Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 668/2004
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I 668/04
I 694/04

Arrêt du 2 août 2005
IIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Schön et Frésard. Greffier : M. Beauverd

I 668/04
Office cantonal AI Genève, 97, rue de Lyon, 1203 Genève, recourant,

contre

B.________, intimée,

et

I 694/04
B.________, recourante,

contre

Office cantonal AI Genève, 97, rue de Lyon, 1203 Genève, intimé

Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève

(Jugement du 28 septembre 2004)

Faits:

A.
B. ________, née en 1952, de nationalité italienne, a épousé un ressortissant
suisse le 30 août 1989. Elle a acquis la nationalité suisse à cette date.

Les époux se sont séparés d'un commun accord au mois de novembre 1990. Le 30
novembre de cette année-là, B.________ a quitté la Suisse pour s'établir en
Italie. Les époux ont divorcé le 6 octobre 1992. Selon une attestation
d'établissement de l'Office cantonal de la population du canton de Genève,
B.________ est revenue s'établir en Suisse le 5 juillet 1994.

Au mois d'avril 1999, la prénommée a présenté une demande tendant à l'octroi
d'une rente de l'assurance-invalidité. Par décision du 27 août 2001, l'Office
cantonal de l'assurance-invalidité du canton de Genève a nié le droit de
l'intéressée à une rente ordinaire ainsi qu'à une rente extraordinaire
d'invalidité. Bien qu'ayant constaté l'existence d'une invalidité de 100 % à
partir du 1er novembre 1993, il a considéré qu'à cette date, B.________ ne
pouvait se prévaloir ni d'une durée de cotisation d'une année au moins ni de
la qualité d'assurée, du moment qu'elle était domiciliée en Italie.
Toutefois, en sa qualité de ressortissante suisse, l'intéressée avait droit
éventuellement à une prestation complémentaire en lieu et place d'une rente
extraordinaire soumise à limites de revenu, de sorte que son dossier a été
transmis à l'Office cantonal des personnes âgées du canton de Genève pour
qu'il statue sur son droit éventuel à une telle prestation.

B.
B.aPar jugement du 23 septembre 2003, le Tribunal cantonal des assurances
sociales du canton de Genève a admis partiellement le recours formé par
B.________ contre cette décision.

Saisi d'un recours de droit administratif, le Tribunal fédéral des assurances
a annulé ce jugement et renvoyé la cause à la juridiction cantonale pour
qu'elle statue à nouveau. Il a considéré que le prononcé entrepris avait été
rendu dans une composition irrégulière, dès lors que deux juges assesseurs,
dont l'élection devait être ensuite invalidée, avaient participé à la
procédure et à la décision (arrêt du 1er avril 2004, I 692/03).

B.b Reprenant l'instruction de la cause, la juridiction cantonale a rendu un
nouveau jugement, le 28 septembre 2004, par lequel elle a admis partiellement
le recours dont elle était saisie, en ce sens que B.________ a droit à une
rente ordinaire d'invalidité à compter du 1er avril 1998. Elle a considéré
que l'intéressée pouvait se prévaloir d'une année entière au moins de
cotisations lors de la survenance de l'invalidité, du moment que son ex-mari
s'était acquitté de cotisations durant deux années au cours du mariage (1990
et 1991).

C.
L'office AI interjette recours de droit administratif contre ce jugement,
dont il demande l'annulation, en concluant à la confirmation de sa décision
du 27 août 2001.

B. ________ interjette également un recours de droit administratif contre le
jugement cantonal, en concluant, sous suite de dépens, à son annulation et à
l'octroi d'une rente ordinaire d'invalidité depuis le 1er novembre 1993.

L'office AI conclut au rejet du recours de la prénommée, tandis que celle-ci
s'en remet à justice quant au recours de l'office AI.

De son côté, l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) propose
l'admission du recours de l'office AI et fait valoir que celui de B.________
est sans objet.

Considérant en droit:

1.
Les recours de droit administratif concernent des faits de même nature,
portent sur des questions juridiques communes et sont dirigés contre le même
jugement, de sorte qu'il se justifie de les réunir et de les liquider dans un
seul arrêt (ATF 128 V 126 consid. 1 et les références; cf. aussi ATF 128 V
194 consid. 1).

2.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de
l'assurance-invalidité. Cependant, le cas d'espèce reste régi par les
dispositions de la LAI en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard au
principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment
où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V 467
consid. 1). En outre, le Tribunal fédéral des assurances apprécie la légalité
des décisions attaquées, en règle générale, d'après l'état de fait existant
au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366 consid. 1b).

Pour les mêmes motifs, les dispositions de la novelle du 21 mars 2003
modifiant la LAI (4ème révision), entrée en vigueur le 1er janvier 2004 (RO
2003 3852) ne sont pas non plus applicables.

3.
Le litige porte sur le droit éventuel de B.________ à une rente d'invalidité
et, le cas échéant, à partir de quelle date.

Dans sa décision du 27 août 2001, l'office AI a constaté que l'atteinte à la
santé dont souffre l'intéressée entraînait une invalidité d'un taux de 100 %
depuis le 1er novembre 1993. Il n'y a pas lieu de revenir sur ce point,
lequel, au demeurant, ne fait l'objet d'aucune controverse entre les parties.

Il convient donc d'examiner si l'intéressée peut prétendre une rente
ordinaire (art. 36 al. 1 LAI) ou une rente extraordinaire (art. 39 LAI en
liaison avec l'art. 42 LAVS).

4.
4.1 Selon l'art. 36 al. 1 LAI, ont droit aux rentes ordinaires les assurés
qui, lors de la survenance de l'invalidité, comptent une année entière au
moins de cotisations.

En l'espèce, il est constant que B.________ ne s'est pas acquitté
personnellement de cotisations durant une année entière au moins au moment de
la survenance de l'invalidité.

4.2 Contrairement à la situation juridique qui prévalait avant l'entrée en
vigueur, le 1er janvier 1997, de la 10ème révision de l'AVS (art. 29 al. 1
LAVS ou art. 36 al. 1 LAI, tous les deux en liaison avec les art. 3 al. 2
let. b et 29bis al. 2 LAVS, dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre
1996; ATF 111 V 106 consid. 1b, 110 V 280 consid. 1a et les références), il
n'est plus nécessaire, selon le nouveau droit, que l'intéressé ait payé
personnellement des cotisations pour que soit accomplie la durée de
cotisation minimale d'une année ouvrant droit aux rentes ordinaires de
l'assurance-vieillesse et survivants ou de l'assurance-invalidité.
Indépendamment de la possibilité de prendre en compte les bonifications pour
tâches éducatives ou d'assistance au sens des art. 29sexies et 29septies LAVS
(en vigueur depuis le 1er janvier 1997), une personne qui n'a jamais exercé
une activité lucrative peut aussi satisfaire à la condition de la durée
minimale de cotisation selon l'art. 36 al. 1 LAI si elle a été assurée
(obligatoirement ou facultativement) au total pendant plus de onze mois et
que, pendant ce temps, elle a été mariée avec un assuré qui a versé au moins
le double de la cotisation minimale (art. 32 al. 1 RAI en liaison avec l'art.
50 RAVS et les art. 3 al. 3 let. a et 29ter al. 2 let. b LAVS; cf. ATF 125 V
255 consid. 1b). Cependant, aux termes de la première phrase du ch. 1 let. c
al. 1 des dispositions finales de la modification du 7 octobre 1994 (10ème
révision de l'AVS), les nouvelles dispositions s'appliquent à toutes les
rentes dont le droit prend naissance après le 31 décembre 1996. Aussi, la
jurisprudence considère-t-elle qu'en ce qui concerne les cas d'assurance
survenus avant le 1er janvier 1997, il n'est pas possible de renoncer,
rétroactivement, à l'exigence du paiement personnel de cotisations. C'est
pourquoi un assuré qui, sous l'ancien droit, ne pouvait prétendre une rente
ordinaire parce qu'il ne pouvait se prévaloir d'une durée de cotisation d'une
année entière au moins au moment de la survenance de l'invalidité, n'a pas
droit non plus à une telle prestation après l'entrée en vigueur de la 10ème
révision de l'AVS, indépendamment des cotisations payées par son conjoint
(ATF 126 V 273).

En l'espèce, le cas d'assurance est survenu le 1er novembre 1993, soit avant
l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1997, des dispositions modifiées par la
10ème révision de l'AVS. C'est pourquoi la réglementation en vigueur jusqu'au
31 décembre 1996 est applicable en l'occurrence, même si la demande de
prestations n'a été présentée que le 26 avril 1999, soit plus de douze mois
après la naissance du droit (cf. art. 48 al. 2 LAI).

Cela étant, dans la mesure où elle ne s'est pas acquitté personnellement de
cotisations durant une année entière au moins au moment de la survenance de
l'invalidité, B.________ n'a pas droit à une rente ordinaire d'invalidité.

5.
Sous la législation en vigueur jusqu'au 31 décembre 1996, les femmes mariées,
de nationalité suisse et domiciliées en Suisse, qui ne pouvaient prétendre
une rente ordinaire d'invalidité, avaient droit à une rente extraordinaire
non soumise à limites de revenu lorsque leur mari comptait le même nombre
d'années de cotisations que sa classe d'âge (art. 39 al. 1 aLAI en liaison
avec l'art. 42 al. 1 et 2 let. c aLAVS).

En l'espèce, B.________ était divorcée au moment de la survenance de
l'invalidité, de sorte qu'elle n'a pas droit à une rente extraordinaire
d'invalidité (non soumise à limites de revenu).

6.
6.1 Sous l'empire de l'ancien droit, les ressortissants suisses domiciliés en
Suisse, qui ne pouvaient prétendre une rente ordinaire d'invalidité ou dont
la rente ordinaire était inférieure à la rente extraordinaire, avaient droit
à cette dernière, dans la mesure où les deux tiers de leur revenu annuel,
auquel était ajoutée une part équitable de leur fortune, n'atteignaient pas
certaines limites (art. 39 al. 1 aLAI en corrélation avec l'art. 42 al. 1
aLAVS).

Avec l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1997, des modifications légales
introduites par la 10ème révision de l'AVS, les rentes extraordinaires
soumises à limites de revenu ont été supprimées et transférées au régime des
prestations complémentaires (art. 2 ss LPC).
Théoriquement, B.________, qui a acquis la nationalité suisse en 1989,
pourrait, si les conditions d'ordre économique étaient réalisées, prétendre
une rente extraordinaire d'invalidité (soumise à limites de revenu) depuis
qu'elle a son domicile en Suisse. Toutefois, dans la mesure où elle a été
présentée le 26 avril 1999, soit plus de douze mois après la naissance, le
1er novembre 1993, du droit à la rente, la demande de prestations est tardive
au sens de l'art. 48 al. 2 LAI.

6.2 Il convient donc d'examiner si l'intéressée peut toutefois prétendre la
prestation en cause pour une période antérieure aux douze mois précédant le
dépôt de la demande (art. 48 al. 2 LAI), dans la limite du délai de
péremption (cf. ATF 121 V 202) de cinq ans prévu à l'art. 48 al. 1 LAI.

6.2.1 Aux termes de l'art. 48 al. 2 LAI, si l'assuré présente sa demande plus
de douze mois après la naissance du droit, les prestations ne sont allouées
que pour les douze mois précédant le dépôt de la demande. Elles sont allouées
pour une période antérieure si l'assuré ne pouvait pas connaître les faits
ouvrant droit à prestations et qu'il présente sa demande dans les douze mois
dès le moment où il en a eu connaissance.

Par « faits ouvrant droit à prestations », il faut entendre, à la lumière des
art. 4 et 5 LAI, l'atteinte à la santé physique et mentale qui entraîne une
incapacité de gain présumée permanente ou de longue durée ou qui gêne
l'assuré dans l'accomplissement de ses travaux habituels s'il n'exerce pas
d'activité lucrative. L'expression « connaître les faits ouvrant droit à
prestations » ne signifie pas la faculté subjective de l'assuré de se faire
une idée de son état. Selon le texte de l'art. 48 al. 2, seconde phrase, LAI,
il s'agit au contraire de savoir si les faits ouvrant droit à prestations
peuvent objectivement être constatés ou non (ATF 100 V 120 consid. 2c; RCC
1984 p. 420 s. consid. 1, 1975 p. 137 consid. 2c).

Les conditions ouvrant droit au versement de la rente pour une période
antérieure aux douze mois précédant le dépôt de la demande sont également
réalisées lorsque l'atteinte à la santé empêche l'assuré de connaître les
faits ouvrant droit à prestations alors que les conditions d'un tel droit
sont déjà réalisées (ATF 108 V 228 s. consid. 4).

6.2.2 Dans le jugement attaqué, la juridiction cantonale n'a pas examiné le
point de savoir si B.________ ne pouvait pas connaître les faits ouvrant
droit à prestations, se contentant de constater la tardiveté de la demande.
Tandis que l'office AI ne s'exprime pas non plus sur ce point, la prénommée
fait valoir qu'elle était dans l'incapacité totale de connaître les faits
ouvrant droit à prestations entre le mois de novembre 1993 et le 23 avril
1999, date à laquelle elle a rempli et signé la demande de prestations.

6.2.3 En l'occurrence, B.________ s'est vu reconnaître une invalidité de 100
% à partir du 1er novembre 1993 en raison, essentiellement, de troubles de
nature psychique, qualifiés par les psychiatres de dépression majeure
récurrente sévère, de dysthimie type primaire et de personnalité borderline
(rapports des docteurs H.________, du 31 août 1995 et S.________ du 9 juillet
1999). Dans la mesure, toutefois, où ces médecins ont nié l'existence de
toute composante psychotique, on ne saurait admettre que ces troubles
empêchaient l'intéressée de se rendre compte de la gravité des affections
dont elle est atteinte, ainsi que des conséquences de son état sur sa
capacité d'exercer une activité lucrative. Aussi, doit-on considérer que
B.________ disposait d'une capacité de jugement adéquat quant à son état de
santé et à ses conséquences sur sa capacité de gain et qu'elle connaissait
ainsi les faits ouvrant droit à prestations. Cela étant, du moment qu'elle a
présenté sa demande le 26 avril 1999, soit postérieurement à l'expiration du
délai de douze mois dès la connaissance de ces faits, l'intéressée ne peut
prétendre une prestation pour la période antérieure au 1er avril 1998.

Dans ces conditions, seule une prestation complémentaire au sens de l'art. 2c
let. b LPC peut entrer en ligne de compte, de sorte que l'office AI était
fondé, par sa décision du 27 août 2001, à transmettre le dossier de
B.________ à l'Office cantonal des personnes âgées du canton de Genève pour
qu'il statue sur son droit éventuel à une telle prestation.

Le recours de l'office AI se révèle ainsi bien fondé, ce qui n'est pas le cas
des conclusions de l'assurée.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Les causes I 668/04 et I 694/04 sont jointes.

2.
Le recours de l'Office cantonal de l'assurance-invalidité du canton de Genève
est admis et le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales du
canton de Genève du 28 septembre 2004 est annulé.

3.
Le recours de B.________ est rejeté.

4.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales du canton de Genève et à l'Office fédéral des assurances
sociales.

Lucerne, le 2 août 2005

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre: Le Greffier: