Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 98/2004
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I 98/04

Arrêt du 13 octobre 2004
Ire Chambre

MM. et Mme les Juges Borella, Président, Leuzinger, Lustenberger, Ursprung et
Frésard. Greffière: Mme Moser-Szeless

E.________, recourante, représentée par Me Alain Steullet, avocat, rue des
Moulins 12, 2800 Delémont,

contre

Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura, rue Bel-Air 3, 2350
Saignelégier, intimé

Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Chambre des assurances,
Porrentruy

(Jugement du 27 janvier 2004)

Faits:

A.
A partir du 1er décembre 1995, J.________, né en 1935, a été mis au bénéfice
d'une rente entière simple d'invalidité, assortie d'une rente complémentaire
pour son épouse, E.________, et de deux rentes pour les enfants du couple,
A.________ et B.________ (décision de l'Office de l'assurance-invalidité du
canton du Jura [ci-après: l'office AI] du 29 octobre 1996). Ces prestations
ont été remplacées, à partir du 1er décembre 2000, par une rente simple de
vieillesse et deux rentes complémentaires pour enfant (décision de la Caisse
de compensation du canton du Jura du 17 novembre 2000).

B.
Entre-temps, le 7 octobre 1997, E.________ avait déposé une demande de
prestations de l'assurance-invalidité. Par décision du 10 mars 2000, l'office
AI lui a alloué un quart de rente simple d'invalidité, ainsi que deux rentes
complémentaires simples pour enfant, fondées sur un degré d'invalidité de 46
pour cent. A la suite de recours successifs de l'intéressée, qui ont abouti à
un arrêt du Tribunal fédéral des assurances du 9 octobre 2001, l'office AI a
repris l'instruction du cas. Le 15 novembre 2002, il a rendu quatre
décisions, par lesquelles il a alloué à l'assurée un quart de rente du 1er
mai 1997 au 31 juillet 1997, une demi-rente du 1er août 1997 au 31 décembre
1999 et une rente entière dès le 1er janvier 2000. Du fait que le mari avait
bénéficié pour la même période d'une rente d'invalidité, puis d'une rente de
vieillesse, l'office AI a revu le calcul des rentes qui lui avaient été
allouées, en tenant compte des éléments suivants:
- la rente d'invalidité accordée à l'épouse excluait le versement
simultané d'une rente complémentaire pour l'épouse à raison de l'invalidité
du mari;
- à partir du moment où l'épouse bénéficiait d'une rente entière
d'invalidité, la somme des deux rentes pour le couple s'élevait au plus à 150
pour cent du montant maximum de la rente de vieillesse;
- les rentes pour enfant étaient également plafonnées lorsque les deux
époux avaient droit à des rentes de cette nature.
L'office AI, par ces mêmes décisions du 15 novembre 2002, a compensé
l'excédent des rentes versées au mari avec une partie des rentes allouées
rétroactivement à l'épouse.

C.
E.________ a recouru contre les quatre décisions mentionnées, en contestant
le droit de l'office AI de compenser les rentes perçues indûment par son mari
avec les rentes qui lui avaient été allouées rétroactivement.

Statuant le 27 janvier 2004, le Tribunal cantonal de la République et canton
du Jura, Chambre des assurances, a rejeté le recours.

D.
E.________ interjette un recours de droit administratif dans lequel elle
conclut à l'annulation de ce jugement et demande au Tribunal fédéral des
assurances d'ordonner à l'office AI de lui verser les montants de 1791 fr.,
24'409 fr., 11'412 fr., et 18'473 fr.

L'office AI conclut au rejet du recours, ce que propose également l'Office
fédéral des assurances sociales (OFAS).

Considérant en droit:

1.
1.1 Selon l'art. 34 al. 1 LAI (dans sa version en vigueur du 1er janvier 1997
au 31 janvier 2002), les personnes mariées qui peuvent prétendre une rente
ont droit, si elles exerçaient une activité lucrative immédiatement avant la
survenance de l'incapacité de travail, à une rente complémentaire pour leur
conjoint, pour autant que ce dernier n'ait pas droit à une rente de
vieillesse ou d'invalidité (première phrase). D'autre part, conformément à
l'art. 35 al. 1 LAI, les hommes et les femmes qui peuvent prétendre une rente
d'invalidité ont droit à une rente pour chacun des enfants, qui, au décès de
ces personnes, aurait droit à la rente d'orphelin de l'assurance-vieillesse
et survivants.

Conformément à l'art. 38 al. 1 LAI (dans sa version en vigueur jusqu'au 31
décembre 2003), la rente complémentaire s'élève à 30 pour cent et la rente
pour enfant à 40 pour cent de la rente d'invalidité correspondant au revenu
annuel moyen déterminant. Si les deux parents ont droit à une rente pour
enfant, les deux rentes pour enfants sont réduites dans la mesure où leur
montant excède 60 pour cent de la rente d'invalidité maximale. L'art. 35 LAVS
est applicable par analogie au calcul de la réduction.
L'art. 35 LAVS a la teneur suivante:
1.La somme des deux rentes pour un couple s'élève au plus à 150 pour cent du
montant maximum de la rente de vieillesse si:
a.Les deux conjoints ont droit à une rente de vieillesse;
b.Un conjoint a droit à une rente de vieillesse et l'autre à une rente de
l'assurance-invalidité.

2. Aucune réduction des rentes n'est prévue au détriment des époux qui ne
vivent plus en ménage commun suite à une décision judiciaire.

3. Les deux rentes doivent être réduites en proportion de leur quote- part à
la somme des rentes non réduites. Le Conseil fédéral règle les détails
concernant notamment la réduction des deux rentes allouées aux assurés dont
la durée de cotisation est incomplète.

1.2 Le fait que la recourante a été mise au bénéfice d'une rente d'invalidité
(par paliers successifs) justifiait un nouvel examen de la situation des
rentes accordées précédemment au mari. Conformément aux dispositions
susmentionnées, leur examen justifiait la suppression rétroactive de la rente
complémentaire pour épouse et une réduction rétroactive de la rente
principale et des rentes pour enfants, conformément à l'art. 35 LAVS (cf. ATF
129 V 1, 127 V 361, 119; RDAT 2001 I n° 56 p. 235). Il en résultait une
obligation de restituer les prestations indûment touchées par le mari (art.
47 al. 1 aLAVS, voir aussi l'art. 25 LPGA). L'obligation de restituer comme
telle n'est pas contestée. Est litigieux, en revanche, le point de savoir si
l'office intimé était en droit de compenser sa créance en restitution à
l'encontre du mari par des arrérages de rentes versés à l'épouse.

2.
2.1 Certaines lois spéciales en matière d'assurances sociales règlent la
compensation des créances (par exemple: art. 20 al. 2 LAVS [ATF 115 V 342 sv.
consid. 2b], art. 50 LAI, art. 50 LAA). En l'absence d'une réglementation
particulière, le principe de la compensation des créances de droit public est
admis comme règle générale (ATF 128 V 228 consid. 3b et les références
citées, 111 Ib 158 consid. 3; Rüedi, Allgemeine Rechtsgrundsätze des
Sozialversicherungsprozesses, in : Walter R. Schluep et al. (éd.), Recht,
Staat und Politik am Ende des zweiten Jahrtausends, Festschrift zum 60.
Geburtstag von Bundesrat Arnold Koller, Berne 1993, p. 454 et note n° 16).
Dans ce cas, les dispositions du code des obligations qui en fixent les
conditions (art. 120 ss CO) sont applicables par analogie (ATF 128 V 228
consid. 2b; VSI 1994 p. 217 consid. 3).

Bien que la LPGA ne soit en l'espèce pas applicable ratione temporis (ATF 129
V 4 consid. 1.2 et les arrêts cités), la situation décrite ci-dessus n'a pas
été modifiée par son entrée en vigueur, le 1er janvier 2003. La compensation
reste réglée par les lois spéciales ou les principes généraux, sous réserve
de l'art. 20 al. 2 LPGA (cf. Ueli Kieser, ATSG-Kommentar, Kommentar zum
Bundesgesetz über den Allgemeinen Teil des Sozialversicherungsrechts vom 6.
Oktober 2000, Zurich 2003, Remarques préliminaires, note 22; cf. ATF 125 V
323 consid. 5b/bb). Cette disposition règle le problème particulier - qui
n'est pas en discussion ici - de la compensation d'une créance d'un tiers
qualifié ou d'une autorité dans le contexte de la garantie d'un emploi des
prestations conforme à leur but (voir à ce sujet Duc, Assurance sociale et
assurance privée, Rapport du Groupe de travail de la Société suisse du droit
de la responsabilité civile et des assurances institué pour examiner les
tâches dévolues à l'assurance privée d'une part, et celles incombant à
l'assurance sociale, d'autre part, Berne 2003, p. 139 ss).

2.2 Selon l'art. 20 al. 2 let. a LAVS, peuvent être compensées avec des
prestations échues, notamment, les créances découlant de la présente loi et
de la LAI. Cette disposition est applicable dans le domaine de
l'assurance-invalidité en vertu de l'art. 50 LAI. Selon la pratique
administrative, les prestations versées à tort à l'un des conjoints ne
peuvent être compensées avec des prestations échues revenant à l'autre
conjoint. Une exception est possible s'il existe un lien étroit, sous l'angle
du droit des assurances sociales, entre les prestations revenant à chacun des
époux. Cette condition est réalisée, par exemple, lorsqu'à la suite de la
réalisation du deuxième risque assuré, la rente du premier conjoint doit être
diminuée en raison du plafonnement ou lorsque la rente complémentaire déjà
versée au conjoint invalide doit être restituée en raison de l'octroi
rétroactif d'une rente AI à son conjoint (ch. 10907 et 10908 des Directives
et circulaires de l'OFAS dans le domaine des rentes).

2.3 La recourante conteste la légalité de ces directives administratives,
dans la mesure où elles autorisent - dans les situations envisagées - la
compensation de créances entre des sujets de droit qui ne sont pas
réciproquement créancier et débiteur. Une telle compensation n'est pas prévue
par la loi. Par ailleurs, il serait contraire à l'esprit et au but du système
législatif qu'une épouse doive rembourser des montants versés à son mari -
montants dont elle n'a pas la libre disposition - alors que la LAVS, depuis
sa dixième révision, introduit un droit individuel à la rente. Il serait au
surplus arbitraire que le montant revenant personnellement à l'épouse dépende
du moment auquel l'assurance-invalidité a statué sur ses droits. Dans le cas
particulier, la recourante serait privée de sa rente par le seul fait que
l'office AI a tardé à statuer.

2.4 La jurisprudence en matière d'assurances sociales soumet la compensation
à l'exigence que cette mesure ne mette pas en péril les moyens d'existence du
débiteur (voir par exemple ATF 115 V 343 consid. 2c, 111 V 103 consid. 3b).
Cette exigence est à rapprocher de l'art. 125 ch. 2 CO, aux termes duquel ne
peuvent être éteintes par compensation les créances dont la nature spéciale
exigent le paiement effectif entre les mains du créancier, telles que des
aliments ou le salaire absolument nécessaires à l'entretien du débiteur et de
sa famille (ATF 108 V 47 consid. 2).

De manière générale, la compensation, en droit public - et donc notamment en
droit des assurances sociales - est subordonnée à la condition que deux
personnes soient réciproquement créancières et débitrices l'une de l'autre
conformément à la règle posée par l'art. 120 al. 1 CO (voir Nicolas Jeandin,
Commentaire romand, Code des obligations I, n° 5 ss ad art. 120 CO; ATF 128 V
228 consid. 3b; VSI 1994 p. 217 consid. 3). Cette règle n'est cependant pas
absolue. Il a toujours été admis, en effet, que l'art. 20 LAVS y déroge dans
une certaine mesure pour prendre en compte les particularités relatives aux
assurances sociales en ce qui concerne précisément cette condition de la
réciprocité des sujets de droit posée par l'art. 120 al. 1 CO (Theo Kündig,
Die Verrechnung im Sozialversicherungsrecht, thèse Berne 1960, p. 87 ss;
Michel Valterio, Commentaire de la loi sur l'assurance-vieillesse et
survivants, tome II [Les prestations], Lausanne 1988, p. 237 sv.; Hans
Michael Riemer, Berührungspunkte zwischen Sozialversicherungs- und
Privatrecht, insbesondere die Bedeutung des Privatrechtes bei der Auslegung
des Sozialversicherungsrechtes durch das Eidgenössische Versicherungsgericht,
in: Mélanges pour le 75ème anniversaire du Tribunal fédéral des assurances,
Berne 1992, p. 161, note de bas de page 95; Ueli Kieser, Bundesgesetz über
die Alters- und Hinterlassenenversicherung, Zurich 1996, p. 127 sv. ad art.
20). La possibilité de compenser s'écarte de l'art. 120 al. 1 CO quand les
créances opposées en compensation se trouvent en relation étroite, du point
de vue de la technique d'assurance ou du point de vue juridique: dans ces
situations, il n'est pas nécessaire que l'administré ou l'assuré soit en même
temps créancier et débiteur de l'administration (ATF 115 V 343 consid. 2b,
111 V 2 consid. 3a, 104 V 7 consid. 3b).

Une relation étroite de cette nature existe, par exemple, entre les
cotisations personnelles dues par le père décédé et la rente d'orphelin de
père (ATFA 1956 p. 190 consid. 1, 1961 p. 29 sv.). La faculté d'opérer
compensation a aussi maintes fois été affirmée en ce qui concerne les
cotisations personnelles du mari décédé et la rente ou l'allocation unique
revenant à sa veuve (ATFA 1969 p. 93, 1953 p. 285, 1951 p. 39). Une créance
de cotisations à l'encontre d'un débiteur décédé peut aussi être compensée
avec les rentes de survivants revenant à ses héritiers, quand bien même
ceux-ci ont répudié la succession (ATFA 1969 p. 95 let. g, 1956 p. 190
consid. 1). Il a également été jugé admissible de compenser des cotisations
personnelles (y compris les frais d'administration et de poursuites) dues par
l'ancien mari décédé et produites dans la procédure de bénéfice d'inventaire,
avec une rente de veuve revenant à la femme divorcée (ATF 115 V 341). De
même, la moitié de la rente pour couple réclamée par l'épouse pouvait être
compensée avec une créance en réparation du dommage (art. 52 LAVS) contre
l'époux dans la mesure, bien entendu, où - comme dans les autres cas cités -
il n'en résultait pas une atteinte au minimum vital des intéressés (ATF 107 V
72).

Quand les deux créances opposées en compensation portent sur des prestations,
la jurisprudence a considéré que la dette d'une mère nourricière tenue à
restitution d'une rente de veuve touchée indûment ne pouvait pas être
compensée avec la rente d'orphelin revenant à l'enfant recueilli, faute de
connexité juridique entre les deux rentes (ATFA 1956 p. 60). Une rente pour
enfant versée par erreur au père ne peut pas davantage être compensée avec la
rente d'invalidité à laquelle peut prétendre ultérieurement l'enfant (arrêt
non publié S. du 6 juin 1988 [I 121/87]). La compensation a été admise, en
revanche, dans l'affaire qui a fait l'objet de l'ATFA 1969 p. 211. Dans cette
affaire, l'assuré, bénéficiaire d'une rente simple de vieillesse, n'avait pas
annoncé tout de suite son mariage à l'administration de l'AVS et les époux
avaient continué à percevoir deux rentes simples ordinaires de vieillesse, en
lieu et place d'une rente pour couple. Par la suite, le mari avait renoncé à
percevoir une rente pour couple, pour permettre le versement d'une rente
ordinaire, d'un montant plus élevé, en faveur de son épouse. La possibilité
de compenser une créance en restitution de la caisse à l'endroit de l'époux
avec la rente plus élevée revenant à l'épouse constituait une condition sine
qua non de validité de renonciation à une rente pour couple.

2.5 Il est constant, en l'espèce, que le mari était lui-même titulaire de la
rente complémentaire pour épouse qui lui a été accordée en raison de son
invalidité, en plus de la rente principale sujette à plafonnement en raison
de la mise à l'invalidité de son épouse. Il était de même titulaire des
rentes pour enfants qui ont fait l'objet d'une réduction. C'est dire que la
créance en restitution de la caisse porte sur les prestations accordées au
mari. Il se pose, dès lors, le problème de savoir s'il existait entre cette
créance et les arriérés de rente allouée à l'épouse un lien suffisant pour
que la compensation fût opposable à la recourante.

2.6 Ainsi qu'on l'a vu, le droit du mari à la rente complémentaire pour
épouse était subordonné à la condition que celle-ci n'ait pas droit à une
rente. Les deux prestations en cause sont ainsi exclusives l'une de l'autre.
En outre, le droit de l'épouse à des rentes pour enfants impliquait
nécessairement une réduction des rentes de même nature accordées au mari. La
même interdépendance existe, enfin, entre la réduction de la rente principale
du mari et l'allocation d'une rente entière en faveur de l'épouse. Dans ces
trois éventualités, les prestations versées au mari n'étaient pas indues tant
et aussi longtemps qu'un deuxième cas d'assurance n'était pas survenu en la
personne de l'épouse. Elles le sont devenues automatiquement ou ipso iure
lors de la réalisation de cette deuxième éventualité assurée. C'est dire que
les créances en restitution de l'office AI sont, tant d'un point de vue
juridique que sous l'angle des rapports d'assurance en présence,
indissociablement liées aux prestations allouées à l'épouse.

2.7 Il est vrai que le passage du régime de la rente pour couple à la rente
individuelle indépendante de l'état civil a constitué l'un des axes
fondamentaux de la dixième révision de l'AVS (ATF 126 V 59 consid. 4). Le
principe de la répartition des revenus des époux et de leur attribution pour
moitié à chacun d'entre eux est l'élément marquant du nouveau système de
calcul des rentes (art. 29quinquies al. 3 à 5 LAVS). Mais l'interdépendance
des rentes individuelles est mise en évidence par les effets du plafonnement
des rentes (art. 35 LAVS), le législateur ayant posé ici une limite à une
pleine individualisation des rentes accordées aux conjoints, en lieu et place
de la rente pour couple de l'ancien droit. Ce plafonnement s'explique, aux
yeux du législateur, par le fait que le couple représente en soi une unité
économique, dont les besoins financiers sont censés être inférieurs à ceux de
deux personnes vivant seules (Jürg Brechbühl, Le modèle du splitting du
Conseil national - une nouvelle voie pour l'AVS et l'AI, Sécurité sociale
[CHSS] 3/1993, p. 9; Ueli Kieser, Alters- und Hinterlassenenversicherung, in:
Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht, Soziale Sicherheit [SBVR], ch. 120).

2.8 Au demeurant, sous l'angle économique, les rentes allouées au mari (rente
principale, rente complémentaire pour épouse et rente pour enfant) ont le
même but que les rentes accordées ensuite à l'épouse avec effet rétroactif
(rente d'invalidité, rente pour enfant), à savoir procurer au couple - en
tant qu'entité économique - un revenu de remplacement destiné à couvrir les
besoins vitaux de la famille. Les rentes versées ultérieurement à l'autre
conjoint prennent, pour une part, la place des prestations versées
précédemment en trop à l'autre conjoint. De ce point de vue également, il
existe un rapport nécessaire de connexité entre les prestations revenant au
couple.

2.9 Sur le vu de ces éléments, les directives en cause de l'OFAS - bien
qu'elles ne lient pas le juge (ATF 129 V 204 consid. 3.2) - s'inscrivent
néanmoins dans le prolongement du régime particulier de compensation instauré
par l'art. 20 al. 2 LAVS. Elles n'établissent donc pas des normes qui ne
soient pas conformes aux dispositions légales applicables (ATF 129 V 205
consid. 3.2). Admettre le contraire pourrait, dans les faits, empêcher une
application effective du droit quand le montant des prestations revenant à
l'un des conjoints doit être revu lors de la réalisation d'une deuxième
éventualité assurée dans le couple. La demande de restitution à l'encontre du
titulaire des prestations se révélerait inopérante en cas de remise de
l'obligation de restituer. Une telle remise serait fréquemment accordée, dès
lors que la condition de la bonne foi serait toujours réalisée et que seule
devrait alors être examinée la question de la situation difficile (art. 25
LPGA et art. 5 OPGA; art. 47 al. 1 aLAVS). Dans nombre de cas, cette dernière
condition serait également remplie, ce qui, en définitive, conduirait à un
cumul injustifié de prestations, comme conséquence inévitable d'une
application pourtant correcte de la loi. Cette conséquence inévitable résulte
elle-même du fait qu'il existe forcément un certain décalage dans le temps de
décisions interdépendantes.

En conséquence, il faut admettre que l'office intimé était en droit de
compenser la créance en restitution avec des arriérés de rente dus à
l'épouse.

3.
A titre subsidiaire, la recourante invoque la péremption de la caisse de
compensation de demander la restitution des prestations. Elle invoque l'art.
47 al. 2 aLAVS, selon lequel le droit de demander la restitution se prescrit
par une année à compter du moment où la caisse de compensation a eu
connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le paiement de la
rente.

Ce moyen n'est pas fondé. Tant que l'assurance-invalidité n'avait pas rendu
sa décision, la caisse ne disposait d'aucun titre juridique pour fonder une
décision en restitution. Les délais de péremption d'une année et de cinq ans
ne commençaient à courir qu'au moment où la décision de
l'assurance-invalidité entrait en force (voir ATF 127 V 484). Au regard de
cette jurisprudence, l'office intimé a indiscutablement agi en temps utile.

4.
Quant aux montants sujets à compensation, ils ont fait l'objet d'un décompte
détaillé que l'office intimé a produit en instance cantonale pour en
expliquer le calcul. Il en ressort que la compensation porte sur la somme de
32'255 fr. (à savoir 1791 fr., 2388 fr., 9603 fr. et 18'473 fr.), le calcul
effectué par l'administration n'étant pas critiquable. Au demeurant, la
recourante n'expose pas en quoi ce décompte serait erroné.

5.
De ce qui précède, il résulte que le recours est mal fondé.

Compte tenu de la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la
République et canton du Jura, Chambre des assurances, à la Caisse de
compensation du canton du Jura et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 13 octobre 2004

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

p. le Président de la Ire Chambre:   La Greffière: