Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen U 115/2004
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U 115/04

Arrêt du 25 août 2004
IVe Chambre

MM. les Juges Ferrari, Président, Ursprung et Geiser, suppléant. Greffière :
Mme von Zwehl

H.________, recourante, représentée par Me Gérald Mouquin, avocat, rue de
Bourg 33, 1002 Lausanne,

contre

La Vaudoise Générale, Compagnie d'assurances SA, place de Milan, 1007

Lausanne, intimée,

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 10 septembre 2003)

Faits:

A.
H.  ________ a travaillé dès le 1er janvier 1989 en qualité de secrétaire au
service du bureau d'expertises automobiles P.________ et C.________ SA. A ce
titre, elle était assurée contre le risque d'accidents professionnels et
non-professionnels auprès de La Vaudoise Générale, Compagnie d'assurances SA
(ci-après: la Vaudoise).

Le 13 septembre 1999, l'employeur a fait parvenir à la Vaudoise une
déclaration d'accident LAA indiquant que l'assurée avait été victime, en un
temps et en un lieu inconnus mais vraisemblablement dans le Gros-de-Vaud,
d'une morsure de tique, et qu'elle était atteinte de borréliose. A cette
déclaration était jointe une lettre (du 30 août 1999) du médecin traitant de
H.________, la doctoresse M.________,  à l'attention de La Caisse Vaudoise
(ci-après: la caisse), assureur-maladie de l'intéressée. Dans cette lettre,
la doctoresse M.________ exposait que sa patiente était en traitement chez
elle pour une borréliose stade III, une acrodermatite atrophiante des deux
jambes (stade inflammatoire) ainsi que de myalgies avec suspicion d'atteinte
vasculaire, une légère atteinte cérébrale n'étant pas complètement exclue;
l'état de l'intéressée avait été nettement amélioré par un traitement aux
antibiotiques oraux et vitamines; elle proposait un traitement intraveineux
d'antibiotiques en milieu hospitalier. Appelé à se prononcer, le docteur
S.________, médecin-conseil de l'assureur-accidents, a déclaré, au regard
notamment d'une sérologie effectuée le 17 novembre 1998, qu'il ne pouvait
affirmer que l'intéressée était bel et bien atteinte d'une borréliose
(rapport du 14 octobre 1999). Le 19 octobre suivant, la Vaudoise a informé
l'assurée qu'elle refusait de prendre en charge le cas. Sur demande de la
doctoresse M.________, il a été décidé de procéder à des mesures
d'instructions complémentaires.

Une ponction lombaire a été pratiquée le 12 novembre 1999. Au vu du résultat
de cet examen, le docteur S.________ a jugé que la présence d'une borréliose
n'était pas établie avec une probabilité suffisante (rapport du 15 février
2000). L'assureur-accidents a encore requis l'avis du docteur A.________,
spécialiste en médecine interne. Dans son rapport du 1er mars 2000, ce
dernier a conclu que le diagnostic d'acrodermatite chronique atrophiante
(ACA) était très invraisemblable ou, tout au plus, possible; il a ajouté que
cette évaluation pourrait être revue si une biopsie de la peau devait mettre
en évidence une lésion histologique typique. Le 14 mars 2000, la Vaudoise
rendu une nouvelle décision de refus, sujette à opposition. H.________ et son
assureur-maladie ont tous deux fait opposition.

Dans le cadre de la procédure d'opposition, l'assurée s'est soumise à une
biopsie de la peau. La Vaudoise a communiqué l'analyse histologique de
prélèvements de peau de l'assurée au docteur A.________, qui a confirmé ses
précédentes conclusions (rapport complémentaire du 27 juillet 2000). Par
décision du 8 août 2000, l'assureur-accidents a écarté les oppositions.

B.
Après avoir confié une expertise médicale au professeur B.________, chef du
service de neurologie de la Clinique U.________, le Tribunal des assurances
du canton de Vaud, a rejeté le recours formé par  l'assurée contre la
décision sur opposition de la Vaudoise (jugement du 10 septembre 2003,
notifié le 1er mars 2004).

C.
H. ________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont
elle demande l'annulation. Sous suite de frais et dépens, elle conclut,
principalement, à ce que son droit aux prestations de l'assurance-accidents
soit reconnu (les atteintes à la santé dont elle est affectée devant être
imputées à une borréliose) et, subsidiairement, au renvoi de la cause à la
juridiction cantonale pour complément d'instruction et nouveau jugement.

La Vaudoise conclut au rejet du recours. La caisse s'en remet à justice.
L'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de
l'assurance-accidents. Cependant, le cas d'espèce reste régi par les
dispositions de la LAA en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard au
principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment
où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 129 V 4 consid.

1.2  et les arrêts cités).
Le jugement entrepris expose de manière exacte les dispositions légales et
réglementaires applicables, de même que les principes jurisprudentiels
concernant les notions d'accident, de rechute et de séquelles, ceux relatifs
à la causalité naturelle et adéquate, ainsi qu'à l'appréciation des preuves
en matière d'assurances sociales (en particulier la valeur probante d'un
rapport médical et d'une expertise judiciaire). Il suffit d'y renvoyer.

2.
Est litigieux le point de savoir si les atteintes à la santé de la recourante
ayant nécessité des traitements médicaux, notamment en 1999 et 2000, sont
imputables à un accident.
Selon la jurisprudence constante, la morsure de la tique du genre Ixodes
présente toutes les caractéristiques de l'accident (art. 9 al. 1 OLAA), c'est
pourquoi l'assureur-accidents doit prendre en charge les cas de maladies
infectieuses (maladie de Lyme, encéphalite virale) occasionnées par une telle
morsure et leurs conséquences (ATF 122 V 239 sv, consid. 5; arrêts J. du 17
juin 2004, U 164/03, et H. du 2 avril 2004, U 146/03). De plus, lorsqu'une
lésion déterminée due à la morsure d'une tique du genre Ixodes existe et
qu'une infection imputable aux germes véhiculés par celle-ci se manifeste, la
transmission des germes se présume au degré de vraisemblance prépondérante
requis (ATF 122 V 241, consid. 5c; arrêt K. du 5 décembre 2003, U 140/03).

3.
En l'occurrence, il est constant qu'aucune morsure de la recourante par une
tique n'a été effectivement établie et qu'un tel événement n'a été que
supposé en raison du diagnostic de borréliose de Lyme posé par la doctoresse
M.________, laquelle s'est fondée sur la présence, chez sa patiente, d'une
symptomatologie d'acrodermatite chronique atrophiante (ACA) aux membres
inférieurs et sur des signes généraux comme la fatigue, l'abaissement de
l'état général, des douleurs musculaires et articulaires, des dysesthésies
aux membres inférieurs, des maux de tête, des troubles de la vue et de la
concentration ainsi qu'une diminution - qualifiée d'impressionnante - des
forces physiques (voir la lettre de la doctoresse M.________ au docteur
S.________ du 29 octobre 1999).
Appelé à se prononcer sur le résultat des prélèvements provenant de la
recourante, le docteur A.________ - éminent spécialiste des maladies
transmises par les tiques et en particulier de la borréliose de Lyme (voir
notamment ATF 122 V 234; RAMA 1991 n° U 432 p. 322; arrêts F. du 15 avril
2004, U 217/03, H. du 2 avril 2004, U 146/03, et D. du 4 octobre 2001, U
131/01) - a estimé très invraisemblable le fait que celle-ci eût été atteinte
d'une ACA. Il a exposé que le diagnostic de borréliose de Lyme avec ACA et
neuroborréliose présente des signes typiques dans la sérologie, l'histologie
et l'analyse du liquide céphalo-rachidien, même a posteriori ou après une
thérapie aux antibiotiques. Or, selon ce spécialiste, les résultats d'analyse
des prélèvements opérés chez la recourante n'ont pas révélé une telle
affection. Certains résultats d'analyse faiblement positifs, comme en
l'espèce, n'étaient pas significatifs; par ailleurs, le succès de la thérapie
mise en oeuvre par la doctoresse M.________ n'apportait pas la démonstration
de l'existence antérieure de la maladie. A l'appui de ses considérations, le
docteur A.________ a encore produit une documentation médicale récente
(lettres à la Vaudoise des 27 juillet 2000 et 19 avril 2001).

Le professeur B.________, expert judiciaire, partage l'opinion de son
confrère. A la question de savoir de quels troubles de la santé souffre
H.________, l'expert a répondu que la prénommé présente des symptômes
douloureux et systémiques non spécifiques dans le sens d'une fibromyalgie ou
d'un trouble somatoforme douloureux chronique, ainsi que des signes de
polyneuropathie sensitive des membres inférieurs (d'origine diabétique
probable). Selon lui, ces troubles de la santé sont probablement sans
relation avec la maladie de Lyme; en effet, les symptômes, les signes, et les
examens paracliniques (sérologies sanguines, analyse du liquide
céphalo-rachidien, électroneuromyographie, IRM cérébrale, examens
ophtalmologique, dermatologique et angiologique) sont normaux ou montrent des
anomalies discrètes non spécifiques, et aucun n'évoque de façon classique une
maladie de Lyme (rapport du 21 mai 2003).
Pour rendre ses conclusions, l'expert judiciaire a procédé à un examen
ambulatoire de la recourante et pris connaissance de l'ensemble du dossier
constitué par l'assureur-accidents ainsi que par la juridiction cantonale; il
a en outre sollicité l'avis du docteur E.________, biologiste, sur le
résultat des examens sérologiques, et celui du professeur N.________, chef du
service de dermatologie de la Clinique U.________, sur les coupes de biopsie
cutanée. Motivé de manière convaincante, rendu au terme d'examens complets et
prenant en compte toutes les plaintes de la recourante, son rapport remplit
toutes les exigences auxquelles la jurisprudence soumet la valeur probante
d'un tel document (ATF 122 V 160 consid. 1c et les références).

La recourante critique l'opinion de l'expert. Pour elle, le succès du
traitement spécifique administré démontrerait la pertinence du diagnostic de
borréliose de Lyme posé en particulier par son médecin traitant. Au surplus,
le rapport de l'expert serait incomplet dès lors qu'il n'énonce pas un autre
diagnostic dont l'étiologie serait établie; or l'appréciation de la
vraisemblance prépondérante exigerait une base de comparaison. Ce
raisonnement ne peut être suivi. En effet, le seul fait que l'origine des
troubles à la santé dont souffre la recourante n'est pas déterminée avec
certitude ne saurait battre en brèche la conclusion dûment étayée de l'expert
selon laquelle ces troubles sont probablement sans relation avec une maladie
de Lyme. Au demeurant, l'absence d'éléments objectifs établissant la réalité
d'une morsure de la recourante par une tique accroît encore l'exigence de
vraisemblance du diagnostic d'une maladie de Lyme. Partant, les premiers
juges n'avaient pas de raison impérative de s'écarter des conclusions du
rapport d'expertise judiciaire.

4.
C'est en vain que la recourante se plaint de n'avoir pas été informée par le
tribunal cantonal, avant de se voir notifier le jugement entrepris, que sa
requête en complément d'expertise ou en contre-expertise n'était pas admise.
Le droit de faire administrer des preuves, qui découle du droit d'être
entendu (ATF 122 II 469 consid. 4a), n'empêche en effet pas l'autorité de
mettre un terme à l'instruction si, se fondant sur une appréciation
consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles elle
doit procéder d'office, elle est convaincue que certains faits présentent un
degré de vraisemblance prépondérante et que d'autres mesures probatoires ne
pourraient plus modifier cette appréciation; une telle manière de procéder ne
viole pas le droit d'être entendu (ATF 124 V 94 consid. 4b). Or, il découle
du considérant qui précède qu'un complément d'expertise ou une autre
expertise médicale ne se justifiait pas dans le cas de la recourante.

5.
Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). Par
ailleurs, la recourante, qui succombe, ne peut prétendre de dépens (art. 159
al. 1 OJ a contrario).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à La Caisse Vaudoise, Assurance
maladie et accidents, Martigny, au Tribunal des assurances du canton de Vaud
et à l'Office fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 25 août 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

p. le Président de la IVe Chambre:   La Greffière: