Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 755/2004
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Cause {T 7}
I 755/04

Arrêt du 25 septembre 2006
IIIe Chambre

MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Lustenberger. Greffier : M. Piguet

C.________, recourant, représenté par Me Jean-Marie Agier, avocat, FSIH,
place du Grand-Saint-Jean 1, 1003 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 4 novembre 2004)

Faits:

A.
C. ________, né en 1954, a été mis au bénéfice d'un quart de rente
d'invalidité à partir du 1er avril 1994, puis d'une demi-rente pour cas
pénible à compter du 1er avril 2001, en raison de cervico-dorso-lombalgies
chroniques sur troubles statiques, dégénératifs et séquellaires (décisions
des 25 novembre 1996 et 10 décembre 2001).
Par demande du 26 janvier 1998, C.________ a sollicité la révision de son
droit à la rente. Procédant à l'instruction de la cause, l'Office de
l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'office AI) a
notamment mis en oeuvre un stage d'observation professionnelle qui s'est
déroulé du 1er février au 30 avril 1999 au Centre X.________, à B.________,
et confié la réalisation d'une expertise pluridisciplinaire à la Clinique
Y.________, à D.________ (rapport du 12 avril 2002).
Par décision du 27 août 2002, l'office AI a rejeté la demande de révision,
motif pris que l'état de santé de l'assuré ne s'était pas modifié de façon
sensible au point d'influencer le droit à la rente.

B.
Par jugement du 4 novembre 2004, le Tribunal des assurances du canton de Vaud
a rejeté le recours formé par l'assuré et réformé la décision à son
détriment, en ce sens qu'il a supprimé tout droit à une rente d'invalidité à
compter du premier jour du mois suivant l'entrée en force du jugement.

C.
C.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont
il demande l'annulation. Sous suite de dépens, il conclut au renvoi de
l'affaire à la juridiction cantonale pour nouveau jugement au sens des
considérants.
L'office AI ainsi que l'Office fédéral des assurances sociales ont renoncé à
se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le point de savoir si l'invalidité du recourant s'est
modifiée - de manière à influencer son droit à la rente - entre le
25 novembre 1996, date de la décision initiale par laquelle cette prestation
lui a été accordée, et le 27 août 2002, date à laquelle l'office AI s'est
prononcé sur la demande de révision du droit à la rente.

2.
Le jugement entrepris porte sur des prestations de l'assurance-invalidité.
Selon l'art. 132 al. 1 OJ dans sa version selon le ch. III de la loi fédérale
du 16 décembre 2005 portant modification de la LAI (en vigueur depuis le 1er
juillet 2006), dans une procédure concernant l'octroi ou le refus de
prestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances peut aussi
examiner l'inopportunité de la décision attaquée et n'est pas lié par la
constatation de l'état de fait de l'autorité cantonale de recours. En vertu
de l'art. 132 al. 2 OJ, ces dérogations ne sont cependant pas applicables
lorsque la décision qui fait l'objet d'un recours concerne les prestations de
l'assurance-invalidité. Selon le ch. II let. c de la loi fédérale du 16
décembre 2005, l'ancien droit s'applique aux recours pendants devant le
Tribunal fédéral des assurances au moment de l'entrée en vigueur de la
modification. Dès lors que le recours qui est soumis au Tribunal fédéral des
assurances était pendant devant lui au 1er juillet 2006, son pouvoir d'examen
résulte de l'ancien art. 132 OJ, dont la teneur correspond à celle du nouvel
al. 1.

3.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6
octobre 2000 (LPGA), entrée en vigueur le 1er janvier 2003, de même que les
dispositions de la novelle du 21 mars 2003 modifiant la LAI (4ème révision),
entrée en vigueur le 1er janvier 2004, ne sont pas applicables au présent
litige, dès lors que le juge des assurances sociales n'a pas à prendre en
considération les modifications du droit ou de l'état de fait postérieures à
la date déterminante de la décision litigieuse du 21 janvier 2002 (ATF 129 V
4 consid. 1.2 et les références). En revanche, les dispositions générales de
procédure de la LPGA (art. 27 à 62 LPGA), sont, en principe, applicables dès
le jour de leur entrée en vigueur, le 1er janvier 2003 (ATF 130 V 4 consid.
3.2 et les références).

4.
A l'appui de son recours, C.________ soulève plusieurs griefs de nature
formelle relatifs au déroulement de la procédure devant la juridiction
cantonale.

4.1 Le recourant conteste en premier lieu que le Tribunal des assurances du
canton de Vaud puisse, dans les circonstances du cas d'espèce, réformer la
décision attaquée à son détriment. A son avis, en tant que le recours portait
sur le refus par l'office AI de réviser à la hausse son droit à la rente
d'invalidité, la juridiction cantonale ne pouvait prononcer autre chose que
l'admission ou le rejet du recours.
Selon les art. 87 al. 1 RAI (dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre
2002) et 17 LPGA (applicable à compter du 1er janvier 2003), la révision a
lieu d'office ou sur demande. Dès lors que l'office AI entre en matière sur
la demande de révision, celui-ci doit examiner l'affaire au fond et vérifier
que la modification du degré d'invalidité ou de l'impotence rendue plausible
par l'assuré est réellement intervenue. L'office AI n'est cependant pas lié
par les conclusions de l'assuré; il est soumis à la maxime inquisitoire et
doit appliquer le droit d'office. Si, après avoir procédé aux mesures
d'instruction nécessaires, l'office AI constate que l'état de santé s'est
amélioré notablement ou que ces conséquences sur la capacité de gain ont subi
un changement important, il lui appartient de réduire, voire, le cas échéant,
de supprimer le droit à la rente. D'après l'art. 61 let. d LPGA, le tribunal
cantonal des assurances peut, indépendamment des conclusions des parties,
réformer la décision attaquée au détriment ou en faveur du recourant.
Le fait que le juge ne soit pas lié en procédure de recours par les
conclusions des parties ne signifie cependant pas qu'il ne doit pas tenir
compte des principes développés en matière de révision et de reconsidération.
Lorsqu'un office AI renonce à réduire ou à supprimer la rente d'invalidité
précédemment allouée et qu'il apparaît que les conditions d'une révision ne
sont effectivement pas données, le juge ne saurait être autorisé à réduire ou
à supprimer ladite rente dans le cadre d'une reformatio in peius. Car une
telle façon de procéder revient en définitive à contraindre l'administration
à reconsidérer sa décision, en tant qu'elle porte sur le droit - non contesté
par elle -  à une rente (partielle) d'invalidité, ce qui, selon la
jurisprudence, n'est pas admissible (ATF 119 V 479 consid. 1b/cc, 117 V 12
consid. 2a). Le juge ne peut invoquer la reconsidération - en agissant par
substitution de motifs - que lorsque l'administration procède à la révision
du droit à la rente, mais non lorsque elle s'en abstient. Pareille situation
doit à cet égard être distinguée de celle où une rente d'invalidité
dégressive et/ou temporaire est allouée rétroactivement, le pouvoir d'examen
du juge n'étant dans ce cas pas limité au point qu'il doive s'abstenir de se
prononcer en ce qui concerne des périodes à propos desquelles l'octroi de
prestations n'est pas remis en cause (cf. ATF 125 V 413, confirmé in ATF 131
V 164).

4.2 Le recourant fait valoir que la décision d'avertir le recourant de la
possibilité d'une reformatio in peius n'aurait pas été prise par un tribunal
établi conformément à la loi (art. 30 al. 1 Cst.), dès lors qu'elle serait le
fait du seul juge instructeur, et non de trois juges comme cela est prévu par
le droit cantonal.
On ne saurait voir en l'espèce une violation du droit à la composition
régulière de l'autorité judiciaire, au sens de l'art. 30 al. 1 Cst. Le
jugement relatif à la reformatio in peius a été prononcé par le Tribunal
cantonal des assurances dans une composition de trois juges conforme au droit
(art. 3 al. 2 et 11 al. 2 de la loi sur le Tribunal des assurances [LTas];
RSV 173.41). Que l'avertissement prévu à l'art. 61 let. d LPGA ait été
communiqué au recourant par le juge instructeur n'est pas critiquable. En
qualité de juge instructeur, il avait la compétence d'ordonner les mesures
d'instruction et de prendre toutes les décisions procédurales qu'il jugeait
nécessaires (art. 13 ss LTAS).

4.3 En dernier lieu, le recourant se plaint d'une violation de son droit
d'être entendu sous l'angle des exigences relatives à la reformatio in peius.
Il reproche au juge instructeur, malgré une demande expresse de sa part, de
ne pas avoir fourni la moindre motivation à l'appui de sa menace de
reformatio in peius, indiquant simplement qu'"[a]près examen du cas, la cour
appelée à statuer sur le fond se réserve de modifier d'office la décision
entreprise à votre détriment."
Dans un souci d'économie de procédure, et afin de ne pas retarder inutilement
un jugement définitif sur une demande de révision qui date du 26 janvier
1998, il y a lieu de renoncer dans le cas d'espèce à examiner la question de
savoir si l'avertissement proféré par le juge instructeur répondait aux
exigences posées par l'art. 61 let. d LPGA et la jurisprudence. Comme on le
verra ci-après, les conditions d'une révision de la décision initiale
d'octroi de la rente n'étaient en effet manifestement pas remplies.

5.
5.1 Selon l'art. 41 LAI, si l'invalidité d'un bénéficiaire de rente se modifie
de manière à influencer le droit à la rente, celle-ci est, pour l'avenir,
augmentée, réduite ou supprimée. Tout changement important des circonstances,
propres à influencer le degré d'invalidité, donc le droit à la rente, peut
donner lieu à une révision de celle-ci. Le point de savoir si un tel
changement s'est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu'ils
se présentaient au moment de la décision initiale de rente et les
circonstances régnant à l'époque de la décision litigieuse (ATF 125 V 369
consid. 2 et la référence; voir également ATF 112 V 372 consid. 2b et 390
consid. 1b). Il n'y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont
demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de
la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas (ATF 112 V
372 consid. 2b et 390 consid. 1b). Un motif de révision au sens de l'art. 41
LAI (ou de l'actuel art. 17 LPGA) doit clairement ressortir du dossier (p.
ex. arrêt P. du 31 janvier 2003, I 559/02, consid. 3.2 et les arrêts cités;
sur les motifs de révision en particulier: Urs Müller, Die materiellen
Voraussetzungen der Rentenrevision in der Invalidenversicherung, thèse
Fribourg 2002, p. 133 ss). La réglementation sur la révision ne saurait en
effet constituer un fondement juridique à un réexamen sans condition du droit
à la rente (Rudolf Ruedi, Die Verfügungsanpassung als verfahrensrechtliche
Grundfigur namentlich von Invalidenrentenrevisionen, in:
Schaffhauser/Schlauri [Hrsg], Die Revision von Dauerleistungen in der
Sozialversicherung, Saint-Gall 1999, p. 15).

5.2
5.2.1 Au regard de la motivation développée par la juridiction cantonale et
des renseignements médicaux et économiques versés au dossier, on ne perçoit
pas les raisons pour lesquelles le droit à la rente devait être supprimé.
Certes, les premiers juges ont - de manière sommaire et péremptoire -
prétendu que les experts de la Clinique Y.________ avaient constaté une
amélioration de l'état de santé du recourant. Pareille observation ne
transparaît toutefois nullement de la teneur des conclusions rapportées dans
l'expertise mise en oeuvre par l'office AI. On ne saurait en tout cas déduire
du seul fait que les experts ont retenu une capacité de travail entière dans
une activité légère qu'un changement significatif était intervenu dans l'état
de santé de l'assuré par rapport aux circonstances qui avaient donné lieu à
l'octroi de la rente d'invalidité. En dehors des limitations procédurales
(consid. 4.1), les premiers juges ne pouvaient dès lors conclure à une
modification notable du taux d'invalidité, d'autant moins qu'aucune autre
circonstance, notamment d'ordre économique, susceptible d'influencer la
capacité de gain n'était survenue depuis l'octroi de la rente.

5.2.2 Si l'expertise réalisée à la Clinique Y.________ n'a pas mis en exergue
d'amélioration de l'état de santé du recourant, elle n'a pas non plus établi,
aussi bien sur le plan physique que psychique, que celui-ci s'était aggravé
depuis l'octroi de la rente d'invalidité.
Dans un rapport médical du 28 mars 2003 (produit au cours de la procédure
cantonale et complété le 2 juillet suivant), le docteur A.________,
spécialiste en psychiatrie et psychothérapie qui suit le recourant depuis le
29 novembre 2002, a certes indiqué que le recourant présentait depuis 1993
des troubles psychogènes justifiant l'octroi d'une rente entière d'invalidité
(trouble dépressif récurrent, avec épisodes d'intensité moyenne à grave,
épisode actuel d'intensité moyenne avec signes de fléchissement cognitifs, et
trouble somatoforme douloureux persistant chez une personnalité au noyau
psychotique organisé pour parer à l'angoisse archaïque sur le mode opératoire
au sens de Marty et Fain, c'est-à-dire grâce à un attachement au concret qui
ne supportait aucun espace symbolique). Toutefois, ces conclusions ne
traduisent pas l'apparition d'une modification sensible dans la situation
effective du recourant; elles représentent au contraire une appréciation
différente sur le plan diagnostique et médico-théorique de son état de santé
depuis 1993, ce qui ne constitue pas un changement des circonstances propre à
influencer le droit à la rente. Cet avis médical ne saurait non plus
constituer un fait ou un moyen de preuve nouveau susceptible d'entraîner une
révision procédurale de la décision initiale (ATF 122 V 21 consid. 3a, 138
consid. 2c), tant il paraît peu vraisemblable qu'un médecin psychiatre puisse
émettre a posteriori un avis pertinent sur l'état de santé psychique de son
patient et son évolution, lorsque les éléments invoqués portent sur une
période où celui-ci ne faisait l'objet d'aucun suivi spécialisé.

5.3 Au vu de ce qui précède, il convient de constater qu'il n'existait en
l'espèce aucun motif justifiant de procéder à une révision du droit à la
rente, aussi bien en faveur qu'au détriment du recourant. Il n'y a pas non
plus lieu de mettre en oeuvre une expertise complémentaire, dès lors qu'une
telle mesure n'apporterait, selon toute vraisemblance, aucune constatation
nouvelle.
Le jugement cantonal doit par conséquent être annulé en tant qu'il supprime
le droit du recourant à une demi-rente d'invalidité et le recours rejeté dans
la mesure où il conclut au renvoi de l'affaire à la juridiction cantonale ou,
indirectement, à l'octroi d'une rente fondée sur un degré d'invalidité
supérieur.

6.
Le recourant, qui obtient partiellement gain de cause dans la mesure où il a
conclu à l'annulation du jugement cantonal, a droit à une indemnité de dépens
réduite à la charge de l'intimé (art. 159 al. 3 en corrélation avec l'art.
135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis, en ce sens que le jugement du Tribunal des assurances
du canton de Vaud du 4 novembre 2004 est annulé.

2.
Le recours est rejeté pour le surplus.

3.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

4.
L'intimé versera au recourant la somme de 1'000 fr. (y compris la taxe à la
valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 25 septembre 2006

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: p. le Greffier: