Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 840/2004
Zurück zum Index Sozialrechtliche Abteilungen 2004
Retour à l'indice Sozialrechtliche Abteilungen 2004


I 840/04

Arrêt du 28 décembre 2005
IIIe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Kernen et Seiler. Greffière : Mme
Moser-Szeless

D.________, recourant, représenté par Me Simone Walder-de Montmollin,
avocate, Grand-Rue 7, 2108 Couvet,

contre

Office AI du canton de Neuchâtel, Espacité 4-5, 2302 La Chaux-de-Fonds,
intimé,

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

(Jugement du 23 novembre 2004)

Faits:

A.
A.a D.________, ressortissant suisse, et C.________, de nationalité
mexicaine, se sont mariés en 1991. Deux enfants, A.________, né en 1992 en
Suisse, et B.________, né en 1996 en Argentine, sont issus de cette union.
Celle-ci a été dissoute par divorce prononcé le 11 mai 2001 par le Tribunal
civil du district de Neuchâtel. L'autorité parentale et la garde sur les
enfants ont été attribuées à leur mère. Le tribunal a par ailleurs ratifié la
convention sur les effets accessoires du divorce du 23 novembre 2000, selon
laquelle le père contribuera à l'entretien des enfants par le versement en
mains de la mère «de pensions alimentaires représentant le 25 % de toutes les
rentes ou indemnités qu'il peut ou pourra percevoir», ce qui représentait à
l'époque 810 fr. par mois et par enfant (ch. 5, 1er paragraphe). Il était
également prévu que «toutes allocations familiales ou rentes pour enfant que
le père pourrait percevoir seront intégralement ajoutées aux pensions
alimentaires fixées ci-dessus» (ch. 5, 2ème paragraphe).

Les enfants A.________ et B.________ vivent au Mexique avec leur mère, tandis
que leur père est retourné en Suisse en 1998.

A.b Par décision du 27 février 2002, D.________ a été mis au bénéfice d'une
rente entière de l'assurance-invalidité, assortie de deux rentes pour enfant,
à partir du 1er juin 1999.

Le 29 juillet 2002, l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel
a décidé, sur requête de C.________, de verser directement en mains de
celle-ci les rentes destinées aux enfants pour la période du mois de juin
1999 au mois de juillet 2002, le paiement rétroactif portant sur un montant
total de 58'458 fr.

B.
Saisi d'un recours formé par D.________ contre cette décision, le Tribunal
administratif du canton de Neuchâtel l'a rejeté par jugement du 23 novembre
2004.

C.
D.________ interjette un recours de droit administratif contre ce jugement,
dont il demande l'annulation. Sous suite de frais et dépens, il conclut,
principalement, au paiement entre ses mains des rentes pour enfants pour la
période de juin 1999 à juillet 2002; à titre subsidiaire, il demande le
paiement entre ses mains des rentes pour enfants pour la période du 1er juin
1999 au 30 novembre 2000.

L'Office neuchâtelois de l'assurance-invalidité s'en remet à justice, tandis
que C.________ conclut au rejet du recours. De son côté, l'Office fédéral des
assurances sociales (OFAS) renonce à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
1.1 Le litige porte sur le point de savoir si les rentes allouées le 29
février 2002 par l'assurance-invalidité en faveur des enfants A.________ et
B.________, pour la période comprise entre les mois de juin 1999 et juillet
2002, doivent être versées en mains de leur père ou de leur mère.

1.2 Limité à la question du mode de paiement des rentes pour enfants, le
litige n'a pas pour objet l'octroi ou le refus de prestations d'assurance
(ATF 129 V 364 consid. 2, SVR 2002 IV n° 5 p. 11 consid. 2 [I 245/01]), de
sorte que le Tribunal fédéral des assurances doit se borner à examiner si les
premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris par l'excès ou par
l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits pertinents ont été
constatés d'une manière manifestement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont
été établis au mépris de règles essentielles de procédure (art. 132 en
corrélation avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2 OJ).

2.
Le jugement entrepris expose correctement les règles légales (art. 35 al. 4
LAI dans sa version en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002; art. 71ter RAVS en
relation avec l'art. 82 RAI [dans leur teneur en vigueur à partir du 1er
janvier 2002; RO 2002 199 sv.]) applicables au présent cas. Il précise
également à juste titre que le litige reste soumis aux dispositions de la LAI
en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, soit sans les modifications entraînées
par l'entrée en vigueur, au 1er janvier 2003, de la loi fédérale sur la
partie générale des assurances sociales (LPGA), ni celles du 21 mars 2003
résultant de la 4ème révision de la LAI, entrée en vigueur au 1er janvier
2004 (cf. ATF 129 V 4 consid. 1.2).

3.
3.1 Examinant les conditions posées par la jurisprudence pour le versement
direct des rentes pour enfants en mains de la mère séparée ou divorcée avant
l'entrée en vigueur de l'art. 71ter RAVS (ATF 103 V 134, 129 V 362 [VSI 2004
p. 64]), les premiers juges les ont considérées comme remplies en ce qui
concerne les rentes pour enfant pour la période du 1er juin 1999 au 31
décembre 2001. Pour la période subséquente, ils ont considéré que le chiffre
5 de la convention des ex-époux du 23 novembre 2000, ratifiée par le juge du
divorce, prévoyait clairement que les rentes pour enfant devaient être
versées en sus de la pension alimentaire représentant le 25 % de toutes les
rentes ou indemnités que pouvait percevoir leur père. En conséquence, le
versement en mains de la mère des rentes pour enfant en plus des
contributions d'entretien mensuelles était admissible même au-delà du 1er
janvier 2002, puisque l'art. 71ter RAVS réservait expressément toute décision
contraire du juge civil.

3.2 Le recourant soutient en substance que pour la période de juin 1999 à
novembre 2000, la troisième condition du versement en mains de la mère
n'était pas remplie, parce que le total de ses contributions d'entretien
dépassait le coût moyen d'entretien d'un enfant ressortant des statistiques.
Quant à la période courant dès le mois de novembre 2000, il fait valoir que
le versement rétroactif doit être refusé parce qu'il est fondé sur une
convention dont il a demandé la modification au juge civil - la procédure
étant encore en cours -, et qu'il ne lui serait pas possible de récupérer les
sommes versées par l'assurance-invalidité en mains de son ex-épouse.

4.
4.1 Les rentes pour enfant ont été allouées au recourant par décision du 27
février 2002 et leur versement a fait l'objet d'une décision subséquente le
29 juillet 2002. Le mode de paiement des rentes est dès lors régi par l'art.
71ter RAVS (en corrélation avec l'art. 82 RAI), dont l'alinéa 2 règle
expressément, à partir de son entrée en vigueur au 1er janvier 2002, le
versement rétroactif de rentes pour enfant. Contrairement à ce qu'ont retenu
les premiers juges, la jurisprudence relative au versement des rentes pour
enfant avant l'entrée en vigueur de cette disposition n'est pas pertinente en
l'espèce, puisque le litige porte sur le versement de rentes pour enfant dont
l'allocation et le mode de paiement ont fait l'objet de décisions
postérieures à cette date (comp. ATF 129 V 365 consid. 3.4 in fine).

4.2 Avec l'art. 71ter RAVS (auquel renvoie l'art. 82 RAI en ce qui concerne,
notamment, les rentes de l'AI), le Conseil fédéral a fait usage de la
compétence qui lui avait été déléguée à l'art. 35 al. 4 LAI et créé une base
réglementaire pour le versement des rentes pour enfants de l'AVS et de l'AI
en mains de tiers. Aux termes de l'art. 71ter al. 1 RAVS, lorsque les parents
de l'enfant ne sont pas ou plus mariés ou qu'ils vivent séparés, la rente
pour enfant est versée sur demande au parent qui n'est pas titulaire de la
rente principale si celui-ci détient l'autorité parentale sur l'enfant avec
lequel il vit. Toute décision contraire du juge civil ou de l'autorité
tutélaire est réservée.

Selon l'al. 2 de cette disposition, l'al. 1 est également applicable au
paiement rétroactif des rentes pour enfant. Si le parent titulaire de la
rente principale s'est acquitté de son obligation d'entretien vis-à-vis de
son enfant, il a droit au paiement rétroactif des rentes jusqu'à concurrence
des contributions mensuelles qu'il a fournies. Cette règle vise à éviter que
lorsque le parent débiteur des contributions d'entretien s'en est
effectivement acquitté, les arriérés de la rente pour enfant soient versés à
ce dernier. Ceci conduirait en effet à une surindemnisation discutable au
regard du but de la rente complémentaire pour enfant, qui tend à alléger le
devoir d'entretien du débiteur devenu invalide et compenser la diminution du
revenu de son activité et non pas à enrichir le bénéficiaire de l'entretien
(ATF 128 III 308 consid. 3; voir aussi le commentaire de l'OFAS des
modifications du RAVS au 1er janvier 2002, VSI 2002 p. 15 sv.).

L'art. 71ter al. 2 RAVS, par le renvoi que fait sa première phrase à l'al. 1,
prévoit cependant aussi pour le paiement rétroactif des rentes une réserve en
faveur de toute décision contraire du juge civil ou de l'autorité tutélaire.

5.
5.1 Le divorce des époux a été prononcé le 11 mai 2001. L'entretien des
enfants, singulièrement l'obligation d'entretien du père à l'égard de ses
deux fils, de même que le versement d'éventuelles rentes pour enfant
(notamment de l'assurance-invalidité) ont été réglés par le jugement de
divorce du 11 mai 2001, par lequel le juge a ratifié la convention des
parties du 23 novembre 2000. Conformément au ch. 5 de cette convention, les
rentes pour enfants sont versées par le père, en mains de la mère, en plus
des contributions d'entretien. Contrairement à ce que soutient le recourant,
cette clause conventionnelle ne saurait être interprétée comme ne visant que
«la compensation des allocations familiales» - cette interprétation étant au
demeurant réfutée par l'intimée. En effet, selon les termes clairs du ch. 5
de la convention, les rentes pour enfants dont bénéficie ou pourrait
bénéficier D.________ s'ajoutent, en sus des allocations familiales, aux
pensions alimentaires.

Conformément à la réserve prévue à l'art. 71ter RAVS, la solution prévue par
le juge civil, qui consacre le cumul des pensions alimentaires et des rentes
pour enfant en faveur de A.________ et B.________, s'applique également au
versement rétroactif et prévaut sur celle prescrite par l'al. 2 de la
disposition réglementaire. Par conséquent, les arriérés de rentes pour enfant
de l'assurance-invalidité allouées pour la période courant à partir du mois
de juin 2001 doivent être versés à C.________, qui détient l'autorité
parentale sur ses deux fils vivant avec elle, et non pas au recourant.

Contrairement à ce que fait valoir celui-ci, le risque éventuel de ne pouvoir
récupérer par la suite des sommes qui lui seraient dues en raison de la
modification, voire l'annulation partielle, du jugement de divorce du 11 mai
2001, requise par l'introduction de l'action du 21 janvier 2003 auprès du
Tribunal de district de Neuchâtel, n'est pas un motif pour refuser le
versement en mains de son ex-épouse. Il appartient en effet au seul juge
civil de se prononcer sur la modification du jugement de divorce en cause et
d'ordonner, cas échéant, des mesures provisionnelles pour sauvegarder les
intérêts du recourant.

5.2 En ce qui concerne la période antérieure au jugement de divorce, il
ressort des constatations des premiers juges que le recourant s'est
régulièrement acquitté de son obligation d'entretien vis-à-vis de ses enfants
tout au long des mois sur lesquels porte le paiement rétroactif des rentes en
cause. De juin 1999 à novembre 2000, D.________ a versé des contributions
d'entretien pour ses deux fils de 1'033 fr. par mois et par enfant (en
application de la convention des 14 et 21 mai 1999 ayant précédé celle du 23
novembre 2000); à partir du mois de décembre 2000, il a payé un montant de
810 fr. par mois et par enfant (en application de la convention du 23
novembre 2000). Ces contributions mensuelles dépassaient le montant des
rentes pour enfant faisant l'objet du versement rétroactif (798 fr. du 1er
juin 1999 au 31 décembre 2000, 817 fr. du 1er janvier 2001 au 30 juin 2001 et
705 fr. du 1er juillet 2001 au 31 juillet 2002 par mois et par enfant; cf.
décision du 29 juillet 2002), sous réserve de la différence de 7 fr. pour la
période du 1er janvier au 30 juin 2001 - différence d'autant plus négligeable
en l'espèce que le recourant finançait par ailleurs directement la moitié des
primes d'assurance-maladie de ses fils.

Dès lors que le recourant s'est acquitté de son obligation d'entretien
vis-à-vis de ses deux fils pendant la période déterminante, il remplit les
conditions posées par l'art. 71ter al. 2 RAVS relatives au paiement
rétroactif des rentes pour enfant. Il a donc droit au versement des arriérés
des rentes allouées du 1er juin 1999 au 31 mai 2001 jusqu'à concurrence des
contributions mensuelles qu'il a fournies; comme celles-ci sont plus élevées
que les rentes mensuelles, son droit porte sur la totalité des arriérés pour
la période en cause.

6.
Il suit de ce qui précède que la conclusion subsidiaire du recourant est bien
fondée.

7.
Bien qu'ils ne portent pas sur l'octroi ou le refus de prestations
d'assurance (supra consid. 1.2) les litiges portant sur le paiement de rentes
pour enfants en mains du père ou de la mère sont soumis à la gratuité de la
procédure (ATF 129 V 370 consid. 7 et l'arrêt cité). Au vu de l'issue du
litige, le recourant a droit à des dépens réduits à la charge de l'intimé
(art. 159 al. 2 OJ en relation avec l'art. 135 OJ). En sa qualité de
co-intéressée représentée par un avocat, C.________ obtient partiellement
gain de cause, dans la mesure où elle concluait à la confirmation du jugement
attaqué, de sorte qu'elle a droit à des dépens réduits à la charge du
recourant (SVR 2002 IV n° 5 p. 11 [I 245/01], consid. 4b).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est partiellement admis. Le jugement du Tribunal administratif du
canton de Neuchâtel du 23 novembre 2004 et la décision de l'Office de
l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel du 29 juillet 2002 sont
réformés en ce sens que D.________ a droit au paiement rétroactif des rentes
pour enfant de l'assurance-invalidité (concernant A.________ et B.________)
allouées pour la période du 1er juin 1999 au 31 mai 2001. Le recours est
rejeté pour le surplus.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'Office de l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel versera à
D.________ un montant de 1'500 fr. (y compris la taxe sur la valeur ajoutée),
à titre de dépens pour l'ensemble de la procédure.

4.
D.________ versera à C.________ un montant de 1'000 fr. (y compris la taxe
sur la valeur ajoutée), à titre de dépens pour l'ensemble de la procédure.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à C.________, au Tribunal
administratif du canton de Neuchâtel et à l'Office fédéral des assurances
sociales.

Lucerne, le 28 décembre 2005

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IIIe Chambre: La Greffière: