Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 834/2004
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I 834/04
I 46/05

Arrêt du 19 avril 2006
IVe Chambre

MM. les Juges Ursprung, Président, Schön et Frésard. Greffière : Mme Gehring

I 834/04
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, recourant,
contre
S.________, intimée, représentée par Me Pierre-André Bonvin, avocat, rue de
la Dent Blanche 18, 1950 Sion,
et
I 46/05
S.________, recourante, représentée par Me Pierre-André Bonvin, avocat, rue
de la Dent Blanche 18, 1950 Sion,
contre
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 19 novembre 2004)

Faits:

A.
S. ________, née en 1952, a travaillé depuis le 1er mai 1992, à plein temps,
comme employée de blanchisserie affectée au service de la cafétéria,
accessoirement au pli et au repassage du linge. Souffrant des suites de
multiples interventions intra-abdominales et de cervico-dorso-lombalgies,
elle a interrompu l'exercice de toute activité lucrative à partir du 30 août
1999 et déposé, le 31 mai 2000, une demande de prestations de
l'assurance-invalidité.

Procédant à l'instruction du dossier, l'Office de l'assurance-invalidité pour
le canton de Vaud (ci-après : l'office) a recueilli divers avis médicaux.
Selon un rapport du 6 juillet 2000 du docteur K.________ (spécialiste FMH en
médecine interne, médecin traitant), S.________ subit une incapacité totale
de travail depuis le 30 août 1999 en raison des pathologies suivantes :
status post-cure de kyste ovarien en 1989; status post-cure de hernie
inguinale-crurale en 1992; status post-hystérectomie et cystopexie en 1997;
status post-cure d'éventration et de hernie de la ligne blanche en 1998 avec
récidive d'éventration sur cicatrice de Pfannenstiel, rectocèle et cystocèle;
cure de récidive d'éventration et mise en place de filet de Marlex, cure de
cystocèle et Burch, laparotomie exploratrice, libération d'adhérences,
rectopexie par fixation du rectum sur filet de Prolène en 1999; récidive
post-opératoire d'éventration après cette dernière intervention; maladie de
Basedow; dorso-lombo-sciatalgies gauches sur trouble statique, status
post-léger tassement D11-D12 et L1; haute tension artérielle; état
anxio-dépressif; obésité exogène; diverticulose colique gauche; parésie dans
le territoire du nerf obturateur droit. Dans un rapport complémentaire du 20
janvier 2001, ce médecin fait état d'une péjoration des
cervico-dorso-lombalgies ainsi que de l'éventration avec réapparition des
problèmes urologiques en rapport avec une cystocèle (légère incontinence à
l'effort).

L'office a également requis l'avis de son service médical régional (ci-après
: SMR). Dans un rapport du 30 août 2002, les docteurs M.________ (spécialiste
en médecine générale), R.________ (spécialiste FMH en chirurgie générale),
G.________ (spécialiste FMH en rhumatologie) et A.________ (spécialiste en
psychiatrie) posent les diagnostics de cervico-dorso-lombalgies sur troubles
statiques et dégénératifs du rachis de degré modéré à moyen, de tendinites
crépitantes des fléchisseurs des doigts, de chondropathie rotulienne,
d'obésité, de thyroïdite auto-immune, d'hypertension artérielle, de troubles
digestifs fonctionnels résiduels dans un contexte de diverticulose colique
gauche et de brides, de hernie de l'hypocondre gauche, de récidive de hernie
de la ligne blanche sus-ombilicale, d'éventration massive de la fosse iliaque
droite post multiples cures de hernies, post-hystérectomie, cysto-rectopexies
et cures d'éventration. L'ensemble des ces affections entraîne une incapacité
totale de travail de S.________ dans son ancien métier. Dans une activité
adaptée sur les plans abdominal et ostéo-articulaire, elle dispose d'une
capacité totale de travail. Sur le plan psychique, elle subit en revanche une
incapacité de travail de 20 %. Se fondant sur le rapport du SMR, l'office a
rejeté la demande de S.________, au motif que le degré d'invalidité qu'elle
présente (29 %) est insuffisant pour ouvrir droit à la rente (décision du 17
février 2003).

S. ________ a formé opposition contre ce prononcé et produit au dossier les
avis des docteurs U.________ (spécialiste FMH en chirurgie générale) et
B.________ (spécialiste FMH en chirurgie). Selon le docteur U.________,
S.________ souffre d'une récidive d'éventration au niveau épigastrique et de
la fosse iliaque droite (rapport du 7 avril 2003 complété le 5 mai 2003). Le
docteur B.________ précise que cette double récidive d'éventration entraîne
de vives douleurs qui nécessitent une correction chirurgicale. En regard de
l'ensemble du contexte médical, la capacité de travail de S.________ paraît
particulièrement aléatoire (rapport du 14 mai 2003). Par décision du 23 juin
2003, l'office a rejeté l'opposition et confirmé les termes de son prononcé
initial.

B.
S.________ a recouru contre la décision sur opposition de l'office. En cours
de procédure, elle a produit de nouveaux rapports médicaux selon lesquels les
troubles dont elle souffre entraînent une incapacité de travail oscillant
entre 20 % (rapport du 24 juillet 2003 du docteur B.________) et 50 %
(rapports des 11 août 2003 du docteur I.________ [spécialiste en médecine
générale, médecin traitant], 18 septembre 2003 du docteur Suter et 29
septembre 2003 du docteur O.________ [spécialiste FMH en urologie]).

Par jugement du 19 novembre 2004, le Tribunal des assurances du canton de
Vaud a partiellement admis le recours formé par S.________ contre la décision
sur opposition de l'office. En bref, les premiers juges ont mis l'assurée au
bénéfice d'un quart de rente à partir du 1er août 2000 en regard d'un degré
d'invalidité de 41 % calculé sur la base d'une capacité résiduelle de travail
de 80 % et compte tenu d'un abattement du revenu d'invalide de 25 %.

C.
L'office interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont il
requiert l'annulation. En bref, il conteste la comparaison des revenus opérée
par les premiers juges dans la mesure où ils ont admis une réduction du
revenu d'invalide de 25 % (cause I 834/04).

S. ________ interjette également recours de droit administratif contre ce
jugement dont elle requiert l'annulation, en concluant, sous suite de dépens,
à l'octroi d'une rente entière fondée sur une incapacité totale de travail. A
titre subsidiaire, elle demande la mise en oeuvre d'une contre-expertise. En
outre, elle requiert le bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite totale
(cause I 46/05).

S. ________ et l'office concluent au rejet du recours de leur adverse partie,
tandis que l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer
sur les recours.

Considérant en droit:

1.
Les recours de droit administratif concernent des faits de même nature,
portent sur des questions juridiques communes et sont dirigés contre le même
jugement, de sorte qu'il se justifie de les réunir et de les liquider dans un
seul arrêt (ATF 128 V 126 consid. 1 et les références; cf. aussi ATF 128 V
194 consid. 1).

2.
Le litige porte sur le droit de l'assurée à une rente de
l'assurance-invalidité, en particulier sur le degré d'invalidité qu'elle
présente.

3.
Le jugement entrepris expose correctement les dispositions légales et la
jurisprudence relatives à la notion d'invalidité, à son évaluation pour les
assurés actifs, à l'échelonnement des rentes, à la valeur probante des pièces
médicales et aux motifs permettant de s'en écarter, ainsi qu'à l'application
dans le temps de la novelle du 21 mars 2003 modifiant la LAI (4ème révision),
entrée en vigueur le 1er janvier 2004, de sorte qu'il suffit d'y renvoyer.

4.
En l'espèce, l'office et les premiers juges ont calculé le degré d'invalidité
litigieux sur la base d'une capacité résiduelle de travail raisonnablement
exigible de l'assurée à 80 % dans une activité adaptée à son état de santé.
Sur ce point, ils se sont fondés sur les conclusions du SMR selon lesquelles
l'intéressée présente une capacité totale de travail dans une activité
adaptée aux troubles ostéoarticulaires et abdominaux dont elle souffre,
diminuée cependant à 80 % en raison de troubles psychiques (rapport du 30
août 2002 p. 8-9).

4.1 Il appert du status psychiatrique dressé par les médecins du SMR que
l'assurée présente une personnalité dynamique, se renvoyant une bonne image
d'elle-même. D'humeur égale et équilibrée tout au long de l'entretien, elle
se montre ouverte à la relation et le contact échangé s'avère excellent. Bien
qu'exprimant de nombreuses somatisations, elle ne verbalise toutefois pas
d'idée suicidaire. Aucun signe floride de décompensation psychotique ou
dépressive majeure n'est objectivé. Aucun symptôme d'anxiété généralisée, ni
trouble phobique n'est observé. L'examen clinique n'a décelé aucune
pathologie psychiatrique ni perturbation de l'environnement psychosocial, le
diagnostic de trouble somatoforme douloureux ayant été formellement exclu.
Sans rumination, ni sentiment de dévalorisation, ni trouble de concentration
ou de l'attention, elle exprime tout au plus une forme de culpabilité en
regard de sa maladie. Les médecins du SMR en déduisent une thymie légèrement
dépressive (dysthymie) susceptible de diminuer légèrement sa qualité de vie
mais qui ne constitue pas pour autant une pathologie psychiatrique suffisante
pour entraîner une diminution de sa capacité de travail (rapport du 30 août
2002 p. 6, 8). Dans la mesure où les médecins du SMR concluent néanmoins à
une incapacité de travail de 20 % en raison d'affections psychiques, leur
rapport ne peut guère être suivi sur ce point.

4.2 Par ailleurs, ces derniers considèrent que les troubles abdominaux dont
souffre l'assurée n'entraînent aucune incapacité de travail dans une activité
lucrative adaptée. Cependant, l'ensemble des pièces médicales versées au
dossier fait état d'une récidive d'éventration aux niveaux épigastrique et de
la fosse iliaque droite. De l'avis du docteur U.________, les douleurs en
résultant empêchent le maintien d'une même position durant une journée
entière et entraînent une incapacité de travail de 50 %. Il ajoute qu'exiger
une capacité de travail supérieure à 50 % d'un sujet qui présente de
multiples hernies abdominales est illusoire au vu de la gêne et des douleurs
endurées (rapport du 18 septembre 2003, recevable dans la présente procédure
dans la mesure où il se réfère à des constatations médicales qui sont
étroitement liées à l'objet du litige et de nature à en influencer
l'appréciation au moment où la décision attaquée a été rendue [ATF 99 V 102
et les arrêts cités]). D'un avis opposé, le docteur B.________ considère que
les troubles de la paroi abdominale n'empêchent pas l'assurée d'exercer à 80
% une activité lucrative adaptée (rapport du 24 juillet 2003). En revanche,
il estime que l'ensemble des pathologies diagnostiquées en l'espèce rend
l'exercice d'une activité lucrative particulièrement aléatoire (rapport du 14
mai 2003). Enfin, le docteur O.________ fait également état d'une incapacité
de travail de 50 %, fondée cependant sur des dysfonctionnements urologiques
(rapport du 29 septembre 2003, également recevable dans la présente procédure
[voir supra ATF 99 V 102 et les arrêts cités]).

4.3 Sur le vu de ce qui précède, les pièces médicales versées au dossier ne
permettent pas de déterminer la capacité de travail adaptée à l'état de santé
- somatique et psychique - de l'assurée, respectivement les caractéristiques
d'une activité lucrative raisonnablement exigible de sa part. On ne saurait
sans plus accorder un poids décisif aux conclusions du SMR, qui insistent
plutôt sur les aspects ostéoarticulaire et psychique du cas. A défaut
d'informations suffisantes, il n'est pas possible de se prononcer sur le
degré d'invalidité que l'assurée présente et donc sur son droit éventuel à
une rente. Dans ces circonstances, un complément d'instruction sous la forme
d'une expertise médicale pluridisciplinaire s'impose. Il y a lieu dès lors
d'admettre les recours, d'annuler le jugement entrepris ainsi que la décision
administrative litigieuse et de renvoyer la cause à l'office pour instruction
complémentaire dans le sens de ce qui précède et nouvelle décision.

5.
S'agissant d'un litige qui concerne l'octroi ou le refus de prestations
d'assurance, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). En outre, l'assurée a
droit à une indemnité de dépens pour l'instance fédérale (art. 159 al. 1 en
corrélation avec l'art. 135 OJ). La demande d'assistance judiciaire est dès
lors sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Les causes I 834/04 et I 46/05 sont jointes.

2.
Les recours sont admis en ce sens que le jugement du Tribunal des assurances
du canton de Vaud du 19 novembre 2004 ainsi que la décision sur opposition de
l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud du 23 juin 2003
sont annulés, la cause étant renvoyée audit office pour complément
d'instruction au sens des considérants et nouvelle décision.

3.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

4.
L'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud versera à l'assurée
la somme de 1'500 fr. à titre de dépens (y compris la taxe sur la valeur
ajoutée) pour l'instance fédérale.

5.
Le Tribunal des assurances du canton de Vaud statuera sur les dépens pour la
procédure de première instance, au regard de l'issue du procès de dernière
instance.

6.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 19 avril 2006

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

p. le Président de la IVe Chambre: La Greffière: