Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 740/2004
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Cause {T 7}
I 740/04

Arrêt du 1er juin 2006
IVe Chambre

MM. les Juges Ursprung, Président, Schön et Frésard. Greffière : Mme von
Zwehl

R.________, recourant, représenté par Madame Nicole Chollet, juriste, FSIH
Service juridique, place du Grand-Saint-Jean 1, 1003 Lausanne,

contre

Office cantonal AI du Valais, avenue de la Gare 15, 1951 Sion, intimé

Tribunal cantonal des assurances, Sion

(Jugement du 27 octobre 2004)

Faits:

A.
R. ________, né en 1955, travaillait comme restaurateur indépendant. En
raison d'épisodes dépressifs, il a connu dès le 15 juillet 1997 des
incapacités de travail à un taux variable. Le 25 août 1999, il a présenté une
demande de prestations de l'assurance-invalidité. L'Office cantonal AI du
Valais (ci-après : l'office AI) lui a alloué une demi-rente, fondée sur un
degré d'invalidité de 50 %, à partir du 1er août 1998 (décisions du 2
septembre 2002).

B.
B.aL'assuré a recouru devant le Tribunal cantonal valaisan des assurances
contre ces décisions, en faisant valoir un degré d'invalidité plus élevé.

Par jugement du 12 février 2004, le tribunal cantonal a partiellement admis
le recours en ce sens qu'il a annulé les décisions de l'office AI et renvoyé
le dossier audit office afin qu'il en complète l'instruction au sens des
considérants.

B.b Après avoir pris connaissance de ce jugement, l'office AI a requis du
docteur A.________, lequel s'était déjà prononcé sur le cas dans la procédure
administrative, un rapport médical complémentaire. R.________ ayant manifesté
son désaccord, l'office AI l'a informé, le 19 août 2004, qu'il confiait une
expertise au docteur S.________, psychiatre à Lausanne.

Le mandataire de l'assuré s'est opposé à la désignation du docteur S.________
comme expert, en invoquant essentiellement le fait que ce médecin ne
possédait pas les compétences professionnelles requises pour procéder à cette
expertise.

Par décision incidente du 16 septembre 2004, l'office AI a rejeté la demande
de récusation présentée, sans frais. L'intéressé a déféré cette décision au
Tribunal cantonal valaisan des assurances, qui l'a débouté par jugement du 27
octobre 2004.

C.
R.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement. Sous
suite de dépens, il conclut à son annulation et au renvoi du dossier à
l'administration pour désignation d'un nouvel expert.

L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur la récusation de l'expert S.________ mandaté par l'office
AI.

2.
2.1 Vu la date de la demande de récusation, la présente procédure est soumise
à la LPGA. Selon l'art. 43 de cette loi, l'assureur examine les demandes,
prend d'office les mesures d'instruction nécessaires et recueille les
renseignements dont il a besoin (al. 1). L'assuré doit se soumettre à des
examens médicaux ou techniques si ceux-ci sont nécessaires à l'appréciation
du cas et qu'ils peuvent être raisonnablement exigés (al. 2). Si l'assureur
doit recourir aux services d'un expert indépendant pour élucider les faits,
il donne connaissance du nom de celui-ci aux parties. Celles-ci peuvent
récuser l'expert pour des raisons pertinentes et présenter des
contre-propositions (art. 44 LPGA).

L'acte par lequel l'assureur social ordonne une expertise n'a pas le
caractère de décision au sens de l'art. 49 LPGA et intervient sous la forme
d'une communication (arrêt B. du 8 février 2006, I 745/03, destiné à la
publication au Recueil officiel, consid. 5). En revanche, lorsque l'assuré,
dans le cadre des droits conférés par l'art. 44 LPGA, fait valoir des motifs
de récusation au sens des art. 36 al. 1 LPGA et 10 PA (cf. infra consid. 2.2)
- dispositions relatives à la récusation des personnes appelées à préparer ou
prendre des décisions, applicables mutatis mutandis -, l'administration doit
rendre une décision directement soumise à recours (arrêt B., précité, consid.
6). Une telle décision portant sur la récusation d'un expert peut, ainsi que
l'a déjà jugé le Tribunal fédéral des assurances, être attaquée séparément
par la voie du recours de droit administratif dès lors qu'elle est
susceptible de causer un préjudice irréparable (VSI 1998 p. 128, consid. 1 et
les références). L'entrée en vigueur de la LPGA n'a apporté à cet égard aucun
changement (arrêt B., précité, consid. 6.3).
2.2 En matière de récusation, il convient toutefois, comme l'a rappelé et
précisé la Cour de céans au consid. 6.5 de l'arrêt B. précité (voir aussi
l'arrêt D. du 14 mars 2006, I 14/04), de distinguer entre les motifs formels
et les motifs matériels. Les motifs de récusation qui sont énoncés dans la
loi (cf. art. 10 PA et 36 al. 1 LPGA) sont de nature formelle parce qu'ils
sont propres à éveiller la méfiance à l'égard de l'impartialité de l'expert.
Les motifs de nature matérielle, qui peuvent également être dirigés contre la
personne de l'expert, ne mettent en revanche pas en cause son impartialité.
De tels motifs doivent en principe être examinés avec la décision sur le fond
dans le cadre de l'appréciation des preuves. Il en va ainsi, par exemple,
d'une prétendue incompétence de l'expert à raison de la matière laquelle ne
saurait constituer comme telle un motif de défiance quant à l'impartialité de
ce dernier. Bien au contraire, ce grief devra être examiné dans le cadre de
l'appréciation des preuves (cf. à ce sujet arrêt D. du 30 novembre 1999,
1P.553/1999).

3.
Le recourant conteste avant tout la compétence professionnelle du docteur
S.________ d'agir comme expert, dans la mesure où il met en doute la
qualification professionnelle du médecin en se référant à «la dénonciation
d'incompétence du docteur S.________ par 33 de ses confrères», telle que
relatée dans la presse romande en juillet 2002 et 2003.

Il s'agit en l'espèce d'un motif matériel de récusation qui vise la
crédibilité et le caractère probant de l'expertise que le docteur S.________
sera appelé à rendre et non d'un motif formel lié à l'impartialité de
l'expert (voir, pour une affaire similaire, l'arrêt F. du 23 mars 2006, I
247/04). Il n'appartient dès lors pas à l'administration de rendre une
décision sur ce point, sa «décision incidente» (du 16 septembre 2004) devant
être considérée comme une simple communication. Partant, c'est à tort que la
juridiction cantonale est entrée en matière sur le «recours» déposé le 12
octobre 2004 par l'assuré. Le grief invoqué devra en effet être examiné par
l'administration, puis l'autorité cantonale de recours et, le cas échéant, la
Cour de céans, au moment de se prononcer sur la décision sur le fond dans le
cadre de l'appréciation des preuves (supra consid. 2.2).

4.
Dès lors que le recourant conclut en substance à la récusation de l'expert,
il n'obtient pas gain de cause et n'a donc pas droit à des dépens (art. 159
al. 1 OJ a contrario en corrélation avec l'art. 135 OJ). Etant donné le
rapport étroit entre la désignation d'un expert et l'examen du droit à la
prestation d'assurance, il n'y pas lieu de percevoir des frais de justice.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Dans la mesure où il est recevable, le recours est admis. Le jugement du
Tribunal cantonal valaisan des assurances du 27 octobre 2004 est réformé en
ce sens que le recours du 12 octobre 2004 est irrecevable.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice. L'avance de frais, d'un montant de
500 fr., que le recourant a effectuée lui est remboursée.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal valaisan
des assurances et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 1er juin 2006

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IVe Chambre: La Greffière: