Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 90/2004
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I 90/04

Arrêt du 6 mai 2004
IIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Rüedi et Frésard. Greffier : M. Berthoud

S.________, recourant, représenté par Mme Nicole Chollet, juriste, FSIH
Service juridique, place du Grand-Saint-Jean 1, 1003 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 29 octobre 2003)

Faits:

A.
S. ________ a travaillé en qualité de vendeur de voitures jusqu'en octobre
1997. Invoquant notamment des douleurs cervicales, dorsales et lombaires, il
s'est annoncé à l'assurance-invalidité le 6 avril 1999.

Le 25 mai 2000, le docteur J.________, spécialiste en médecine physique et en
rhumatologie, a fait état, parmi d'autres affections, de troubles
dégénératifs rachidiens pluriétagés avec hernie discale cervicale et
lombaire, ainsi que de douleurs aux deux genoux sur atteinte dégénérative et
capsulaire. Le traitement consistait en l'administration
d'anti-inflammatoires, d'antalgiques et récemment d'antidépresseurs. Quant à
l'incapacité de travail, ce médecin l'a évaluée à 50 % depuis 1998. Par
ailleurs, le docteur J.________ a indiqué, le 7 mai 2001, que l'on
s'acheminait vers un emploi probablement déclassé de type occupationnel à 30
% environ, toute autre activité paraissant difficilement exigible.

Par décision du 18 septembre 2001, l'Office de l'assurance-invalidité pour le
canton de Vaud (l'office AI) a alloué une demi-rente d'invalidité à l'assuré
à partir du 1er mai 1999, fondée sur un degré d'invalidité de 50 %.

B.
Contestant que son état de santé lui permît d'exercer une activité à 50 %,
S.________ a déféré cette décision au Tribunal des assurances du canton de
Vaud en concluant à l'allocation d'une rente entière.

Une audience a été tenue le 29 octobre 2003. Du procès-verbal, il ressort que
le Président du Tribunal a proposé de mettre en oeuvre une expertise
pluridisciplinaire, mesure à laquelle le représentant de l'office AI a
consenti dès lors que l'atteinte à la santé de l'assuré était aussi bien
physique que psychique. Après une suspension d'audience, l'assuré a renoncé à
l'expertise proposée.

Par jugement du 29 octobre 2003, la juridiction cantonale a rejeté le
recours.

C.
S.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont
il demande l'annulation, avec suite de dépens, en concluant au renvoi de la
cause à la juridiction cantonale afin qu'elle ordonne une expertise
pluridisciplinaire.

L'intimé conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances
sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Selon l'art. 61 let. c LPGA, le tribunal établit avec la collaboration des
parties les faits déterminants pour la solution du litige; il administre les
preuves nécessaires et les apprécie librement. Cette disposition de procédure
reprend le texte de l'art. 85 al. 2 let. c LAVS (abrogé au 31 décembre 2002)
en faisant en outre référence au devoir de collaborer des parties; elle
s'applique immédiatement en tant que règle de procédure - soit dès le jour de
son entrée en vigueur (ATF 129 V 115 consid. 2.2 et les arrêts cités), en
l'occurrence le 1er janvier 2003.

2.
Aussi bien dans le domaine des assurances sociales notamment, la procédure
reste - comme par le passé - régie par le principe inquisitoire, selon lequel
les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge.
Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des
parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en
particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut
être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du
litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir
supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 195 consid. 2
et les références).

3.
C'est en vain tout d'abord que le recourant conteste avoir refusé de
collaborer à l'instruction de la cause. Comme cela ressort du procès-verbal
d'audience du 29 octobre 2003, le recourant - après une suspension d'audience
- a explicitement renoncé à une expertise, en invoquant notamment son âge, le
fait que le dossier était à ses yeux suffisamment complet et qu'il ne
désirait pas consulter de nouveaux médecins. Cette renonciation était
suffisamment explicite pour que l'on pût conclure à un refus de se soumettre
à une expertise et donc de collaborer à l'instruction de la cause.

4.
Le recourant soutient qu'en tout état de cause, le premier juge aurait dû
passer outre et ordonner tout de même une expertise. Ce n'est qu'en cas de
nouveau refus que le juge aurait pu statuer en l'état, après mise en demeure
et avertissement des conséquences.

Une telle procédure de sommation - prévue à l'art. 43 LPGA en ce qui concerne
l'instruction de la demande (cf. arrêts D. du 24 juin 2003 [I 700/02] et D.
du 14 janvier 2003 [K 123/01] - ne peut pas être déduite des dispositions de
l'art. 61 LPGA, applicable à la procédure de recours devant l'autorité
cantonale, ni d'un principe général. En fait, en présence d'un refus de
collaborer, le juge est fondé à procéder à une appréciation des preuves sur
la base des éléments du dossier (Ueli Kieser, ATSG-Kommentar : Kommentar zum
Bundesgesetz über den Allgemeinen Teil des Sozialversicherungsrechts vom 6.
Oktober 2000, Zurich 2003, note 59 ad art. 61). Il ne peut toutefois se
contenter d'examiner la décision attaquée sous l'angle du refus de collaborer
de l'intéressé et s'abstenir de tout examen matériel de ladite décision sous
l'angle des faits médicaux retenus par l'assureur (arrêt A. du 16 novembre
2001 [U 77/01]; voir aussi RCC 1985 p. 322).

5.
5.1 En l'espèce, le premier juge n'a pas procédé à un examen matériel de la
décision attaquée. Il a certes rappelé les principes applicables à
l'évaluation de l'invalidité, mais il n'a nullement confronté ces principes à
la situation du cas concret. Il a confirmé le taux d'invalidité de 50 pour
cent retenu par l'administration au seul motif que l'assuré avait refusé de
prêter son concours à l'instruction du cas, attitude que le juge a qualifiée
«d'inadmissible» et dont il a estimé qu'elle méritait d'être «sanctionnée par
l'achèvement immédiat de l'instruction de la cause».

5.2 On l'a vu, cette manière de procéder n'est pas conforme au droit. Dès
lors que le premier juge n'a pas statué en l'état de dossier, il convient de
lui renvoyer la cause pour qu'il se prononce sous l'angle matériel, à tout le
moins sur la base des éléments de preuves dont il dispose.

Il n'est cependant contesté ni par le premier juge ni par l'office intimé
qu'une expertise médicale est nécessaire dans le cas présent. En procédure
fédérale, le recourant, sur le vu de ses conclusions, paraît maintenant
disposé à se soumettre à cette mesure d'instruction. Il ne saurait être déchu
de son droit à la mise en oeuvre d'une expertise en raison de son précédent
refus. Ce refus - que rien ne justifiait a priori - a en revanche une
incidence, dans des situations de ce genre, sur le droit aux dépens pour la
procédure fédérale (arrêt non publié N. du 21 février 1994  [U 127/93]; infra
consid. 6.2). Il appartiendra donc à l'autorité cantonale d'ordonner
l'expertise envisagée. Si le recourant devait à nouveau - sans motif valable
- s'y opposer, l'autorité statuera sur la base du dossier.

6.
6.1 Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ).

6.2 Selon l'art. 156 al. 6 OJ les frais inutiles sont supportés par celui qui
les a occasionnés. Selon l'art. 159 al. 5 OJ, cette disposition est
applicable en matière de dépens. La procédure de recours de droit
administratif devant le Tribunal fédéral des assurances a été provoquée
inutilement par le recourant, qui aurait pu l'éviter s'il ne s'était pas
opposé à la mise en oeuvre d'une expertise dans la procédure cantonale. Pour
cette raison et bien qu'il obtienne gain de cause, aucune indemnité de dépens
ne lui sera allouée (cf. RCC 1989 p. 287).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis. Le jugement du Tribunal des assurances du canton de
Vaud du 29 octobre 2003 est annulé, la cause lui étant renvoyée pour
complément d'instruction et nouvelle décision au sens des motifs.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 6 mai 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre:   Le Greffier: