Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 742/2004
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Cause {T 7}
I 742/04

Arrêt du 1er juin 2006
IVe Chambre

MM. et Mme les Juges Ursprung, Président, Schön et Frésard. Greffière : Mme
von Zwehl

S.________, recourante, représentée par
Me Jean-Marie Agier, avocat, FSIH, place
du Grand-Saint-Jean 1, 1003 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 25 août 2004)

Faits:

A.
Par décision du 10 septembre 1999, l'Office AI pour le canton de Vaud
(ci-après : l'office AI) a refusé à S.________, née en 1960, le droit à une
rente d'invalidité. Ledit office a considéré que l'assurée présentait un état
anxio-dépressif réactionnel à un surmenage mais aucune pathologie
psychiatrique grave pouvant justifier une incapacité de travail.

B.
B.aS.________ a recouru contre cette décision au Tribunal des assurances du
canton de Vaud, en concluant à un complément d'instruction sur le plan
médical. Le tribunal cantonal a accueilli sa demande et confié une expertise
psychiatrique au docteur G.________. Se fondant sur le rapport de cet expert,
qui retenait une incapacité de travail complète en raison d'un trouble
somatoforme douloureux, les juges cantonaux ont admis le recours, annulé la
décision attaquée et renvoyé la cause à l'office AI pour qu'il rende une
nouvelle décision conformément aux considérants (jugement du 6 mai 2002).

B.b L'office AI a interjeté recours de droit administratif. Par arrêt du
26 juin 2003, le Tribunal fédéral des assurances a admis le recours, annulé
le jugement entrepris, et renvoyé la cause au tribunal cantonal pour qu'il
procède à une contre-expertise.

Reprenant l'instruction de la cause, le juge instructeur cantonal a, par
décision du 8 juin 2004, désigné comme expert le Centre d'observation
médicale de l'assurance-invalidité (COMAI). Le 17 juin 2004, S.________ a
requis la récusation du COMAI en raison de l'appartenance de celui-ci à
l'assurance-invalidité. Par jugement incident du 25 août 2004, le Tribunal
des assurances du canton de Vaud a rejeté l'opposition de l'assurée.

C.
S.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement
incident. Elle invite le Tribunal fédéral des assurances à constater qu'elle
fait valoir des motifs pertinents de récusation à l'endroit du COMAI, et à
renvoyer la cause aux premiers juges pour qu'ils choisissent un autre expert.

L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales (OFAS) a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le jugement entrepris a trait à la récusation d'un expert dans la procédure
cantonale. Il s'agit d'une décision incidente qui, selon la jurisprudence,
est attaquable séparément d'avec le fond dès lors qu'elle est susceptible de
causer un préjudice irréparable (cf. VSI 1998 p. 128 consid. 1 et les
références citées). Il convient, partant, d'entrer en matière sur le recours.

2.
Le litige porte uniquement sur le point de savoir si la recourante avait des
motifs fondés de récusation à l'endroit du COMAI.

En l'espèce, S.________ ne remet pas directement en cause l'indépendance des
médecins qui seraient amenés à l'examiner au COMAI mais voit une raison de
récusation dans le fait que cet établissement est le centre d'observation
médical «de l'assurance-invalidité» laquelle assurance est sa partie adverse.
Selon elle, cette seule circonstance est une raison suffisante de redouter la
partialité de cet expert.

3.
3.1 Selon la jurisprudence relative aux art. 29 al. 1 Cst., 30 al. 1 Cst. et 6
par. 1 CEDH, les parties à une procédure ont le droit d'exiger la récusation
d'un expert dont la situation ou le comportement sont de nature à faire
naître un doute sur son impartialité. Cette garantie tend notamment à éviter
que des circonstances extérieures à la cause ne puissent influencer le
jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas de
récusation seulement lorsqu'une prévention effective est établie, car une
disposition interne de l'expert ne peut guère être prouvée; il suffit que des
circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une
activité partiale. Seules des circonstances constatées objectivement doivent
être prises en considération; les impressions individuelles d'une des parties
au procès ne sont pas décisives (ATF 127 I 198 consid. 2b, 126 I 73 consid.
3a, 169 consid. 2a, 125 II 544 consid. 4a, 120 V 364 consid. 3a).

3.2 La création des COMAI repose sur l'art. 72bis RAI. Selon cette
disposition, l'office fédéral conclut, avec les hôpitaux ou d'autres
institutions appropriées, des conventions prévoyant la création de centres
d'observation médicale, qui seront chargés de procéder aux examens médicaux
permettant d'apprécier le droit aux prestations (1ère phrase); il règle
l'organisation et les tâches de ces centres, ainsi que le remboursement des
frais (2ème phrase). Si les COMAI sont principalement rémunérés par
l'assurance-invalidité (sur la base de conventions tarifaires), il n'en
demeure pas moins qu'ils exécutent leur mandat d'expertise de manière
indépendante; ils ne reçoivent sur ce point aucune instruction de l'OFAS ou
des organes d'exécution de l'assurance-invalidité, ni ne sont soumis d'une
quelconque autre manière à ces autorités. En considération de ces éléments
notamment, le Tribunal fédéral des assurances a jugé, dans un arrêt publié
aux ATF 123 V 175, que l'indépendance et l'impartialité des médecins des
COMAI à l'égard de l'administration et de l'OFAS étaient garanties, et cela
même avant l'entrée en vigueur de leur nouveau statut du 1er juin 1994.

Il est vrai, comme le souligne la recourante, que dans le cas ayant donné
lieu à l'arrêt précité, le COMAI concerné avait été mandaté par un office AI
au stade de la procédure administrative et non pas par un tribunal cantonal
en tant qu'expert judiciaire. Lorsqu'un juge a recours à une expertise
médicale judiciaire, il ne s'écarte en principe pas sans motifs impérieux des
conclusions de cette expertise, la tâche de l'expert étant précisément de
mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de
l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné; peut constituer
une raison de s'en écarter le fait que celle-ci contient des contradictions,
ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de
manière convaincante (ATF 125 V 352 consid. 3b/aa et les références). En
matière d'appréciation des preuves, la jurisprudence attache donc une force
probante accrue aux expertises judiciaires. Du moment toutefois où les COMAI
présentent toutes les garanties d'impartialité et d'indépendance requises
pour se voir chargés d'une expertise médicale d'un assuré, il n'existe aucun
motif d'opérer une différenciation selon l'étape de la procédure dans
laquelle ceux-ci sont mandatés. Car de deux choses l'une : soit les COMAI
n'offrent pas de garanties suffisantes en la matière et ils ne sauraient être
désigné à titre d'expert aussi bien dans le cadre de la procédure
administrative que dans celle de recours, soit ils offrent ces garanties et
alors il n'y a pas lieu de voir une circonstance objective de prévention dans
le seul fait qu'un «COMAI» officie comme expert judiciaire dans un litige
opposant un assuré à un office AI. La question de la prévention d'un expert
forme en effet un tout et appelle une seule et même réponse.

On ajoutera encore que si un juge s'adresse à un COMAI en vue d'une expertise
judiciaire, ce dernier exécute le mandat en dehors du champ d'application de
l'art. 72bis RAI comme le ferait n'importe quel autre établissement médical
chargé d'une expertise par une autorité judiciaire. Le COMAI répond au juge
qui est seul compétent pour décider des modalités et de la mission
d'expertise. En outre, les frais sont mis à la charge du canton. La seule
exigence qu'il y a lieu de poser dans ce contexte est que le COMAI choisi ne
se soit pas déjà prononcé sur le cas. En l'espèce, cette condition est
remplie.

Au vu de ce qui précède, il n'y a pas lieu d'admettre une apparence de
prévention en ce qui concerne le COMAI en vertu des art. 29 al. 1 Cst., 30
al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH.

4.
C'est également en vain que la recourante se réfère au droit cantonal, en
particulier à l'art. 222 al. 1er du Code de procédure civile vaudois du 14
décembre 1966 (RS VD 270.11), qui stipule que «lorsqu'il existe des
circonstances de nature à compromettre leur impartialité, les experts peuvent
être récusés par demande écrite déposée dans les 10 jours dès que la partie
ou son mandataire a eu connaissance de la nomination ou de la cause de
récusation». On ne voit pas en effet que cette disposition prévoie des
conditions plus strictes de récusation que les règles constitutionnelles de
droit fédéral en ce domaine. La recourante ne le démontre d'ailleurs pas.

Le jugement attaqué n'est pas critiquable et le recours se révèle mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 1er juin 2006

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IVe Chambre:   La Greffière: