourante
avait subi un traumatisme cranio-cérébral avec commotion cérébrale grave et
important oedème cérébral (avis du 19 mars 2001) relève d'une simple
hypothèse et ne saurait être suivie. A l'époque de l'accident, le médecin
traitant n'avait du reste fait état d'aucune plainte de la patiente liée à un
syndrome cervical, ni dans son rapport LAA du 26 août 1988, ni dans son
rapport subséquent du 14 mai 1992, dans lequel il mentionnait que la patiente
ne ressentait pas de douleur au niveau de la nuque, ni au niveau des hanches.
Par ailleurs, dans un courrier du 24 janvier 1989, par lequel il adressait la
recourante au docteur R.________ pour un bilan neurologique, le praticien
indiquait précisément que «les radiographies récentes de la colonne cervicale
n'ont pas révélé de séquelles de fracture ni d'instabilité». Dès lors, il
n'apparaît pas, au degré de la vraisemblance prépondérante, que des symptômes
de hernie discale seraient survenus immédiatement après l'accident du 24 mai
1988. Contrairement à ce que voudrait la recourante, on ne saurait rien
déduire de tel du fait qu'elle a dû porter une minerve à sa sortie de
l'hôpital en 1988 ou qu'elle aurait continué à souffrir de douleurs à la
nuque entre 1992 et le printemps 2000.

En conséquence, au regard de la jurisprudence rappelée au considérant 3.1,
l'événement accident du 24 mai 1988 ne peut être considéré comme la cause
proprement dite de l'atteinte cervicale présentée par la recourante plus de
douze ans après sa survenance.

4.
Invoquant les avis concordants des docteurs H.________, E.________ et
A.________, selon lesquels les troubles qu'elle présente sont en relation de
causalité avec l'accident du 24 mai 1988, la recourante soutient
implicitement que les troubles présentés en l'an 2000 constitueraient une
rechute de l'atteinte subie à l'époque. Elle requiert par ailleurs la mise en
oeuvre d'une expertise à confier à un médecin indépendant de l'intimée,
l'impartialité du docteur K.________ s'avérant discutable selon elle.

4.1 En tant que la recourante conteste l'impartialité du docteur K.________,
on rappellera que selon la jurisprudence, le juge peut accorder pleine valeur
probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur
social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants,
que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent
pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause
leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur
par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de
son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce
n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet
de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme
objectivement fondés. Etant donné l'importance conférée aux rapports médicaux
dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des
exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 353 sv.
consid. 3b/ee).

En l'occurrence, hormis le fait que le docteur K.________ a évalué la
situation médicale de la recourante en tant que médecin-conseil de l'intimée,
F.________ ne met en évidence aucun élément concret susceptible de mettre en
doute l'impartialité du médecin ou l'objectivité de son appréciation; son
grief y relatif doit donc être rejeté.

4.2 Dans son rapport du 12 septembre 2000, le docteur K.________ a posé
notamment le diagnostic de status après discectomie C5/6 et C6/7 avec
spondylodèse C5 à C7, en présence de hernies discales gauches,
cervico-brachialgies à gauche, manifestes, du point de vue clinique, à partir
du 22 avril 2000, ainsi que de douleurs passagères lombosciatalgiques L5/S1
droite, apparues en mars 2000. Le praticien a relevé qu'un laps de temps de
plus de douze ans s'était écoulé entre l'accident et les premiers symptômes
de type lombosciatalgique, puis cervico-radiculaire dont la recourante
s'était plainte au cours du premier semestre de l'an 2000, sans qu'elle ait
présenté de problème de santé dans l'intervalle. Selon lui, le lien de
causalité naturelle entre ces troubles et l'événement accidentel en cause
devait être nié sans réserve.

Comme l'ont à juste titre retenu les premiers juges, il n'y a pas de motif de
s'écarter de ces conclusions. Le médecin-conseil a en effet établi son
rapport au terme d'une analyse exhaustive du dossier, en se penchant sur les
radiographies et les appréciations médicales y figurant. Le grief tiré du
fait qu'il n'a pas examiné personnellement la recourante doit être écarté,
dès lors que, selon la jurisprudence, une expertise médicale établie sur la
base d'un dossier a valeur probante pour autant que celui-ci contienne
suffisamment d'appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen
personnel de l'assuré (RAMA 2001 n° U 438 p. 346 consid. 3d). On relèvera par
ailleurs que le docteur Kaufman s'est également entretenu du cas avec le
docteur H.________. En outre, il a expliqué, dans son rapport complémentaire
du 8 juin 2001, les raisons pour lesquelles l'appréciation de son confrère ne
pouvait être suivie. Entre autres éléments, il a souligné que l'avis du
médecin traitant (courrier du 19 mars 2001) se fondait sur la simple
hypothèse - non démontrée par les documents médicaux établis dans les suites
immédiates de l'accident - que sa patiente aurait subi en 1988 une lésion de
la colonne moyenne qui aurait pu induire avec le temps la cervicarthrose
pluri-étagée constatée. Selon le docteur K.________, cette supposition doit
être rejetée, dès lors qu'une modification au niveau de la colonne cervicale
due à un traumatisme se limite en règle générale à un segment, la présence de
modifications des disques simultanément à plusieurs niveaux indiquant
justement une origine maladive et dégénérative et non pas accidentelle. Il
observe également qu'on ne saurait rien déduire - comme semblait vouloir le
faire le docteur H.________ - de la circonstance que la recourante n'exerçait
pas une activité impliquant des travaux lourds, puisqu'il n'existe pas de
corrélation proportionnelle entre les modifications dégénératives de la
colonne cervicale et une activité de ce type.

Quant aux avis des docteurs A.________ et E.________, à l'instar de la
juridiction cantonale, on constate qu'ils ne permettent pas non plus de
contester le bien-fondé des conclusions du docteur K.________, faute de
motivation. Tant le certificat du docteur A.________ du 5 septembre 2002 que
ceux du docteur E.________ (des 10 avril et 8 mai 2000), ne contiennent que
la simple affirmation de l'existence d'un lien de cause à effet entre
l'accident du 24 mai 1988 et les troubles diagnostiqués en 2000, sans plus
amples explications. Par ailleurs, l'affirmation du docteur A.________ selon
laquelle il s'agirait de l'évolution du traumatisme subi en 1988 au vu de
l'importance des troubles dégénératifs chez une patiente relativement jeune
(rapport du 10 juillet 2000), ne convainc pas; selon le docteur K.________,
en effet, les atteintes discales dégénératives et les hernies discales
peuvent apparaître chez des groupes de patients de pratiquement tous les âges
(rapport du 8 juin 2001).

Dans ces circonstances, on ne saurait considérer, au degré de la
vraisemblance prépondérante, les troubles diagnostiqués chez la recourante en
2000 comme une rechute éventuelle d'une atteinte causée par l'événement du 24
mai 1988.

5.
Vu ce qui précède, l'intimée était fondée à dénier à la recourante le droit à
des prestations d'assurance. Partant, le recours se révèle mal fondé, sans
qu'il soit nécessaire de mettre en oeuvre une expertise complémentaire, les
constatations médicales ressortant du dossier étant suffisantes pour statuer.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Cour des assurances
sociales du Tribunal administratif du canton de Fribourg et à l'Office
fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 11 mai 2005

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IIIe Chambre: La Greffière: