Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Sozialrechtliche Abteilungen I 685/2004
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I 685/04

Arrêt du 5 décembre 2005
IVe Chambre

MM. et Mme les Juges Ferrari, Président, Widmer et Ursprung. Greffier : M.
Métral

Office cantonal AI Genève, 97, rue de Lyon, 1203 Genève, recourant,

contre

L.________, intimée

Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève

(Jugement du 13 septembre 2004)

Faits:

A.
L. ________, née en 1947, a travaillé jusqu'en septembre 1999 comme
téléphoniste-réceptionniste et employée de bureau. Le 16 mars 2000, elle a
déposé une demande de rente de l'assurance-invalidité. Son médecin traitant,
le docteur R.________, attestait une incapacité de travail totale dans la
profession exercée précédemment et faisait état d'obésité, état dépressif
chronique, diabète, dorso-lombalgies chroniques, péri-arthrite de l'épaule
droite, syndromes sciatiques fréquents, céphalées et hypertension artérielle
(rapport du 20 mai 2000). Il précisait que L.________ n'était pas une grande
invalide, mais que l'addition de tous ses problèmes rendait difficile une
activité professionnelle. Théoriquement, une activité à mi-temps, légère et
variée était possible, mais l'assurée n'était pas du tout motivée, en partie
en raison de longues périodes de chômage, de son âge et de son état dépressif
chronique.

L'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'office
AI) a confié aux docteurs H.________ et O.________, médecins au département
de médecine communautaire de l'Hôpital X.________, le soin de réaliser une
expertise pluridisciplinaire. Se fondant notamment sur les résultats d'un
examen psychiatrique réalisé par le docteur S.________, médecin au
département de psychiatrie de l'Hôpital X.________, les experts ont attesté
une capacité résiduelle de travail limitée à 50 %, dans une activité
sédentaire permettant des changements de position (rapport du 24 septembre
2001).

L'office AI a soumis le dossier au docteur A.________, du Service médical
régional de Z.________, qui a considéré que les atteintes à la santé
psychique décrites par les docteurs S.________, H.________ et O.________ ne
revêtaient pas une gravité suffisante pour entraîner l'incapacité de travail
attestée par les experts (rapport du 26 novembre 2001). Par décision du 24
janvier 2002, l'office AI a rejeté la demande de prestations de l'assurée.

B.
B.aL.________ a déféré la cause au Tribunal des assurances sociales du canton
de Genève. Par jugement du 30 septembre 2003, celui-ci a admis le recours,
annulé la décision du 24 janvier 2002 et renvoyé la cause à l'office AI «afin
qu'il rende une nouvelle décision qui tienne compte des conclusions de
l'expertise médicale du 24 septembre 2001».

A la suite d'un recours de droit administratif de l'office AI, le Tribunal
fédéral des assurances a annulé ce jugement en raison d'une composition
incorrecte de la cour cantonale et a retourné la cause au Tribunal des
assurances sociales du canton de Genève pour qu'il statue à nouveau.

B.b Le 13 septembre 2004, la juridiction cantonale a derechef annulé la
décision du 24 janvier 2002 et retourné la cause à l'office AI avec la même
injonction que celle figurant dans le jugement précédemment annulé.

C.
L'office AI interjette un recours de droit administratif contre le jugement
du 13 septembre 2004, dont il demande l'annulation. L'intimée n'a pas répondu
au recours et l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se
déterminer.

Par acte du 5 octobre 2005, les doctoresses E.________ et Y.________,
médecins au département des neurosciences cliniques et dermatologie
D.de l'Hôpital X.________, ont informé le Tribunal fédéral des assurances du
fait que l'assurée «présente actuellement une incapacité de travail
définitive à 100 %, et ceci pour des raisons médicales».

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le point de savoir si les atteintes à la santé de
l'intimée entraînent une incapacité de travail pouvant ouvrir droit, le cas
échéant, à des prestations de l'assurance-invalidité. Les premiers juges ont
considéré que l'expertise réalisée par les docteurs H.________ et O.________
était probante et permettait de tenir pour établie une telle incapacité de
travail. Le recourant soutient, pour sa part, que les atteintes à la santé
décrites dans l'expertise ne revêtent pas une gravité suffisante pour
entraîner incapacité de travail significative.

2.
Le jugement entrepris expose les règles légales (dans leur teneur en vigueur
jusqu'au 31 décembre 2002), relatives à la notion d'invalidité à la manière
d'évaluer le taux d'invalidité et aux conditions du droit à des mesures de
réadaptation. De même expose-t-il la jurisprudence relative à l'appréciation
de la valeur probante des rapports médicaux. Sur ces points, il convient d'y
renvoyer, en précisant que les amendements de la LAI ensuite de l'entrée en
vigueur de la LPGA, le 1er janvier 2003, et de la Modification du 21 mars
2003 de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité (4ème révision de l'AI),
le 1er janvier 2004, ne sont pas applicables en l'espèce. En effet, le juge
des assurances sociales n'a pas à prendre en considération des modifications
de l'état de fait survenues après que la décision administrative litigieuse a
été rendue, les normes applicables en cas de changement de règles de droit
étant par ailleurs celles en vigueur au moment où les faits déterminants se
sont produits, sous réserve d'une norme contraire de droit transitoire (cf.
ATF 130 V 425 consid. 1, 127 V 467 consid. 1).

3.
Il n'y a pas lieu de prendre en considération l'attestation du 5 octobre 2005
des doctoresses E.________ et Y.________. Ce document a été produit largement
après l'échéance du délai de recours, en dehors de toute mesure d'instruction
complémentaire ou échange d'écritures ordonnés par le Tribunal fédéral des
assurances, et ne constitue pas un fait nouveau ou une preuve concluante au
sens de l'art. 137 let. b OJ (cf. ATF 127 V 357 consid. 4). Cela vaut
d'autant plus que l'attestation porte sur la capacité de travail de l'intimée
en 2005, soit sur un état de fait postérieur à celui entrant en considération
dans la présente procédure (cf. consid. 2).

4.
Les docteurs H.________ et O.________ ont précisé que sur le plan somatique,
les atteintes à la santé de l'assurée n'entraînaient aucune incapacité de
travail dans une activité sédentaire. L'assurée ressentait des douleurs du
rachis après quelques heures en position assise, mais aucune atteinte
invalidante n'avait pu être objectivée. De l'avis des experts, L.________
jouit ainsi «d'une santé physique satisfaisante qui a actuellement peu
d'impact objectif sur sa capacité de travail.» En se fondant sur ces
constatations, l'office AI a donc nié à juste titre le droit à des
prestations de l'assurance-invalidité en raison d'atteintes à la santé
physique.

5.
5.1 En ce qui concerne la santé psychique de l'assurée, les experts ont fait
état d'une dépression chronique (F 38.8, selon la Classification statistique
internationale des maladies et des problèmes de santé connexes établie par
l'Organisation mondiale de la santé, 10ème révision [CIM-10]) et d'un trouble
de l'anxiété généralisée (F 41.1). Selon eux, ces atteintes entraînaient un
état d'épuisement psychique, une résistance diminuée au stress, et avaient un
effet défavorable sur la perception des douleurs. Les docteurs H.________ et
O.________ se montraient favorables à une reprise du travail à raison de 1 x
2 heures, puis 2 x 2 heures par jour, en précisant toutefois que la longue
durée d'inactivité, les troubles psychiques et la faible motivation de
l'assurée risquaient de compromettre toute tentative de reprise d'activité
professionnelle. Ils concluaient leur rapport en soulignant que l'assurée
formulait des plaintes peu compatibles avec la notion d'invalidité, mais
qu'elle s'était mise dans la peau d'une invalide depuis de nombreuses années,
ce qui constituait le principal obstacle à une reprise du travail.

5.2 Ces constatations ne convainquent pas de l'incapacité de travail attestée
par les experts. En effet, en matière d'assurance-invalidité, la longue
période d'inactivité, l'âge ou l'absence de motivation ne constituent pas des
atteintes à la santé à prendre en considération pour évaluer l'incapacité de
travail ou de gain d'un assuré. Le fait que la personne concernée se
considère comme invalide ne constitue pas davantage un critère. Il convient
bien plutôt de se demander si, en raison d'atteintes à la santé, l'assuré ne
dispose plus des ressources physiques et psychiques nécessaires à la reprise
d'une activité professionnelle. Or, sur le plan psychique, les docteurs
H.________ et O.________, s'appuyant sur le rapport établi par le docteur
S.________, ne décrivent que des troubles anxieux et dépressif d'intensité
légère à modérée; ils précisent par ailleurs que le traitement médicamenteux
contre l'anxiété produit de bons effets. Le docteur S.________ a constaté à
l'entretien une thymie légèrement dépressive, une attitude résignée, mais
sans perte de l'élan vital durable ni idées suicidaires. Il a fait état de
scores de 16/54 et 14/57 sur les échelles de dépression et d'anxiété de
Hamilton, ce qui reste très modéré. Dans ces conditions, l'office AI pouvait
à bon droit s'écarter des conclusions des experts, fondées essentiellement
sur des facteurs étrangers à l'invalidité, et considérer que l'assurée ne
subissait pas d'incapacité de travail significative en raison d'atteintes à
sa santé. Partant, le rejet de la demande de prestation déposée par l'assurée
n'est pas critiquable.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal cantonal des assurances
sociales du 13 septembre 2004 est annulé.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice ni alloué de dépens.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 5 décembre 2005

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IVe Chambre: Le Greffier: