Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 798/2004
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I 798/04

Arrêt du 4 novembre 2005
IIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Schön et Frésard. Greffier : M. Piguet

S.________, recourant,

contre

Office AI pour les assurés résidant à l'étranger, avenue Edmond-Vaucher 18,
1203 Genève, intimé

Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour les personnes
résidant à l'étranger, Lausanne

(Jugement du 22 octobre 2004)

Faits:

A.
A.a S.________, né en 1951, travaillait en qualité de chauffeur indépendant,
lorsqu'au mois de juillet 1992, il a cessé son activité en raison de douleurs
lombaires. Le 15 février 1993, il a présenté une demande de prestations de
l'assurance-invalidité tendant à l'octroi d'un reclassement dans une nouvelle
profession.
De février 1994 à juin 1997, l'Office de l'assurance-invalidité du canton de
Neuchâtel a mis l'assuré au bénéfice de diverses mesures de réadaptation qui
se sont révélées infructueuses. L'assuré ayant entre temps déménagé en
France, le dossier a été transmis à l'Office AI pour les assurés résidant à
l'étranger (ci-après : l'office AI), qui, par décision du 26 août 1998, a
octroyé à l'assuré une demi-rente d'invalidité à partir du 1er juin 1997,
fondée sur un taux d'invalidité de 59 %.

A.b Le 5 avril 2000, l'assuré a présenté une demande de révision tendant à
l'octroi d'une rente entière d'invalidité, que l'office AI a rejetée par
décision du 26 mars 2001, confirmée sur recours par jugement du 23 mai 2002.

A.c Ayant été informé au mois de novembre 2002 du fait que l'assuré avait
repris une activité lucrative à temps complet, l'office AI a ouvert une
procédure de révision du droit à la rente. Les investigations menées auprès
de l'employeur de l'assuré ont révélé que ce dernier exerçait une activité à
temps partiel de chauffeur-couvreur dans une entreprise de charpenterie à
raison de deux semaines travaillées de 39 heures suivies de deux semaines de
repos. Après avoir soumis le cas pour appréciation à son service médical,
pour qui une activité à 75 % était dorénavant exigible, l'office AI a informé
l'assuré, dans un projet de décision du 28 mars 2003, qu'il entendait
supprimer son droit à une demi-rente d'invalidité.
A la suite de l'opposition formée par l'assuré, l'office AI a confié au
professeur G.________ le soin de réaliser une expertise médicale. Dans son
rapport du 3 août 2003, l'expert a diagnostiqué des lombalgies chroniques,
une surcharge fonctionnelle et une discarthrose lombaire L5-S1 et attesté une
capacité de travail de 70 % dans une activité sans port de charges lourdes ni
position assise trop prolongée.
Par décision du 28 août 2003, confirmée sur opposition le 2 mars 2004,
l'office AI a supprimé la demi-rente d'invalidité à partir du 1er novembre
2003.

B.
S.________ a déféré la décision sur opposition à la Commission fédérale de
recours en matière d'assurance-vieillesse, survivants et invalidité pour les
personnes résidant à l'étranger (ci-après : la commission de recours). Au
cours de l'instruction, l'autorité de recours a requis des informations
complémentaires auprès de l'employeur de l'assuré. Par lettre du 26 août
2004, celui-ci a indiqué que le rythme de travail de l'assuré s'était modifié
depuis le 1er décembre 2003; l'intéressé travaillait désormais trois semaines
par mois, ce qui correspondait à un taux d'occupation de 69,23 %.
Par jugement du 22 octobre 2004, la commission de recours a débouté l'assuré
de ses conclusions.

C.
S.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont
il demande l'annulation. Il conclut principalement au maintien d'une
demi-rente d'invalidité et subsidiairement à la mise en oeuvre d'une
expertise pluridisciplinaire.
L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le point de savoir si l'invalidité du recourant s'est
modifiée - de manière à influencer son droit à une rente - entre le 26 août
1998, date de la décision initiale par laquelle cette prestation lui a été
accordée, et le 2 mars 2004, date à laquelle la demi-rente a été supprimée.

1.1 La présente procédure est soumise aux dispositions de l'Accord du 21 juin
1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne
et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes
(ALCP), entré en vigueur le 1er juin 2002. Cela étant, même après l'entrée en
vigueur de l'ALCP, le degré d'invalidité d'un assuré qui prétend une rente de
l'assurance-invalidité - ou au maintien de celle-ci - est déterminé
exclusivement d'après le droit suisse (ATF 130 V 257 consid. 2.4).
1.2 En vertu de l'art. 17 LPGA, si le taux d'invalidité du bénéficiaire de la
rente subit une modification notable, la rente est, d'office ou sur demande,
révisée pour l'avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou
encore supprimée. Cela vaut également pour d'autres prestations durables
accordées en vertu d'une décision entrée en force, lorsque l'état de fait
déterminant se modifie notablement par la suite. Tout changement important
des circonstances propre à influencer le degré d'invalidité, et donc le droit
à la rente, peut motiver une révision selon l'art. 17 LPGA. La rente peut
être révisée non seulement en cas de modification sensible de l'état de
santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses
conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF
130 V 349 consid. 3.5, 113 V 275 consid. 1a). Une simple appréciation
différente d'un état de fait, qui, pour l'essentiel, est demeuré inchangé,
n'appelle en revanche pas à une révision au sens de l'art. 17 LPGA (ATF 112 V
372 consid. 2b et 390 consid. 1b). Le point de savoir si un tel changement
s'est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu'ils se
présentaient au moment de la décision initiale de rente et les circonstances
régnant à l'époque de la décision litigieuse (ATF 130 V 351 consid. 3.5.2,
125 V 369 consid. 2 et la référence; voir également ATF 112 V 372 consid. 2b
et 390 consid. 1b). Une décision qui se limite à confirmer une première
décision de rente n'est pas déterminante pour fixer les bases de comparaison
des faits pertinents (ATF 109 V 265 consid. 4a).

2.
2.1 Le recourant a été mis au bénéfice d'une demi-rente d'invalidité sur la
base d'un rapport d'expertise établi le 20 mars 1997 par le professeur
G.________. Il en ressort que le recourant présentait à l'époque de la
décision initiale d'octroi de la rente des lombalgies chroniques, des accès
de torticolis et une forte surcharge fonctionnelle chez une personnalité
présentant manifestement des troubles somatoformes douloureux. La capacité
résiduelle de travail ne dépassait alors pas 50 %.

2.2 Dans le cadre de la procédure de révision de la rente, le professeur
G.________ a réexaminé l'assuré le 28 juillet 2003 et diagnostiqué à cette
occasion des lombalgies chroniques, une surcharge fonctionnelle et une
discarthrose lombaire L5-S1. Selon les déclarations du recourant rapportées
par l'expert, celui-ci continuait à souffrir de manière récurrente de
lombalgies, mais ne ressentait plus de douleurs à la nuque. De l'avis de
l'expert, le recourant disposait désormais d'une capacité de travail égale à
70% dans une activité sans port de charges lourdes, ni position assise trop
prolongée (rapport d'expertise du 3 août 2003).
Sur le plan professionnel, S.________ a été engagé le 22 juillet 2002 en
qualité de chauffeur-couvreur par l'entreprise X.________ Sàrl. Son travail
consiste plus particulièrement à conduire le camion de l'entreprise et à
procéder aux opérations de chargement et de déchargement de celui-ci. Il est
également affecté occasionnellement à des tâches de couverture. Jusqu'au 30
novembre 2003, il a travaillé au rythme de deux semaines de travail à plein
temps, suivies de deux semaines de repos. Depuis lors, le recourant travaille
à raison de trois semaines par mois, soit à un taux d'occupation de 69,23%.

2.3 Au regard de la nouvelle expertise du professeur G.________, laquelle
répond aux critères jurisprudentiels permettant de lui attribuer pleine
valeur probante (ATF 125 V 352 consid. 3a et les références), ainsi que des
renseignements économiques recueillis en cours de procédure, il convient
d'admettre que l'état de santé du recourant a connu une modification notable
et qu'il est dorénavant tout à fait en mesure - en faisant l'effort que l'on
est en droit d'attendre de lui pour atténuer le mieux possible les
conséquences de son invalidité (ATF 123 V 96 consid. 4c, 113 V 28 consid. 4a
et les références; Meyer-Blaser, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung
[IVG], ad art. 28, p. 221) - d'exercer à 70 % une activité adaptée. L'analyse
du professeur G.________ est d'autant plus convaincante qu'en sa qualité
d'auteur de l'expertise médicale à l'origine de l'octroi de la demi-rente
d'invalidité, il était la personne la mieux à même d'apprécier l'évolution de
l'état de santé du recourant. En revanche, les différents rapports médicaux
établi par le docteur R.________, médecin traitant du recourant, ne sont pas
de nature à infirmer cette appréciation, dès lors qu'ils ne font mention
d'aucun élément médical nouveau et ne comportent aucune appréciation générale
de la capacité résiduelle de travail (rapports des 16 février 2001, 21
décembre 2002, 25 avril et 14 novembre 2003, 10 septembre 2004).
C'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que depuis la
décision initiale d'octroi de la rente, le recourant a bénéficié d'une
amélioration importante de sa capacité de travail, dès lors que celle-ci est
passée de 50 à 70 %.

3.
Lorsqu'il s'agit d'évaluer l'invalidité d'un assuré, il n'y a pas lieu
d'examiner si celui-ci peut être placé eu égard aux conditions concrètes du
marché du travail, mais uniquement de se demander s'il pourrait encore
exploiter sa capacité résiduelle de travail lorsque les places de travail
disponibles correspondent à l'offre de la main d'oeuvre (VSI 1998 p. 296
consid. 3b et les références). De même, des facteurs tels que l'âge, le
manque de formation ou les difficultés linguistiques ne constituent pas des
circonstances supplémentaires qui, à part le caractère raisonnablement
exigible d'une activité, sont susceptibles d'influencer l'étendue de
l'invalidité, même s'ils rendent parfois difficile, voire impossible, la
recherche d'une place et, partant, l'utilisation de la capacité de travail
résiduelle (VSI 1999 p. 247 consid. 1 et les références).
En l'espèce, abstraction faite des accidents répétés dont S.________ a été
victime depuis le mois d'août 2003, on peut sérieusement se demander si
l'activité de chauffeur-couvreur qu'il exerce à 70 %, laquelle exige parfois
de travailler sur les toits et de porter des charges d'une certaine
importance, est adaptée à ses handicaps. La question peut toutefois demeurer
indécise. Eu égard à ses limitations fonctionnelles et aux possibilités
qu'offre un marché équilibré du travail, on doit convenir qu'il est en mesure
de déployer une capacité de travail de même importance dans une activité plus
légère. En son temps, le docteur E.________, spécialiste en chirurgie
orthopédique, dans un rapport d'expertise du 11 décembre 2000 (établi dans le
cadre de la première procédure de révision), avait d'ailleurs cité, parmi les
activités exigibles de la part du recourant, celles de vendeur, d'ouvrier
d'usine, de magasinier, de commissionnaire ou encore de chauffeur.

4.
Contrairement à ce qu'ont retenu l'administration, puis les premiers juges,
le fait que la capacité de travail du recourant s'est accrue de 50 à 70 %, ne
signifie pas encore que celui-ci n'a plus droit à une rente de
l'assurance-invalidité. Il convient encore d'examiner l'incidence de ce
changement sur le taux d'invalidité présenté par le recourant, en comparant
les revenus sans et avec invalidité, étant précisé que la comparaison doit se
faire au regard de la situation prévalant en 2003 (art. 88a al. 1 RAI; ATF
129 V 222).

4.1 Le fait que l'assuré est domicilié à l'étranger est en principe sans
incidence sur l'évaluation de son taux d'invalidité. La comparaison des
revenus doit s'effectuer en fonction du même marché du travail, car la
disparité des niveaux de rémunération et des coûts de la vie d'un pays à
l'autre ne permettrait pas sinon de procéder à une comparaison objective des
revenus en question (ATF 110 V 276 consid. 4b).

4.2 En règle générale, le revenu hypothétique de la personne valide se
détermine en établissant au degré de la vraisemblance prépondérante ce
qu'elle aurait effectivement pu réaliser au moment déterminant si elle était
en bonne santé (ATF 129 V 224 consid. 4.3.1 et la référence).
En l'espèce, le recourant exerçait la profession de chauffeur indépendant. Il
a déclaré pour 1990 et 1991 les sommes de 48'657 fr. et 47'047 fr. au titre
de revenu imposable d'une activité indépendante, soit un revenu annuel moyen
de 47'852 fr. Il convient d'adapter ce montant à l'évolution des salaires
dans le secteur des transports et des communications de 1992 à 2003 (+ 17,7
%; cf. Annuaire statistique publié par l'Office fédéral de la statistique,
1992-2003). Le revenu sans invalidité à prendre en considération s'élève
ainsi à 56'322 fr.

4.3 S'agissant du revenu d'invalide, on ne saurait tenir compte, au regard du
caractère apparemment peu adapté de cette activité, du gain que pourrait
obtenir le recourant dans une activité de type chauffeur-couvreur en Suisse.
Il convient par conséquent de se référer aux données salariales, telles
qu'elles résultent des enquêtes sur la structure des salaires de l'Office
fédéral des statistiques (ATF 126 V 76 consid. 3b/aa et bb). En l'espèce,
compte tenu des activités adaptées de substitution que pourrait exercer le
recourant, le salaire de référence est celui auquel peuvent prétendre les
hommes effectuant des activités simples et répétitives (niveau de
qualification 4) dans le secteur privé, soit en 2002, 4'557 fr. par mois ou
annuellement 54'684 fr. (Enquête suisse sur la structure des salaires 2002,
[ESS], p. 43, TA1). Comme les salaires bruts standardisés tiennent compte
d'un horaire de travail de quarante heures, soit une durée hebdomadaire
inférieure à la moyenne usuelle dans les entreprises en 2002 (41,7 heures; La
Vie économique, 7/8 2005, p. 98, B 9.2), ce montant doit être porté à 57'008
fr. Après adaptation de ce chiffre à l'évolution des salaires selon l'indice
des salaires nominaux pour les hommes de l'année 2003 (+ 1,3 %; La Vie
économique, 7/8 2005, p. 99, B 10.3), on obtient un revenu annuel de 57'749
fr. Au regard de la capacité résiduelle de travail du recourant (70 %), il y
a lieu de ramener ce montant à 40'424 fr. Ce montant doit encore être réduit,
afin de tenir compte de l'ensemble des circonstances personnelles et
professionnelles du cas particulier, par exemple de certaines limitations
liées au handicap et à l'âge. La jurisprudence n'admet pas de déduction
globale supérieure à 25 % (ATF 126 V 78 consid. 5). Une déduction de 10 %
tient justement compte des circonstances du cas d'espèce. Il en résulte un
revenu d'invalide de 36'382 fr.

4.4 La comparaison avec le revenu sans invalidité de 56'322 fr. conduit à un
degré d'invalidité de 35 %, taux insuffisant pour fonder le droit à une rente
de l'assurance-invalidité suisse.

5.
S'agissant de l'effet de la suppression du droit à la rente, c'est à bon
droit que l'office intimé l'a fixé au plus tôt le 1er novembre 2003 (art.
88bis al. 2 let. a RAI).

6.
Il s'ensuit que le jugement entrepris n'est pas critiquable dans son résultat
et le recours se révèle mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Commission fédérale de
recours en matière d'AVS/AI pour les personnes résidant à l'étranger et à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 4 novembre 2005

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre: Le Greffier: